■452 SAINTB-ANNĘ d'aURAY
Oacllc chose poignante de voir. comme ici, un homme qui a refusA obstinemcnt ce que sollicitait une apparition, inourir bien-' tdl aprts. et Tcnir alors, en posturę de suppliant, rćclamer pour lui -rnónie ce qu’il avait refuse k un autre 1
Le 42 fAvrier 1648, se prAsentaient devant les religieux de Sainte-Anne trois pAIcrins de LandAvAnec: Pierre Babel, « lamballais », Jeanne GuAguAniec sa femme, et Catherine GuAguAniec leur tante.
Et voici les faits Atonnants qu’ils raconterent devant tA-moins.
L/annće prćcAdentc, alors que, n‘Atant pas encore mariAe, elle habitait chez scs parents, au village de Quiniguidec, Jeanne avait AtA, A diverses reprises, visitAe par une Ame en peine. •
Anna Le Głaz sacousine, qui venait de mourir,lui avaitap-parut au moins une dizaine de fois. tantót le jour et tantdt la nuit, la suppliant dc faire A son intention un pAlerinagc A la chapellc de Saint-Gouesnou, pres de Brest.
Jeanne, qui aimait beaucoup sa cousine, trAs Amue de ses instanccs rAitArAes, finit par lui rApondre : « Je le vcux bien; mais ce voyagc, je nc puis 1’entreprcndre sans le bon plaisir de mes parents. »
Elle en parła donc A son pAre.
HcrvA GuAguAniec refusa. Plusieurs fois elle revint A la charge; mais le pAre demeura infiexible, Atant sans doute absolumcnt sceptique sur la rAalitA des choses que lui contait la jeune filie.
Cependant Anna Le Głaz insistait, renouvelant sans cesse ses apparitions suppliantes. Jeanne, dAsolAe de son impuis-sance A lui porter secours, rApondit un jour que son pAre ne voulait pas, et qu'elle ne pouvait pas dAsobAir. « Eh I bien, lui dit la trApassAe, en punition de son mauvais vouloir, ton pAre mourra dans 1'annAcl »
Et la prAdiction s‘Atait rAalisAe A la lettre. — Au mois de novembre, HervA fut atteint de pleurAsie ; et, moins de 24 hcurcsaprAs, il mourait.
Alors sc passa ce qu’il y a de particuliArement Atrange dans cette histoirc. i
Celui qui n'avait pas youIu qu’on obAlt A la priAre d'un mort, va venir supplier A son tour aprAs sa mort.
Au mois de janvier suivant, Jeanne se mariait: elle ćpousa Pierre Rabel du village de Kerangoat.
Le recteur de la paroissc, suivant la coutume bretonne d alors, avait acceptć dassister au banquet; et, la cćrćmonic* terminie, il quittait 1'ćglise en compagnie des nouvcaux ma-rićs.
Or, au moment mćme o Cl le cortćge traversait le cimetićre. la mariće s'aperęut tout & coup que son pćre marchait k ses cótćs. entre elle et le recteur. II les accompagna jusquau vil-lage, invisiblc k tout le monde, sauf k sa filie; et quand on s‘assit k table, convive inattendu, il prit place lui-mćme au-prćs d'elle.
Pendant que toute Tassemblćc sćgayait en joyeux propos, la pauvre mariće dcmeurait obstinćment triste au milieu des plaisanteries et des rires. Toutefois elle cut la forcc de ne pas laisser deviner a la compagnie la cause de sa tristesse.
Ccci se passait le 30janvier.
Le dimanche suivant. k 1'heure de la grand'messe et dans l'ćglise mćme 0C1 il avait ćtć enterrć, le mort apparut une seconde tois, et de la mćme manićre, habillć comme de son vivant. Ainsiquelejourdesnoces.il ne prononęa pas une parole; mais, avec la rudesse qui lui ćtait familiere autrefois, il porta k sa filie un coup violent sur la hanche, qui lui causa une grandę douleur, sans nćanmoins laisser aucune tracę de ^ meurtrissure.
Ce mćme jour, vors minuit, troisiemc apparition : Jeanne aperęut son pere au milieu d'une lueur. enveloppć d'un lin-ceul; et cette fois Hervć parła. — « Tu feras dcux pelerinages, lui dit il, l*un, que je t'avais rćfusć pour Anna Le Głaz, i Saint-Gouesnou; 1’autre pour moi k Sainte-Anne d’A uray. Tu prendras avec toi ta tante Catherine. ainsi que nos deux voisins, Yves Rabel et Yves Butany. •
C'est alors quc, sachant enfin ce que voulait son pćre, elle se dćcida k en parler ii son mari; et elle lui rćvćla tout ce qui lui ćtait arrivć depuis queiqucs mois.
Le mari ne fit aucune difficultć pour conscntir k ces pćle-rinages, exigeant seulemcnt que l’on attendit la belle saison.
— Quant k Batany et k Raoul, donl Hervć avait demandć le concours, ils rcfusćrent de faire le voyage.
Mais le mort ne voulait pas attendre.