pendant un mois 14 rue Chalgrin, sans oser sortir une seule fois de la maison, parce qu’il n’avait aucun papier et qu’il craignait les rafles. Sessue Hayakawa n’etait pas en regle non plus. Les Allemands ignoraient que ce Japonais avait un passeport americain et les Japonais voulaient le mobiliser. Le soir, mon pere, Sessue et elle jouaient aux dominos pour oublier leurs soucis, ou bien mon pere faisait rćpeter a Sessue son role dans Patrouille blanche, un film qu’il tournait sous la direction d’un certain Christian Chamborant. Mon pere etait un vieil ami. II avait ete temoin de leur mariage, a Sessue et a elle, en 1940, au consulat du Japon. Oui, elle revoyait cette soiree du Beaulieu, mais ils s’etaient retrouves une semaine auparavant, 14 rue Chalgrin, pour Noel : mon pere, ma mere, Toddie Werner, Korominde, Pełlmont, tous les autres...
II ne restait plus que nous dans le hall. Des bruits de voitures et de klaxons venaient de la rue, et nous, nous etions la, a parler d*un passe qui nous avait reunis mais qui etait si lointain qu’il perdait toute realite.
Nous sommes sortis de 1’hótel et nous avons suivi l*avenue Bourguiba. La nuit tombait. Des centaines dłoiseaux caches par les feuillages des arbres du terre-plein pepiaient dans un concert assourdissant. Je me penchais pour entendre ce qu’elle disait. Depuis trente ans, elle avait connu bien des vicissitudes. On l’avait arretee a la Liberation en 1’accusant d’etre une « espionne
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