programme c’est d’unir la rigueur et Timagination dans la conception du passage a la societe socialiste et la strategie necessaire pour la rea-liser. II s’agit de montrer les nouvelles possibilites humaines et cul-turelles de liberte et de realisation qu’offrirait cette societe socialiste par opposition a la societe occidentale actuelle. Deux theses sont, pour Goldmann, fondamentales:
- la classe ouvriere est aujourd’hui integree au systeme capitaliste. Sur ce point, il semble accepter pleinement les analyses de Marcuse. Dans son etude Critiąue et Dogmatisme dans la creation litteraire, il ecrit: »aujourd’hui le monde industrialise constitue, de ce point de vie - et seulement de ce point de vue - un secteur privilegie dans le-quel les classes ouvrieres des differents pays se sont, jusqu’a un cer-tain point, integrees aux societes globales, et dans lequel parler encore de pauperisation, de misere croissante et d’orientation revolutionnaire du proletariat c’est tout simplement penser et vivre dans le mythe«.108 S’il n’y a pas pauperisation croissante, il n’y a pas de passage evident de la classe ouvriere a la conscience revolutionnaire. Tout semble in-diquer que le proletariat ne joue plus aujourd’hui le role d’une classe revolutionnaire. Goldmann precise d’ailleurs »qu’il n’y a jamais eu de revolution proprement proletarienne et que dans les pays industriels avances le proletariat s’est, depuis le debut du siecle, deja integrć a 1’ordre social existant«.109 La classe sait desormais que la construction du socialisme exige de lourds sacrifices et »elle n’est nullement dis-posee a risquer des acquisitions auxquelles elle accorde une valeur considerable, dans des tentatives dont la reussite lui parait en tout cas aleatoire et dont le but meme, compte tenu de ce qu’elle sait des societes socialistes existantes (et notamment de la societe sovietique de l’epoque stalinienne), ne lui semble pas non plus desirable de maniere univoque«.n0
- le concept de revolution proletarienne devient un mythe, il n’ap-parait plus, selon Goldmann, comme un element constitutif de la conscience possible des ouvriers occidentaux. La realite de fait est
telle que 1’idee de revolution violente n’a plus jamais ete developpee par les Partis communistes occidentaux qui preconisent un passage pacifique au socialisme.
Toutefois, Goldmann s’ecarte de cette conception du passage paci-fique au socialisme developpee par Khrouchtchev et par le Parti com-muniste franęais dans d’inimitables brochures et reproche a l’ortho-doxie communiste de considerer qu’un tel passage s’effectuera par la simple voie parlementaire. C’est plutót dans 1’action syndicale directe que Goldmann voit une possibilite effective de transformer la societe, en particulier a partir de la theorie de 1’autogestion:
»Dans le prolongement de 1’action syndicale a Tinterieur des entreprises se situe naturellement 1’idee d’autogestion qui n est
f>as necessairement liće a une crise revolutionnaire unique et a a conquete du pouvoir par une revelation violente, mais peut tout aussi bien etre 1’aboutissement d’une lutte progressive pour
ł« M. S. p. 32.
M. S. p. 8.
“• M. S. p. S23.
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