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— Valait-il mieux construire une nouvello ćglise, tout en maintenant 1’ancienne, qui serait conservće pour servir de crypte?— Frojet irrdnlisable dans une plaine. ou cet ćdifice aurait une hauteur dćmesuree.
— Etait-il prefórable de juxtaposer ó la premidre chapelle unećglise latćrale plus grandę, qui feraitcorps avec elle? — Cette hypoth&se fut ćcartće comme les deux prćcćdcntes : pendant les premifcres annćes, les pMerins auraient dćserte la grandę ćglise pour la petite, et peu & peu ensuite dólaissć la petite pour la grandę,
— Ou enfin, par une mesure plus radicale, sacrifie-rait-on absolument la construction de Nicolasie, pour ćlever 6 sa place un edifice se ddve!oppant au centre du plaeltre avec des proportions majestueuses? — A 50 ans d'intervalle on a peine a concevoir qu’on ait jnóme hćsite i prćfćrer la dernióre hypothćse, qui du restea prevalu.
Ce qui empóchait de conclure, c'ćtait 1'apprehension de toucher h 1’ancienne chapelle, si venórable par ses souvenirs, sł ch&re A la pićtć bretonne (1).
Cette rćunion ne fut donc suivie d’aucune decision immćdiate. L’«ivóque ajourna la solution dćfinitive ;
(t) Cette ąuestion, qui n'« plus qu’un intćrćt historique, a pas-sionoe les contemporains; et l'on comprend en effet 1'ćmotion causćc dans tout le pays A la nouveilc qu‘on allait faire disparaltre la chapelle sainte, oti depuis 250 ans la Bretagne cntiAre avail plusicurs fois passe, et devcnue rćnćrablc par les priAros qu'on y avait faites et les gr&ces qu'on y avait reęues.
De plu9. chacun joignait A ces considćrations gcnćrales les sou-venirs de sa propre pićte. Les Bretons habitućs A 8’agenoulllcr dans leur vieille chapelle avaient peine A conccvoir un autre sanctuaire...
Bień que ces sentiments naient de valeur quc pour une gćnćra-tion, ils sont respeclables, et il eut fallu en tenir compte, si le tempie qu'on projetait de bAtir n'avait eu sur 1'anden que l‘avan-tage d’Atre une oeuvre d’art.
Mais la chapelle porlait en elle-mdmc, depuis son origine, une cause qui rendait sa disparition nćccssaire :tous arouaient qu'elle n'avait jamais żtć en rapport avec 1'importance du Pćlerinage ; et dćjń en 1650 le P. Kernatoux (chap. XII) expiimait le voeu qu'ellc ftit bientót remplacće par une ćglise beoucoup plus vaste.
LA BASIMQUK 11
mais 1’idće nc devait plus lc quitter; et, Atant tombć maladc quelquc temps aprAs, il avoua lui-móme que, pendant scs longues nuits d’insomnie, son esprit Atait constamment hantA de la question (1). *
Dós le mois de janvier de 1'annAe suivante, il chargea M. KerdafTrec de rAdiger le mandement qui dcvait faire connaltrc sa dAcision dAfinitivc. Et, le premier dimanche de corćme, voici ce qu'on lut au cours dc la Lettre pastorale, dans toutes les paroisses du diocAse.
• Quel contrastc entre la pauvretA de cette chapelle et la grandcur de sa rcnommAc, entre l’exiguitA du sanctuaire et la multitude des pelcrins !.. On nous dit que, depuis plu-sicurs annAes sc balanęaient plusieurs projets contraircs, entre rebAtir l'Aglise ou se borncr A une rcstauration ; et que cette hAsitation avait empAchA tout travail d'embelliascment.
< Hdtons-nous de lc dire, nous comprenons ce respect pour • les anciens souvenir's ; nous aussi nous avons AprouvA une indicible Amotion A la vuc dc ces murs, dont 1'enceinte a AtA tAmoin de tant dc merveilles, de ces dalles sur lesquelles tant de gAnArations ont rApandu les larmes de leur doulcur ou de leur reconnaissance. Ccpcndant chaque fois que nous avons eu le bonheur dc visiter notre cher PAlerinage, il nous semblait entendre une voix intArieure qui nous redisait ces paroles d'Isaie : Anguslut est mihi locus, /mc tpahum mihi ul liMbitem.
« Entre ces deux inspirations contraires nous avons long-temps hesitA. Bień que les plaintes des pAlerins parvinssent A nos oreillcs, bien que notre clergA cxprimAt le dAsir d'une reconstruction A Sainte-Anne, pour remplacer cette trop mo-deste chapelle. devenue insuffisante mfime pour le besoin de chaque jour, nous Ations retenus par la crainte de toucher A l'ceuvre de Nicolazic...
• Eh bien ! la Providence a permis qu’il nous fAt donnA de connattre la pensAe mAme du salnt laboureur... « La prudence et la crainte humainc firent dessiner la chapelle trop petite ; que n’eAt-il point fait, s’il eAt AtA le maitre absolu du bśti-•ment I » (P. Hugues). — Ces paroles furent comme un trait de
(1) II fit le voeu, s il revenait k la santA « de construire une Aglise digne de la grandcur du PAIerinage • {Mimoiret Kerdn/frcc).