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meriterait la moindre attention. Les ąualificatifs que Gide emploie le plus souvent dans ses descriptions des Arabes sont les vocables «beau» ou «laid» avec toutes les nuances inseparables d'un tel jugement; ainsi a Alger:
Les hommes sont laids; les femmes extremement belles. [...] Je me souviens de ce svelte berger, dans les jardins d'El-Kantara, qui, du haut d'un abricotier enorme, pour son troupeau, faisait pleuvoir les feuilles. [...] Ces enfants desoeuvres ne sont point beaux, mais pleins de grace.363
L'une des rares presentations de la misere arabe est celle que nous avons dćjś citee dans le premier chapitre de notre travail, a savoir l'es-quisse d'un vieil Arabe mourant de faim et l'autre evoquant de pauvres enfants d'Alger:
Que cherchent ces enfants dans ce compost, comme des poules? Ce n'est perle ni grain de mil. Les guenilles qui mai les couvrent ont couvert tant de fois tant d'autres, que ces debris, ces restes, ces dechets, dont tant d'autres se sont servis, pourront bien leur servir encore.364
Cette thematique reviendra vingt ans plus tard, a l'epoque du voyage au Congo et au Tchad. Une remarque non moins intćressante est celle portant sur le peuple neuf d'Algerie. Gide qui n'utilise jamais un mot se rapportant directement au contexte colonial (au contraire, il fait tout son possible pour eviter cette problćmatique, ainsi on a parfois 1'impression que l'ćcrivain voyage dans un pays qui n'a pas beaucoup de rapports avec la France, sauf le sejour a Alger pendant lequel Gide se rend au theatre pour voir Jean Coquelin dans Le Bourgeois Gentilhomme; dans les notes portant sur le spectacle il ecrit: «Reflechi la-dessus comme si je n’etais pas en Afrique»365), decrit le peuple algerien a la faęon des ćcrivains coloniaux comme Bertrand ou Randau :
...Maiś de ces elements divers se formę une race nouvelle, orgueilleuse, voluptueuse et hardie. Cela semble tenir de 1'Andalou, du Basque, du Corse, du Sicilien, du Calabrais : c'est 1'Algerien. On est tout etonne de 1'entendre parler franęais.366
De meme que chez les deux auteurs «ultracolonocentristes», 1'absence de 1'Arabe est evidente; presentant le peuple en train de se faire sur le terri-toire de la colonie franęaise, Gide acquiesce a un regime politique d'ou 1'indigene est exclu.
343 Ibid., pp. 98-100.
344 Ibid., p. 133.
345 Ibid., p. 126.
346 Ibid., pp. 123-124.