15G SAINTE-ANNK DABRAY
la journće, ils nont eu aucun repos; ils se privent en-core volontairement de sommeil ; et maintenant les voilA, tantót k genoux sur les dalles de granit, priant en face des diffćrentes reprćsentations ; tantót debout ecoutant avec ćmotion les paroles qui sacontent les souffrances de Notre-Seigneur; tantót marchant de sta-tion en station au chant des cantiques.
Ceschants, cette obscuritć, ces tableaux, ces rścits, cette marche avecses arrćłs rćpśtes, tout cela ćvoque puissamment le souvenir de la Passion, et la fait en quelque sorte revivre, autour de la Croix de Jerusalem qui sedresse commesur un calvaire au milieudu prćau.
Et rien ne manque a la scóne pourdonner 1’impres-sion de la rćalitć.
En effet, si c’est une nuit de pri&re, c’est aussi une nuit de dćsordre; c’est 1’heure oó 1'enler prend sa re-vanche. Sous les tentes foraines, les boissons eni-vrantes ne cessent de couler jusqu'au jour; sur les rues, la canaille sortie on ne sait doó vient hurler ses chansons en se cachant dans les tdndbres ; et partout c'est la jeunesse accourue des paroisses voisines k des rendez-vous qui sont 1’efTroi des m&res.
Pendant que dans le cloitre c’est le chceur « des saintes femmes » et des disciples courageux qui prient et qui soufTrent avec Notre-Seigneur, — dans le vil-lage, c’est le chceur de ceux qui blasphement, qui ddshonorent et qui insultent (1).
Ce confraste, qu un recit impartial devait constater, n'a rien d'ailleurs qui puisse deconcerter ni sur-prendre : n'ost-ce pas Thistoire en raccourci de 1’huma-nitć, qui se partagera toujours en deux groupes devant la croix, celui de rindiffćrence et de la haine, celui de la pćnitence et de 1’amour?
(I) Sans doute cc scandalc ne se reproduisait pas h loutes les fćtcs, et depuis 1’annće 1900, il n'y en a pas cu d'exemple notable. Mais nous en avons ćtć si souvent les tćmoins que, dans un aperęu historiquedu ■ P*lerinage au XIX*siicle», notre silence h ce sujet eńt ćtć un manque de veracitć.
La Communion. — La nuit se tcrmine pour les póle-rins par la messe qui se dit k la scala aux premteres clartćs du jour, et par la communion.
Le plus souvent, la messe du dópart est cćlćbrće dans cet oratoire (1): et c‘est un spcctacle trós touchant de voir les pfclerins monter les marchcs en files ininter-rompues pendant des heures, s’agenouiller les uns apri>s les autres devant le prćtre qui les communie, et redes* cendre pour retourner k leur place dans le recueillc-ment et le silence (2).
Quelques instants apr&s ils ont quittć le village.
La fóte est terminće pour eux.
Mais en móme temps que ce flot de pćlęrins s’ćloigne, un autre flot, tout aussi considćrable, arrive k son tour pour assister k la messe solcnnelle de la fdte.
La Grand'messo. — Parfois la grand’messe se chante k la Scala Sancta : le champ de l'Epine est en effet la seule enceinte qui puisse recevoir 1’immense foule.
Parfois clle se chante aussi dans la basilique; et quel que soit le caract&re imposant de la messe en plein air, c’est bien ici le cadre qui eonvient k la messe pontificale.
Lart sous toutes ses formes y accumulc ses mer-veilles : c'est ici, mieux que partout ailleurs, que les cćrćmonies se deroulent avec ampleur, ici que peut s’etaler toute la richesse des ornements liturgiques. ici que la lumifcre arrive adoucie par les vitraux. A 1 abri du soleil trop brillant ou de Ja pluie importune, loin
(1) Cette description se rapporte A la fin du XIX* siAcle et du commcncement du XX*. II y a cent ans les choses ne se passaient • pas autrement, d'aprAs lcrAclt du supArieur młmo du Ptlerinage:
A cette 4poque: « Le jour de la Pcntecóte, A 4 heures du matin, on cAlAbre une basse messe A 1’autel du PAre Eternel (Scala Sancta), aprAs laquelle ont coutume de a'en retourner les pAlerins renus de la Yeille... Et dans la matinćc se retrouve encore dans le village au moins le mAme nombre de pAlerins... « (Młmoirt* du P. Cutnet).
j2) La communion, distribuće ainsi A la Scala Sancta. est le seul moycn que l’on ait trouvA jusqu'ici pour evitcr les « bousculades » regrcttablcs qui se produisent inAvitablement quand clle est dis-tribuAe A 1'Aglise.