Occultisme Histoire Du Necronomicon


L'Anti-FAQ du Necronomicon

Chaque chose évoque son contraire

La Némesis de Kendrick

Les raisons sont des rouspétances arides

Index

Q : Qu'est-ce que le Necronomicon ?

Q : Quand et où fut écrit le Necronomicon ?

Q : Qui était Abdul Alhazred ?

Q : Quelle est l'histoire des éditions du Necronomicon ?

Q : Quel est le contenu du Necronomicon ?

Q : Qui sont les Grands Anciens ?

Q : Comment invoque-t-on les Grands Anciens ?

Q : Pourquoi le Necronomicon a-t-il des liens avec la mythologie nordique ?

Q : Pourquoi l'écrivain HP Lovecraft a-t-il prétendu avoir inventé le Necronomicon ?

Q : Qui était Nathan De Gaza ?

Q : Où peut-on trouver le Necronomicon ?

Qu'est-ce que le Necronomicon ?

Le Necronomicon d'Alhazred (littéralement « Livre des Noms Morts ») n'est pas, comme la croyance populaire le prétend, un grimoire ou un livre de sorts. Il fut conçu comme un livre d'histoire, et signifie donc « livre des choses qui sont désormais mortes et terminées ». Une autre dérivation du mot Necronomicon donne comme sens « le livre des coutumes des morts », mais une fois de plus on doit donner à ce titre son sens de façon cohérente avec la conception originelle du livre en tant que traité d'histoire, et non pas de nécromancie.

L'auteur du livre partageait avec Mme Blavatsky une tendance à réunir et assembler des faits, des rumeurs, des spéculations, et des inepties totales, comparable à la manie des pies voleuses, et le résultat en est un vaste compendium presque illisible de quasi-non sens qui ressemble de façon notable à La Doctrine Secrète de Blavatsky.

Dans les temps anciens on trouve des références à ce livre sous le titre Al Azif, mais aussi Le Livre de l'Arabe. Azif est un nom que les arabes emploient pour désigner les insectes nocturnes, mais c'est aussi une référence au hurlement des démons (djinns). Le Necronomicon a été rédigé en sept volumes, et comporte plus de 900 pages dans l'édition latine.

Où et quand fut rédigé le Necronomicon ?

Le Necronomicon fut rédigé à Damas en 730 par Abdul Alhazred.

Qui était Abdul Alhazred ?

On en sait peu sur lui. Ce que l'on sait est largement repris du peu de sa biographie que donne le Necronomicon lui-même. Il était natif de Sanaa au Yémen. On sait qu'il a beaucoup voyagé, d'Alexandrie au Punjab, et qu'il était très cultivé. Il a passé de nombreuses années seul dans les contrées inhabitées du sud de l'Arabie. Il avait un don pour les langues, et se vante en de nombreuses occasions de savoir lire et traduire des manuscrits qui avaient donné du fil à retordre à d'autres érudits. Sa méthodologie de la recherche se rapproche néanmoins plus de celle de Nostradamus que d'Hérodote.

Comme Nostradamus le dit lui-même dans les Quatrains 1 & 2 :

« Assis seul dans la nuit dans la loge secrète ;

c'est posé sur un trépied de bronze.

Une petite flamme sort du néant

Et rend possible ce qui ne devrait

Jamais être cru en vain.

Le bâton dans la main est placé

Au milieu du trépied.

Avec de l'eau il arrose et l'ourlet

De son vêtement et son pied.

Une voix, la peur ; il tremble dans sa robe.

Divine splendeur ; le dieu est assis tout près. »

De même que Nostradamus utilisait la magie cérémonielle pour prédire le futur, Alhazred se servait de techniques similaires (et d'un encens composé d'olibanum, de storax, de dictamnus, d'opium et de haschisch) pour clarifier le passé, et c'est cela, combiné avec un manque évident de références, qui a dû au Necronomicon d'être considéré comme un ouvrage sans valeur aucune par les historiens.

On l'appelle souvent « l'Arabe Fou » ou « le Poète Fou », et bien qu'il fut certainement excentrique en comparaison à nos normes modernes, il n'y aucune preuve pour l'accabler de folie (si ce n'est son inhabilite chronique à maintenir une ligne de pensée plus longtemps que quelques paragraphes avant de prendre la tangente). Il est intéressant de constater que le mot signifiant folie (« majnun ») ait un sens plus ancien signifiant « possédé par les djinns », dont le sens deviendra plus clair plus loin (voir Qui sont les Grands Anciens ? ). On pourrait plutôt comparer Alhazred avec des personnalités telles que le philosophe néoplatonicien grec Proclus (410 - 485). Proclus était complètement dans son domaine en astronomie, en mathématiques , en philosophie et en métaphysique, mais était suffisamment versé dans les techniques de théurgie pour invoquer Hécate et provoquer son apparition. Proclus était aussi initié aux Mystères Egyptiens et Chaldéens. Ce n'est pas un hasard si Alhazred était intimement familier aux œuvres de Proclus.

Quelle est l'histoire des éditions du Necronomicon ?

On n'a pas connaissance d'un quelconque manuscrit en arabe. L'écrivain Idries Shah a mené une recherche dans les bibliothèques de Deobund en Inde, Al-Azhar en Egypte, et dans la Bibliothèque de la Cité Sacrée à La Mecque, sans aucun succès. Une traduction latine a été faite en 1487 (et non au XVIIè siècle, comme le proclamait à tort Lovecraft) par un moine dominicain, Olaus Wormius. Wormius, germain de naissance, était secrétaire du premier Grand Inquisiteur de l'Inquisition Espagnole, Tomas de Torquemada, et il est plus que certain que le manuscrit du Necronomicon est arrivé en sa possession pendant la persécution des Maures espagnols (« Moriscos ») qui furent convertis au catholicisme sous la contrainte, et ne firent pas preuve du niveau requis d'enthousiasme pour les doctrines de l'Eglise.

C'était un acte de pure folie de la part de Wormius de traduire et imprimer le Necronomicon en ce lieu et temps. Le livre doit avoir nourri une fascination obsessionnelle pour l'homme, parce qu'il fut finalement accusé d'hérésie et brûlé après avoir envoyé un exemplaire du livre à Johann Tritheim, Père Supérieur de Spanheim (et plus connu sous le nom de « Trithemius »). La lettre accompagnant le livre contenait une interprétation détaillée et blasphématoire de certains passages de la Genèse. En théorie, toutes les copies de la traduction de Wormius furent saisies et brûlées avec lui, bien qu'il existe un soupçon inévitable concernant au moins un exemplaire ayant trouvé sa place dans les rangs de la Bibliothèque du Vatican.

Presque cent ans plus tard, en 1586, un exemplaire de la traduction latine de Wormius a refait surface à Prague. Le Dr. John Dee, le fameux magicien anglais, et son assistant Edward Kelly étaient à la cour de l'Empereur Rudolph II pour discuter de fabrication d'or alchimique, et Kelly a acheté le livre chez le soi-disant « Rabbi Noir », le kabbaliste et alchimiste Jacob Eliezer, qui s'était réfugié à Prague après avoir été accusé de nécromancie en Italie. A cette époque Prague était devenue un point de rencontre pour les magiciens, les alchimistes et les charlatans de tout type sous le patronage de Rudolph, et il est difficile d'imaginer un endroit plus propice en Europe pour la réapparition d'un exemplaire…

On dirait que le Necronomicon eut une influence notable sur Kelly, car le caractère même de ses incantations changea, et il produisit une masse énorme d'invocations qui remplit d'horreur l'entourage de Dee. Crowley interpréta cela comme la première tentative de communication du Livre des Lois thélémique de la part d'une entité extra-humaine. Kelly quitta Dee peu de temps après. Dee traduisit le Necronomicon en anglais alors qu'il était directeur du Christ's College, à Manchester, mais, contrairement aux affirmations de Lovecraft, cette édition ne fut jamais imprimée - le manuscrit passa dans la collection du grand collectionneur Elias Ashmole, et par là même à la Bibliothèque Bodléienne d'Oxford.

Des extraits du Necronomicon furent traduits en hébreu (probablement en 1664) et circulèrent sous une forme manuscrite, accompagnés d'un commentaire extensif de Nathan de Gaza, apologiste mystique du pseudo-messie Sabbatai Tzevi. Cette version avait pour titre le Sepher ha-Sha'are ha-Daath, (le Livre des Portes de la Connaissance). Les récits relatifs à cette version sont si inhabituels qu'ils sont traités en intégralité plus loin (voir Qui était Nathan de Gaza).

Il y a beaucoup de faux se faisant passer pour le Necronomicon. On peut les reconnaître par un manque total d'imagination et d'intelligence, des qualités qu'Alhazred possédait en abondance.

Quel est le contenu du Necronomicon ?

On connaît bien le livre pour ses spéculations antédiluviennes. Il se trouve qu'Alhazred a dû avoir accès à de nombreuses sources perdues aujourd'hui, et des évènements dont on ne retrouve la trace que dans la Genèse et l'apocryphe Livre d'Enoch, ou bien transformés en mythologie dans s'autres sources, sont explorés dans les moindres détails. Alhazred a peut-être utilisé des techniques magiques douteuses pour clarifier le passé, mais il partageait aussi avec les auteurs grecs du Vè siècle avant Jésus-Christ tels que Thucylide un esprit critique, et une volonté d'explorer les significations des histoires sacrées et mythologiques. Ses spéculations sont remarquablement modernes, et pourraient expliquer sa popularité actuelle. Il croyait que de nombreuses espèces autres que les humains avaient habité la Terre, et qu'un grand savoir avait été passé aux humains grâce à des rencontres avec des êtres d' « au-delà des sphères » ou « d'autres sphères ». Il partageait avec certains néoplatoniciens la croyance selon laquelle les étoiles sont similaires à notre soleil, et possèdent leurs propres planètes invisibles à nos yeux avec leurs propres formes de vie, mais élaborait cette croyance avec une bonne part de spéculations métaphysiques dans lesquelles ces formes de vie faisaient partie d'une hiérarchie cosmique d'évolution spirituelle. Il était également convaincu d'avoir été contacté par des êtres qu'il appelait « les Grands Anciens » grâce à des invocations magiques, et mettait en garde contre les terribles pouvoirs qui attendaient leur retour pour réclamer la Terre à nouveau. Il interprétait cette croyance (de façon fort surprenante !) à la lumière de l'Apocalypse selon Saint Jean, mais inversait la fin de telle façon que la Bête triomphe après une grande guerre dans laquelle la Terre est dévastée.

Qui sont les Grands Anciens ?

Il est relativement clair qu'Alhazred s'est inspiré de traditions existantes sur les « Grands Anciens », et qu'il n'a pas inventé ces traditions. Selon lui, les Grands Anciens étaient des êtres venant « d'au-delà des sphères », certainement les sphères des planètes, et dans la cosmographie de cette époque ceci signifiait la région des étoiles fixes ou au-delà. Ils étaient surhumains et extrahumains. Ils se sont accouplés avec des humains et engendrèrent une descendance monstrueuse. Ils transmirent le savoir interdit à l'humanité. Ils cherchaient indéfiniment un passage vers notre plan d'existence.

Cette tradition est quasiment identique à la tradition juive des Nephilim (les géants de la Genèse 6.2 -6.5). Le mot veut dire littéralement « Ceux qui ont chu » et dérive de la racine verbale hébraïque naphal, tomber. L'histoire contée dans la Genèse n'est qu'un fragment d'une plus vaste tradition, dont on peut trouver un autre passage dans l'apocryphe Livre d'Enoch. Selon cette source, un groupe d'anges envoyés pour surveiller la Terre vit les filles des hommes et en conçurent le désir. Ne voulant pas agir de façon individuelle, ils firent un pacte et jurèrent le silence mutuel, et deux cent de ces « surveillants » descendirent sur Terre et prirent femmes. Leurs femmes donnèrent le jour à des géants. Les géants se retournèrent alors contre la nature et commencèrent à « pêcher avec les oiseaux et les bêtes et les reptiles et les poissons, et à s'entredévorer, et à boire du sang ». Les anges déchus leur apprirent à fabriquer des armes, des bijoux, des cosmétiques, des sorts, l'astrologie et bien d'autres secrets.

Ces légendes séparées sont élaborées dans des sources hébraïques plus tardives telles le Talmud, ce qui rend clair le fait que le Livre d'Enoch et la Genèse se réfèrent à la même tradition. Le Déluge conté dans la Genèse était la réponse directe au mal causé par le commerce des humains avec les anges déchus. Les anges déchus furent bannis et maudits :

« Et je procédai jusqu'au point où les choses étaient chaotiques. Et je vis quelque chose d'horrible. Je ne vis nul ciel au dessus de ma tête ni terre bien formée, mais un endroit chaotique et horrible. Et là je vis sept étoiles des cieux liées entre elles dans ceux-ci, comme de grandes montagnes, et brûlantes de feu. Puis je dis : « Pour quel pêché ont-elles été bannies, pour quelle raison ont-elles été invoquées ainsi ? » Puis Uriel, un des anges sacrés qui était avec moi, et qui était leur chef, dit : « Enoch, pourquoi demandes-tu, et pourquoi es-tu aussi avide de vérité ? Ce sont les étoiles des cieux qui ont transgressé le commandement du Seigneur, et qui sont liées ici jusqu'à ce que dix mille ans, qui est le temps de punition qu'elles méritèrent par leurs pêchés, soit consommé. »

Les traditions arabes prétendent que les Jinns ou Djinns étaient une race d'être surhumains qui préexistaient à la création de l'espèce humaine. Les Djinns avaient été engendrés du feu. Quelques traditions en font une race inférieure aux humains, mais les légendes les représentent invariablement dotés de pouvoirs magiques illimités, et les Djinns ont survécu jusqu'à nos jours sous les traits des génies dans les Contes des Mille et Une Nuits et l'Aladin de Walt Disney. L'Islam a intégré les Djinns au Coran, et de même que les elfes et les fées ils ont perdu leur côté sombre et extrêmement mauvais avec le temps. Du temps d'Alhazred les traditions plus anciennes et plus sombres concernant les Djinns étaient toujours en vogue, et les magiciens arabes (« muqarribun ») essayaient encore d'obtenir connaissances interdites et puissance grâce au commerce avec les Djinns.

Comment invoque-t-on les « Grands Anciens » ?

Les érudits occultes admettent généralement que le système énochien de Dee et Kelly a été directement inspiré par les passages du Necronomicon qui parle des techniques d'Alhazred pour invoquer les Grands Anciens. Il faut garder en tête le fait que le Necronomicon était destiné, à l'origine, à n'être qu'un livre d'histoire, et que, bien qu'il nous fournisse quelques détails et autres formules, il est loin d'être un guide d'apprentissage pas à pas pour débutants de l'invocation d'entités intelligentes protohumaines. Dee et Kelly durent compléter eux-mêmes de nombreux détails, ainsi leur système est un hybride entre les idées extraites du Necronomicon et des techniques de leur propre invention. Il semble ne faire aucun doute que leur Sigellum Del Aemeth, le langage énochien, et que les Appels ou Clés énochiennes soient d'authentiques emprunts, et nous devons douter de l'affirmation de Dee prétendant que Kelly les reçut directement de l'archange Uriel. Bulwer Lytton, qui étudia le manuscrit de Dee du Necronomicon au siècle passé, prétend de façon affirmative qu'elles furent retranscrites directement depuis le livre, et que si elles furent communiquées directement par Uriel, c'est à Alhazred !

Le nom même du système, « énochien », est un indice, s'il n'en est pas d'autres, qu'il fut inspiré par les traditions ancestrales consignées dans le Livre d'Enoch, et c'était l'intention de Dee et Kelly de rentrer en contact avec les Nephilim, ou les Grands Anciens. Le manuscrit du Livre d'Enoch avait été perdu jusqu'à la fin du XVIIè siècle, et Dee n'aurait eu accès qu'aux rares fragments cités dans d'autres manuscrits, ainsi le nom de leur système aurait été quelque peu énigmatique si on ne savait pas qu'ils avaient accès à la compilation de légendes d'Alhazred concernant la Chute et la fin du monde. Il ne fait aucun doute qu'Alhazred a eu accès au Livre d'Enoch, puisque il était aisé à consulter au Moyen Orient au IXè Siècle.

On peut trouver un autre indice dans l'Appel des Trente Aethyrs, le dix-neuvième appel énochien. Aleister Crowley appelait cet appel « la malédiction originelle de la Création. » Il est exprimé comme par la voix de Dieu, et est une malédiction touchante (et extrêmement érudite [1] ) sur le monde, l'humanité, et toutes ses créatures, se terminant par « Et pourquoi ? J'ai regretté d'avoir créé l'Homme. »

Elle est identique au sentiment exprimé par la Genèse 6.6 dans laquelle on peut lire « Et Dieu se repentit d'avoir créé l'homme sur terre, et ceci causait grande douleur en son cœur. » Ce vers suit immédiatement une série de vers qui décrivent le mal fait par les Nephilim et le pêché du monde qui en résulte, et il est suivi par la décision prise par Dieu de supprimer toute vie à la surface de la Terre par un Déluge Universel. Aleister Crowley, faisant ici l'usage de son immense connaissance de la Bible, reconnut l'Appel des Trente Aethyrs pour ce qu'il était : la malédiction de Dieu sur les Nephilim et le mal qu'ils avaient fait. C'est cette malédiction qui les chassa de la surface de la Terre et les consigna à leur séjour dans l'Abysse.

Il est difficile de sous-estimer cet indice. Pour résumer : la clé, ou porte, permettant d'explorer les trente Aethyrs est un Appel en langage énochien, dont Dee prétendait qu'il était le langage des Anges, et cet Appel est une malédiction par laquelle les Nephilim furent consignés à l'Abysse en premier lieu. Ceci est typique d'une pratique ancestrale de contrôle des forces démoniaques : tous les moyens anciens pour subordonner une entité peuvent être utilisés par le magicien comme méthode de contrôle. Cette formule est utilisée dans presque tous les grimoires médiévaux. Dans certains cas le magicien est assez explicite et nomme précisément ces occasions pendant lesquelles l'entité a été contrôlée par le biais d'une formule. L'entrée concernant les Trente Aethyrs commence avec une malédiction divine parce qu'elle est censée donner le contrôle sur les entités qu'elle invoque : les Nephilim, Ceux Qui Ont Chu. Les Grands Anciens. Elle établit sans aucun doute le fait que le système énochien de Dee et Kelly était identique dans l'esprit, et très certainement dans la pratique, au système d'Alhazred décrit dans le Necronomicon.

Crowley le savait. Un de ses plus importants travaux magiques (consigné dans La Vision et la Voix) fut sa tentative de pénétrer les Aethyrs en utilisant les Appels énochiens. Il le fit en traversant le désert nord-africain en compagnie du poète Victor Neuberg. Pourquoi le désert ? Crowley dit qu'il n'avait « aucun but magique en particulier » en se rendant là-bas, et qu'il « s'est trouvé » qu'il avait les Appels énochiens dans son sac à dos. Il nous cache quelque chose. Il choisit le désert pour son travail parce qu'il avait eu des difficultés à pénétrer le 28ème Aethyr durant ses recherches initiales au Mexique, et parce qu'il voulait reproduire la pratique d'Alhazred aussi fidèlement que possible. Alhazred fit ses découvertes les plus importantes alors qu'il voyageait dans le Rub al Khali, un désert vaste et inhabité au sud de l'Arabie — le fait d'être coupé du monde l'aida à passer sa conscience dans les perspectives totalement étrangères des Aethyrs. Crowley avait lu les rapports d'Alhazred (voir ci-dessous) et il était dans sa nature d'essayer d'imiter les gens qu'il respectait et admirait particulièrement — il passa une bonne partie de sa vie à essayer de reproduire les exploits de Richard Burton, l'explorateur, aventurier, écrivain, linguiste et expérimentateur d'obscures pratiques sexuelles.

Pourquoi le Necronomicon a-t-il des liens avec la mythologie nordique ?

La nature apocalyptique des mythes nordiques, et des comparaisons détaillées entre Ragnorok et les évènements prophétisés par Alhazred, ont poussé de nombreux commentateurs à se demander si il pourrait y avoir un lien entre eux, même si cette hypothèse pourrait paraître hasardeuse à première vue. Des recherches récentes ont démontré qu'un lien étrange et complètement inattendu existe bien.

Dans la mythologie nordique les dieux de la Terre et de l'Humanité, Aesir et Vanas, existent en cohabitation avec une horde de puissances anciennes et hostiles représentées par les géants de glace et de feu qui rôdent au nord et au sud du Grand Fossé Abyssal Ginnunga, et aussi par Loki (le Feu) et sa progéniture abominable. À Ragnarok, le crépuscule des dieux, ces anciennes puissances reviennent une fois de plus et un combat mortel s'en suit. Les plus redoutables de ces adversaires sont Surtur et les géants de feu de Muspelheim, qui achèvent la destruction du monde.

On a là l'essentiel de la prophétie d'Alhazred concernant le retour des Grands Anciens. C'est également la prophétie de Crowley concernant l'éon d'Horus, dieu du feu conquérant. Les géants de feu de Muspelheim ne sont autres que les Djinns, et il est même probable que Surtur ne soit qu'une corruption du mot Surturiel — Uriel, l'ange désigné pour surveiller les Nephilim, est nommé ainsi d'après le mot d'ancien hébreu signifiant « feu ». De même que Surtur, il porte une épée ardente.

Uriel revient encore et toujours lorsqu'on parle du Necronomicon. Bien qu'étant ostensiblement un des archanges les plus puissants de la Présence de Dieu, il possède un côté sombre qui ressurgit de temps à autres et on est en droit de se demander si il garde les Nephilim, ou si il les commande. Ceci pourrait refléter notre propre ambivalence en ce qui concerne le feu, mais il se pourrait également que les anges et les Grands Anciens ne soient que les deux incarnations de la même puissance.

Ces liens entre le Necronomicon d'Alhazred et le mythe de Ragnorok, aussi fragile qu'il paraisse, n'est plus considéré actuellement comme étant une coïncidence, et l'histoire de la façon dont le Necronomicon est entré en Islande est assez remarquable. Elle commence dans la ville de Harran au nord de la Mésopotamie.

La ville de Harran était notable par le fait que le reste de la région avait été conquise par les arabes vers 633-643, et converti à l'Islam, tandis que les Harraniens ne le furent pas. Ils continuèrent à pratiquer le paganisme et adoraient la lune et les sept planètes. Fait encore plus remarquable, ils possédaient un grand nombre de documents hermétiques et néoplatoniciens, et quand ils furent finalement pressés (en 830) de nommer un prophète « approuvé » par le Coran, ils nommèrent Hermès Trismégiste et son professeur Agathos Daemon. De nombreux harraniens s'en furent à Bagdad où ils maintinrent une communauté distincte et où ils étaient connus sous le nom de Sabiens. Leur familiarité avec la langue grecque leur donna accès à une grande connaissance en littérature, et nombre d'entre eux devinrent célèbres en tant que philosophes, logistes, astronomes, mathématiciens ou médecins. Alhazred parle des Sabiens et les décrit comme étant « fameux pour leur connaissance et leur sagesse en des choses depuis longtemps oubliées ». Il est hautement probable qu'il ait étudié avec eux. Ils formaient une communauté érudite qui avait réussi à conserver des liens avec le paganisme, la philosophie et les traditions secrètes des mondes arabe et grec bien après qu'elles aient été bannies partout ailleurs.

Les Sabiens survécurent en tant que communauté distincte jusqu'au XI ème siècle, mais la puissance de l'orthodoxie islamique s'intensifia jusqu'au moment où on n'entendit plus parler d'eux passé l'an 1050 environ. C'est à peu près à cette date (les sources nordiques indiquent 1041 ou 1042) qu'un grand nombre de documents arrivèrent à Byzance et tombèrent entre les mains de Michael Psellus, le fameux historien néoplatonicien et démonologue. La masse des documents formait ce que l'on connaît désormais sous le nom de Corpus Hermeticum, mais il existait d'autres documents, dont une copie en syriaque du Al Azif, que Psellus traduisit immédiatement en grec. Il semble faire peu de doutes qu'un Sabien influent et important avait dû déménager de Bagdad à Byzance en quête d'un climat plus tolérant. Si oui ou non il l'a trouvé est loin d'être sûr !

Le XI ème siècle était ce que les chinois appelleraient « une époque intéressante ». Le duc Guillaume de Normandie envahit l'Angleterre et tua le roi Harold Godwinson. La fille du roi Harold Godwinson épousa le prince Vladimir Monomaque de Kiev (dont la mère était la fille de Constantin IX Monomaque de Byzance). Les russes, assistés par un grand nombre de scandinaves, avaient envahi Byzance en 1043, cet événement fut observé par Michael Psellus lui-même, qui se trouvait aux côtés de l'empereur. Harald Hadrada (« l'impitoyable ») qui devint plus tard Roi de Norvège, rejoignit l'armée byzantine avec un grand nombre de Vikings (les « Varanger »), fit une campagne sanglante et imposante, et arracha les yeux de l'empereur Michel Caliphates en 1042. Le roi Harald Hadrada de Norvège envahit l'Angleterre en 1066 et fut tué par le roi Harold Godwinson… qui fut tué par le duc Guillaume à la bataille de Hastings. Il y a peu de soap opéras comparables à ces mélis-mélos paneuropéens. Ce sera tout pour les Âges Sombres.

L'imagerie populaire qui représente les Vikings en habits de fourrure avec des casques à cornes est largement erronée. Ils étaient, parmi les troupes d'infanterie lourde de l'époque, les mieux équipés et les plus expérimentés. Leurs voies de commerce parcouraient des milliers de kilomètres, de l'Amérique du Nord au Groenland, à la Grande-Bretagne et l'Irlande, comprenaient toute la côte atlantique de l'Europe, et allaient de la Russie à Byzance. Ils étaient largement employés en tant que gardes du corps (Varanger) pour les empereurs byzantins. La plupart des Varan Gers parlaient grec couramment. L'année exacte durant laquelle Harald s'en vint à Byzance n'est pas connue à cause de divergences légères entre les sources nordiques et byzantines, mais le rapport qu'on en trouve dans le Heimskringla nous informe qu'il fut au service de l'impératrice Zoé la Grande entre 1030 et 1040. La description de leur arrivée en drakkars est saisissante :

« Les vaisseaux aux boucliers de fer

Portaient des gréements colorés.

Le grand prince voyait au devant

Les toits de cuivre de Byzance ;

Ses bateaux à la proie de cygne glissèrent

Vers la ville-aux-grandes-tours. »

La coutume de cette époque voulait que quand l'Empereur mourait, les Varangers avaient permission de piller le palais et pouvaient garder tout ce qu'ils trouvaient. C'était une époque turbulente et violente (l'impératrice Zoé étranglait ses maris dans leur bain) et Harald prit part à trois de ces pillages. Selon les chroniqueurs il acquit ainsi une grande fortune.

Harald avait deux proches compagnons d'armes, Halldor Snorrason et Ulf Ospaksson. Halldor était brutal, imperturbable et austère au point d'en devenir rustre, et était le fils de Snorri le Prêtre, un grand chef islandais. Ulf était extrêmement perspicace et éloquent et finit par se marier à la belle-sœur de Harald, devenant Marshall de Norvège. Il était un incorrigible intrigant, un bon poète, parlait grec couramment, et il aimait passait du temps avec Psellus, en partie pour discuter de poésie grecque, mais surtout pour garder un doigt sur le pouls de la politique de palais byzantine. Il vit Psellus traduire Al Azif, en discuta le contenu avec lui, et dans la confusion d'un pillage de palais en profita pour arranger la « disparition » d'un des manuscrits de Psellus. Heureusement que Psellus possédait toujours la version originale en Syriaque, sinon le Necronomicon aurait disparu de l'histoire.

Arrivés à ce point on ne peut qu'émettre des hypothèses. On ne sait pas comment Halldor obtint le Al Azif. On sait que Ulf et Halldor rentrèrent en Norvège avec Harald, et que Halldor rentra en Islande, emportant avec lui l'histoire des aventures de Harald et bien d'autres choses. On le sait parce qu'un des descendants de Halldor était Snorri Sturluson (1179 - 1241), la figure la plus illustre de la littérature islandaise, auteur non seulement du Heimskringla mais aussi d'autres œuvres très importantes au nombre desquelles figure le Prose Edda qui reste la source primordiale de tout ce qu'il nous reste de mythes nordiques. On sait que Sturluson avait de grandes quantités de documents disponibles pour ses recherches, et on peut maintenant affirmer que certains éléments du Necronomicon se trouvèrent mélangés aux mythes nordiques originels dans la description de Sturluson du Ragnarok.

Qu'est-il arrivé au manuscrit volé à Michael Psellus ? Bonne question…

Pourquoi le romancier H.P.Lovecraft a-t-il prétendu avoir inventé le Necronomicon ?

La réponse à cette question intéressante réside en deux personnes : le poète et magicien Aleister Crowley, et une modiste de Brooklyn nommée Sonia Greene. Il est évident que Crowley a lu la traduction de Dee du Necronomicon à la Bibliothèque Bodléienne, probablement alors qu'il faisait des recherches dans les papiers de Dee ; il y a trop de passages dans le Livre des Lois de Crowley qui ressemblent trait pour trait à des extraits de cette traduction. Soit il a recopié, soit Crowley, qui prétendait se rappeler de sa vie antérieure en tant qu'Edward Kelly, s'est souvenu de ces passages !

Pourquoi Crowley ne cite-t-il pas le Necronomicon dans ses œuvres ? Il était étonnamment réticent à propos de ses véritables sources. Il y a un grand soupçon pesant sur 777, que Crowley a prétendu avoir écrit, et qui ne serait qu'un plagiat des notes d'Allan Bennet. Sa dette spirituelle à Nietzsche, de qui Crowley a dit un jour d'inattention qu'il était « presque un avatar de Thot, le dieu du savoir », il la dénia avec soin. De même pour l'influence du Kasidah de Richard Burton sur sa doctrine de la Volonté Pure.

On peut soupçonner le Necronomicon d'avoir été embarrassant pour Crowley au moment où il a réalisé la somme énorme de plagiats qu'il en avait fait et de passages entiers de ce livre qu'il avait recopiés dans Le Livre des Lois.

En 1918 Crowley était à New York. Comme toujours, il essayait d'y établir sa réputation littéraire, et contribuait à l'International et à Vanity Fair. Sonia Greene était une émigrée juive énergique et ambitieuse qui rêvait de gloire littéraire, et elle s'était inscrite à un club de dîners mondains et de lectures qui s'appelait « Walker's Sunrise Club » ( ?!) ; c'est là qu'elle rencontra Crowley pour la première fois, au cours d'une soirée où il avait été invité pour faire un discours sur la poésie moderne.

Ils allaient bien ensemble : dans une lettre à Norman Mudd, Crowley décrit sa femme idéale ainsi :

«…plutôt grande, bien bâtie et pulpeuse, vive, ambitieuse, énergique, passionnée, de trente à trente cinq ans, probablement juive, peut-être même une chanteuse ou une actrice habituée à de telles futilités. Il faut qu'elle soit `à la mode', peut-être même un brin bruyante et vulgaire. Très riche, bien évidemment. »

Sonia n'était ni actrice ni chanteuse, mais était qualifiée dans d'autres domaines. Elle gagnait ce qui, à cette époque, pouvait être qualifié d'énorme somme d'argent en tant que conceptrice et vendeuse de chapeaux pour dames. Elle était décrite sous des qualificatifs tels que « digne de Junon », « une femme d'un grand charme et au magnétisme personnel », « terriblement attractive avec une allure extrêmement féminine », « une des plus belles femmes que j'aie jamais rencontrées » ou « un phonographe humain érudit mais excentrique ». En 1918 elle avait trente cinq ans, était divorcée et avait une fille adolescente. Crowley ne perdait pas de temps avec les femmes, et ils se fréquentèrent de façon irrégulière pendant quelques mois.

En 1921 Sonia Greene rencontra le romancier H.P.Lovecraft et la même année Lovecraft publia la première nouvelle dans laquelle il mentionne Abdul Alhazred (La Cité Sans Nom). En 1922 il écrivit pour la première fois le nom de Necronomicon (Le Molosse). Le 3 Mars 1924 H.P.Lovecraft et Sonia Greene se marièrent.

On ne sait pas ce que Crowley a dit à Sonia Greene, et on ne sait pas ce que Sonia a raconté à Lovecraft. Néanmoins, on peut toujours méditer sur l'extrait suivant de L'Appel de Cthulhu (1926) :

« Ce culte ne disparaîtrait qu'au moment où les étoiles seraient à nouveau comme il le fallait [précession des équinoxes ?] et que les prêtres secrets pourraient aller chercher le grand Cthulhu dans sa tombe pour qu'il redonne vie à Ses sujets et Se remette à gouverner la terre. Il ne serait pas difficile de savoir quand ce temps serait venu car, alors, l'humanité serait tout à fait semblable aux Grands Anciens ; libre et fougueuse, au-delà du bien et du mal, les lois et les morales rejetées, tous ses membres criant, tuant, se divertissant joyeusement. C'est alors que les Anciens, libérés, leur enseigneraient de nouvelles manières de crier et de tuer, de se divertir et de jouir de leur existence ; puis toute la terre s'enflammerait dans un holocauste d'extase et de liberté. »

(Trad. Claude Gilbert, © Ed. Denoël)

Ce passage est peut-être bref et confus mais il contient indéniablement l'écho du Livre des Lois de Crowley. Il est aisé d'imaginer une situation dans laquelle Sonia et Lovecraft rient et discutent dans un salon éclairé par une cheminée d'une nouvelle histoire, et pendant laquelle Sonia introduit subrepticement quelques idées empruntées à ce que Crowley lui a raconté ; elle ne mentionne même pas Crowley, parle juste assez pour exciter l'imagination de Lovecraft. Il n'y a aucune preuve que Lovecraft ait jamais vu le Necronomicon, ni même su que le livre existait vraiment. Son Necronomicon est remarquablement proche de l'esprit de l'original, mais tous les détails ne sont que pure invention, comme on pourrait s'y attendre. Il n'y a jamais eu de Yog-Sototh, Azatoth ou Nyarlathotep dans l'original, mais il y avait un Aiwaz…

Qui était Nathan de Gaza ?

Nathan de Gaza a provoqué un des évènements les plus importants de l'histoire du judaïsme. En 1665, alors qu'il n'avait que 21 ou 22 ans, il proclama que Sabbatai Tzevi était le Messie. En soi ce n'était pas extraordinaire, et il y avait eu d'autres voix qui avaient clamé la même chose par le passé, mais due aux personnalités extraordinaires de Nathan et de Sabbatai Tzevi, l'annonce de l'arrivée du Messie se répandit comme un feu de paille dans toute l'Europe. Les répercussions de cet évènement durèrent des siècles. Le judaïsme s'en trouva changé pour toujours.

Nathan était né à Jérusalem en 1643 ou 1644. Il prit pour épouse la fille d'un marchand fortuné de Gaza et s'installa dans cette ville. Il était un brillant étudiant de la Torah et du Talmud, et entreprit l'étude de la Kabbale en 1664. À cette époque l'atmosphère était chargée de l'espérance en l'arrivée du Messie. Le kabbaliste brillant et charismatique, Isaac Luria, avait prophétisé que le processus de restauration était presque achevé, et que le temps de la rédemption du Messie était proche. Un des attributs clés dans la Kabbale de Luria était la croyance que, due à une catastrophe primordiale durant la création de l'univers, les âmes humaines avaient été immergées dans un monde grossier et matériel qui était proche du domaine des Klippoth. Les Klippoth étaient la source du mal. Le mot signifie coquille ou cosse, et l'implication en est que les Klippoth étaient les cosses ou coquilles de matérialité qui enferment l'esprit.

La Kabbale de Luria était basée sur des traditions très anciennes. Une de ces traditions est que Dieu a créé plusieurs autres mondes avant le nôtre, mais ils étaient instables, déséquilibrés et se sont désintégrés. Au IIIème Siècle, le Rabbi Abbahu écrivit « Dieu fit de nombreux mondes et les détruisit jusqu'à ce qu'il crée l'univers présent. » Combinées avec la légende biblique des Rois d'Edom qui furent mais ne sont plus, ce conte produisit un mythe élaboré concernant la création de l'univers. La qualité que le Kabbalistes nomment Din, ou jugement, est cette qualité qui sépare une chose d'une autre. Les Klippoth représentent une incarnation extrême de cette qualité. La création de l'univers fut essentiellement un processus de définition et de séparation, et donc une expression du Din, mais les pouvoirs du Din étaient trop concentrés pour créer un univers viable et durent être séparés afin qu'une seconde création, viable cette fois, prît place. Ces résidus concentrés de la création originelle, le pur Din, churent dans l'abysse. Malheureusement quelques étincelles de lumière tombèrent avec eux, ainsi les Klippoth devinrent plus que de simples coquilles vides. Ils possédaient de la vie. Pas beaucoup de vie, mais assez. Le pêché humain renforce les Klippoth car il transfère un peu de notre vie en eux. Si un humain est égoïste, par exemple, il crée une séparation entre lui et un autre, et ainsi les Klippoth s'en trouvent renforcés par son égoïsme.

Le besoin de libérer des parcelles de lumière de l'emprise des Klippoth était un des thèmes dominants de la Kabbale. On croyait que vivre selon les commandements de la Torah et combiner ce mode de vie à la concentration, la méditation et l'intention magique pouvait aider à libérer la lumière piégée, mais que vivre dans le pêché était un moyen sûr de renforcer l'emprise des Klippoth. Dans des développements ultérieurs les Klippoth étaient vus comme des puissances démoniaques et primordiales avec sept rois, reflétant les sept mots détruits de la création originelle.

Les Klippoth fascinaient fortement Nathan de Gaza. Sabbatai Tzevi semble avoir été un maniaco-dépressif. Dans ses phases maniaques il avait la plus extraordinaire force de personnalité, et il y a de nombreux témoignages décrivant son visage brillant littéralement comme le soleil lui-même. Dans ses extases il faisait des choses qu'aucun juif pieux n'aurait faites. Nathan rédigea un document intitulé Traité des Dragons (les dragons étant les Klippoth) qui était une tentative de mystifier le comportement de Tzevi, en l'expliquant en termes de descente du Messie dans le monde des Klippoth afin de racheter les étincelles restants (tout comme le Christ est décrit parcourant l'Enfer, et Orphée descendant aux Enfers pour secourir sa bien-aimée). Les crédits mythiques du Traité des Dragons sont impeccables.

Avant la publication du Traité, Nathan fit circuler un document curieux, le Sepher ha-Sha'are ha-Daath. Il le décrivit comme étant un commentaire de deux chapitres du livre d'Alhazred, un ancien traité d'histoire du monde. Le titre signifie « le Livre des Portes de la Connaissance ». Le mot signifiant connaissance, da'ath, a un sens technique. Quand la Bible fut traduite en grec, le mot da'ath fut traduit par gnose. Da'ath a un statut très particulier dans la Kabbale, en ce sens qu'il signifie une sorte de non-existence, le néant. Dans la Kabbale Hermétique moderne, on le représente parfois sous la forme d'un trou ou d'un portail dans un abîme de conscience. Les expériences de Crowley avec l'Appel des Trente Aethyrs l'ont mené dans cet abîme.

Da'ath a un double aspect : d'un côté il est notre connaissance du monde des apparences, le corpus de faits qui constitue nos croyances et génère l'illusion d'identité, d'ego et de séparation. De l'autre côté c'est la révélation, la connaissance objective, qu'on désigne souvent par gnose. La transition entre la connaissance du monde de l'apparence et la révélation provoque l'expérience de l'abîme, l'abolition du sens de l'ego, la négation de l'identité. Depuis l'abîme toute identité est possible. C'est le chaos, non formé. Il contient, comme elles étaient primordialement, les graines de l'identité. C'est depuis ce point qu'une infinité de portes s'ouvrent, chacune étant un passage vers un mode d'existence. Ce sont ces passages que Nathan appelle les « Portes de la Connaissance ».

Les propositions de Nathan semblent avoir été de développer une mythologie pour l'exploration systématique des Klippoth, en tant que composante de la mission de rédemption des étincelles de lumière, en utilisant quelques unes des techniques d'Alhazred. C'est un développement extraordinaire du travail de l'arabe, reconnaissant les Klippoth comme étant les Grands Anciens primordiaux. On trouve son pendant moderne dans le Côté Sombre d'Eden de Kenneth Grant (Nightside Of Eden).

Nathan fut largement suivi et pendant de nombreuses années le judaïsme se trouva sous le coup d'une accusation d'hérésie. De nombreux Rabbis importants et des chefs de communauté s'allièrent à Nathan, et cela prit plus d'un siècle pour que ce drame se dénoue. Finalement, le mouvement sabbatéen se fit souterrain, et bien qu'il soit certain qu'un exemplaire du Sepher ha-Sha'are ha-Daath existe dans une bibliothèque privée quelque part, personne ne voudra admettre le posséder.

Où peut-on trouver le Necronomicon ?

À peu près certainement nulle part, en résumé, et une fois de plus on peut soupçonner Crowley d'y être pour quelque chose. En 1912 Crowley rencontra Theodor Reuss, Grand Maître de l'Ordre du Temple Oriental (Ordo Templi Orientis) allemand, et a travaillé pour l'O.T.O. pendant sept ans, jusqu'à ce qu'en 1922 Reuss démissionne en sa faveur. Donc Crowley a travaillé en contact étroit avec le dirigeant d'un groupe maçonnique allemand pendant 10 ans en tout. Entre 1933 et 1938 les quelques exemplaires connus du Necronomicon ont purement et simplement disparu ; quelqu'un dans le gouvernement allemand d'Adolf Hitler s'intéressa à la littérature occulte obscure et commença à obtenir tous les exemplaires par tous les moyens possibles et (in)imaginables.

La traduction de Dee disparut de la Bibliothèque Bodléienne suite à un cambriolage au printemps 1934. Le British Museum souffrit de plusieurs vols avortés, et l'édition de Wormius fut effacée du catalogue et déposée dans un lieu souterrain dans une mine convertie du Pays de Galles (là où les Joyaux de la Couronne furent entreposés entre 1939 et 1945). D'autres bibliothèques égarèrent leurs exemplaires, et aujourd'hui il n'existe pas de bibliothèque avec une entrée au catalogue concernant un exemplaire réel (et historique) du Necronomicon. On ne sait pas avec précision où se promènent ces livres actuellement, mais on entend souvent parler d'une grande cache de matériaux occultes et de documents magiques dans la région d'Osterhorn à côté de Salzbourg — histoires qu'on peut relier à celle de cet exemplaire relié en peau d'une des victimes des camps de concentration.

En conclusion

Une des choses qui frappent lorsqu'on fait des recherches sur ce livre est que le Necronomicon n'est pas un livre intemporel et ne sort pas de nulle part. Alhazred ne l'a pas écrit dans un vide spatio-temporel absolu. Aussi extraordinaire que puisse être son contenu, il n'est guère plus qu'une extrapolation sur un savoir préexistant. Beaucoup d'écrivains ont suivi un cheminement identique, mais pas toujours d'une façon aussi extrême. Si on devait marier La Doctrine Secrète de Blavatsky avec le Nightside of Eden de Grant, et demander à Nathan de Gaza d'éditer le résultat, on aurait quelque chose de comparable à l'œuvre, au magnus opus d'Alhazred.

Peut-être qu'on en attend trop de ce livre. Ce n'est, après tout, qu'un livre. Aucun livre, quel que soit son contenu ésotérique, ne peut répondre à l'attente que l'on lie à son mystère intrinsèque, et c'est ce mystère que veulent les gens. Le mystère de la création. Le mystère du bien et du mal. Le mystère de la vie et de la mort. Le mystère des choses depuis longtemps défuntes. On sait que l'univers est d'une immensité qui dépasse l'entendement de l'imagination. Qu'y a-t-il là-bas ? Que s'est-il passé ? Quelles puissances étrangères influent sur notre monde ?

Les anciens se posaient ces questions. Ils n'avaient pas peur de tisser des mythes ni d'imaginer. Nous le faisons aussi, mais nos Star Trek et nos Babylon Five nous rassurent quant à la sécurité et le confort de l'univers, vu comme un endroit où tout le monde parle notre langue et assiste à des cours intitulés par exemple « accepter la diversité et les différences culturelles. »

Le Necronomicon a du succès non pas à cause de son contenu, largement inconnu, mais à cause de la terreur existentielle induite par son existence même. Il ne rassure pas. Il ne nous dit pas que l'univers est un endroit sûr et confortable. Il nous dit que nous ne sommes qu'un grain de poussière d'un cosmos vaste et étranger, et que d'étranges choses s'y passent en quantité. Regardez n'importe quel traité d'astronomie ou d'astrophysique :

Il ne vous dira pas le contraire.

(Texte © Colin Low 1991-1995, version éditée en Septembre 1995, contact cal@digital-brilliance.com)

(Trad. © 2001/2002 Frédéric Chauvet, contact lloyd_cf@yahoo.com)

[1] Crowley écrit ; « [les Clés] contiennent des passages de sublime soutenu que Shakespeare, Milton et la Bible ne surpassent pas. » En effet, il y a de nombreuses répétitions, mais certains passages sont simplement magnifiques. Pour répondre à Crowley, si Dee était un charlatan, il était un génie littéraire du calibre d'Isaïe.

Cet article a été écrit en compilant des informations obtenues dans The Book Of The Arab par Justin Geoffry, Starry Wisdom Press, 1979.

Colin Low tient à remercier Parker Ryan pour ses recherches sur les pratiques magiques en Arabie.

Colin Low n'a jamais lu le Necronomicon, n'a jamais vu le Necronomicon, et n'a aucune information sur un lieu où on pourrait le trouver.

De même pour Frédéric Chauvet, qui n'a lu de ce titre que l'ouvrage que George Hay a consacré au mythe, largement parodique, sous la tutelle de Colin Wilson, et le recueil d'illustrations magnifiques que HR Giger a consacré à l'Al-Azif.



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