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37 LES INTELLECTUELS DU SUD-EST EUROPĆEN (XVII* S.) 217

Une analyse minutieuse des programmes des ścoles qu’ils frśquen-taient et des livres qu’ils lisaient ou qu’ils ont ćcrits, montre nettement que leur formation śtait bien en retard par rapport a leur śpoque et, a un point de vue moderne, snperficielle ou meme inutile. On a fait beaucoup de cas, ces derniers temps, de la «rćvolution » produite dans 1’ścole orientale par la pensśe neo-aristotślicienne, si peu « ortho-doxe », d’un Thśophile Corydalśe⁹⁰. Mais, a VTai dire, quel rapport y avait-il entre les fastidieux exercices de glosę des traitśs sur la mśtaphy-eique, la gśnśration et la corruption, le ciel ou l’&me du Stagirite et les problemes immśdiats qui se posaient a un intellectuel du Sud-Est europćen de l’śpoque analysśe, intellectuel engagś le plus souvent dans des activitśs comportant de grandes responsabilitśs politiques ou ecclś-siastiques, ou ses connaissances de logique, de rhśtorique et de mśta-physique aristotśliciennes ne trouvaient guere d’emploi % Ce que dśvoile l’analyse de la bibliotheque et des ścrits du Stolnic Constantin Cantacu-zino nous semble pśremptoire a cet śgard. Le jeune boyard valaque avait śtudiś a Constantinople avec Górassime le Crśtois, a Padoue avec Albanio Albanese (la logique d’Aristote) et autres maitres ; par la suitę, au cours de sa longue vie ( il est mort a 76 ans), il n’a cessś d’amasser des livres qui lui rappelaient le temps de ses śtudes, notamment des commentaires sur les traitós d’Aristote. Mais rien dans ses annotations ni dans ses ecrits ne suggere qu’il aurait cultivś sśrieu-sement par la suitę l’ceuvTe du grand philosophe ; la rśpśtition du motif de la generation et de la corruption dans son Istoriia farii Rumaneęti (Histoire de Valachie) indique m6me les limites de son intćret pour la doctrine d’Aristote : le Stolnic en avait retenu 1’idće de la disparition necessaire des grands empires, ou l’on peręoit aisśment son dśsir de donner une base philosophique a ses vceux pour la chute de 1’Empire ottoman et, par la, pour la libśration de sa patrie.

Sans invoquer d’autres exemples, faciles a dścouvrir dans l’ćvolu-tion intellectuelle des personnes cultivćes de diffśrentes nations orientales, on est en mesure d’assigner a ce moment, a savoir a la fin du XVII* siacie, l’apparition d’un phśnomene caractśristique pour tout le cours

⁹³ C’est la substance du chapitre «Thćophyle Corydalee, prćcurseur de la librę pensće en Orient » de Cleobule Tsourkas, Les debuts de Uenseignement philosophigue et de la librę pcnsóe dans les Balkans. La uie et Uceuure de Thźophyle Corydalće, 2^e ćd., Thessaloniąue, 1967, pp. 198 — 216. Loin de contester le róle Capital jou6 par les transformations dans Tori-entation de la pensće sud-est europćenne, transformations lllustrees dans une bonne mesure par l'ceuvre de Corydalće, nous ressentons Tabsence d’une ćtude qui fasse la distinction entre la fonction d’exercice didactigue et celle de promotrice de uoies nouuelles de cette ceuvre, par une analyse minutieuse des ouvrag2S des disciples et des epigones du maitre athćnien, cncore en grandę partie inćdits. Nous n’avons pas pu consulter les etudes de C. P. Henderson, Greek plulosophy from 1600 to 1850, dans «The Philosophical Quarterly *. 5 (1955), pp. 157 — 165 et Modern Greek plulosophy, critical studies, dans la mćme revue, 7 (1957), pp. 154-172.