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qu’eUe n’a iamais offense Dieu, et que son Fils a rachete tous les hommes, et paye pour tous : si elle n’a fait aucun mai, son Flis ne Pa pu racheter, ni payer pour elle »12.
Toutes ces interrogations remettent en cause des principes importants de la doctrine chretienne. Sorties de la bouche d‘enfants ages de douze a quinze ans, ces ąuestions surprennent le pere : « En verite toutes ces demandes nPetonnent, quand je les considere en la bouche d’un enfant qu’on appelle Sauvage et barbare »13. Si elles expriment Pincomprehension et le doute des jeunes seminaristes face a la doctrine chretienne, il se peut qu’elles refletent aussi la reaction des parents ou d’autres adultes autochtones qui auraient une influence sur leurs enfants. En effet, si les adultes paraissent parfois ouverts a 1'enseignement des missionnaires, voire dociles14, il se pourrait que cette ouverture soit motivee par des raisons morales, economiąues ou militaires. D'autres Relations rapportent en effet qu'il leur est difficile de saisir plusieurs notions bibliques et rites chretiens obscurs15. Par exemple, ils ne comprennent pas pourquoi Dieu qui « n’est ny homme, ny femme » et qui n’est jamais marie a pu avoir un Fils16. Ces questionnements seraient devenus de veritables objections apres les epidemies, dont plusieurs attribuent la cause aux baptemes et aux objets apostoIiques des missionnaires.
La doctrine chretienne se heurte ainsi inevitablement aux resistances des autochtones, chez qui la notion d’enfer, notamment, suscite beaucoup d'inconfort: « Si tu veux me parler de Penfer, sors promptement de ma cabane: ces pensees troublent mon repos, et m’inquiettent dans mes plaisirs»17. Lorsque les Amerindiens ne refiitent pas directement les missionnaires, ils soutiennent que chaque pays a ses propres coutumes et que la coutume d’un pays ne peut pas remplacer celle d’un autre. Dans la Relation de 1635, par exemple, le pere Jean de Brebeuf mentionne cette reaction des autochtones :« Et quand
12 Ibid.
13 Ibid.
14 Ibidy vol. I, 1636 . p. 78 CRelation de Jean de BREBEUF).
15 Voir, parexemple. THWAITES, The Jesuit Relations 1959, voI. 30, 1645-1646, p. 73 {Relation de Paul RAGUENAU) ; Relations des jesuites% 1972, vol. 1, 1634, p. 9 {Relation de LE JEUNE).
16 JOLY. « Des cannibales [...] », 1993, p. 112.
17 Relations des jesuites. 1972, vol. 3. 1642, p. 90 {Relation de J. LALEMANT).