482 • SAINTK-ANNK DAURAY
ller des mendiants de Sainte-Anne dAuray, nous ne prćtendons ni les condamner tous, ni bl&mer tous leurs actes.
Nous n'ignorons pas que Jesus-Christ a donno droit de citć aux pauvres dans la socićtć chretienne. Et c’est peut-ótre en Bretagne qu’on sest le plus rapprochć A ce point de vuo de 1'idćol óvangelique (1).
Cesont lesdescendantsauthentiques de ce bonhomme Misiret que la Ićgende bretonne, qui explique tant de choses, nous reprćsente comme le premier nć d'Adam et d’FA’e : et A cetitre on a pitić d'eux. Mais la loi chrć-tionne va plus loin, et Jesus-Christ, en identifiant leur personne avec la sienne propre « J’ai eu faim et vous m'avo« donnć A manger, j'ui ćtć nu et vous m avez habiile, » — nous a appris A les respecter (2).
II o eu soin du reste.de nous prśvenir que nous au-rions toujours des pauvres parmi nous.
Aussi personne ne eonteste que les pauvres aient leur place dans nos licux de Pardon. Et les pfclerins. dont l'Ame s'ouvre si facilement aux influences surna-lurelles, ne s’ćtonnent pas de les y voir. L/aumóne dont il a coutume daccompagner sa prifere, il trouve tout naturel de la partager entre le saint qu’il vient invoquer et les pauvres en qui il reconnait les membres souffrants de Jesus-Christ.
lis ont aussi leur place aux mariages;et il etait de tradition chcz nous de les y inviter comme les reprć-sentants de Dieu, cela porte bonheur. En les accueil-
(1) Votr, au d*but de cctte monographie, ce que nous arons dit de la p»uvret6 dans la vie mystique (Cf. (introduction,
p. 39): a 8n Bretagne les pauvres, raćprisć* ailleurs, sont presque 1’objet d*on <ulte affectueux: on les appclle bon* p*utrei. chert pamrti, amit ou frtrtt rfu Bon Ditu. U est toujours sór de lrouv*r un asik et du pain dans le manoir comme dans la chauinkre ».
|2l Nous connaissons des cas o(i la parole de Nolrc-Seijrneor est appliqutk A la lettre: nous avons tu reritir avec les plus beaux ' habtts do dirunt le pauvre qui venalt prier pour son Ame; nous nvons vq aussi des fatnilles honorables appeler le pauvre aux fonts baptismaux poar serrir dc parnin A Tcnfant nouveau-nć.
lant, les familles chrćtiennes croynient recevoir le mime honneur que les ćpoux de Cana (1).
Ils ne sont pas deplacćs non plus aux funerailles : ils y venaient d'eux-m6mes, et on les y acceptait volon-tiers. Alors comme ils s associaient aux pri^res de la familie, ils participaient naturellement aussi au repas.
Quand ils faisaient leur tournće dans la region (2) pour qu£ter leur pain quotidien. on leur donnait « la charitd pour 1'amour de Dieu ». Puis, laumóne une foisrecueillie dans leur besace, ils achevaient la priAre commenc^e, et ne s’en allaient jamais sans appeler la bćnediction du ciel sur les gens de la maison.
(I) Cf Les Chkntt des Paoerej dans le Barzaz-Breiz, p. 421
De lous les auteurs qui ont dAcrit la prAsence des pauvres A ces riches mariages de la campagne, ou les invitćs se comptcnt par cen-taines, par milliers nieme queiquefoisv c’est encorc Brizcux qui dans ses vcrs a le raicux rondu la rćalitA et la beautćdeccs scAnes rustiques.
Voici un Achantillon dc so maniAre.
• Ah I cette noce encore a des pompo* plus hautes :
Avec le tccond jour y.cnncnt de nouveaux hótes,
Sans robo d'Acarlate et pourpoint de drap blcu Mai* les mombres du Christ et les hótesde Dieu,
Les pauvrcs! — plus de cent autour de l'air a hattrc,
Muigre essaim d'aflamAs, Ataicnt venus sabottre,
Si tristes tous les jours, si joyeux ce niatin Qu'ils attendent leur part des bribes du festin*
Les marićs...........
Chacun heureux et fierdc les scrvir lui*mAmc,
Vicnnent les bras chargAs des incts que le pauvre aimc.
Qui ne sait que, vAtus.d'un lambcau de toison,
Les saints vont Aprouver le riche en sa maison,
Oh f la soupe abondante et grasse et hien trcmpAe,
Des trlpes A foison l Une franche lippAe!
On pourrait se nourrir rlcn qu’A 1'odeur des fours:
HAlas ! que nc fail-on des noces tous les jours.
Mais, dites & prAscnt, Messieurs. et vous Mcsdames, Scntez-vou* pas couriren vous certaines flammes?
Haut le pied, lestruands. et donnez*vous la mam:
Rn dansc !.,
Comme en ces Ages d’or, lointain qut toujours brillc,
Tous ne formaient entre cux qu'une seule familie.
(2) Chaque paroisse de la rAgion a son jour pour recevoir la visite des pauvres; et ils vont en villc comme A la campagne. Toute leur semaine est prisc, et U ne leur reste quc le septiAme jour pour se reposer.