104 Annuaire dc la Conunission du droit International, 1975, roi. II
surrectionnel k un Etat etranger parce qu’en generał la luttc contrę Pinsurrection n’aurait pas ćtć menee avec vigueur. Le defaut de vigilance et d’intervention des auto-rites etatiąues doit ćvidemment s’etre produit k propos de la protection des Etats ou des particuliers ćtrangers vic-times de certains agissements des insurgćs, et encore a Poccasion de ces agissements. De meme, le fait que Pon dise que 1’Etat n’est pas responsable «des dommages » causćs par les insurgćs « k moins qu’il» n’y ait eu dans un cas concret dćfaut de protection de la part des organes etatiques ne signifie nuilement qu’une telle nćgligence rendrait tout k coup possible Pattribution k PEtat, exclue en principe, des faits du mouvement insurrectionnel. Tout ce que Pon veut dire, c’est que dans de tels cas PEtat, responsable de Pomission reprochće k ses organes, est tenu d’indemniser les dommages causćs par les agissements des insurgćs k titre de reparation de son omission. Mais le fait internationalement illicite de PEtat n’est encore, et toujours, que cette omission. L’action com-mise par les organes des insurgćs n*est, par rapport au comportemcnt dc PEtat, que l’ćvćnement extćrieur cata-lyseur de Pillicćitć de ce comportement.
24) L’analyse des opinions doctrinales permet de cons-tater que les internationalistcs font eux aussi preuve d’une remarquable unitć de vues en ce qui concernc les questions qui rentrent dans le cadre du present article. II y a longtemps qu’ils sont d’accord pour reconnaitre que les comportements d'organes d’un mouvemcnt insurrectionnel ne sont pas susceptibles d’etre considćrćs comme des faits de PEtat et d’cngendrer sa responsabilitć internationale. Ils admettent que Pon ne saurait parler d’une responsabilitć de PEtat en rapport avec de tels comportements que si ceux-ci ont ćtć Poccasion d’un manquemcnt par des organes de PEtat a une obligation internationale incombant a ce dernier. Au xixe sićcle dćja, des auteurs s’etaient exprimćs dans ce sens 245. La tentative faite k Plnstitut de droit international entre 1898 et 1900 visant k faire admettre une sorte de garantie objective de PEtat pour tous les ćvćnements prejudiciables causćs par des ćmeutes ou des guerres civiles fut vite abandonnće. D’ailleurs, les propositions faites a Plnstitut entendaient sc rćfćrer cssentiellement k Phypothćse oii les rćvolutionnaires n’ćtaient que de simples particuliers 246.
,<s Voir p. cx. Ch. Calvo, « Dc la non-responsabilitć dc PEtat a raison des pertes et dommages ćprouves par les ćtrangers en temps dc troubles interieurs ou de guerres civiles », Revue de droit international et de legislation comparee, Bruxcllcs, lrc sćrie, t. I, n° 3, 1869, p. 417 et suiv.
*“ Propositions faites par Brusa, Fauchillc et von Bar. L’articlc II, al. 2 et 3, dc la rćsolution adoptec en 1900 par Plnstitut de droit international (Annuaire de 1'Inslitut de droit international, 1900, Paris, voI. 18, 1900, p. 236 et suiv.) precisait que si le « gouvcrnement insurrectionnel» avait ćtć reconnu comme « puissance belligćrante » et donc comme un sujet distinct de droit international, c’ćtait k ce dernier gouvemement que les Etats lesćs devaient adresser leurs demandes en vue de la reparation des prejudices subis. L. von Bar s’exprimait dans le meme sens (« De la responsabilitć des Etats k raison des dommages soufferts par des ćtrangers en cas dc troubles, d’ćmeute ou dc guerre civilc», Revue de droit international et de Iźgislation comparóe, Bruxelles, 2C serie, t. I, n° 4, 1899, p. 475). Les auteurs qui ont par la suitę appuyć la proposition tendant k rendre PEtat responsable, dans ccrtaincs hypothćscs, des faits des insurgćs ont en mfime temps tous exclu une telle responsabilitć au cas ou PEtat aurait reconnu les insurgćs en tant que « belligerants ». Voir 25) Quant aux auteurs modernes, que leurs etudes aient ćtć consacrćes spćcifiquement au probleme247 ou qu’il s’agisse d’ouvrages plus vastes sur la responsabilitć internationale 248 ou sur le probleme de la reconnaissancc 249, ou encore qu’il s’agisse dc traitćs genćraux 250, on peut dire que leurs positions, si elles sont parfois divergcntes sur d’autres points, sont pratiquement unanimes a recon-naitre que, d’apres les regles aujourd’hui en vigueur2S1, les comportements prejudiciables des organes d’un mouvement insurrectionnel ne sont pas attribućs k I’Etat et n’engagent donc pas sa responsabilitć internationale. Une telle responsabilitć ne peut k la rigueur naitre que 1 k ou les organes de PEtat ont manquć a des obligations reconnues de diligence pour prćvenir ou pour rćprimer les comportements prejudiciables en question. Et d’ailleurs, meme cela ne semble pas aller de soi pour p. ex. A. Rougier, Les guerres civiles et le droit des gens, Paris, Larose, 1903, p. 462.
U1 P. cx. H. Arias, loc. cit., p. 724 et suiv.; K. Strupp, « Responsabilitć internationale de PEtat...» (loc. cit.), p. 133 et suiv.; L. A. Podestk Costa, loc. cit., p. 220 et 221; J. Spiropoulos, Die de facto-Regierung im Vólkerrechts (Beitrdge zur Reform und Kodifikation des Vólkerrechts, n° 2), Kieł, Verlag des Instituts fur Internationalcs Recht an der Univcrsitat Kieł, 1926, p. 180 et suiv.; J. W. Gamer, loc. cit., p. 58 et suiv.; G. Berlia, « La guerre civile et la responsabilitć internationale de PEtat », Revue genśralc de droit international public, Paris, 3® sćrie, t. XI, n° 1 (janv.-fćvr. 1937), p. 55 et suiv.; Ch. Rousseau, « La non-intcrvcntion en Fspagne», Revue de droit international et de legislation comparee, Bruxcllcs, 3* serie, t. XIX, n° 2, 1938, p. 275 et suiv.; H. Silvanie, « Rcsponsi-bility of States for acts of insurgent govemments », American Journal of International Law, Washington (D.C.), vol. 33, n° 1 (janvicr 1939), p. 90 et suiv., et Responsibility of States for Acts of Unsuccessful Insurgent Govemments, New York, Columbia University Press, 1939. p. 135 et suiv., et 159 et suiv.; M. Akehurst, « State responsibility for the wrongful acts of rebels — An aspect of the Southern Rhodcsian problem », The British Year Book of International Imw, 1968-1969, Londres, vol. 43, 1970, p. 49 et suiv.
P. cx. E. M. Borchard, op. cit., p. 228 et suiv.; P. Schoen, loc. cit., p. 78; A. Decencićre-Ferrandierc, op. cit., p. 158 et suiv.; M. G. Guerrero,« La responsabilitć internationale des Etats dans les faits et dans sa rćgle », Acadćmie diplomatique internationale, Dictionnaire diplomatiąue, Paris [s.d.J, vol. II, p. 567 et suiv.; L. Strisowcr, loc. cit., p. 481 et suiv.; C. Eagleton, The Responsibility of States... (op. cit.), p. 138 et suiv.; V. M. Maurtua et J. B. Scott, op. cit., p. 55 et suiv.; P. Reuter, loc. cit., p. 93 et 94; H. Accioly, loc. cit., p. 395 et suiv.; I. von Munch, op. cit., p. 232; C. F. Amcrasinghe, loc. cit., p. 127 et 128; E. Jimćnez de Arćchaga, loc. cit., p. 562 et suiv.; G. Tćnćkidós, loc. cit., p. 788; P. Kuris, op. cit., p. 202 et suiv.
M* P. cx. H. Lauterpacht, Recognition in International Law, Cambridge, University Press, 1947, p. 247 et suiv.; B. Chcn, The International Law of Recognition, New York, Pracgcr, 1951, p. 327 et suiv.
160 P. ex. C. C. Hyde, International Law chiefly as Interpreted and Applied by the United States, 2® ed. rev., Boston, Little, Brown, 1951, vol. 2, p. 979 et suiv.; Ch. Fcnwich, op. cit., p. 284 et suiv.; G. Schwarzcnbergcr, op. cit., p. 629 et 630; I. Brownlie, Principles of Public International Law, Oxford, Clarendon Press, 1966, p. 373 et suiv.; L. Cavarć, op. cit., p. 548 et suiv.; D. P. 0’Connell, International Law, 2C ćd., Londres, Stevens, 1970, vol. II, p. 969 et suiv.; G. Von Glahn, Law among Nations: An introduction to Public International Law, 2® ćd., Londres, Macmillan, 1970, p. 242 et suiv.
"ł U y a cependant des auteurs — comme D. P. 0’Conncll {op. cit., p. 969 et 970) et E. Castrćn (« Civil War », Annales Academiae Scientiarum Fennicae, ser. B, t. 142, fasc. 2, Helsinki, Suomalainen Ticdeakatemia, 1966, p. 232) — qui souhaiteraient dejure condendo que 1’Etat soit toujours tenu pour responsable, aprćs la fin dc la revolution, des faits d’insurgćs agissant pour le compte d’un gouvcrnemcnt de facto local.