DOCTRINE 495
constituer 1’element morał: 1’agent a pris un risąue en s’abstenant de pren-dre toutes les precautions de naturę a eviter Ie delit, et c’est ce risąue cons-cient qui est reprehensible.
Est-ce a dire que, sauf a avoir sollicite un avis de 1’administration, le contrevenant est automatiquement reprehensible ? On a du mai a le croire s’il s’est agi d’un importateur occasionnel, peu au fait de la legislation doua-niere, et de marchandises de peu de valeur.
On sait egalement que la jurisprudence anterieure a rejete toute excuse fondee sur 1’ignorance, la negligence, et plus largement sur une erreur de fait. Rien ne semble s’opposer a ce que le prevenu invoque desormais avec succes de tels moyens31.
En pratique, les juges du fond disposeront d’un pouvoir souverain pour apprecier si le prevenu a apporte la preuve de sa bonne foi. II est clair que fimportateur ou l’exportateur habituel aura davantage de difficultes a faire excuser son ignorance ou son imprudence que le touriste qui a omis de decla-rer tel objet, ou franchi irregulierement une frontiere. La Chambre criminelle a par exemple releve dans un arret inedit du 16 fevrier 198832 qu’une anomalie concernant la non-inscription de disques sur leur partie centrale « ne pou-vait echapper a un professionnel, et que la meme observation sMmposait quant au prix d’achat... ». En cet etat, la cour d’appel a souverainement esti-me que «la bonne foi des demandeurs ne pouvait etre admise ». Dans le meme sens, la Haute juridiction a approuve des juges du fond qui, pour declarer les prevenus coupables d’importation de moyens de paiement sans autorisation, avaient releve que «la frequence et le montant de leurs impor-tations temoignaient de l’existence d’un trafie et empechaient de les conside-rer comme de bonne foi »33.
La quantite des marchandises de fraude importees ou exportees, leur va-leur, la regularite des importations ou exportations, leur caractere professionnel ou occasionnel, les relations eventuellement entretenues avec un co-prevenu apparaitront ainsi comme autant d’indices revelateurs de la bonne ou de la mauvaise foi des contrevenants.
2. Les juges, qui ont desormais la possibilite de relaxer les auteurs de delits en raison de leur bonne foi, peuvent-ils egalement, pour ce motif, relaxer les auteurs de contraventions ?
Jusqu’en 1987, la question etait de peu de portee. Le paragraphe 2 de rarticle 369 du codę des douanes selon lequel les tribunaux ne pouvaient re-laxer pour defaut d’intention ne precisait pas a quel type d’infraction il s’appliquait. L’article 369 lui-meme n’etait pas insere dans une section rela-tive aux delits ou aux contraventions, mais dans une section V intitulee «Dispositions diverses ». II allait donc de soi que les juges qui n’avaient pas la faculte de retenir la bonne foi pour les delits ne pouvaient la relever en matiere de contraventions.
La loi de 1987 suscite 1’incertitude. A priori, les auteurs de contraventions ne devraient pas pouvoir etre relaxes. Les infractions douanieres, y compris
31. Berr et Vignal, Les rćformes relatives au contentieux douanier (1986-1987), prec.
32. Crim. 16 fevr. 1988, pourvoi n° 85.94.415.
33. Crim. 24 avr. 1989, pourvoi n° 87.80.228 ; adde Crim. 30 mai 1988, pourvoi n° 87.84.277 ; Crim. 23 janv. 1989, pourvoi n0 87.81.539, inedits.
Ce debat sur la personnalite du prevenu a ete partiellement consacre par les articles 393 et 396, voire dans une moindrc mesure 392-1 et 395-1 c. douanes.
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990