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176 SAINTE-ANNE DAURAY

Elle permet de voir que, trente ans aprfcs les dć-crets de Napolćon et 1’ordonnance du sous-prćfet de Lorient, les dćsordres n’avaient rien perdu. de leur gravitć.

« La mcndicitć sY-talnit dans le village d'une faęon ćcocurante et cynique. A l'avant-veille des grandes solennitćs de la Pentecóte et de la fóte de sainte Annę, un cordon de gueux se formait dans le parvis mćme, tout autour de la chapelie. A peine laissait-on librę 1‘accós des trois portes. lis exhibaient les plaies les plus honteuses et les monstruositćs les plus degotitantes ' autour de 1'ćglise, de la fontaine, sur le bord de toutes les routes aboutissant A Saintc-Anne... Au retour de nos promenades nous avions le hideux spectacle de ces gueux s’enivrant aux auberges ambulantes installćes sur le bord du champ de l’Ćpine... »

A sa description, 0C1 se rćv£le la rćpulsion de Par-tiste comme dans celle de M. Deshayes peręait 1’indi-gnation de 1'administrateur, M. Kerdaffrec ajoutc un trait qui montre bien que les gueux du XIX* siAcle avaient aussi leur organisation de móme que leurs ancAtres du XVII*.

« Je retrouve encore bien vivante dans mes souve-nirs la figurę d’un nommó Pock, qui ćtait le souverain de tous ces gueux. Ceux qui s'installaient autour de la chapelie lui payaient une rcdevance de deux sous par jpur ; les autres fmoins bien placćs] s’acquittaient moyennant un sou. Pock avait pour sceptre un bAton avec lequel il caressait les ćpaules des rćcal-citrants » (1).

(t) Archicet du Pilerinage de Saintc-Anne : Memoires de M. Ker-daffrcc.

1,’auteur ajoute :«. Pock ćtait pour nous un personnagc, car, au commanderaent de Portei armet, il redressait vivement la jambe gauche le long de son buste, do faęon * toucher 1'ćpaule ue son pied. Cet exploit de gymnaslique nous coutait un sou >.

An. Le Brąz (dans ses Pardont de Rretagne) assure que, dans- le pays de Trćguier, les mendiants forment aussi une Corporation, qui sappclle « la Corporation dc Saint-Yves ».

Les documents de diverses provcnances attestent ainsi que les mendiants, qui, depuis la R<5volution, avaient conquis le village, y compris le cloltre des pfclerins et la chapelie, ćtaient parvenus k s'y mainte-nir comme dans leur propre domałne pendant un demi-si£cle..

Cependant, k la municipalitć comme au Petit Sćmi-naire, ón cherchait le moyen de les ćcarter. M. C-haril rćussit k les rejeter en dehors du placttre, et quelques an-nćes plus tard, M. Jaffrć, en faisant enclore 1’es'planade de 1’Epine, restreignit leur champ d'operation ; mais il leur restait encore la fontaine, les rues et les chemins.

Pendant ce temps-lft 1'Administration n'śtait pas restće inactive (1).

En 1855, le prćfet du Morbihan publiait une circu-laire pour dćfinir 1’attitude de la police & 1'ćgard des indigents (2). II constątait que, depuis qirelque temps, « des bandes de mendiants parcouraient le pays, rópandaient l’inquićtude, et obtenaient des aumónes sinon par menace, du moins en produisant une cer-taine ćpouvante ». — Tout en rappelant les mesures de rigueur qu'il convenait de prendre en certains cas, il faisait une large part & la charitć privće. Et dans les procćdes qułil prćconise, il est difficile de nc pas voir comme un ćcho des mćthodes que l’ceuvre des confdrences de Saint-Vincent de Paul venait d’inaugu-rer sur l’initiative d‘Ozanam (3).

De cette circulaire, rćdigće pour tout le dćpartement, le maire de Pluneret voulut tirer parti contrę les men* diants qui ddshonoraient sa commune.

(I) Mimoires de M. Kerdaffrec.

|2) Recueil des Actcs administratifs : 1855. N* 4 : MendiciU.

(3) C elait Kćpoąue oO se vulgarisaicnt de plus en plus les idćes d'0-zanatn, jusque dans lescampagnes morbibannaises, pour la visite des pauvres & domlcile, en vue de les assister et de les moraliser. On donnait aux confćrences ruralcs le nom de Drediah Sant-UUsant.



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