� La Com�die-Fran�aise est r�serv�e
ą une �lite.
Le public est trop port� ą s imaginer que,
dans ce sanctuaire, on ne doit rien admettre
que de sublime ou de sacr�.
J.-J. Weiss, Autour de la Com�die-Fran�aise
La notion de public est dangereuse car fourre-
tout. Elle autorise toutes les extrapolations et toutes
les manipulations. Le public abstrait n existe pas : le
vrai public, celui qui remplit les salles est compos�
de personnes aux sensibilit�s diverses, voire oppo-
s�es. Le th��tre ne s adresse qu ą des individus, des
spectateurs dou�s de sens critique. La Com�die-
Fran�aise, si elle reste le lieu privil�gi� et reconnu par
tous pour � s initier au th��tre , attire un public trŁs
diversifi�.
Il n y a pas un public ą la Com�die-Fran�aise mais
des publics bien diff�rents dont les attentes sur les
spectacles sont, elles aussi, vari�es : c est ce qui cr�e
la difficult� de r�aliser une programmation consen-
suelle dans cette Maison. Il est �tabli que ce th��tre
est le sanctuaire de la culture fran�aise, au moins
pour les publics �trangers (qu ils soient touristes ou
qu ils re�oivent la Com�die-Fran�aise en tourn�e)
puisque, pour certaines instances de l�gitimation, ce
th��tre est plut�t consid�r� comme une aberration
artistique. Son image r�pond ou devrait r�pondre ą
certains traits sp�cifiques : conserver les grands textes
et entretenir le patrimoine, assurer la qualit� d un
spectacle, ętre une r�f�rence en matiŁre de jeu d ac-
teur. Or, les critiques qui se font jour actuellement
sont les suivantes : des mises en scŁne d�cal�es, voire
os�es et une diction insuffisante des com�diens
qu on entend guŁre au-delą du dixiŁme rang d or-
chestre.
La Com�die-Fran�aise est confront�e ą des
demandes vari�es et sp�cifiques de ses spectateurs qui
entretiennent avec elle une relation forte, affective.
Elle brasse de nombreux publics : elle est un v�ritable
outil de d�mocratisation culturelle : public, prix de
places r�duits, programmation ouverte et large.
L �tude intitul�e Les Publics de la Com�die-Fran-
�aise, r�alis�e par le ministŁre de la Culture en 1997,
brosse le portrait du public de la Com�die-
Fran�aise : il est fidŁle, amateur de th��tre (60 % des
spectateurs vont au th��tre plus de cinq fois par an),
surtout parisien, plut�t �g�, en majorit� f�minin,
dipl�m� et diversifi� dans ses go�ts. Compos� en
proportion significative de jeunes (16 % ont moins
de 26 ans) et de moins jeunes (60 % ont plus de 45
ans), il est en majorit� issu d une cat�gorie sociopro-
fessionnelle plut�t ais�e. Le public de la Com�die-
Fran�aise a �volu� surtout depuis la suppression
en 1983 des soir�es habill�es dont le public �tait
extręmement conservateur.
Soucieuse de rendre le th��tre accessible au plus
grand nombre, la Com�die-Fran�aise s est engag�e dans
une politique d ouverture, s attachant ą faciliter la loca-
tion hors abonnement. Une collaboration continue
s est �tablie avec les relais scolaires, dont des �tablis-
sements de zones d �ducation prioritaire.
En ce qui concerne les attentes en matiŁre de
r�pertoire, les textes classiques sont la pierre angu-
laire qui f�dŁre la trŁs grande majorit� des specta-
teurs, parmi eux plus d un tiers d�sire des piŁces
contemporaines et �trangŁres, et un quart des
S
uvres de divertissement. Pour ce qui est des modes
de fr�quentation, 35 % des spectateurs sont abon-
n�s, 15 % viennent r�guliŁrement sans ętre abonn�s,
40 % occasionnellement et 11 % pour la premiŁre
fois ; 12 % viennent seuls ; 40 % viennent ą plus de
deux.
La Com�die-Fran�aise reste, malgr� les coups de
butoir et les critiques souvent virulentes qu elle subit
depuis des dizaines d ann�es (de la part de personnes
qui la fr�quentent rarement et se contentent de col-
porter des poncifs sur son identit�), le th��tre oł les
inconditionnels de l art dramatique se retrouvent et
se rencontrent.
La r�partition du public est complexe : il y a les
habitu�s de l orchestre ou de la corbeille, les occa-
sionnels du balcon, les aficionados ou les amoureux
du poulailler. Les habitu�s ne sont pas faciles ą satis-
faire, ont des exigences contradictoires en raison
de leur composition vari�e. Les occasionnels sont
difficiles ą fid�liser, mais faciles ą contenter tant ils
sont emplis de l image glorieuse de ce th��tre.
Nombreux sont ceux qui attendent une ouverture
sur des r�pertoires m�connus, modernes ou �tran-
gers. Paradoxalement, lors de la programmation de
spectacles plus difficiles, les taux de fr�quentation ne
sont pas trŁs bons : il semble qu il existe un foss�
entre les attentes d�clar�es des spectateurs et leur
venue r�elle (voir Saint-Genest, Tristan L Hermite,
La Mort de S�nŁque, Le Prince de Hombourg, Amour
pour amour de CongrŁve). Certains pourraient affir-
mer que ce ne sont pas les piŁces qui sont en cause
mais les mises en scŁne, souvent ennuyeuses.
Le d�fi est de concilier tradition et modernit�,
audace et prestige. La programmation id�ale rassem-
blerait : un MoliŁre et un Corneille bien identifi�s
par le public (Le Malade Imaginaire ou Le Bourgeois
gentilhomme, Le Cid ou Horace) un Racine (soi-
disant � pas trop difficile Andromaque ou B�r�nice),
un moderne fran�ais (Hugo, Musset), un Labiche ou
un Feydeau, un auteur russe ou nordique (Tchekhov
ou Strindberg) et un Shakespeare.
L ouverture du Vieux-Colombier et du Studio-
Th��tre a facilit� cet �clectisme de la pro-
grammation : ces salles permettent de pr�senter des
textes plus exigeants, m�connus. Pour �chapper ą
l usure du temps, les nouvelles pr�sentations de
piŁces du r�pertoire sont r�alis�es par des metteurs
en scŁne au parcours vari�, plus ou moins presti-
gieux. Elles font de la Com�die-Fran�aise un th��tre
du pr�sent.
Le public r�gulier et abonn�
33 % du public est abonn� ou r�gulier ; les trois
quarts sont des abonn�s fidŁles depuis de longues
ann�es. �g�s de 52 ans en moyenne, ils aiment ętre
plac�s ą l orchestre. Ils appartiennent ą des cat�gories
socio-professionnelles favoris�es. Ce public aime
surtout les com�dies, les piŁces de divertissement, les
piŁces du r�pertoire classique. C est un public fidŁle et
exigeant qui n a besoin ni de la critique, ni du bouche
ą oreille pour choisir les piŁces de son abonnement. La
Com�die-Fran�aise est prescriptrice pour lui : il se fie ą
sa programmation. Il vient ą la Com�die-Fran�aise
pour entendre de beaux textes, dans un spectacle de
qualit� et dans un lieu quasi-mythique. Pour lui, le
Fran�ais est le th��tre de r�f�rence qui se doit de pro-
poser une large palette de spectacle. Gr�ce ą l abon-
nement, des auteurs peuvent ętre d�couverts ou red�-
couverts.
Le public r�gulier non abonn�
16 % du public fr�quente la Com�die-Fran�aise
sans y ętre abonn�. Ces spectateurs sont en moyenne
plus jeunes que la cat�gorie pr�c�dente : 45 ans
contre 52 ans. Ils sont issus des milieux intellectuels et
artistiques, des milieux favoris�s. Ils choisissent d aller
voir un spectacle selon leur envie, selon la program-
mation et selon les critiques. Leurs go�ts sont plus
diversifi�s : ils sont curieux du th��tre �tranger et
contemporain et appr�cient les repr�sentations des
piŁces m�connues du r�pertoire classique et les mises
en scŁne inventives. Ils fr�quentent la Com�die-
Fran�aise pour son r�pertoire, mais vont aussi dans
bien d autres salles pour d�couvrir des textes contem-
porains : le Fran�ais serait plut�t pour eux un point
de repŁre, męme si parfois ils reprochent ą cette
Maison d ętre trop conservatrice ou guind�e. Ils rejet-
tent le th��tre de Boulevard et restent des amoureux
de la culture classique.
Ces deux premiŁres cat�gories constituent le
fonds de commerce du Fran�ais repr�sentant
presque 50 % de son public. Les 50 % restants sont
trŁs divers et aucun point commun ne peut les carac-
t�riser.
La Com�die-Fran�aise r�ussit un brassage culturel
unique en son genre. Les trois salles multiplient les
possibilit�s d ouverture vers de nouveaux publics et
de nouveaux d�fis artistiques. Une m�moire vive
doit ętre faite d auteurs inconnus, m�connus ou
revisit�s, d une troupe soud�e et forte, d un attache-
ment ą la notion d excellence que le pass� de l insti-
tution a l�gitim�e.