Canadian Psychology 2007, Vol. 48, No. 4, 221-239
Copyright 2007 by the Canadian Psychological Association
DOI: 10.1037 / cp2007020
SERCE LARIYEE
Ecole de psychoeducation
Universite de Montreal
FRANęOYS GAGN&
Departemcnt de psychologie Universite du Quebcc a Montreal
Resume
L/objectif de ce texte est d’evaluer la pertinence des accu-sations concemant la presence de biais culturels dans les tests de QI. Le texte comprend quatre parties. Nous presentons d’abord le sens du concept de biais en psychometrie en le distinguant de trois conceptions erronees - egalitariste, de stan dard isation et culturaliste - qui font souvent conclure a la presence de biais culturels dans les tests de QI. Par la suitę, nous abordons successivement les biais potentiels associes a la validite pragmatique, a la vali-dite conceptuelle et au contexte de passation. A la suitę de 1’analyse de 1’ensemble des donnees actuellement disponibles quant aux biais associes a la vałidite des tests de QI, force est de conclure que 1'accusation souvent entendue de la presence de biais culturels n’est nullement justifiee.
Au cours de la premierc moitie du XXe sicclc, la large diffusion des tests d’aptitudes intellectuelles, communement appeles tests de QI, a permis de cons-tater la grandę etendue des differences individuelles dans les populations evaluees. Meme en excluant les cas extremes, plus de 100 points dc QI separent les individus les moins intelligents des plus intelligents1. I.a diffusion des tests, tant individuels que collecufs, a egalement mis en lumiere un fait troublant qu’Alfred Binet avait lui-meme observe (Binet Sc Simon, 1908) : la presence de differences inter-groupes sous la formę d'ecarts de moyennes tres significatifs entre les classes socio-economiques et divers groupes ethniques. D’une part, les groupes socio-economiques desavantagćs obtenaient en moyenne des Q1 de dix a quinze points
Canadian Psychology/Psychologie canadienne. 2007, 48:4, 221-239 (d = 0,7 a 1) inferieurs a ceux des groupes aises (Helms, 1992; Hoffman, 1962). D’autrc part, on obser-vait aux Etats-Unis des ecarts moyens de meme ordre entre les Noirs (Afro-Americains) et les Blancs (Euro-Americains)* (Loehlin, Lindzey 8c Sphuler, 1975; Shucy, 1966), ecarts qui se revelent tout aussi marques en ce debut de XXlc sieclc (Gottfredson, 1997; Larivee 8c Gagne, 2006; Lynn, 2003, 2006; Nyborg 8c Jensen, 2001; Roth, Bevier, Bobko 8c Switzer, 2001).
Rectitude politujue versus exactitude scientifique
Aussitót l'existence de ces differences intergroupes confirmee, la majorite des personnes, tant les psycho-logues que les educateurs, les journalistes et le grand public, les imputerent d’emblee a quelque defaillance de Tinstrument de mesure (Helms, 1992; Hilliard, 1979, 1992). Comment pouvait-on croire qu’une car-acteristique aussi fondamentale de 1’espece humaine ne soit pas distribuee equitablement entre les groupes ? Question d’autant plus dramatique que plusieurs scientifiques attribuaient aux differences d’intelligence des racines partiellement hereditaires (Plomin, De Fries Sc McCleam, 1990). C’est a la faveur de ce deni aprioriste de toutes differences intergroupes de QI que se repandit rapidement la convic-tion selon laquelle les tests de QI etaient « biaises », c’est-a-dire qu’ils sous-evaluaient injustement certains groupes socio-economiques ou ethniques. Puisqu’un testage intensif s’exeręait aux Etats-Unis, la sous-evalu-adon des Noirs fut au cceur du debat sur les biais des tests. Dans le cadre sociopolitiquc tumultueux des annees 1960, marquees par la reconnaissance des droits de la minorite noire, la presence dc biais dans
1 II est bien evident que le QI ne mesure pas toute rintelligence. Toutefois, lorsqu’on evoque d'eventucls biais statistiques dans les tests d’intelligence, on fait toujours rćference aux tests de QI tra-ditionnels. Notre centration sur la demonstration de 1’absence de tcls biais statistiqucs ne prejuge en rien de la presence de biais sociaux manifestes contrę certains groupes sociaux, biais qui les placent dans bien des cas dans une economise de survie plutót que de reussite.
2 Dans le but de faciliter (a lecture, nous avons choisi d’utiliser les termes - Noir - et •* Blanc » de preferencc aux expressions plus politiquement correctes de « Afro-Americain - et •• Euro-Americain • (ou ■« C^aucasien -). D ailleurs, on retrouve cette pra-tique dans des textes recents de plusieurs auteurs Noirs/Afro-Americains (e.g.. Ford, 2003; Fryer 8c Leritt, 2004).