rabais peu compatible avec l'equilibre de sa gestion ? Ou le libraire soucieux d'assurer un volume immediat approprie d'affaires, et evaluant rintervention de la concurrence, notamment celle de 1'offre d'un grossiste reconnu « detaillant » par un paradoxe de la loi de 1981, qui va de lui-meme au devant des exigences de la collectivite, au risque de rendre plus precaire l'avenir de son etablissement ? II n'est pas toujours aise, pour le partenaire le plus faible, de resister, fut-ce au prix de 1'abandon d'un marche, aux pretentions de la partie la plus forte. II y faudrait un consensus interprofessionnel que d'autres regles, nationales ou europeennes, pourraient assimiler a des ententes condamnables.
Or, il est reconnu que la pratique, de plus en plus repandue, de ces rabais « libres » mejLen peril, au dela du sort specifique du libraire, la strategie editoriale meme de 1'edition franęaise (diversite des titres : specialises, « pointus », grand public, etc.) et, par la suitę, la richesse qualitative de la chaine du livre. En effet, pour la Direction du Livre, qui avait mene l'enquete aupres de 3 regions, « il est generalement admis que des rabais superieurs a 15% fragilisent l'equilibre financier d'une librairie, des rabais de 20% etant, quant a eux, difficilement rentables, surtout si Ton ajoute les couts induits lies au service fourni par le libraire ».
Les dangers inherents au non-plafonnement des rabais accordes a des collectivites privilegiees sont tellement evidents que, dans les pays europeens ou le prix unique du livre est de rigueur, ces rabais particuliers, quand ils sont toleres, sont toujours circonscrits par des accords interprofessionnels ou par des mesures legislatives :
Allemagne : rabais maximum de 5% aux bibliotheques scientifiques, de 10% aux bibliotheques populaires, de 10 a 15% (selon les Lander) aux livres scolaires achetes par des collectivites publiques ;
Danemark : a partir de 4% de rabais selon les quantites pour les livres scolaires achetes par les municipalites, 10% (zones rurales) a 15% (villes) pour les livres achetes par les ecoles secondaires et commerciales, 20% pour les livres danois et 10% pour les livres etrangers acquis par les bibliotheques ;
Espagne : 5 a 10% en faveur des bibliotheques et des ecoles; une campagne de discount lancee en 1993 lors de l'ouverture d'un grand magasin multimedia a ete jugee contraire au decret relatif a la fixation du prix du livre ;
Pays-Bas : possibilites de rabais plafonnes a 5 a 10% pour les ecoles, les biblioth£ques des entreprises et des administrations, ainsi que pour les ventes en quantites.
En France, Tabsence de limites reglementaires mises a Toctroi de rabais, Taggravation progressive de ceux-ci et Timportance du marche concerne ont peu a peu constitue un facteur de destabilisation de Tensemble de la chaine du livre. Contraints de consentir des rabais devenus insupportables, les libraires n'en voient pas moins les collectivitćs s'adresser de plus en plus directement aux grossistes, qui, disposant de marges tr^s superieures a celles de la librairie (du fait de charges moindres essentiellement, notamment de charges de personnels moins qualifies et moins nombreux), se presentent sur le marchć avec drirresistibles capacites concurrentielles. Les editeurs, de leur cóte, assistent avec inquietude a Taffaiblissement du reseau des librairies, support essentiel de leur politique editoriale qui necessite un travail constant de misę en valeur, pour des ouvrages qui ne pourraient, sinon, trouver de public. L'option d'une augmentation generale des prix du livre, afin de permettre aux libraires de financer leur part de chiffre realise avec des collectivites (ou de s'en dispenser) grace a une vente au detail plus lucrative, serait contraire, par ailleurs, a la volonte de rendre le livre le plus accessible possible.
Dans ce contexte, du a Tabsence, dans la loi de 1981, de plafonnement des rabais aux co!lectivites publiques, Talarme de la librairie traditionnelle s'est focalisee sur le cas des bibliotheques dont le poids dans la vie culturelle et sur le marche du livre s'est rapidement alourdi. Du « cabinet de lecture » du siecle des lumieres a la Bibliotheque nationale de France, de tels etablissements n'ont jamais cesse d'exister. Le fait nouveau est leur multiplication depuis la loi de 1981, la creation d'une bibliotheque paraissant devenir un
2