Aussi, le soucis constant de Goldmann a-t-il ete de redefinir par des analyses positives de la realite, rćvolution politique du mouve-ment ouvrier depuis 1917. L’un des grands problemes qu’il n’a cesse de poser est celui des relations cntre la realite et la valeur dans les societes capitalistes et socialistes. Des deux theorie fondamentales de Marx sur la societe capitaliste:
- la theorie du fetischisme de la marchandise (ou de la reification selon Lukacs).
- la theorie de la pauperisation progressive du proletariat et de son developpement necessaire vers une prise de conscience revolutionnaire. La premiere, selon Goldmann est la plus decisive dans la comprehen-sion de l’evolution du monde capitaliste au 20e siecle. La seconde, au contraire, s’est revelee de plus en plus depassee et contredite par l’evolution reelle de la societe. Goldmann voit chez Lenine 1’ebauche de la prise de conscience de cette transformation dans deux theories importantes:
- l’evolution spontanee du proletariat conduit au trade-unionisme et non a la constitution d’une classe revolutionnaire.
- il existe en occident une couche plus ou moins large du proletariat (wTaristocratie ouvriere«) intćgree a la societe capitaliste et qui constitue la base sociale du movement reformiste.
Enfin le capitalisme s’est transforme depuis seconde guerre mon-diale rendant necessaire de nouvelles analyses economiques:
- le capitalisme moderne peut desormais eviter la plupart des crises structurelles prevues par Marx, assurer un accroissement des forces productives et un niveau de vie plus eleve aux ouvriers.
- la theorie marxiste ne peut plus se fonder sur la misere croissante en occident pour fonder la transformation necessaire du proletariat en classe revolutionnaire.
Ainsi se dessine une evolution politique, sociale et ćconomique dif-ferente de celle prevue par Marx: la prise de conscience de la nćces-site du socialisme ne peut plus se fonder sur la misere croissante de la classe ouvri£re. Nous nous trouvons dans une situation paradoxale caracterisee par le fait que socialisme et capitalisme se disputent la conscience de classe ouvriere et que 1’infra-structure semble jouer en faveur de Tintegration a 1’ordre social existant.
Aussi, la tache qui s’offre auiourd’hui aux socialistes est-elle d’61a-borer »un programme apte a mener sur le plan des superstructures, de la pensee politique, sociale et culturelle, la lutte pour la conscience des individus«. Pour Goldmann, le choix ne peut s’effectuer aujourd’hui qu’entre deux modeles de societes definies par des crit^res non pas de production, mais de valeur:
- une socićte ou le standard de vie pourra d’ćlever d’une manierę sans doute assez considerable mais aboutissant »a un monde dehuma-nise dont les possibilites culturelles seront reduites au minimum«.
- une societe socialiste et democratiaue caoable d’assurer un bien-etre progressivement egal mais »qui assurerait aussi, et avant tout, le d£veloppement des responsabilites individuelles de toute la population et crćerait des fondemen^s sociaux et economiques d’un essor de la vic spirituelle et culturelle«.100
,w M. S. p. 297.
616