30 Ali al'Amin Mazrui
visent en partie k corriger la distorsion des faits due aux gćnćrations prćcć-dentes d’historiens non africains, ou visent k combler les lacunes laissćes par ces premiers chercheurs.
C’est en partie pour ces raisons que YHistoire ginerale de l'Afrique risąue parfois de devenir elle-meme un exemple de contre-subjectivitć : une expćrience parrainee par une organisation internationale dont les membres sont des gouvemements, qui vise notamment i rćfuter l’image antćrieure de socićtćs africaines prćsentćes, k tort, comme primitives et situćes hors de 1’histoire.
U faut que cette Histoire generale de l'Afrique se premunisse en perma-nence contrę la tentation de jouer devant le tribunal ćtemel de la justice historique le róle du dćfenseur de l’Afrique face au procureur europćen.
II importe de trouver des Solutions k la subjectivite sous toutes ses formes — qu’elle soit individuelle, collective ou contre-subjective — au moment ou les Africains s’efforcent de comprendre leur passć et, i mesure qu’il se dćvoile, leur prćsent.
Mais, outre la subjectivitć du chercheur ou de 1’historien, il faut faire entrer en ligne de compte le climat politique gćneral dans lequel le travail historique s’ćlabore. Ce climat a des incidences d’ordre interne ou national dans le pays concernć, mais, en outre, il comporte egalement des implications d’ordre inter-national, comme nous le verrons plus loin.
En toile de fond, il y a ce facteur essentiel et trćs simple, a savoir que l’Afrique est devenue un continent fortement politisć. Des questions qui, ailleurs, dans le monde seraient pratiquement tenues pour non po!itiques prennent, dans la plupart des pays africains, une dimension politique. Peut-etre est-ce dO i la naturę de l’ćpoque ou nous vivons et k la perception aigue des problćmes politiques colossaux qui se posent k presque tous ces pays.
Les ambitions de la plupart des pays africains sont vastes : elles reposent en particulier sur le desir de forger des nations unifićes, k partir de commu-nautes multiples, et de faire de leur pauvretć le tremplin meme de l’abon-dance, le tout en 1’espace d’une gćnćration. Les nouvelles entites territoriales crćees par le colonialisme europćen ont ćte maintenues par les gouvemements africains indćpendants, et ce, avec un instinct de proprićtć que Ton peut qualifier de fćroce. La seule chose que les pays africains ne souhaitent pas dćcoloniser, ce sont prćcisćment les frontićres coloniales entre ces Ćtats.
Si les ambitions des pays africains nouvellement indćpendants sont grandes, leurs institutions et les moyens dont ils disposent pour rćaliser ces ambitions sont faibles. Aussi l’un des problćmes politiques permanents qui se