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490 SAINTK-AN.NB DAURAY

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De tout ce qui prćcAde il ressort qu’il y a, dans cette clientAle de nos Pardons, depuis les truands qui tra-f»quent de leurs misAres jusqu'aux petits marchonds, une vnrićtć trAs grandę ; et il serait injuste de les con-fondre les uns avec les autres.

Et aux truands eux-mćmes que nous avons dd sAvA-rement condamner, nous ne songerions pas A reprocher leur presence A Sainte-Anne, s'ils n'avaient recours A des moyens rćpugnants pour Amouvoir la pitió; et s'il ne faisaient de 1’argcnt, qu'on leur donnę par esprit de religion, un usage quasi sacrilAge.

II y a eu en efTet pour ces mendiants, A une certaine Apoque du moins, un triste lendemain de Pardon.

Ceux qui s'Ataient AparpillAs sur toutes les routes pendant les fćtes, se donnaient rcnde/.-vous, une fois les pAlerins partis, « au Soleil levant ». .

Lauberge se transformait alors en vraie « cour de miracles >> (1), oCł disparaissaient comme par enchante-ment les blessures et les infirmitAs d’emprunt : les areugles redevenaient clairvoyants, les bAquillards remisaient dans un coin leurs appuis inutiles, les malheureux qui avaient gAmi toute la journA ne parais-saient plus incommodAs de leurs ulcAres (2). Toutes

(1)    Ce raot qui dćsignait primitiveinent le licu ou Ics mendiants sc debarrassaient de leurs infjrmitós, s’ćtendit par la suitę jndis-tinctement & toutes les rćunions de gueux.

Les cours de miracles ont ćte decrites par Paul Lacroix dans ses ćtudes sur le Moyen-Agc. Plusicurs rotnanciers du XIX* siacie se sonl inspires de ces moeurs ( Yictor Hugo dans Notre-Dame de Baria, Emilu Souykstrf. dans le Mendiant de Saint-Roch, PaUi. Fźyal dans le Botau)...

Lauberge du ■ Soleil lev«nt», se lrouvait sur la route de Sainte-Anne k la gare, & un kilomćtre du village.

(2)    Les gueux produisaient ces ulcćres, bideuses d’apparence raais peu douloureuses en rćalitć, par lemploi dhcrbos connues. Le grand dictionnaire de Larousse (au mot « Coesre-n) donnę une longue description des tnoyens qu'ils employaient pour simuler des plaies, blessures ou maladies.

Le Goftic (L*4me brtlonne, t** sóric. p. 36). en parlant des Par-/

ces pretendues victimes qui avaient hurlś en public, se reposaient maintenant de leurs fatigues et se transfor-maient enjoyeux compagńons.

La pićtć s’en allait en mćme temps que les misóres : plus de mains jointes, plus de chapelet, plus de regards lev<5s vers le ciel, plus de Pater, plus de pieuses com-plainte ; mais les attitudes et le langage de gens gros-siers et sans pudeur (I).

On festoyait. Parfois minie, quand la recette avait dte fructueuse, on faisait venir bombarde et biniou ; et le divertissement dćgśnćrait en orgie.

Ces desordres ne se renouvelaient pas k chaque ffite ni mime chaque annće : mais il n’y a pas un dćtail dans les scfenes' scandaleuses que nous avons dćcrites, qui ne soit rigoureusement historique.

On est heureux de constater que cette plaie du Pfcle-rinage de Sainte-Anne tcnd k disparaltre de plus en

dons, n’a pas manquć l occasion dc faire, lui aussi, une dcscription des mendiants; et comme A. Le Brąz (iiofr plus h*ul) il n’a pas rćsisti au plaisir qu'ćprouvent les icrivains rialistes k italer la richesse de leur vocabulaire pour faire du pittoresque. Au milicu d'exagerations ćvidentes, nous cueillons niunraoins cette jolle phrasc qui cjcprime ćlćgamment un usage bicn laid : « l)’in-yraisemblables plaics suppurent, dont la veillc on raviva la savante polychromie par quclqucs cataplasmes d’4clair ou d'eu-phorbe ».

(1| EraileSouvestrea noti, nvec beaucoup d'humour, ce contraste entre la pose et le naturel chez les mendiants. — « A cette annonce (qu’il n'y arait plus personne dans 1’ćglise) le mendiant se soulcva sur ses bćquilles, et, les laissant passer toutes les deux dans la mćrnc main, il se mit k se secouer et k allonger ses mcmbres k la manićre des chiens qui s’ćvcillent. — « Pour lors mettons-nous k Taise, dit-il, d’ótre paralytique, ęa finit k la longue par vous engourdir ».

■ A l'autre bout unemendiantegourmandaitdeuxjeunes enfants dćguenillćs. assis k ses pieds dans une attitude languissante : — « Eh 1 bien, s'avisent-ils pas de jouer k cette hcure, disait-elle en lessecouant rudement. Vous ne pcnsez donc pas qu'on peut vous voir, pctits marauds. Vite, voyons, reprenez l*air triste, ou je tape ». (Le mendianl de Suinl-Roch).

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