H G SAIMTK-AMSR DAURAY
La croix de Jóruaalom.
Dcpuis qu’on a rćtabli łes pfclerinages franęais de Jćrusalem, c’est 1‘usage d’emporter l&-bas une croix de grandę dimension ; et, aprds qu’elle a ćtć sanctifiće k toutes Ies ćtapes de la voie douloureuse, on cherche un endroit en France oii elle putsse recevoir Ies hommages des fidćles.
C’est une de ces croix que l’on a erigćc k Sainte-Anne d'Auray le 14 septembre I88G.
Dis son arrivće en gare, les habitants de Pluneret I’avaient dćposće dans leur ćglise ; et, cinq jours apr&s, les hommes d’Auray, — pr£s d’un milłier, — la trans-portórent jusqu’au village sur leurs ćpaules (1).
On la dressa provisoirement au champ de 1'Epine. Elle y fut acclamće et vdnćrće par une foule im-mense.
Le lendemain, atfant sonćrection dćfinitive, I'ćv6que de Vannes, entourć des ćvćques d’Orlóans, de Blois et de Versailles, interpella les 25.000 p6lerins masses devant la scala et leur dit: « Mes Frferes, si vous vou-
(t| A cette occasion se rćvćla une fois de plus le caractćre parti-culariste des gens dc Pluneret, toujours si jaloux de leurs droits paroissiaux.
Les P£res Kćdcmptoristcs, qui prćchaient en ce moment une mission & Auray voulurent profiter de la circonstance pour avoir une manifestation d'hommes. et its sollicitćrcnt pour les Alrćens 1’honneur de porter jusqu*au rillage la croix dc Jćrusalem : ils avaient IA une occasion exceptionnelle de grouper ies hommes pour cióturer la mission.
Mais on avait compte sans les habitants de Pluneret: la croix ilait deposće daos leur ćglise, c’est leur territoire que le cort«gc devait traverser, ils se croyaienl aussi capables et aussi dignes que les Alrćcns de'porter eux-mćmes la croix.
II fallut bien en arriver A un compromis. II fut convenu que les hommes de Pluneret porteraient la croix jusqu'au delA de la gare, et que les hommes d‘Auray s en cbargeraicnt ensuite jusqu'A des-tination. Mais une fois en possession da brancard, ceux de Pluneret ne voulurent plus cAder la place; le Supćrieur de la mission dut interrenir en personne et employer toute son autoritć pour leur faire lAcher prise.
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LES NOUVKM.ES FŻTES 177
lez que la croix aprfcs avoir protćgć votre berceau, s’ćlćve aussi sur votre tombe, jurez-vous de la garder et dc la defendrc?... » L'auditoire, saisi d’une ćmotion indescriptiblcj rćpondit tout d’une voix: « Nous le jurons! *>
Alors les p£lcrins de Jćrusalem, pieds nus, la prenncnt et la portent jusqu'au cloltre oti elle doit de-meurer.
Quand on l’eut dressće au milieu du preau, com-menęa un dćfiie, qui dura plusieurs heures; des pfcle-rins chantant, priant, pleurant, chacun voulant s'ap procher de la croix et la baiser(l).
La croix de Jćrusalem avait ćtć offerte k la Bretagne par le P. Bailly, fondateur du journal La Croix et directeur des pfelerinages de pćnitence: « Ce bois, o Bretons, a grandi dans vos for£ts; le biłcheron qui l’a frappć ignorait ses destinćes. Nous l’avons dressś sur un navire qui figurait 1’Eglise au milieu des vents et des flots. L&il est devenu le centre d’une prióre ininter-rompue, et chaque matin plus de cent prćtres cćle-braient la messe & ses pieds. A Jćrusalem, en parcou-rant le chemin royal du Christ, il s’est arrótć k chacune des stations sanglantes; il a fait trois fois le tour du Saint-Sćpulcre. Puis quand il a fali u choisir 1’endroit oft Ton replanterait cet arbre, qui a empruntć tom les reflets de la croix du salut, le chćnea repris le chemin de son pays, et dćsormais il se dressera au coeur cle la Bretagne. »(2).
Ce n’est pas uniquement parce qu'eile a fait le voyage de Terre Sainte que cette croix meritait ici une manili) Lc soir, je rencontrai, dans un anglc du cloltre. M. de la Villcmarquć, membrc de 1'lnstitut, qul avait les larines aux yeux en regardant ce spectade: « Cest beau, me dit-il, coramc au tcmps desCroisades. » (J. B.).
(2) Dans son ćmouvuute prosopopec, le P. Bailly orait de rap-peler une circonstance qul rend cette croix encore plus chćrc apx pćlerins de Sainte-Anne d'Auray : c’est qu'avanl d'£tre portćc au c^alraire, elle sljourna quelque temps dans la proprićl4 meme de sainte Annę A Jerusalem.
SAINTE-ANNE D’AUHAY. T. II
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