Ô mon Dieu, Trinité que j'adore

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ACCUEIL

L

a prière d'Élisabeth de la Trinité, « Ô mon Dieu, Trinité que

j'adore, » inspira à Dom Eugène Vandeur, moine bénédictin de

Maredsous, des prières-méditations sous forme d'Élévations.

C'est ce livre très lu à une certaine époque, que nous avons

recopier en version « web ». Nous avons utilisé la 4ième édition de

ce livre.

Dom Eugène Vandeur

Ce rapide survol de la vie de Dom Eugène Vandeur nous est

gracieusement fourni par Dom Nicolas Dayez,

Abbé de Maredsous; c'est extrait de la Revue des Oblats de Maredsous,

à l'époque; aujourd'hui, elle se nomme La lettre de Maredsous

No. 189, 1967 : Lumière du Christ.

L

e dimanche 5 novembre (1967) Dom Eugène se

trouvait à l'Office de Matines. Vers 7 h. 30, les Laudes

achevées, il célébra la messe, fit son action de grâce et se

rendit au réfectoire pour le déjeûner. À peine l'avait-il

commencé qu'il s'affaissa; on courut chercher le Père

Abbé qui lui donna l'Extrême-Onction. Le médecin, qui

se trouvait à l'église, arrivait de son côté; il ne put rien

pour ranimer le coeur défaillant. En quelques minutes la

mort avait emporté le cher Père.

Dom Eugène souhaitait s'en aller ainsi, discrètement,

sans donner d'embarras aux infirmiers, disait-il. Il fut

non seulement exaucé en cela, mais aussi quant au
moment choisi par le Seigneur: il venait d'offrir le

Sacrifice de la messe, lui qui en fut l'apôtre infatigable.

Dans sa modestie, il eût peut-être aussi souhaité qu'après

son départ pour le ciel, on parlât peu ou même pas du

tout de sa vie. Il nous permettra cependant d'en faire ici

une rapide esquisse; elle fera, espérons-le, quelque bien à

ceux qui la liront, et en cela son approbation serait

certainement acquise: « Que votre lumière brille devant

les hommes, afin qu'à la vue de vos bonnes oeuvres, ils

glorifient votre Père qui est dans les cieux. Mt.5,16 »

Victor-Joseph Vandeur vit le jour à Namur, le 21 mai

1875. Il fut baptisé le 23 mai en la paroisse de Saint-

Joseph. De 5 à 7 ans il fut mis à l'école des Soeurs de

Sainte-Marie à Namur où sa tante, Soeur Hélène de la
Croix, était religieuse. Quand il eut 7 ans on le placa à

l'École Saint-Louis pour les classes primaires, puis il

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devint externe au Collège Notre-Dame de la Paix où il fit

ses humanités gréco-latines jusqu'en 3ième. En 1889, il

entrait dans le groupre des jeunes oblats qui faisaient

leurs études à Maredsous, et c'est à l'école abbatiale qu'il

termina

brillamment ses humanités.

Le 11 septembre il recevait l'habit monastique des mains

du Père Abbé Primat, Dom Hildebrand de Hemptinne;

deux mois plus tard il commençait son noviciat. Le Père

Abbé Primat reçut également sa profession simple, le 15

février 1894, et solennelle le 22 février 1897. Après deux

années d'études philosophiques à Maredsous, il fut

envoyé pour sa théologie au Collège Saint-Anselme à

Rome de 1896 à 1900 où, le 18 juin 1900, il obtint le

grade de Docteur en théologie. Une date capitale dans sa

vie fut celle du 15 août 1899 : ce jour-là, en effet, il reçut
la prêtrise en la cathédrale de Namur des mains de S. E.

Mgr. Van den Braden de Reeth, archevêque titulaire de

Tyr.

Ses études achevées, il fut nommé professeur à l'école

abbatiale, charge qu'il exerça de 1900 à 1909, Dom

Columba Marmion, qui venait d'être élu abbé de

Maredsous, l'envoya le remplacer comme prieur à

l'abbaye du Mont César à Louvain. Il y demeura

jusqu'en 1924, exerçant en même temps les charges de

Préfet des clercs, de professeur successivement de

théologie dogmatique, de morale, d'Écriture sainte, de

Pastorale, de Casuistique. En plus, il fut, trois ans

durant, confesseur ordinaire des Petites Soeurs des

Pauvres de Louvain et près de douze ans confesseur

extraordinaire des Ursulines de Thildonck. À cette

époque commence aussi une autre activié de Dom

Eugène : la prédication inlassable de la Parole de Dieu en

des conférences innombrables, ayant surtout comme

sujets la sainte messe et la liturgie.

Cet apostolat fit germer en lui l'idée, approuvée par son

E. le Cardinal Mercier et par ses supérieurs, de fonder

des Bénédictines qui en vivant le plus parfaitement

possible l'idéal monastique, contribueraient par leur

rayonnement sur les âmes à la rechristianisation de la

famille. Le 15 octobre 1917, à Bruxelles,furent jetés les

fondement de ce monastères de Bénédictines qui vint

ensuite se fixer au diocèse de Namur, à Wépion, au

célèbre et antique « Saint Désert de Marlagne » . Cette

fondation, travail principal et de longue haleine, a été

l'oeuvre par excellence du Père Eugène Vandeur : il y a

mis toutes ses énergies et s'y est consacré jusqu'à

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l'épuisement. Afin d'être davantage au service de cette

communauté naissante, il obtint du Père Abbé Président,

Dom Robert de Kerchove, de reprendre sa vie à

Maredsous, son maonastère d'origine où il revint le 6

janvier 1925.

Jusqu'en 1933 il prêche plus que jamais en France et en

Belgique. De la liste impressionnante des villes et des

communautés où il exerça son ministère, je retiens

seulement la maison acueillante de Neuilly-sur-Seine,

celle des Oblates apostoliques, pieuse Union fondée par

lui et approuvée par Son E. le Cardinal Verdier en 1937.

De 1933 à 1934, Dom Eugène fut hôtelier à Maredsous;

âgé de près de 60 ans, déjà fort fatigué, cette charge

l'épuisa beaucoup. Au bout d'un an un repos prolongé

s'imposa, et il partit en septembre 1934 pour l'abbaye de

Clervaux, où écrit-il, « il fut accueilli avec une charité

incroyable ».

En septembre 1935 il rentrait à Maredsous, et de 1938 à

1940 il fut professeur de théologie dogmatique en notre

abbaye. En 1940, avec une partie de la communauté, il se

réfugia en France, à la Barge, au château des

Montmorin. Rentré le 15 août de la même année, il

donna aux clercs durant un an des cours de théologie

ascétique et mystique. De 1941 à 1950 il prêche des

retraites au monastère, quelques-unes aussi à l'extérieur,

mais durant cette époque il écrit surtout beaucoup de

livres : livres de spiritualité, brochures, lettres de

direction. La liste de ses écrits a été faite: elle compte 80
ouvrages édités et 60 manuscrits. Quant aux lettres elles

atteignent certainement le chiffre de plusieurs milliers,

s'adressant aussi bien à des adultes qu'à des enfants. Il

avait une mémoire étonnante qu'il mettait au service de

sa délicate charité, n'omettant pas de marquer un

anniversaire ou tout autre événement par un mot plein

de bonté.

En 1949, inspiré et aidé par une âme pieuse, il fonde

l'«Union des Petites Compagnes de Charité », oeuvre

destinée à promouvoir la charité dans tous les milieux du

monde. Il rassemble régulièrement ces Compagnes en

des retraites, et, pendant près de 20 ans, il leur envoya

chaque mois une lettre imprimée destinée à soutenir la

ferveur de leur vie chrétienne. En 1960, note Dom

Eugène, cette Union atteint presque le chiffre de 10,000

adhérentes. À l'âge de 85 ans il déborde encore de

projets, tous inspirés de son ardent désir de faire

beaucoup aimer Dieu. Malgré l'âge, les épreuves, les

infirmités, il reste toujours aussi souriant, aimable,

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prévenant, « aimant son abbaye, écrit-il,

par dessus tout ici-bas ». Il sent bien cependant qu'il doit

ralentir son activité, car les forces déclinent, et ce moine

étonnant, que la moindre ombre de neurasthénie semble

n'avoir jamais effleuré, se déclare alors heureux de

pouvoir enfin vivre en ermite!

Si dans ses dernières années il paraîtra tel aux yeux de

ses frères, qui admirent sa vie humble et recueillie, toute
donnée au service de Dieu dans une fidélité admirable, il

restera cependant un ermite facilement accessible; il

écrit encore autant et reçoit de nombreuses visites. En

certaines occasions d'ailleurs il voyage à nouveau,

toujours dans un but apostolique. Une de ses joies est de
pouvoir de temps à temps faire une visite à ses Filles, les

Bénédictines de Notre-Dame d'Ermeton, où, de Wépion,

elles avaient émigré en 1936.

La Providence lui permit d'assister au cinquantième

anniversaire de ce monastère d'Ermeton, le 15 octobre

1967. Il a dit le grand bonheur et l'émotion que lui

procura cette journée: comme jamais il avait constaté

que ses directives de charité s'épanouissaient dans cette

communauté, avec la grâce de Dieu, pour le bien de

l'Église et des âmes.

Le 8 novembre (1967) une assistance recueillie, où l'on

remarquait les Bénédictines d'Ermeton, participa à la

messe concélébrée des funérailles. Puis ce fut

l'inhumation : comme il y a deux mille ans devant la

tombe de Lazare, le Christ illuminait les ténèbres de la

pauvre vie terrestre :« Je suis la Résurrection et la Vie :

celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra » , Jn.11,25. Et

l'on songeait à la foi intrépide du moine qui avait quitté

ce monde : « Je vais enfin, écrivait-il, vivre de la Vie de

Dieu que je verrai, je le sais, j'y crois de toute mon

âme...On ne meurt pas pour mourir; on meurt pour

vivre d'une vie plus haute, plus divine. Le grain de blé,

froment précieux, que j'étais, reste toujours terre et

poussière ici-bas. Il est jeté dans les tribulations de tout

genre mais il y germe magnifiquement. Peu à peu il

produit son fruit, le fruit d'une autre vie, la Vie de Dieu,

trois fois Saint : oui, Vie véritable, éternelle, la Vie

qu'aucune mort ne pourra plus vaincre, la Vie de mon

Seigneur Jésus, celle dont je vais vivre à jamais, dans la

vision de Dieu ».

Dom Marc Mélot

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PAX

Le Royaume de Dieu est au dedans de nous

M

arie-Élisabeth Catez, en religion Soeur Élisabeth de la

Trinité, naquit à Bourges, le 18 juillet 1880. De bonne heure,

la grâce prévint son âme innocente au foyer chrétien qui

l'abritait. Quand elle s'agenouilla pour la première fois au

saint tribunal de la Pénitence, l'enfant pressentit le mystère

de la charité infinie qu'un jour elle nommera « sa vision »,

et, doucement émue, se résolut à vaincre les défauts d'une

nature ardente pour plaire à Celui qui déjà l'attirait. Elle

n'avait pas atteint sa quatorzième année qu'elle chosissait le

Christ pour unique Époux.

Alors lui est ouverte cette voie de recueillement qui lui fera

trouver le ciel au fond de son âme, où une foi très vive la

gardait unie à Dieu. « C'est là que j'aime à Le chercher,

disait-elle, puisqu'Il ne me quitte jamais. Dieu en moi, moi

en Lui, c'est ma vie...Ô Jésus, que rien ne puisse me distraire

de Vous, ni les occupations, ni les plaisirs, ni la souffrance;

que ma ve soit une oraison continuelle. » Au contact divin,

cette âme toute céleste s'embrasa pour Jésus-Christ d'un si

ardent amour, que la souffrance lui devint un impérieux

besoin. À 21 ans, elle prenait son essor vers la sainte

montagne du Carmel dont, si rapidement, elle devait

atteindre les hauteurs.

Dieu la cacha dans le secret de sa Face. Soeur Élisabeth de

la Trinité s'ensevelit dans le silence et le recueillement..

L'Amour habite en nous, écrit-elle; aussi mon seul exercice

est-il de rentrer au dedans et de me perdre en Ceux qui sont

là. Le bonheur de ma vie, c'est l'intimité avec les Hôtes de

mon âme. Elle parle du Père, du Fils et de l'Esprit-Saint.

Spécialement dédiée à la Sainte Trinité, Soeur Élisabeth

ambitionnait d'être aux trois divines Personnes une louange

de gloire. Cette idée, suggérée par saint Paul en ses épîtres,

domine sa courte vie religieuse; elle la développe en des

pages pleines d'une lumineuse doctrine.

Depuis longtemps offert, l'holocauste devait être bientôt

consommé. Au début du carême de 1906, Dieu liait sur

l'autel du sacrifice sa petite victime. J'expérimente, écrit-

elle, des joies inconnues, les joies de la douleur; qu'elles

sont suaves et douces! Quel bonheur ineffable goûte mon

âme en pensant que le Père m'a prédestinée pour être

conforme à son Fils crucifié! Mon divin Époux veut que je

lui sois comme une humanité de surcroît en laquelle il

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puisse encore souffrir pour la gloire de son Père, pour aider

aux besoins de l'Église. Cette pensée me fait tant de bien,

confie-t-elle à sa mère. Il a choisi ta fille pour l'associer à

son grand oeuvre de rédemption. Il l'a marquée du sceau de

sa croix et souffre en elle comme une extension de sa

Passion...Je n'envie plus seulement d'arriver au ciel, pure

comme un ange, mais transformée en Jésus crucifié.

C'est bien en cette divine ressemblance qu'elle passa, elle

aussi, de ce monde au Père, le 9 novembre 1906 : son rêve

était réalisé.

Soeur Élisabeth de la Trinité fut vraiment, dit son biographe,

l'âme d'une idée : être, à la Très Sainte Trinité, une louange

de gloire.

La prière ou pieuse Élévation, que nous essayons de

commenter en les pages qui suivent, redit le charme

incomparable du commerce intime de l'âme, en son dedans,
avec l'adorable Trinité qu'elle y adore; elle expose en même

temps les secrets entiers, conduisant à cette MAISON DE

DIEU intérieure.

C'est en priant qu'il faut traiter ces choses, sous peine de les

profaner. Faut-il ajouter que nous n'aurions jamais osé

publier ces pages, si on ne nous y avait forcé. Qu'on veuille

bien n'y voir que les pensées et les sentiments mêmes de

cette âme héroïque, Élisabeth de la Trinité, dont nous

n'avons que révéléplus pleinement, sur ses propres données,

l'esprit et la grâce.

Que ces Élévations, nous en prions la Trinité Sainte,

rappellent à quiconque cherche véritablement Dieu combien

il vit en nous, ou plutôt nous vivons en Lui; combien aussi

sa conversation est ineffable. Puissent-elles aider toute âme

intérieure à croître dans la foi en ce mystère du Dieu trois

fois Saint, à l'expérimenter : ce serait progresser dans un

culte qui est toute la Religion.

PROLOGUE

IMMENSUS PATER, IMMENSUS FILIUS, IMMENSUS SPIRITUS SANCTUS


Ma nacelle, à son gré, voguant en pleine eaux,
O bonne Mère, a fait voyage des plus beaux :
Par une nuit paisible, en un profond silence,
Je glissais doucement sur l'océan immense.
Tout était en repos sous la voûte du ciel
Et semblait écouter la voix de l'Éternel.

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Mais survinrent soudain quelques lames profondes,
et le léger esquif disparut sous leurs ondes...
C'était la
Trinité qui m'entrouvait son sein,
Et j'ai trouvé mon centre en l'abîme divin.
On ne me verra plus sur le bord du rivage;
Je plonge en l'infini, c'est là mon héritage;
mon âme se repose en cette Immensité
Et vit avec ses
« Trois » comme en l'éternité.

Poésie de Soeur Élisabeth à sa Très Révérende Mère Prieure, pour un anniversaire

PRIÈRE

DE

SOEUR ÉLISABETH DE LA TRINITÉ

Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

O

mon Dieu, Trinité que j'adore,

aidez-moi à m'oublier entièrement

pour m'établir en vous, immobile et paisible

comme si déjà mon âme était dans l'éternité!

Que rien ne puisse troubler ma paix ni me faire sortir de Vous,

ô mon Immuable, mais que chaque minute m'emporte

plus loin dans la profondeur de votre Mystère.

Pacifiez mon âme, faites-en votre ciel,

votre demeure aimée et le lieu de votre repos;

que je ne vous y laisse jamais seul,

mais que je sois là tout entière,

tout éveillée en ma foi, tout adorante,

toute livrée à votre action créatrice.

O

mon Christ aimé crucifié par amour,

je voudrais être une épouse pour votre coeur;

je voudrais vous couvrir de gloire,

je voudrais vous aimer...jusqu'à en mourir!

Mais je sens mon impuissance et

je Vous demande de me revêtir de Vous-même,

d'identifier mon âme à tous les mouvements de votre Âme;

de me submerger, de m'envahir, de Vous substituer à moi,

afin que ma vie ne soit qu'un rayonnement de votre Vie.

Venez en moi comme Adorateur,

comme Réparateur et comme Sauveur.

O

Verbe éternel, parole de mon Dieu,

je veux passer ma vie à Vous écouter,

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je veux me faire tout enseignable afin d'apprendre tout de Vous;

puis, à travers toutes les nuits, tous les vides,

toutes les impuissances, je veux vous fixer toujours et

demeurer sous votre grande lumière.

O mon Astre aimé, fascinez-moi pour que je ne puisse

plus sortir de votre rayonnement.

O

Feu consumant, Esprit d'amour,

survenez en moi afin qu'il se fasse en mon âme

comme une incarnation du Verbe;

que je Lui sois une humanité de surcroît,

en laquelle il renouvelle tout son mystère.

Et vous,

ô

Père, penchez-Vous vers votre pauvre petite créature,

ne voyez en elle que le Bien-aimé en lequel

Vous avez mis toutes vos complaisances.

O

mes Trois, mon Tout, ma Béatitude,

Solitude infinie, Immensité où je me perds,

je me livre à Vous comme une proie;

ensevelissez-vous en moi,

pour que je m'ensevelisse en Vous, en attendant

d'aller contempler en votre lumière l'abîme de vos grandeurs.

Ainsi soit-il

SUBSTANCE DOCTRINALE DE CETTE PRIÈRE

A

me chrétienne qui murmurez, recueillie, cette Prière, ne sentez-vous pas se graver en vous,

et de plus en plus, cette parole de Jésus: Dieu est Esprit, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer

en esprit et vérité? Et cette autre de saint Paul, le maître d'Élisabeth : Le temple de Dieu est

saint, et ce temple c'est vous?

Qu'est-ce que l'adoration, l'adoration en Esprit et Vérité?

L'adoration est l'hommage primordial, absolu, rendu par la créature à la divine Excellence,

dont elle confesse les grandeurs avec ses doits souverains sur tout ce qui est. C'est l'hommage

de la créature raisonnable au Dieu trois fois saint qui la tire du néant, imprimant en elle le

cachet de sa propre Trinité, désormais l'Hôte divin de l'âme que transforme la grâce.

L'adoration est un silence solennel et profond où s'abîme celui qui adore, confessant le tout de

Dieu, Un et Trine, et le rien de la créature.

L'adoration est l'acte propre et immédiat de la première des vertus morales, la religion. Elle

livre à ce Seigneur, Père, Fils, Esprit-Saint, l'homme tout entier, son âme et son corps. Elle

prend naissance et se développe dans le lieu très secret de cette âme; le corps la révèle au jour,

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l'extériorise par le moyen nécessaire du culte que complète et vivifie le sacrifice, cette

expression au dehors de l'adoration du dedans.

Oui, il y a une adoration du dedans exprimée en une plénitude totale de foi et d'amour, sur un

autel plus intime et que Dieu seul regarde; c'est l'adoration en esprit, celle qui se poursuit dans

les profondeurs de l'être, dans son intelligence et dans sa volonté; c'est l'adoration essentielle,

principale, sans laquelle l'extérieure reste sans vie. C'est en même temps l'adoration en vérité,

la sincère, celle qui ne trompe pas; la pleine, celle qui livre tout; la lumineuse, celle qu'éclaire

Dieu lui-même en l'embrasant.

Cette adoration conduit à une autre, plus parfaite toutefois, et qui est le comble de la religion :

c'est celle à laquelle nous initie Jésus-Christ lui-même, l'Homme-Dieu, le suprême Adorateur

de Dieu. Adorer en esprit et en vérité, c'est adorer les Trois, en union avec le Verbe Incarné,

la Vérité sous la motion de l'Esprit-Saint; c'est se transformer en son image, se revêtir de lui,

et dans cet état se présenter devant Dieu avec Jésus, Prêtre, Hostie, Autel de son propre

Sacrifice, et lui chanter : Saint, Saint, Saint, vous êtes, ô Seigneur!...

Oh! que cette adoration de Dieu, en l'Homme-Dieu, emporte loin, bien loin de ce monde et de

nous-mêmes! Elle atteint cette Essence infinie qui est Dieu, Père, Fils, Esprit-Saint, ce vrai et

seul Dieu des chrétiens, et en qui l'âme se perdant, devient une louange de gloire au Dieu trois

fois Saint qu'elle adore.

Soeur Élisabeth voulut être et fut cette lounge de gloire, une parfaite adoratrice de la Trinité

en Esprit et en Vérité. L'admirable Prière que nous allons commenter en est le garant le plus

sûr. Dessinant la physionomie spirituelle de cette âme héroïque elle est un programme

complet de la perfection s'épanouissant en l'adoration que prêche le christianisme.

Cette Prière, en effet, énonce, en termes incomparables et dignes d'être médités à l'aise, les

charmes du divin commerce entre Dieu et l'âme, ceux qu'elle mérite de goûter lorsqu'elle est

en ce Dieu, Un et Trine.

Ô mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en Vous...

D'un seul élan, l'âme tend à son Idéal; elle a la dévotion des grands, celle du Dieu, Un et

Trine. La forme de cette dévotion, c'est l'adoration. Élisabeth saisit d'emblée la relation

première, directe, qu'établit entre la Trinité et elle son état de créature. Elle s'oubliera; elle

voudra devenir la proie éternelle de ce Dieu, dans la foi et l'amour. C'est ainsi qu'elle adorera,

partout, toujours; c'est ce qu'elle appellera se livrer à l'action créatrice du Tout-Puissant, afin

que Lui paraisse en elle, et qu'elle disparaisse. Quel oubli de soi!

Ô mon Christ aimé, je voudrais vous aimer jusqu'à en mourir...Venez en moi comme

Adorateur...

Élisabeth ne s'approche de la Trinité Sainte qu'en son adorateur suprême, l'Homme-Dieu,

Jésus-Christ en qui elle veut être transformée. Elle sait que Lui seul a été constitué par son

Incarnation l'Adorateur parfait et universel de Dieu; elle sait qu'elle ne peut bien assumer son

rôle d'adoratrice qu'autant qu'elle s'identifiera à ce Souverain Prêtre du ciel et de la terre. La

souffrance fera l'amour en elle, et avec cette adhésion dans l'amour, elle sera un seul esprit

avec Dieu. Elle sera victime de l'amour. Elle deviendra comme un crucifix vivant, pour rendre

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cet esprit à Dieu, Un et Trine. L'âme est mûre pour l'oblation plénière de soi au Verbe, à

l'Esprit-saint, au Père des cieux.

Ô Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à vous écouter...

afin d'apprendre tout de vous.

L'intelligence se livre à la Vérité substantielle dans la foi qui purifie le coeur. Elle devient

l'Épouse du Verbe.

Ô feu consumant, survenez en moi...

Comme en marie, quoique d'une autre facon pour intensifier le Christ en l'âme, pour lui faire

vivre son mystère, l'Amour ravira la volonté totalement.

Ô père, penchez-vous vers votre pauvre petite créature, ne voyez en elle que le Bien-Aimé...

La chrétienne est devenue comme un autre Christ. Le Père ne la voit plus qu'en l'objet éternel

de ses complaisances. C'est l'union.

Ô mes Trois, je me livre à vous comme une proie.

L'adoration est parfaite, le néant s'est rendu au Tout, à Dieu, sa consécration est accomplie;

l'âme est devenue louange de gloire à la Trinité sainte. Qui peut comprendre comprenne.

Ceci est l'histoire d'une âme qui, comme un cierge consacré, s'est consumée lentement dans la

vive flamme d'amour qui la dévorait toute pure. Épuise toute ma substance, criait-elle à son

Époux, pour ta gloire; qu'elle se distille goutte à goutte pour ton Église!

Ô vierge chrétienne, Jésus vous a épuisée; et l'Église

dont vous fûtes une fille si illustre,

déjà fière d'une telle vertu, s'enivre de votre holocauste...

Et c'est pourquoi, pour combler vos désirs, nous allons redire l'Action de grâces

à cette Trinité dont, ÉLISABETH, vous fûtes en Jésus-Christ la maison, MAISON DE

DIEU!

Vous vous êtes définie vous-même, lorsque vous écriviez : Une louange de gloire

est un être toujours dans l'action de grâces : ses actes, ses mouvements, ses pensées,

ses aspirations, en même temps qu'ils l'enracinent plus profondément en l'amour,

sont comme un écho du Sanctus éternel...

ACTION DE GRÂCES

O

ui, c'est une chose digne et juste, équitable et salutaire
de vous rendre grâces en tout temps et en tout lieu,

Seigneur saint, Père tout-Puissant, Dieu Éternel, qui,

avec votre Fils Unique et le Saint-Esprit

êtes un seul Dieu, un seul Seigneur!...

Vous êtes tel, non dans l'Unité d'une seule Personne,

mais dans la Trinité d'une seule Substance.

Et, en effet, ce que nous croyons au sujet de votre gloire,

ainsi que vous l'avez révélé, nous le croyons,

sans aucune différence, de votre Fils et du saint-Esprit.

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En sorte que, confessant une véritable et éternelle Divinité,

nous adorons tout ensemble et la propriété dans les Personnes,

et l'Unité dans l'Essence, et l'Égalité dans la majesté.

C'est Elle qui louent les Anges et les Archanges,

que les Chérubins et les Séraphins, qui ne cessent de chanter,

chaque jour, redisant d'une voix unanime:

Saint, Saint, Saint, vous êtes le Seigneur,

le Dieu des Armées. Les cieux et la terre sont remplis de votre Gloire.

Hosanna au plus haut des cieux!...

Vous êtes béni, Seigneur Dieu de nos pères;

vous êtes digne de louanges et de gloire dans les siècles des siècles.

Et le nom de votre Gloire qui est saint est béni;

il est digne de louanges et de gloire dans les siècles.

Vous êtes béni dans le temple saint de votre gloire;

béni sur le trône saint de votre royaume;

béni sur le sceptre de votre divinité.

Vous êtes béni, vous qui étant assis sur les chérubins,

voyez le fond des abîmes;

béni, vous qui marchez sur les ailes des vents et sur les flots de la mer....

Que tous les Anges et les Saints vous bénissent;

que les cieux, la terre et la mer, et tout ce qu'ils renferment vous bénissent

vous louent, vous glorifient dans les siècles.

Comme il était au commencement, qu'il soit maintenant et toujours,

et dans les siècles des siècles. Amen.

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Première Élévation

AU NOM DU PÈRE ET DU FILS ET DU SAINT-ESPRIT

A

votre Nom, ô Père, Fils, Esprit-Saint, c'est-à-dire à votre unique gloire,

ou encore par votre puissance, par votre sagesse, par votre amour,

à votre Nom qui n'est autre que Vous-même, ô Dieu, Un en Trois Personnes,

je veux redire ici, dans ma foi plénière, le cantique des saints,

écho très lointain de celui que vous chantez à Vous-même,

ô Père, ô Fils, ô Saint-Esprit!

Quiconque aspire au salut doit avant toutes choses s'enchaîner à la foi catholique; il faut qu'il
s'y conforme intégralement, inviolablement, sous peine de périr dans l'éternité. A cela il n'y a
point de doute possible.

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Or, voici la foi catholique: elle honore Dieu, Un dans sa Trinité, et Trine dans son Unité. C'est
le mystère des mystères, celui qui doit me béatifier dans le ciel, oui, mais qui, dès ici-bas,
commence au fond de moi-même cette béatification.

Saint Jean, dans ses épîtres, souhaite que nous ayons société avec la sainte Trinité: ce mot est
si doux, et c'est si simple. Il suffit, saint Paul le dit, il suffit de croire. Dieu est Esprit, et c'est
par la foi que nous nous approchons de Lui... Cette Essence que les Bienheureux adorent, elle
est dans ton âme; quand on sait cela, une intimité tout adorable s'établit; on n'est plus jamais
seul.

Encore faut-il croire comme il convient. Car n'allez pas confondre les Personnes; n'allez pas
séparer la Substance: les Personnes sont trois, la Substance est Une.

Autre, sans doute, est la Personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit. Mais
le Père, le Fils, le Saint-Esprit ne sont qu'un seul Dieu, dans l'égalité totale de la même gloire
et l'éternité de la même majesté.

Tel êtes-vous, ô Père, tel est votre Fils,

tel est, Père et Fils, votre Esprit-Saint!

Vous êtes l'incréé, Père;

vous êtes l'incréé, Fils;

vous êtes comme le Père et le Fils,

l'incréé, Esprit-Saint, lien de l'un et de l'autre!

Entre chacun de Vous et le créé,

il y a l'abîme infini séparant le tout du rien.

O Père immense, ô Fils immense, ô Esprit-Saint immense;

rien ne vous mesure, pas plus l'un que l'autre,

vous qui mesurez toute créature!

Vous êtes, Père, l'Éternel; Fils, vous êtes le même Éternel;

Esprit-Saint, vous êtes au même titre l'Éternel.

Chacun de vous est celui qui est; la création la plus sublime reste celle qui n'est pas...

Et toutefois il n'y a ni trois Éternels, ni trois Incréés, ni trois Immenses,

mais un seul Éternel, un seul Incréé, un seul Immense;

c'est vous seul ô Dieu, un en Trois! Vous, Éternité, Immensité, Être non créé!...

Vous êtes le Tout-Puissant, ô Père; le Tout-Puissant, ô Fils;

le Tout-Puissant, ô Esprit-Saint;

et pourtant il n'y a pas Trois Tout-Puissants, mais un seul Tout-Puissant;

c'est Vous, ô Toute-Puissance!

C'est ainsi que vous êtes Dieu, Père;

Dieu, Vous son Fils; Dieu, Vous Esprit-Saint de l'un et de l'aure.

Et cependant vous n'êtes pas trois Dieux, mais un seul Dieu,

ô adorable Divinité!

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Père, vous êtes le Seigneur qu'adorent les Séraphins;

Fils, vous êtes ce Seigneur. Esprit-Saint, vous êtes ce Seigneur;

Et toutefois, non, il ne peut y avoir là trois Seigneurs,

mais un Seigneur devant qui je m'abîme en ce néant qui vous confesse,

ô ineffable Seigneurie!...

La vérité que me révèle votre Christ, ô Trinité de l'Unité,

m'oblige à confesser la divinité, la seigneurie de vos trois Personnes;

la religion catholique me défend d'affirmer trois Dieux ou trois Seigneurs.

C'est, dis-je, le mystère des mystères; j'en saurai quelque chose,

un jour, dans le ciel; sur la terre

je me contente des données déjà si fulgurantes de ma foi.

Personne ne vous a fait, ô Père; personne ne vous a tiré du néant;

vous n'êtes pas même engendré d'un autre, fut-il tout semblable à Vous.

Vous êtes l'Innascible, ô Fontaine de la divinité!...

C'est vous, ô Fils qui seul venez de ce Père;

vous n'avez pas commencé d'être, vous qui êtes l'Éternel;

vous ne sortez pas de ses mains par la création, vous qui êtes l'incréé comme Lui;

Il vous engendre par voie d'Intelligence infinie.

Quant à Vous, ô Esprit-Saint, vous venez du Père et du Fils

comme d'un seul principe.

Vous n'êtes ni fait, ni créé, ni même engendré;

mais vous procédez de l'un et de l'autre à la fois par voie d'Amour infini.

Vous, le baiser du Père et du Fils, leur chaîne, indestructible comme l'un et l'autre,

et l'adorable achèvement des relations divines qui constituent la Trinité de l'Unité,

Sainteté substantielle, Image de toute sainteté au ciel et sur la terre!

Vous êtes donc Un, ô Père; Un, ô Fils; Un, ô Esprit-Saint!

Quel blasphème il y aurait à confesser trois Pères, trois Fils, trois Esprits-Saints!

Et pourtant, malgré l'apparente dépendance de vous Trois vis-à-vis l'un de l'autre,

ô Père, Fils, Esprit-Saint,

il n'y a personne dans votre Trinité qui précède l'un ou vienne après l'autre;

personne qui soit plus grand ou moins grand.

O divines Personnes, vous êtes toutes trois et en tout

co-éternelles et co-semblables, à part ce qui fait que vous êtes Père, ô Père;

que vous êtes Fils, ô Fils; que vous êtes leur Esprit, ô Esprit-Saint!

Et c'est ainsi qu'en toutes ces perfections infinies et ineffables il faut adorer, sous peines de

périr à jamais, l'Unité dans la Trinité et la Trinité dans l'Unité.

O mon Dieu, Trinité que j'adore,

je viens à Vous pour m'abîmer en Vous et trouver, dans cet abîme du Tout

que vous êtes et qui appelle avec tant d'amour l'abîme du néant que je suis,

trouver, dis-je, le lieu de mon repos et de ma béatitude:

je veux vivre et mourir en cette foi.

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O mon Dieu

Unité principale! Trinité que j'adore,

bienheureuse Trinité!...

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Deuxième Élévation

Ô MON DIEU...

O

mon Dieu! Je crois en Vous, mon Dieu qui êtes unique seul Dieu à l'exclusion de tout

autre qui oserait, par audace sacrilège,

s'approprier ce titre redoutable.

Vous me l'avez dit: Le Seigneur ton Dieu est le seul Seigneur!

Aussi crié-je vers Vous:O mon Dieu!...

Credo in unum Deum, je crois que mon Dieu, unique,

est en même temps Dieu un en Lui-même, un dans sa nature divine, son essence,

sa substance; Vous êtes l'être même, ô mon Dieu.

Vous m'avez livré votre Nom adorable, quand vous m'avez dit:

Je suis Celui qui suis.

Quelle créature oserait prétendre usurper votre Nom, elle qui est celle qui n'est pas?

O être, océan et abîme de l'Être! Vous êtes; moi je ne suis pas.

Comment pourrais-je vous nommer, vous connaître, vous pénétrer?

Tout ce qu'on me dit de Vous n'est souvent que négation de choses que je connais,

tant ma langue est impuissante à vous épeler,

mon esprit incapable de vous scruter, mon coeur trop étroit pour vous contenir,

ô mon Dieu!

On vous célèbre en disant que vous êtes infini, immense, immuable,

incompréhensible, ineffable! Je le répète,

il n'y a là que profession de ce que vous n'êtes pas...

Mais énoncer qui et ce que vous êtes, ô mon Dieu,qui le pourra?

Il devrait comprendre votre nature unique et une; il devrait être Dieu lui-même.

Être des êtres, Être premier, Être par Vous-même, Être nécessaire,

Être absolu, Être immuable, Être éternel, Être vivant de la contemplation infinie

de Vous-même, Être qui êtes « Celui qui agit », l'Activité même qui, au-dedans,

a une fécondité posant les Personnes de l'adorable Trinité, et au dehors jetant en

stupeur

les créations immenses et magnifiques, multipliées par Elle!

Je vous bénis, je vous adore, ô Être, Source de toute vie,

Vie Vous-même dans la Toute-Puissance, la Sagesse, la Vérité, la Beauté,

la Bonté, dans toute la perfection qui fait de votre essence,

unique et une, la plénitude même de l'Être qui vie

O mon Dieu! Je vous loue, ô Nature de mon Dieu, Esprit un, intelligent, saint,

immatériel, actif, pénétrant, sans souillure, infaillible, impassible,

immuable, Tout-puissant!

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Vous êtes l'Unité des unités, Unité principale à l'image de laquelle naissent,

croissent et se perpétuent toutes les unités du ciel et de la terre.

C'est pourquoi vous êtes aussi la Simplicité même;

rien de composé en Vous, rien qui soit partie; vous êtes un Tout, un et simple.

O mon Dieu! Votre nature me ravit.

Il me semble qu'à l'imiter il doit y avoir tant de joie, de paix, de repos!

Ne suis-je pas fait à votre image, à votre ressemblance.

N'est-ce pas votre rêve de Créateur: « pouvoir se contempler en sa créature;

y voir rayonner toutes ses perfections, toute sa beauté, comme à travers un cristal pur et

sans tache:

n'est-ce pas là une sorte d'extension de sa gloire?»

Faites-moi un, simple, toujours plus. J'aspire à cette unité simple qui m'arrache

toujours

davantage à tout ce qui n'est pas Vous, Vous seul, ô mon Dieu!

Ah! oui, la belle vertu de simplicité qui donne à l'âme le repos de l'abîme,

c'est-à-dire le repos de Dieu, abîme insondable,

prélude du sabbat éternel dont parle saint Paul:

Pour nous qui avons cru, dit-il, nous serons introduits dans le repos.

Les glorifiés ont ce repos de l'abîme parce qu'ils contemplent Dieu dans la simplicité de

son essence...

alors ils sont une incessante louange de gloire à l'Être divin,

qui contemple en eux sa propre splendeur.

Il me semble que ce serait donner une joie immense

au coeur de Dieu que de s'exercer dans le ciel de son âme à cette occupation

des Bienheureux, et d'adhérer à Lui par cette contemplation simple

qui rapproche de l'état d'innocence dans lequel l'homme avait été créé.

O mon Dieu!... il me semble qu'il y a tant de simplicité,

d'unité, de vie, dans cette aspiration, O mon Dieu!...

Cela ne nous suffit-il pas, comme cela suffit à Dieu

de se le dire à soi-même?

O mon Dieu!... Simple regard de foi, d'espérance et d'amour,

fixé sur l'Être un et simple de Dieu,

qu'il peut devenir puissant pour la réforme de mon être à moi!

Par la simplicité du regard avec lequel elle fixe son divin Objet,

l'âme se trouve séparée de tout ce qui l'entoure, séparée surtout d'elle-même;

dès lors elle resplendit de la Science de la clarté de Dieu, parce qu'elle permet à l'Être

divin de se refléter en elle.

En vérité, cette âme est la louange de gloire de tous ses dons;

elle chante à travers tout et parmi les actes les plus vulgaires

le canticum magnum, et ce cantique fait tressaillir Dieu jusqu'en ses profondeurs.

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O mon Dieu!... Être un et simple, nature unique du Père,
du Fils et du Saint-Esprit, accueillez ce chant de ma foi...

Qu'il honore, exalte et glorifie, ô Unité,

votre Trinité que je viens adorer...

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Troisième Élévation

TRINITÉ QUE J'ADORE

O

mon Dieu, Trinité que j'adore...

Tout le mystère est là, dans sa sublimité et sa profondeur, dans sa longueur et sa largeur; et ce

mystère adorable c'est Dieu, Un en Trois Personnes.

D'un seul coup d'aile, l'âme qui croît, qui espère et qui aime, s'élève à Dieu et s'immerge en

l'océan insondable du mystère de l'Unité dans la Trinité, de la Trinité dans l'Unité.

Elle pénètre et demeure dans les profondeurs de Dieu; et, consciente aussitôt de son néant

sans nom, elle se prosterne, elle adore, elle jette sa couronne devant la Majesté sainte qu'elle

sent si près d'elle.

L'âme adore, elle se prosterne, elle plonge dans l'abîme d'elle-même, l'abîme de son rien; elle

s'y enfonce si profondément que, à coup sûr, il n'y a qu'un Dieu, le Dieu même qu'elle adore

qui puisse la chercher, la prendre à Lui et la faire reposer en Lui. Elle adore...

Elle adore en Esprit et en Vérité: elle connaît, elle aime Celui qui est la source même de sa

connaissance et de son amour, en cette adoration; car on l'adorera toujours à cause de Lui-

même.

L'adoration, ah! c'est un mot du ciel; il me semble qu'on peut le définir: l'extase de l'amour.

C'est l'amour, écrasé par la beauté, la force, la grandeur immense de l'objet aimé; il tombe

dans une sorte de défaillance, dans un silence profond, plein; ce silence dont parlait David,

lorsqu'il s'écriait: Le silence est ta louange!...

O mon Dieu, Trinité que j'adore,

avec avidité j'entre dans votre sanctuaire, ô saint des Saints,

où Père, Fils, Saint-Esprit vous vous exprimez

et vous rendez une mutuelle gloire.

Père Saint, permettez à l'atome, au néant, au rien, votre enfant pourtant,

permettez de se cacher en votre sein, in sinu Patris,

de se perdre en Vous et, dans son anéantissement qui adore,

de proclamer votre adorable Tout.

Père, source de la divinité d'où s'écoulent le Fils et, avec Lui,

l'Esprit-Saint, Vous, source de ce qu'ils sont, de ce qu'ils ont d'Être, sans les précéder.

Ce qu'il y a de plus foncier en Vous, c'est que vous êtes Père;

votre relation personnelle fait la première Lumière, la première Pensée,

la première Beauté, le premier Amour...

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Et dire que vous êtes aussi mon Père, et que je suis votre enfant!

Je vous adore à cause de Vous!...

Fils du Père, sagesse incréée, Vérité sans limites!

Que mon ignorance s'efface devant votre visage de gloire;

qu'elle disparaisse et chante, en adorant, votre toute-science.

Vous êtes le Fils de Dieu, engendré de Lui seul avant tous les temps.

Vous, le plus parfait des Fils, le Fils unique, vous êtes sa Pensée personnelle,

vivante, engendrée de la science qu'il a de Lui-même et de tout ce qui est et peut exister.

Vous êtes sa Parole, Lui disant tout ce qu'il est et tout ce que nous sommes.

O Image de mon Père, face de mon Dieu, gloire de l'Innascible!

Je vous adore, à cause de Vous!

Esprit-Saint, Esprit-Amour du Père et du Fils,

Brasier inextinguible de la Trinité dans l'Unité, mon coeur s'abîme devant Vous

et se liquéfie, adorant l'Amour de mon Dieu Un et Trine!

Don de Dieu, Don de Dieu à Dieu, Don du Père aux hommes, à moi votre enfant!

Vous êtes comme le coeur du Père et du Fils,

l'attrait personnel de l'un vers l'autre.

C'est Vous qui les attirez l'un à l'autre, expansion infinie, extase éternelle d'Amour!

O consommation de la Vie divine, je vous adore, à cause de Vous-même!

J'adore en Vous, ô Trinité dans l'Unité, j'adore vos éternelles communications

et la circumincession de Vie, de Lumière, d'Amour qui est en Vous,

et qui fait que vous avez le séjour mutuel de vos divines Personnes l'une dans l'autre,

ô Père, ô Fils, ô Esprit-Saint!

Je vous adore, Fécondité du Père,

je vous adore Filiation du Fils,

je vous adore Spiration d'Amour!

J'adore votre mystère accompli et qui s'accomplit encore et toujours, éternellement,

« pouls de la Vie divine qui n'a jamais commencé à battre et qui ne cessera jamais».

Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu des armées.

Le ciel et la terre sont remplis de sa gloire.

Hosanna au plus haut des cieux!

Voila le mystère que chante aujourd'hui ma lyre. Comme à Zachée, mon divin Maître m'a dit:

Hâte-toi de descendre... Mais où? Au plus profond de moi-même, après m'être quittée moi-

même,

séparée de moi-même, dépouillée de moi-même; en un mot, sans moi-même.

O mon Dieu, Trinité que j'adore! Unité de la Trinité, Trinité de l'Unité!

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Quatrième Élévation

AIDEZ-MOI À M'OUBLIER ENTIÈREMENT POUR M'ÉTABLIR EN VOUS...

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N

escivi, Je ne sais plus rien, je ne veux plus rien,

si ce n'est Vous, ô mon Dieu, Trinité que j'adore!

Quand me sera-t-il donné de pouvoir dire comme l'Apôtre: Pour son amour, j'ai tout perdu,

j'ai fait la perte de moi-même, en m'oubliant, en oubliant toutes choses, pour m'établir en Lui?

Nescivi.Il faudrait, il faut à tout prix que j'en arrive là; il ne peut être question pour moi d'être

à mon Dieu, à la Trinité sainte que j'adore, si je ne me résous à conserver toute ma force au

Seigneur, c'est-à-dire, à lui réserver toutes les énergies de mon être, à les réserver à Lui seul,

en m'oubliant pour ne plus me souvenir que de Lui.

L'amour de Dieu et l'amour propre ou l'amour du moi sont incompatibles; l'adoration que dans

l'amour du moi je rends à Dieu est une adoration mesurée, incomplète, parfois menteuse.

Adorer pleinement, c'est aimer pleinement; l'adoration sans mesure est l'amour sans mesure.

Adorez le Seigneur, car il est saint; et encore:On l'adorera toujours à cause de Lui-même.

L'âme qui se recueille sous ces pensées, qui les pénètre avec le sens de Dieu vit dans un ciel

anticipé, au-dessus de ce qui passe, au-dessus des nuages, au-dessus d'elle-même.

Elle sait que Celui qu'elle adore possède en Lui tout bonheur et toute gloire; et jetant sa

couronne en sa présence comme les Bienheureux, elle se méprise, elle se perd de vue, et

trouve sa béatitude en celle de l'Être adoré, parmi toute souffrance et douleur, car elle s'est

quittée, elle est passée en un autre.

Qui veut adorer, pleinement, doit donc renoncer à soi-même, c'est-à-dire, s'oublier, se nier,

consentir à se taire, à ne paraître plus, pour disparaître et chanter, dans son néant reconnu,

l'Être de son Dieu: il n'y a pas d'autre adoration de Vous-même, ô mon Dieu, Trinité que

j'adore!

Ah! aidez-moi! car, faire ainsi l'unité en tout mon être par le silence intérieur; ramasser toutes
mes puissances pour les occuper au seul exercice de votre adoration qui est amour, ce ne peut

être qu'un triomphe de votre grâce.

Aidez-moi à m'oublier ainsi entièrement, totalement, sans réserve aucune, sans crainte ou

susceptibilité, dans les grandes et les petites choses, devant tous, en tout; ô mon Dieu, aidez-

moi!

L'âme qui garde quelque chose en son royaume intérieur, dont toutes les puissances ne sont

pas « encloses » en Dieu, ne peut être une parfaite louange de gloire; elle n'est pas en état de

chanter sans interruption le canticum magnum, parce que l'unité ne règne pas en elle...

Nescivi. Je ne sais plus rien, je ne veux plus rien savoir, si ce n'est mon Dieu et mon Tout.

C'est pourquoi, j'ai tout perdu, et je veux tout perdre encore, me perdre et m'oublier,

pour m'établir en Vous ô Seigneur Saint, Unité de la Trinité!

Mon âme est emportée sous la grande vision du Mystère des mystères, en cette Trinit qui, dès

ici-bas, est notre cloître, notre demeure, l'infini en lequel nous pouvons nous mouvoir à

travers tout.

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M'établir en Vous! C'est m'écouler jusque dans le secret de votre Face,

c'est m'enraciner plus profondément en Celui que j'aime,

c'est pénétrer en vos abîmes de puissance, de sagesse et d'amour, et y vivre comme dans

un cloître, le cloître des Bienheureux;

c'est, pour mon âme, vivre dans un ciel anticipé au-dessus de ce qui passe,

au-dessus des nuages, au-dessus d'elle-même.

O mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi

à m'oublier entièrement, pour m'établir en Vous...

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Cinquième Élévation

IMMOBILE ET PAISIBLE COMME SI DÉJÀ MON ÂME ÉTAIT DANS

L'ÉTERNITÉ

D

ieu, Un et Trine, est l'Immobile par essence; il est le Repos substantiel, la Paix nécessaire;

car, il demeure en Lui et garde, parmi le calme d'une stabilité parfaite, l'identité de son Être.

Idem ipse es, tu permanes...

Vous ête éternellement, ô mon Dieu, le même,

vous êtes la Stabilité. Tout le reste s'use comme un vêtement et disparaît;

vos années à Vous sont à jamais...

L'âme qui pour adorer votre Essence, consent à s'oublier,

à se nier, à mourir à elle-même pour s'élever, s'écouler, s'établir en vous,

cette âme participe toujours davantage, dans la mesure où elle s'oublie,

se nie et meurt, à votre immobilité, à votre repos, à votre paix!...

Cette âme se stabilise en Dieu; c'est alors, alors seulement et à l'exemple de son Dieu Un et

Trine, qu'elle devient mystérieusement et divinement active; qu'elle laisse libre cours à ses

énergies et réalise les pensées, les vouloir de Dieu sur elle. Elle se possède, en Dieu.

Mon âme est toujours entre mes mains. Voilà ce qui se chantait en l'âme de mon Maître et

c'est pourquoi, parmi toutes les angoisses, il demeurait le calme , le Fort. Mon âme est

toujours entre mes mains. Quest-ce à dire? Sinon cette pleine possession de soi, en présence

du Pacifique; comme Jésus et avec Lui, ainsi

devrais-je imiter Dieu.

Ah! je voudrais pouvoir dire à toutes les âmes quelles sources de force, de paix et aussi de

bonheur elles trouveraient, si elles consentaient à vivre en cette intimité.

Seulement, elles ne savent pas attendre; si Dieu ne se donne d'une facon sensible, elles

quittent sa sainte présence, et quand il vient à elles, avec tous ses dons, il ne trouve personne;

l'âme est au-dehors, dans les choses extérieures; elle n'habite pas au fond d'elle-même.

Quel idéal! Vivre, comme si déjà mon âme était dans l'éternité où tout sera stable, paisible,

tranquille, parce que aux pieds de l'Immobilité divine, parce que dans l'Éternité de Dieu!

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Est-ce possible? Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. Lorsque mon maître me

fait entendre cette parole au fond de l'âme, je comprends qu'il me demande de vivre comme le

Père dans un éternel présent, sans avant, sans après, mais tout entière en l'unité de mon être,

en ce Maintenant éternel.

Quel est-il ce présent? David me répond: On l'adorera toujours à cause de Lui-même. Voila

le présent éternel dans lequel une louange de gloire doit être fixée. Mais pour qu'elle soit

vraie en cette attitude d'adoratrice, pour qu'elle puisse chanter: J'éveille l'aurore, il faut qu'elle

puisse dire aussi: Pour son amour, j'ai tout perdu.

J'ai tout perdu à cause de lui, pour l'adorer toujours; je me suis isolée, séparée, dépouillée de

moi et de toutes choses, tant à l'égard du naturel que dans l'ordre surnaturel, vis-à-vis des dons

de Dieu; car une âme qui n'est pas détruite, délivrée du soi sera forcément, à certaines heures,

banale et naturelle, ce qui n'est pas digne d'une fille de Dieu, d'une épouse du Christ, d'un

temple de l'Esprit-Saint.

O mon Dieu, Trinité que j'adore gardez-moi ainsi dans cette divine paix!

Que la terre ne me soit plus rien,

mais que je vive comme j'espère vivre au ciel,

dans votre présent éternel.

Qu'indifférent à tout ce qui passe, à tout ce qui reste caduc,

terrestre, temporaire, je me repose dans la paix

sans nuage de votre immobilité, de votre placidité éternelle!

L'éternité, je l'attends, j'y aspire;

comme le cerf altéré soupire après la source d'eau vive,

ainsi mon âme soupire après Vous, ô Dieu, Dieu vivant!

Car l'éternité, c'est Vous, lieu spacieux où mon âme veut être immobile et paisible à

jamais!

O Dieu sublime, qui habitez l'éternité,

excelsus et sublimis habitans aeternitatem!

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Sixième Élévation

QUE RIEN NE PUISSE TROUBLER MA PAIX, NI ME FAIRE SORTIR DE

VOUS,

O MON IMMUABLE

O

mon Immuable! Vous, mon Dieu, Trinité que j'adore,

vous êtes stable dans votre repos, Vous pourtant le Moteur infini,

universel, nécessaire!

Mon âme n'a de paix que lorsqu'elle habite en votre immutabilité.

Ne permettez pas, ne permettez jamais

que toute l'activité accordée par Vous aux énergies de mon âme,

même pour le bien, arrive à troubler ma paix, à contrarier ce don de votre Esprit-Saint,

en la profondeur de cette âme, enclose en Vous!

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Vous voulez être ma paix, afin que rien

ne puisse me distraire ou me faire sortir de la forteresse

inexpugnable du saint recueillement.

Combien j'ai besoin, ô mon Dieu, pour faire l'unité en tout mon être,

combien j'ai besoin de silence intérieur, de recueillement,

de cette belle simplicité, qui garde mon être avec un soin jaloux

au dedans de Vous, Trinité que j'adore!

Pour que rien ne me retire de ce beau silence du dedans, toujours même condition, même

isolement, même séparation, même dépouillement. Si mes désirs, mes craintes, mes joies ou

mes douleurs, si tous les mouvements provenant de ces quatres passions ne sont pas

parfaitement ordonnés à Dieu, je ne serai pas solitaire, il y aura du bruit en moi; il faut donc

l'apaisement, le sommeil des puissances, l'unité de l'être.

O divin silence, artisan de l'unité des puissances de l'âme! Nescivi, non, je ne veux plus rien

savoir, je veux tout oublier, m'oublier moi-même, pour être ainsi comme enfoui, perdu en

Dieu.

C'est ce Dieu immuable, inexpugnable dans son silence éternel qui dit à mon âme: Écoute, ma

fille, prête l'oreille, oublie ton peuple et la maison de ton père; et le roi sera épris de ta

beauté.

Cet appel est une invitation au silence: écoute...prête l'oreille...Mais pour entendre, il faut

oublier la maison de son père, c'est-à-dire tout ce qui tient à la vie naturelle, cette vie dont

veut parler l'Apôtre quand il dit: Si vous vivez selon la chair, vous mourrez.

Oublier son peuple, c'est plus difficile; ce peuple, c'est tout ce monde qui fait pour ainsi dire

partie de nous-mêmes: c'est la sensibilité, les souvenirs, les impressions, le moi en un mot; il

faut l'oublier, le quitter; et quand l'âme a fait cette rupture, quand elle est libre de tout cela, le

Roi s'est épris de sa beauté; car la beauté, c'est l'unité, du moins c'est celle de Dieu...

Le Créateur voyant le silence qui règne en sa créature, la considérant toute recueillie en sa

solitude intérieure, est épris de sa beauté; il la fait passer en cette solitude immense, infinie, en

ce lieu spacieux chanté par le psalmiste, et qui n'est autre que Lui-même: J'entrerai dans les

profondeurs de la puissance de Dieu.

Ainsi en est-il de l'âme entrée dans la forteresse du recueillement; l'oeil ouvert sous les clartés

de la foi, elle découvre son Dieu présent, vivant en elle, et, à son tour, Lui demeure si présente

dans sa belle simplicité, qu'Il la garde avec un soin jaloux.

Alors peuvent survenir les agitations du dehors; les tempêtes du dedans; on peut atteindre son

point d'honneur: Nescivi! Dieu peut se cacher, lui retirer sa grâce sensible, Nescivi!

Désormais le divin Maître est libre, libre de s'écouler, de se donner à sa mesure; et l'âme ainsi

simplifiée, unifiée, devient le trône de l'Immuable, puisque l'Unité est le trône de la Sainte

Trinité!

O mon Dieu, Trinité que j'adore, que rien ne puisse me faire sortir de Vous, mon

Immuable!

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Sortir de Vous, ce serait perdre la paix divine que vous êtes;

ce serait retourner à mon moi, à mon trouble, à mon agitation, à l'instabilité;

ce serait rouler à nouveau dans l'abîme des choses

qui sont esssentiellement instables, distrayantes, pleines de mensonges...

Attirez-moi dans le recueillement intérieur;

aidez-moi à sortir de moi-même, pour adhérer à Vous par un mouvement

tout simple et tout amoureux; gardez-moi en ce grand silence

du dedans qui permet à votre Immutabilité adorable de s'imprimer en mon âme,

et de la transformer en vous.

Dieu pacifique, qui seul faites les pacifiques,

ceux que vous appelez vos enfants, donnez-moi la paix,

en me fixant en Vous, l'Immuable!

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Septième Élévation

QUE CHAQUE MINUTE M'EMPORTE PLUS LOIN DANS LA PROFONDEUR

DE VOTRE MYSTÈRE

L'

oubli du moi doit être sans limites, sans mesure dans une âme qui a résolu son pélerinage à

Dieu; qui ose, aidée de sa grâce, lui redire:

O Seigneur, je voudrais m'écouler en ton sein

Comme une goutte d'eau dans une mer immense;

Daigne détruire en moi ce qui n'est pas divin,

Pour que mon âme, libre, en ton Être s'élance...

Quel pèlerinage que cet enfoncement généreux en la profondeur du Mystère, en le Mystère de

l'Unité dans la Trinité, de la Trinité dans l'Unité!

Cet enfoncement suppose un recueillement parfait. Quand on est recueilli, on devient

héroïque.

Dieu nous a élus en lui avant la création, afin que nous soyons immaculés et saints en sa

présence. Notre pélerinage, notre voyage, notre enfoncement en Dieu, c'est cela: arriver,

immaculés et saints, en sa présence.

Plus on approche de cette présence qui rend saint et immaculé, plus aussi on s'enfonce, plus

on s'immerge en Dieu, en la Trinité qu'on adore.

Le point de départ de ce pèlerinage, de ce voyage, de cet enfoncement en Dieu, Un et Trine,

ce fut mon baptême. Depuis, pour être fidèle, il m'a fallu croître en toutes choses, en Dieu.

L'ai-je fait, le fais-je en ce moment même?

Ce baptême m'a enseveli dans la mort de Jésus-Christ, afin que j'apprisse à vivre en mourant

tout le jour. Il faut pour arriver en la présence de la Trinité sainte, pour se laisser emporter en

la profondeur de son Mystère, il faut qu'on puisse dire de moi: Tu es mort et ta vie est cachée

en Dieu avec Jésus-Christ.

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Mourir à moi, à tout instant, à chaque minute, oublier tout, m'oublier en tout, voilà le chemin

tracé; il ne s'agit que de se dépouiller, se perdre de vue; voilà la mort que Dieu demande et

dont Il dit: La mort a été absorbée par la Victoire. O mort, dit le Seigneur, je serai ta mort;

c'est-à-dire: O âme, ma fille adoptive, regarde-moi et tu te perdras de vue; écoule-toi tout

entière en mon être, viens mourir en moi pour que je vive en toi!...

Je ne suis que la mort, ô mon Dieu, Trinité que j'adore!

Vous êtes la vie, vous êtes la Victoire;

triomphez de ce que je suis, et qu'ainsi je sois emporté

libre de tout, déchargé de moi-même,

en la profondeur de votre sainteté.

Abîme de toute la divinité, absorbez à chaque minute,

à chaque instant l'abîme de mon néant afin que je repose en Vous,

qui m'avez fait pour Vous!

Que je ne demeure pas à la surface de votre Mystère,

mais que j'entre toujours plus en votre Être divin,

par le recueillement.

Je poursuis ma course, s'écriait saint Paul; ainsi nous devons descendre chaque jour en ce

sentier de l'abîme qui est Dieu; laissons-nous glisser sur cette pente dans une confiance toute

pleine d'amour.

C'est là, tout au fond, que l'abîme de notre néant, de notre misère, se trouvera en tête à tête

avec l'abîme de la miséricorde, de l'immensité, du tout de Dieu; là, nous trouverons la force de

mourir à nous-mêmes et, perdant notre propre trace, nous serons changés en amour.

Bienheureux ceux meurent dans le Seigneur.

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Huitième Élévation

PACIFIEZ MON ÂME

L

a paix! Trésor incomparable de la Trinité Sainte, sceau authentique des attestations de Dieu

sur une âme!

Ce Dieu veut être ma paix, afin que rien ne puisse me distraire ou me faire sortir de la

forteresse inexpugnable du saint recueillement, C'est là qu'il me gardera immobile et paisible

en sa présence, comme si déjà mon âme était dans l'éternité.

Pour cela, l'âme doit se prosterner, se plonger dans l'abîme de son néant; s'y enfoncer

tellement que, selon la ravissante expression d'un mystique, « elle trouve la paix véritable,

invincible et parfaite que rien ne trouble; car elle s'est précipitée si bas que personne n'ira la

chercher là ».

Alors elle pourra vous adorer, ô mon Dieu, Trinité que j'adore!...

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O mon Dieu, pacifiez mon âme!

Pacifiez ma mémoire, pacifiez mon esprit, pacifiez mon coeur,

pacifiez mes sens extérieurs! Il y a tant de troubles au dehors.

Pacifiez mon âme! Faites taire tous les bruits du passé,

du présent, de l'avenir;

que ma mémoire, ô Père des esprits, n'ait d'autre mouvement

que de se porter vers Vous, Seigneur,

pour ne se souvenir que de vos tendresses à mon égard.

Ah! souvenez-vous!...

Pacifiez mon âme! Elle a soif de votre Vérité, ô Verbe;

arrachez-la à l'erreur, à l'erreur sous toutes ses formes,

au mensonges à tous ses degrés, à l'illusion avec ses mirages;

et laissez-la se reposer en Vous,

s'abreuver à la source, qui ne peut tarir, de votre Sagesse.

Pacifiez mon âme! Qui pourra jamais apaiser les ardeurs d'un coeur

qui veut aimer, qui veut être aimé, si ce n'est Vous,

ô Esprit-Saint, Esprit d'amour, Baiser Éternel du Père et du Fils,

lien indestructible de leur amitié, et chaîne qui reliera

mon âme à mon Dieu, Trinité que j'adore!

Pacifiez mon âme! Oh! ne la laissez plus, ne la laissez jamais se gouverner par ses

impressions,

si spontanées, si fugitives, par les premiers mouvements d'une nature

cherchant toujours à se soustraire à votre influence, à votre grâce,

à ses insistances; donnez-lui de se posséder par votre volonté;

que je devienne un Possédé de Dieu,

afin qu'en ce domaine de mon âme où il veut et où il doit régner,

soit scellée et consacrée la Paix qui descend du ciel!

Pacifiez mon âme! Donnez à cette âme la vraie liberté du coeur,

cet abandon tout amoureux au Dieu qui l'aime!

Et pour que ma volonté soit libre, daignez l'enclore en la vôtre,

alors je serai mu par votre Esprit. je ne ferai que du divin, que de l'éternel;

et à l'image de mon Immuable,

je vivrai dès ici-bas dans un éternel présent.

Pacifiez mon âme, enfin, en lui donnant la grâce de s'oublier entièrement

pour s'établir en Vous, et n'en plus sortir, puisqu'en dehors de Vous,

il ne peut y avoir que trouble, anxiété,

distraction et vanité, perte de temps!

O mon Dieu, Trinité que j'adore, pacifiez mon âme,

afin que vous entriez en Roi, en Roi pacifique,

en Prince éternel de la Paix!

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Neuvième Élévation

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FAITES-EN VOTRE CIEL

C

omme le passereau qui a trouvé un lieu pour se retirer,et la tourterelle un nid pour y placer

ses petits, ainsi, en attendant d'être transférée en la sainte Jérusalem, Beata pacis visio,

Laudem gloriae, a-t-elle trouvé sa retraite, sa béatitude, son ciel anticipé, où elle commence sa

vie d'éternité.

Une âme qui a tout oublié, qui s'est oublié elle-même, chez qui la paix a établi son trône

immuable, une telle âme est un ciel, le ciel de Dieu, du Dieu Un et Trine à la fois.

C'est que le Royaume de Dieu est au dedans de nous,en la substancve de l'âme dont le centre

est Dieu même. Plus elle l'aime, plus elle s'unit à Lui, plus elle entre profondément en Dieu et

se concentre en Lui.Quand cet amour aura atteint sa perfection, quand l'âme aura pénétré en

son centre le plus profond, c'est là qu'elle sera transformée, au point de devenir semblable à

Dieu.

Or, qui a trouvé ce centre, ce Dieu, celui-là a trouvé son ciel, « car ce ciel c'est Dieu et Dieu

est mon âme ».

C'est là, tout au fond, dans le ciel de mon âme que j'aime le trouver, puisqu'il ne me quitte

jamais. Dieu en moi, moi en Lui, oh! c'est ma vie!...

Qu'elle est consolante la pensée que, sauf la vision, nous le possédons déjà comme les

Bienheureux le possèdent là-haut; que nous pouvons ne jamais le quitter, ne jamais nous

laisser distraire de Lui! Priez-le pour que je me laisse toute prendre et emporter!

Je vous laisse ma foi en la présence de Dieu, du Dieu tout amour, habitant en nos âmes; je

vous le confie, c'est cette intimité avec Lui au-dedans qui a été le beau soleil irradiant ma vie

et déjà faisant d'elle comme un ciel anticipé. C'est ce qui me soutient aujourd'hui dans la

souffrance; je n'ai pas peur de ma faiblesse, elle augmente ma confiance, car le Fort est en

moi...

O mon Dieu, Trinité que j'adore, faites de mon âme un ciel,

un ciel anticipé où je vive dans la présence de votre Toute-Puissance,

de votre Sagesse, de votre Sainteté.

Faites-en votre ciel où je m'exerce, dans la foi et dans l'amour,

à vous connaître, à vous aimer, à entrer de plus en plus en communion

avec le grand et divin Mystère que vous êtes!

Faites-en votre ciel où, louange et gloire,

je vous sois un cantique toujours nouveau, toujours plus pur, toujours plus ardent,

exprimant à fond tout ce que mon être, en son plus intime,

vous veut, vous doit, vous immole.

Que là, par anticipation, j'entre pleinement

dans le Coeur et la joie de mon Seigneur,

rafraîchissant mes lèvres desséchées et brûlantes à la source d'Eau vive que vous êtes,

ô Trinité toujours joyeuse, toujours exultante en Vous-même.

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Que, ainsi qu'au ciel de la gloire, ici dans mon âme, dans mon ciel de grâce,

je sois tout à votre culte, au culte de mon Dieu trois fois béni;

que ce soit là, en cet abîme du néant,

rendez-vous de l'abîme du Très-Saint, que soit offert

le sacrifice continu où, hostie de louange,

je meurs tout le jour pour vivre à Lui seul!

Ne permettez jamais, ô mon Dieu, que je sorte de ce ciel,

pour retourner à la terre du dehors où il n'y a que dissipation et tristesse!

Non, laissez-moi à mon bonheur,

à votre joie, à votre ineffable béatitude!

Dans le ciel de son âme, la louange de gloire commence déjà son office de l'éternité; son

cantique est ininterrompu; elle est sous l'action de l'Esprit-Saint, quoiqu'elle n'en ait pas

toujours conscience; car la faiblesse de la nature ne lui permet pas d'être fixée en Dieu sans

distractions. Elle chante toujours, elle adore toujours, elle est pour ainsi dire toute passée dans

la louange et l'amour, dans la passion de la gloire de son Dieu.

Dans le ciel de notre âme, soyons louange de gloire de la Sainte Trinité!

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Dixième Élévation

VOTRE DEMEURE AIMÉE ET LE LIEU DE VOTRE REPOS

E

n Dieu mon âme est si heureuse,

c'est de Lui que j'attends ma délivrance.

oui, il est le rocher où je trouve le salut;

il est ma citadelle, et je ne serai pas ébranlé.

Voilà le mystère que chante aujourd'hui ma lyre. Comme à Zachée, mon divin Maître m'a dit:

Hâte-toi de descendre, car il faut que je loge chez toi. Hâte-toi de descendre, mais où? Au

plus profond de moi-même...

Il faut que je loge chez toi. C'est mon Maître qui m'exprime ce désir, mon Maître qui veut

habiter en moi avec le Père et son Esprit d'amour pour que j'aie société avec eux. Vous n'êtes

plus des hôtes ou des étrangers, mais vous êtes déjà de la maison de Dieu, dit saint Paul.

Voici comment j'entends être de la maison de Dieu: c'est en vivant au sein de la tranquille

Trinité, en mon abîme intérieur, en cette forteresse inexpugnable du saint recueillement. Mon

âme tombe en défaillance en entrant dans les parvis du Seigneur.

Une âme en état de grâce est une maison de Dieu où habite Dieu-même, le Père, le Fils, le

Saint-Esprit: elle devient la demeure aimée du Saint des Saints, et elle habite en Lui comme

en un ciel d'amour.

De mon âme, ô Seigneur, faites votre demeure aiméee!

Vous l'aimez, lorsque, vide de toutes choses et d'elle-même,

elle fait place à votre immensité descendant en elle pour la remplir,

la combler, la pénétrer totalement de Vous-même.

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Vous l'aimez, cette demeure, lorsqu'ainsi qu'il convient,

vous y faites affluer cette sainteté qui lui sied:

Domun Dei decet sanctitudo.

Vous l'aimez, ce ciel où vous demeurez avec amour,

lorsque dans le calme de sa solitude et la paix de son intérieur,

vous le retrouvez orné des vertus qui le sanctifient

et en font la maison de la prière.

Vous l'aimez, lorsque vous y sentez une âme

en communion étroite avec l'amour du Saint-Esprit, votre Baiser éternel,

Père tout-puissant, Vous ô Fils, coéternel au Père,

Père et Fils Un de pensée et d'amour avec votre Esprit-Saint!

Venez, venez dans ce ciel,

devenu votre demeure aimée, venez en faire le lieu de votre repos!

Père, Père saint, venez reposer dans cette demeure,

venez envelopper de votre divin repos l'âme de votre enfant, blotti dans votre sein

avide de ne le plus quitter!

Fils du Père, venez reposer dans votre demeure,

venez nourrir de votre Sagesse et de votre Vérité

l'âme assoiffée de vous connaître,

de connaître votre Science, repos de mon intelligence!

Esprit du Père et du Fils, venez reposer dans votre demeure;

faites-moi goûter quelque chose de ce repos sacrosaint

que vous prenez éternellement dans l'un et dans l'autre,

repos qui dilate l'âme altérée d'amour,

au ciel que vous avez créé en elle!

Dans cette demeure aimée, lieu de votre repos

que je vous sois une louange de gloire, c'est-à-dire une âme

qui réfléchisse tout ce que vous êtes,

qui devienne un abîme sans fond dans lequel vous pouvez vous écouler,

vous épancher, « une âme qui permet à l'Être divin

de rassasier en elle son besoin de communiquer tout ce qu'il est et tout ce qu'il a ».

O mon Dieu, Trinité que j'adore, « que la force triomphante de votre infinie douceur,

que la plénitude de bonheur destinée à ceux que vous aimez,

soient votre louange ineffable »!

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Onzième Élévation

QUE JE NE VOUS Y LAISSE JAMAIS SEUL;

MAIS QUE JE SOIS LÀ TOUT ENTIÈRE

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A

u jour, béni à jamais, de mon baptême,

vous êtes entrée victorieuse dans mon âme, Trinité que j'adore;

vous en avez fait votre ciel, votre demeure et le lieu de votre repos;

vous viviez au dedans de moi et peut-être l'ai-je ignoré.

Hélas je l'ai trop ignoré et n'y pensé-je jamais assez!

Je crois, mon Dieu, que vous êtes là,

Père, Fils, Esprit-Saint, Unité de la Trinité,

trinité de l'Unité;

je le crois, et je vous demande cette grâce de ne le plus jamais oublier un instant.

Quand je l'oublie, je vous laisse seul;

là, en mes profondeurs, esprit, volonté, capacités diverses que vous daignez remplir.

Est-ce possible? Vous êtes là et je ne suis pas là!...

Qu'est-ce qui peut m'arriver de plus nuisible

que d'oublier votre présence en moi?

Aidée de votre grâce, mon âme veut être et rester

près de vous tout entière, avec tout ce qu'elle est,

avec tout ce que vous lui avez donné, avec tout ce qu'elle a

et peut recevoir encore et toujours de votre infinie libéralité!

Je sais, mon Dieu, je sais la solitude où je pourrais vous laisser

ne peut rien contre votre bonheur;

car votre solitude, infinie aussi, est une plénitude sans pareille,

ô Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit,

qui se suffit éternellement à elle-même!

Mais, c'est mon avantage, mon bonheur, ma perfection à moi

que de venir à cette solitude que vous êtes,

et d'y venir tout entier, sans réserve, en enfant,

sans l'ombre d'une crainte, avec la simplicité que vous aimez tant

et que vous attendez de ma confiance.

N'est-ce pas là, du reste, ce que sera mon éternité? Être toujours avec Dieu, avec le Père, avec

le Fils, avec le saint-Esprit, avec l'Unité, avec la Trinité, toujours, toujours, toujours?

Que, dès maintenant, mon âme soit avec vous tout entière!

Qu'elle ne soit plus avec ce qui n'est pas Vous;

qu'elle ne laisse plus une seule partie d'elle-même à quelque créature que ce soit;

qu'elle ne puisse plus affirmer et professer qu'elle donne tout

quand elle se réserve quelque chose, fût-ce un rien!

Quelle sortie de soi cela suppose! Quel mort!
Disons le mot de saint Paul: Quotidie morior.

Le grand Saint écrivait aux Colossiens: Vous êtes morts et votre vie est cachée en Dieu avec

Jésus-Christ. Voilà la condition: il faut être mort; sans cela on peut être caché en Dieu à

certaines heures, mais on ne vit pas habituellement en cet être divin, parce que toutes les

sensibilités, les recherches personnelles et le reste, viennent en faire sortir. L'âme n'est pas

tout entière en Dieu.

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Voilà la mort que Dieu demande et dont il dit: la mort a été absorbée dans la victoire. O mort,

dit le Seigneur, je serai ta mort, c'est-à-dire : ô mon âme, ma fille adoptive, regarde-moi et tu

te perdras de vue, écoule-toi tout entière en mon Être; viens mourir en Moi pour que je vive

en toi!

Il me semble que le cantique nouveau qui peut le mieux charmer et captiver mon Dieu, c'est

celui d'une âme dépouillée, délivrée d'elle-même, en laquelle Il peut refléter tout ce qu'Il est et
faire tout ce qu'Il veut. Cette âme se tient sous sa touche semblable à une lyre, et tous ses dons

sont comme autant de cordes qui vibrent pour chanter jour et nuit la louange de sa gloire.

Que ma pensée soit tout entière, là, avec Vous,

Seigneur, dans ce ciel, cette demeure aimée où vous avez daigné descendre,

pour habiter avec moi, au centre de mon âme:

que mon intelligence s'attache à réfléchir votre Vérité, à la comprendre de son mieux,

à se transformer en elle,

et ainsi mourir à toute erreur, à tout mensonge.

Que mon coeur soit là, appliqué, avec toutes ses énergies,

toute sa puissance d'aimer, à se livrer à Vous,

à se laisser imprégner des divines influences

qui doivent l'attendrir et l'unir à Vous!

Que tout ce qui est en moi, soit là, avec Vous, en Vous,

pour vous bénir, vous célébrer, chanter, admirer;

que tout cela soit à vos pieds, abîmé en votre adoration, et n'ayant plus de vie

désormais que pour tenir compagnie, compagnie à mon Dieu, Trinité que j'adore!

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Douzième Élévation

TOUT ÉVEILLÉE EN MA FOI

L'

âme qui s'oublie donne tout: son oblation entière repose sur un acte de foi qu'achève un

acte d'amour. Elle croit en son Dieu, la Trinité qu'elle adore et qu'elle aime.

Elle croit, comme dit saint Jean, à l'amour que Dieu a eu pour elle; elle croit que ce même

amour l'a attiré sur la terre et dans son âme; car Celui qui s'est nommé la Vérité a dit en

l'Évangile: Demeurez en moi et moi en vous.

Alors tout simplement, elle obéit au commandement si doux; elle vit dans l'intimité avec le

Dieu qui demeure en elle, qui lui est plus présent qu'elle ne l'est à elle-même.

C'est la foi qui nous sert de pieds pour aller à Dieu...Elle seule peut nous donner de véritables

lumières sur Celui que nous aimons, et notre âme doit la choisir comme le moyen pour

parvenir à l'union bienheureuse.

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Elle verse à flots au fond de nous tous les biens spirituels. Jésus-Christ, parlant à la

Samaritaine, désignait la foi lorsqu'il promit à tous ceux qui croiraient en Lui de leur donner

une source d'eau vive qui rejaillirait jusqu'à la vie éternelle!

Ainsi donc, la foi nous donne Dieu dès cette vie, revêtu, il est vrai, du voile dont elle se

couvre, mais pourtant Dieu lui-même. Quand viendra ce qui est parfait, c'est-à-dire la claire

vision, ce qui est imparfait, ou, en d'autres termes, la connaissance donnée par la foi, prendra

fin.

Seigneur, donnez à mon âme d'être tout éveillée en cette foi-là;

ma foi en votre grand Mystère a trop longtemps sommeillé;

tirez-moi, coûte que coûte, de ma langueur!

Si tu savais le don de Dieu! Si tu savais, ô mon âme, quel est l'Hôte descendu en toi par la

grâce! Si tu croyais! Si réellement ta foi savait aller jusqu'au seuil du quasi face-à-face , tant

elle serait vive, ardente!

Mon Dieu, Trinité une, Unité trine, je crois,

je crois, oui, et de toutes les puissances de mon être,

je crois que vous êtes là, au dedans de moi

Père, Fils, Saint-Esprit, bienheureuse Trinité, Unité principale!

Je crois, mais venez au secours de mon incrédulité! Il est dit de Moïse qu'il était inébranlable

dans sa foi comme s'il avait vu l'Invisible; telle doit être l'attitude d'une louange de gloire qui

veut poursuivre, à travers tout, son hymne d'action de grâces: inébranlable dans sa foi comme

si elle avait vu l'Invisible; inébranlable dans sa foi au trop grand amour. Nous avons connu la

charité de Dieu pour nous, et nous y avons cru.

La foi est la substance des choses que l'on doit espérer, et la manifestation de celles que l'on

ne voit pas. Qu'importe à l'âme qui s'est recueillie sous la lumière créée en elle par cette

parole, de sentir ou de ne pas sentir, d'être dans la nuit ou dans la lumière, de jouir ou de ne

pas jouir? Elle éprouve une sorte de honte à faire de la différence entre ces choses.

À cette âme, à cette croyante inébranlable au Dieu Charité, peuvent s'adresser ces paroles du

Prince des apôtres: Parce que vous croyez, vous serez remplis d'une joie inénarrable et

glorifiée.

C'est cette foi qui rend surnaturel. Une âme surnaturelle ne traite pas avec les causes

secondes, mais avec Dieu seulement. Oh! comme sa vie est simplifée! Comme elle se

rapproche de la vie des bienheureux!

Comme cette âme est affranchie d'elle-même et de toutes choses! Pour elle, tout se réduit à

l'unité, à cet Unique nécessaire dont parlait le divin Maître à Madeleine. Alors elle est

vraiment grande, vraiment libre, parce qu'elle a enclos sa volonté dans celle de Dieu.

Que mon âme, mon Dieu, Un et Trine,

que mon âme avec toutes ses énergies soit là, au dedans,

en son centre tout éveillée en sa foi:

que rien ne puisse plus me distraire, de cet acte de foi que je veux poser,

par votre grâce, en votre divine présence en moi!

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Que le jour, la nuit, debout, assis, en voyage, par les chemins, où que je sois, dans la joie et

dans la peine, je sache rester dans cet acte de foi, et puiser dans cette foi comme un avant-goût

du face à face, de la vision bienheureuse que je veux attendre, tout éveillée en ma foi!

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Treizième Élévation

TOUT ADORANTE

L'

âme humaine régénérée au baptême par la grâce, devient le temple de Dieu, du Dieu vivant

: Dieu, Un et Trine, y descend prendre possession d'une demeure aimée où il veut qu'on

l'adore.

Je devrais, quand je prie, descendre dans cette profondeur de moi-même, je devrais y chercher

Dieu; et dans un culte qui n'est dû qu'à Lui seul, je l'adorerais, pour Lui-même.

Se réfugier ainsi, au dedans de soi, dans ce temple intérieur que l'Esprit du Seigneur a sacré au

jour de la régénération de l'âme, c'est si loin de tout, si loin de soi-même: il y faut tant

d'oubli!...

Donnez à mon âme, à ma pauvre âme, mon Dieu,

d'être là, si loin, si profondément, tout adorante à vos pieds.

Faire cela, n'est-ce pas se livrer à votre bon plaisir,

au bon plaisir d'un Dieu sur sa chose, sa créature, son enfant!

Le bon plaisir divin doit être sa nourriture, son pain quotidien; elle doit se laisser immoler par

toutes les volontés du Père, à l'image de son Christ adoré : chaque incident, chaque

événement, chaque souffrance comme chaque joie est un sacrement qui lui donne Dieu : aussi

elle ne fait plus de différence entre ces choses ; elle les franchit, elle les dépasse, pour se

reposer au-dessus de tout, en Dieu lui-même. Cela, c'est adorer au dedans de soi-même le

Dieu vivant.

Adorons-le en esprit, c'est-à-dire ayons le coeur et la pensée fixés en Lui, l'esprit plein de sa

connaissance par la lumière de la foi.

Adorons-le en vérité, par nos oeuvres, car c'est par les actes que nous sommes vrais; c'est faire

toujours ce qui plaît au Père dont nous sommes les enfants.

Enfin, adorons en esprit et en vérité, c'est-à-dire par Jésus-Christ et avec Jésus-Christ. Lui seul

est le véritable adorateur en esprit et en vérité. Alors nous serons les Filles de Dieu...

Que dans ce temple où la grâce sanctifiante me permet de vous rencontrer,

ô mon Dieu, je puisse faire de mon être entier un autel où vous viendrez

trôner pour recevoir l'hommage, l'oblation ainsi totale de votre petite créature,

misérable et sans mérites, l'oblation de son esprit,

de son coeur, de ses énergies, de ses oeuvres.

A cet autel intime, où vous désirez que retentisse l'hymne de gloire,

je veux venir souvent, et si vous le voulez, toujours, redire, dans ma foi entière

et dans un amour aussi plénier que possible, mes adorations :

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Saint, Saint, Saint, vous êtes le Seigneur Dieu,

le Dieu des armées! Le ciel et la terre

sont remplis de votre gloire,

hosanna au plus haut des cieux!

Que ce cantique des Séraphins soit celui de ma pensée;

qu'elle incline devant votre Face ses ignorances,

ses erreurs, son jugement, son orgueil.

Qu'il soit le cantique de ma volonté;

qu'elle prosterne devant votre Majesté ses désirs, ses élans, ses desseins;

qu'elle humilie, tout adorante, ses passions, et les soumette

à votre Volonté, Dieu trois fois Saint!

Que tout ce que vous m'avez départi de biens fasse hommage à son Auteur,

et retourne à sa gloire,

à sa seule gloire à jamais! L'humilité, c'est cela.

Mon Dieu, recevez dans le temple de mon âme

cette confession de mon néant, de ma pauvreté,

de mon dénuement : Vous êtes Tout, je ne suis rien!

Que je reste là, toujours, dans cette attitude qui adore,

lorsque je redescends au dedans de moi-même, pour vous chercher,

pour vous trouver et jouir de votre présence ineffable.

Je vous adore dans mon silence, dans le silence de toutes mes puissances :

Vous êtes le seul Saint! Mais je vous en supplie,

tournez vers mon âme le regard sanctifiant de votre Trinité que j'adore...

L'OUBLI TOTAL DE SOI

Quatorzième Élévation

TOUTE LIVRÉE À VOTRE ACTION CRÉATRICE

O

mon Dieu, Trinité que j'adore, vous êtes le créateur du Ciel et de la terre,

le créateur des choses visibles et invisibles!

A vous la gloire, à vous l'honneur aux siècles des siècles!

J'entends toutes vos créatures, celles qui sont dans le ciel,

sur la terre, dans la mer, je les entends toutes confesser vos perfections infinies,

votre beauté, et votre Divinité; et c'est justice,

elles ne sont que pour glorifier votre Être.

Vous les avez faites pour Vous seul,

pour votre seule gloire, pour votre plus grande gloire;

c'est leur bonheur, parce que leur devoir, du reste,

que de s'appliquer à faire remonter vers leur Seigneur tout ce qu'elles sont,

tout ce que votre libéralité les a faites!

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En les créant, votre action divine a bien voulu

qu'elles participassent à vos propres perfections :

et c'est toute la leur que de chercher à vous ressembler,

si lointaine que puisse paraître cette similitude.

Toutes elles portent le cachet de votre puissance, de votre sagesse,

de votre bonté, ô Dieu, Un et Trine!

Mon âme, vous l'avez tirée du néant en la créant à votre image et ressemblance.

il y a dans mon âme, encore dans une mesure infiniment restreinte,

il y a quelque chose qui vous appelle, qui fait que je vous ressemble.

La substance, la pensée, l'amour de cette âme,

une, chantent cette ressemblance, ô Trinité une, Unité trine!

La sainteté de mon âme consiste simplement

à me livrer tout entière à votre action créatrice;

à laisser parfaire en elle cette ressemblance avec Vous-même, Dieu de la sainteté!

Votre action créatrice sur moi, c'est la condescendance que vous apportez

à rendre votre créature le réflecteur toujours moins indigne de votre Essence toute

sainte,

tout adorable, toute digne d'amour, par l'imitation,

si peu digne soit-elle, de vos perfections infinies.

Votre action créatrice, c'est de faire de mon âme, votre enfant,

une adoratrice en Esprit et en Vérité, dans ce ciel que vous vous êtes créé en son centre.

Elle est créature, et parce que créature,

elle éprouve le besoin de « reconnaître » Celui qui s'est penché vers son néant

pour l'attirer à l'Être divin et l'y ramener dans l'adoration.

Ah! poussez, aussi loin que votre grâce le permet,

inclinez toujours plus mon âme dans ce besoin d'aimer,

de s'anéantir, de confesser son rien.

Ordonnez toutes ses pensées, ses désirs, ses vouloirs, ses aspirations,

ses élans à vous rendre grâces, à reconnaître le Tout de toutes choses en elle,

elle pauvre et chétive créature que vous avez tirée du néant.

Action créatrice de mon Dieu, Trinité que j'adore,
opérez ainsi en cette âme l'oubli total d'elle-même,

qui lui permette de s'établir en Vous,

dans la paix de votre repos, et comme déjà en éternité!

Qu'il soit dit d'elle aussi: Une âme qui permet ainsi à l'Être divin

de rassasier en elle son besoin de communiquer tout ce qu'Il est et tout ce qu'Il a,

est en réalité la louange de gloire de tous ses dons.

Mais pour arriver à ce terme béni, ô mon Dieu, Trinité que j'adore,

rapprochez-moi de Celui qui est ma Voie, ma Vérité, ma Vie,

depuis qu'Il m'a fait revivre en Lui.

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C'est par le Sang de sa croix qu'il pacifiera tout en mon petit ciel

pour qu'il soit vraiment le repos de la Trinité sainte...

Il me remplira de Lui, Il m'ensevelira en Lui.

Il me fera vivre avec Lui de sa vie, mihi vivere Christus est.

Saint Paul me recommande d'être affermie dans la foi, en cette foi qui ne permet jamais à

l'âme de sommeiller, mais la tient tout en éveil sous le regard du Maître, toute recueillie sous

sa parole créatrice, en cette foi au trop grand amour, qui permet à Dieu de combler l'âme

selon sa plénitude.

Seigneur Jésus, pour arriver à la Trinité Sainte,

transformez-moi en Vous... Voici l'heure...

LA TRANSFORMATION EN LE CHRIST-JÉSUS

Quinzième Élévation

O MON CHRIST AIMÉ

V

erbum caro factum est et habitavit in nobis : Dieu avait dit :Soyez saints, parce que je suis

Saint; mais il restait caché et inaccessible; la création avait besoin qu'il descendît jusqu'à elle,

qu'il vécût de sa vie; qu'en mettant ses pas dans la trace des siens, elle pût ainsi remonter

jusqu'à Lui, et se faire sainte de sa sainteté.

O mon Christ! Fils consubstantiel au Père,

Oint du Père, Humanité sacrée du Fils!

O Temple adorable du Saint-Esprit!

Mon Christ! Prêtre éternel de mon Dieu, de la Trinité que j'adore!

Hostie sainte, Oblation sans tache de l'autel de Dieu!

Autel consacré de la Trinité dans l'Unité, de l'Unité dans la Trinité!

Mon Christ aimé! aimé au-dessus de tous ceux que j'aime,

aimé de préférence à tout ce qui, dans le ciel et sur la terre,

peut attirer mon coeur et le ravir!

Ravissez-moi pour toujours, car vous êtes vraiment mien, ô mon Christ,

je vous adore, abîmé dans mon néant! et je défaille...

Me voici en présence du Secret caché aux siècles et aux générations, du Mystère qui est le

Christ, pour nous, dit saint Paul, l'espérance de la gloire...science qui dépasse toute science,

la science de la charité du Christ Jésus.

Si scires donum Dei, si tu savais le don de Dieu, disait un jour le Christ à la Samaritaine. Mais

quel est ce don de Dieu, si ce n'est lui-même? Et, nous dit le disciple bien-aimé: Il est venu

chez lui et les siens ne l'ont pas reçu. Saint Jean-Baptiste pourrait dire encore à bien des âmes

cette parole de reproche: Il y en a un au milieu de vous, en vous, que vous ne connaissez

pas...Si tu savais le Don de Dieu!

Ô Jésus-Christ, vous êtes le Secret du Père,

le Secret d'amour que nous avons connu, auquel nous avons cru.

C'est là le grand acte de notre foi, c'est le moyen de rendre à notre Dieu amour pour

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amour;

c'est là le Secret caché au Coeur du Père, que nous pénétrons enfin, et toute notre âme

tressaille...

Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et

nous ferons en lui notre demeure. Si quelqu'un m'aime! Voilà ce qui attire, ce qui entraîne

Dieu jusqu'à sa créature; non pas un amour de sensibilité, mais cet amour fort comme la mort

et que les grandes eaux ne peuvent éteindre.

O mon Christ aimé, je veux demeurer ainsi en Vous, en votre amour.

Et quand je serai là enraciné dans cet amour, fondé en cet amour,

stabilisé dans cet amour, vous me conduirez,

transformé en Vous, à la Trinité de l'Unité.

La Trinité, voilà notre demeure, notre « chez nous », la maison paternelle d'où nous ne devons

jamais sortir...L'esclave ne demeure pas toujours en la maison, mais le Fils y demeure

toujours,

vous l'avez dit Seigneur Jésus.

Souvenez-vous que vous m'avez fait, Vous, Fils unique du Père,

vous m'avez fait votre frère, ô mon Christ aimé!...

Restons ensemble en Dieu!

Restons ensemble, mon Christ aimé, en ce Dieu Un et Trine!

N'est-ce pas ainsi que nous nous prouverons surtout notre amour!

Restons ensemble, c'est-à-dire que je me lie à Vous, que je pénètre en Vous,

que je disparaisse en Vous, afin que vous apparaissiez en moi!

Quand l'âme est fixée en Lui à de telles profondeurs que ses racines y sont plongées, la sève

divine s'épanche à flots sur elle; et tout ce qui est vie banale, imparfaite, naturelle est détruit:

Ce qui est mortel est absorbé par la Vie.

Ainsi dépouillée de soi et revêtue de Jésus-Christ, l'âme n'a plus à craindre les contacts du

dehors, ni les difficultés du dedans; ces choses, loin de lui être un osbtacle, ne font que

l'enraciner plus profondément en l'amour de son Maître; à travers tout, envers et contre tout,

elle est en état de l'adorer toujours à cause de Lui-même, parce qu'elle est libre, délivrée de

soi et de tout.

C'est là vous aimer, ô mon Christ, c'est là m'enchaîner à Vous

que j'aime, c'est là rester à vos pieds,

comme Madeleine, et m'appliquer à l'unique nécessaire.

Remplissez mon coeur de votre amour, Seigneur Jésus;

que cet amour soit la source qui le désaltère

et le purifie toujours davantage.

Mon Christ aimé, j'ai soif de Vous,

et ma chair se consume par le désir de vous posséder sur cette terre déserte,

sans chemin, sans eau.

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Vous êtes, en effet, Christ aimé, le seul Saint, ;le seul Seigneur, le seul Très-Haut,

ô Jésus-Christ, ô Jésus-Christ, ô Jésus-Christ!

Mon Christ aimé! vous êtes le Très Saint, le Saint des Saints,

avec le Père Saint comme vous, avec l'Esprit de la sainteté même.

je vous adore, abîmé dans mon néant, et je défaille...

LA TRANSFORMATION EN LE CHRIST-JÉSUS

Seizième Élévation

CRUCIFIÉ PAR AMOUR

M

on âme doit se répéter : Quand je serai identifiée avec cet Exemplaire divin, toute passée

en Lui, et Lui en moi, je remplirai ma vocation éternelle pour laquelle Dieu m'a élue en lui, in

principio, celle que je remplirai in aeternum, alors que, plongée au sein de la Trinité, je serai

l'incessante louange de sa gloire, in laudem gloriae ejus.

Pour devenir le trône de l'immuable Trinité, au dedans de moi-même, dans le centre de mon

âme, je dois mourir, et devenir un nescivi vivant, à tous et à tout!

Mais ce travail menant à une telle récompense,

je ne puis le réaliser qu'après avoir été transformé en Vous, mon Christ aimé!<

Je ne puis être transformé en vous, mon Christ aimé,

qu'en prenant votre moule, ô Jésus, crucifié par amour!

Et c'est pourquoi, non, je ne sais plus rien, je ne veux plus rien, sinon le connaître, Lui, la

communion à ses souffrances, la conformité à sa mort...Ceux que Dieu a connus d'avance, il

les a prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, le Crucifié par amour!

La conformité, l'identité avec mon Maître adoré, le Crucifié par amour, voilà ce que je vais

me faire enseigner. Alors je pourrai remplir mon office de louange de gloire et chanter le

Sanctus éternel, en attendant d'aller l'entonner dans les célestes parvis.

Tous ces élus qui ont la palme en main, et qui sont baignés dans la lumière de Dieu, ont dû

auparavant passer par la la grande tribulation, connaître cette douleur immense comme la mer

chantée par le prophète...

Avant de contempler à face découverte la gloire du Seigneur, ils ont communié aux

anéantissements de son Christ; avant d'être transformés de clarté en clarté en l'image de l'être

divin, ils ont été conformes à celle du Verbe Incarné, le Crucifié par amour.

L'âme qui veut servir Dieu nuit et jour dans son temple, dans ce sanctuaire intérieur dont parle

saint Paul, quand il dit: Le temple de Dieu est saint et vous êtes ce temple, cette âme doit être

résolue à communier effectivement à la Passion de son Maître.

C'est une âme rachetée qui doit à son tour racheter d'autres âmes; et pour cela, elle chantera

sur sa lyre: je me glorifie dans la croix de Jésus-Christ!...Avec Jésus-Christ je suis clouée à la

croix...Et encore: Je complète en ma chair ce qui manque à la Passion du Christ, pour son

Corps qui est l'Église.

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Il est des êtres qui, dès ici-bas, font partie de la génération pure comme la lumière; ils portent

déjà sur leur front le Nom de l'Agneau, par la ressemblance et conformité avec Celui que saint

Jean appelle le Fidèle, le Véritable, et qu'il nous montre vêtu d'une robe teinte de sang.

Ces êtres-là sont aussi les fidèles, les vrais, et leur robe est teinte du sang de leur immolation

continuelle.

Que je voudrais mon âme à cette hauteur, ô Jésus, Crucifié par amour!

Que ma vie serait utile, qu'elle serait pleine,

et que j'aurais de joie profonde à la vivre!

Qu'elle est sainte une âme qui habite cette cime!

Elle peut servir Dieu nuit et jour en son temple: les épreuves du dedans et du dehors ne la font

pas sortir de sa sainte forteresse où il l'a enfermée; elle n'a plus ni faim, ni soif; car, malgré

son désir consumant de la béatitude, elle trouve son rassasiement en cette nourriture qui fut

celle du Maître, la volonté du Père.

Elle ne sent plus le soleil tomber sur elle : c'est-à-dire, elle ne souffre plus de souffrir, et

l'Agneau peut la conduire aux sources de la Vie, où il veut, comme il l'entend; car elle ne

regarde pas les sentiers par lesquels elle passe; ses yeux sont fixés sur le Pasteur qui la

conduit.

Mon Christ aimé, Crucifié par amour,

si pour arriver à devenir une louange de gloire à la Trinité adorable,

au fond de mon coeur, il faut me transformer en Vous, en votre souffrance, je m'y

plonge à l'avance.

Oh! j'espère bien souffrir; et si le bon Dieu m'épargnait un seul jour,

je craindrais qu'il ne m'oubliât!

David a dit de Jésus-Christ: Sa douleur est immense. En cette immensité j'ai fixé ma

résidence; c'est le palais royal où je vis avec mon Époux crucifié!

Crucifié par amour! Quelle réponse d'amour je vous dois!

Ô Vous qui n'avez su m'aimer qu'en souffrant,

qui n'avez su souffrir qu'en m'aimant!

Vous demandez cette réponse d'amour, je vous la donne;

pourquoi craindrais-je de souffrir? Je suis au bout de ma carrière;

Dieu me fait comprendre que devant bientôt le voir face-à-face, loin de se reposer,

laudem gloriae doit extraire de son être toute la prière et la souffrance possible,

pour vous, Amour Crucifié!

Je viens à vous, ô Jésus-Christ, avide de participer à votre Mystère,

le grand Mystère de la Piété!

LA TRANSFORMATION EN LE CHRIST-JÉSUS

Dix-septième Élévation

JE VOUDRAIS ÊTRE UNE ÉPOUSE POUR VOTRE COEUR

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U

ne épouse de Jésus-Christ, c'est une âme qui, résolue à ne plus aimer que Lui seul par-

dessus toute créature, aspire à ne plus partager désormais que sa seule vie, dans le temps et

dans l'éternité.

Cette âme fait siens tous les états de l'Époux sacré, tous les mouvements de son Esprit et de

son Coeur, tous ses élans vers le Père des cieux, tous ses desseins de miséricorde et d'amour

pour les enfants des hommes.

Cette âme, dans le silence d'un recueillement conquis coûte que coûte, essaie de surprendre

tous les battements, toutes les pulsations de ce Coeur du Fils unique, et accorde le sien au

rythme divin de cette lyre de la Trinité Sainte.

Cette épouse sanctifiée de Jésus-Christ recommence en elle la vie de son Dieu, vie toute faite

d'amour et de souffrance, oui, d'amour qui souffre et de souffrance qui aime, sans lesquels

l'union avec Lui est impossible.

La reine s'est tenue à votre droite. Telle est l'attitude de cette âme; elle marche sur la route du

Calvaire à la droite de son Roi crucifié, anéanti, humilié et pourtant si fort, si calme, si plein

de majesté, allant à sa Passion pour faire éclater la gloire de sa grâce.

Il veut associer son épouse à l'oeuvre de la rédemption; et cette vie douloureuse où elle

marche lui apparaît comme la route de la béatitude; non seulement parce qu'elle y conduit,

mais encore parce que le Maître saint lui fait comprendre qu'elle doit dépasser ce qu'il y a

d'amer en la souffrance pour y trouver comme Lui son repos.

Que je voudrais, ô Jésus-Christ, être cette épouse pour votre Coeur sacré!

Aimez-moi donc, comme vous avez aimez l'Église, ma Mère,

en vous faisant oblation pour elle, afin qu'à mon tour

je vous aime, en me faisant oblation à votre gloire.

Faites de mon âme une épouse glorieuse, sans tache,

sans ride ni rien de semblable, mais sainte et immaculée!

Nourrissez-moi, entourez-moi de soins, comme vous faites pour l'Église,

cette Unique de votre Coeur, car je suis membre de votre Corps,

et comme formé de votre chair et de vos os...

Aussi, ô Jésus-Christ, ne devons-nous plus être qu'un coeur et qu'une âme,

une pensée, une voix, un désir, une tendance,

n'ayant qu'un seul Dieu, un seul Père.

Vos joies, ô Jésus-Christ, doivent être mes joies.

Que toutes celles que vous prenez dans votre commerce avec la Trinité Sainte,

avec Marie, avec vos saints et vos saintes, laissent découler

en mon âme quelque chose de votre plénitude.

Que vos douleurs, immenses comme l'abîme,

vueillent rencontrer dans mon âme un écho fidèle,

plein de respect et d'amour!

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Épouse d'un Époux de sang, mon âme rêve d'être transformée en Jésus crucifié; et cela me

donne force dans la souffrance. Quelle ardeur nous porterait au sacrifice, au mépris de nous-

mêmes, si nous avions toujours les yeux du coeur orientés vers Lui!

Qu'à vos gloires, ô Jésus-Christ, mon âme puisse aspirer,

dans l'humilité et l'espérance qui ne saurait tromper,

en attendant que votre condescendance sans pareille me les fasse partager,

à jamais, avec Vous!

O amour, accorde la lyre mélodieuse entre toutes;

fais entendre la douce voix de Jésus mon époux; que ce soit Lui,

le Dieu de ma vie, qui donne le signal de sa propre louange;

qu'Il charme ma vie, qu'Il enivre mon âme par les délices d'un chant digne de sa gloire!

O amour, ce que tu dois faire, fais-le promptement; car je ne puis plus longtemps

supporter la blessure dont tu m'as transpercée!

LA TRANSFORMATION EN LE CHRIST-JÉSUS

Dix-huitième Élévation

JE VOUDRAIS VOUS COUVRIR DE GLOIRE

C'

est l'honneur d'une épouse du Fils de Dieu de veiller aux intérêts de son Époux et de s'user

pour sa gloire.

Couvrir de gloire Jésus-Christ, est-ce possible? Et que puis-je, moi, pauvre néant, pour ajouter

quoi que ce soit à cette gloire du Saint des Saints?

Couvrir de gloire Jésus-Christ, serait-ce peut-être disparaître totalement aux yeux de tous et

de moi-même, et le laisser, Lui, paraître à la face du ciel et de la terre?

Saint Jean-Baptiste ne cherchait-il pas à le couvrir de gloire, lorsqu'il criait à ses disciples :Il

faut que lui croisse et que moi je diminue?

Couvrir de gloire Jésus-Christ, ne serait-ce pas m'effacer, être ignoré, compté pour rien, afin

que plus rien en moi ne vive qui ne le reflète, qui ne le célèbre, qui ne provoque les autres à le

glorifier?

Et, par ailleurs, couvrir de gloire ce Jésus-Christ, le Roi de gloire, n'est-ce pas me dépenser,

de toute facon et au delà de toute mesure, pour que les âmes reconnaissent qu'il est le seul

Saint, le seul Seigneur, le Très-Haut, uni au Père dans l'amour du Saint-Esprit?

Ô Jésus-Christ! ô Jésus-Christ! ô Jésus-Christ!

que tout ce qui est en moi vous célèbre et vous redise à tout instant,

en tout détail de ma vie, en toute situation

où votre Providence me place, vous redise : Gloria tibi Domine!

Entraînez donc, Jésus, entraînez mes puissances et faites-les vos captives;

triomphez d'elles en Vous-même. Alors je serai toute passée en Lui et pourrai dire :

Je ne vis plus, c'est Jésus-Christ qui vit en moi;

et je serai sainte, pure, irrépréhensible aux yeux du Père.

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Saint Paul veut que je croisse en Jésus-Christ par l'action de grâces, car c'est en elle que tout

doit s'achever. Père, je vous rends grâces ; voilà ce qui se chantait en l'âme du Christ, et il

veut en entendre l'écho en la mienne. Mais il semble que le cantique nouveau qui peut le

mieux charmer et captiver mon Dieu, c'est celui d'une âme dépouillée, délivrée d'elle-même,

en laquelle il peut réfléter tout ce qu'il est et faire tout ce qu'il veut.

Cette âme se tient sous sa touche semblable à une lyre, et tous ses dons sont comme autant de

cordes qui vibrent pour chanter jour et nuit la louange de sa gloire.

En couvrant ainsi Jésus-Christ de gloire, nous glorifions en même temps le Père, le Fils,

l'Esprit-Saint. Il est la gloire de la Trinité Sainte, la gloire qui chante au plus haut des cieux,

et comme personne, l'hymne de gloire à Dieu, Un et Trine.

Cette gloire qu'est Jésus, je l'offre à cette glorieuse Trinité à chaque fois que je m'incline

profondément, et qu'uni aux mouvements de son âme, je dis au Seigneur trois fois saint:

Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto.

Qu'ainsi, ô Jésus-Christ, je puisse vous couvrir de gloire,

faisant remonter jusqu'à votre sainteté, source de tous les biens,

le sacrifice d'une âme toute livrée à la gloire que vous êtes,

dans l'amour qui ne faiblit pas. Gloria tibi, Dominé!

LA TRANSFORMATION EN LE CHRIST-JÉSUS

Dix-neuvième Élévation

JE VOUDRAIS VOUS AIMER JUSQU'À EN MOURIR

M

aintenant comme toujours, avec la plus entière assurance, que le Christ soit glorifié dans

mon corps, soit par ma vie, soit par ma mort; car le Christ est ma vie, et la mort m'est un

gain.

Comme votre grand Apôtre, ô mon Christ, je voudrais vous aimer...jusqu'à en mourir,

c'est-à-dire, jusqu'aux dernières limites de l'amour où une créature peut aller:

donner sa vie pour Celui qu'on aime.

A cet amour total, absolut, sans réserve, vous avez tous les droits,

vous mon Dieu, mon Christ, mon Sauveur, ma Paix,

ma Béatitude, mon Tout en toutes choses.

Les saints ont compris cela, et ils ont aimé tous jusqu'à mourir. Ils étaient de ceux dont on a

pu dire : Ils suivent l'Agneau partout où il va; non seulement dans les routes larges et faciles à

parcourir, mais dans les sentiers épineux, parmi les ronces du chemin. C'est que ceux-là sont

vierges, c'est-à-dire libres, séparés, dépouillés...Libres de tout, sauf de leur amour.

Avec le Maître, ils disent aux heures tragiques : S'il est possible, que ce calice s'éloigne de

moi, mais non pas comme je le veux, Père; comme vous le voulez. Et alors, dans la paix

joyeuse, l'épouse s'en va à toute immolation avec son Maître se réjouissant d'avoir été connu

par le Père, puisqu'Il la crucifie avec son Fils.

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À l'heure de l'humiliation, de l'anéantissement, elle se rappellera ce petit mot: Jesus autem

tacebat; et elle se taira, conservant toute sa force au Seigneur, cette force que l'on puise dans

le silence.

Quand viendra l'abandon , le délaissement, l'angoisse qui firent jeter au Christ ce grand cri :
Pourquoi m'avez-vous abandonné? elle se souviendra de cette prière : Qu'ils aient en eux la

plénitude de ma joie! Et buvant jusqu'à la lie le calice préparé par le Père, elle saura trouver

dans son amertume une suavité divine.

Enfin, après avoir dit bien souvent : J'ai soif, soif de vous posséder dans la gloire, elle expiera

en disant : Tout est consommé...Je remets mon âme entre vos mains.

Et le Père viendra la prendre pour la tranférer en son héritage, où, dans la lumière, elle verra

la Lumière...

Mon Christ aimé, que je voudrais ainsi vous aimer,

jusqu'à en mourir, comme les saints!

Voilà toute mon ambition : être la proie de l'Amour.

Quel bonheur ineffable goûte mon âme en pensant que le Père m'a prédestinée pour être

conforme à son Fils crucifié! Tous les saints n'ont-ils pas voulu cela?

Je viens vous dire de ne pas avoir peur du sacrifice, de la lutte; plutôt, de vous en réjouir. Si

votre nature est un sujet de combat, un champ de bataille, ne vous découragez pas, ne vous

attristez pas. Je dirais volontiers : aimez votre misère, car c'est sur elle que Dieu exerce sa

miséricorde.

Cela se fait doucement et simplement en se séparant de tout ce qui n'est pas Dieu. Alors l'âme

n'a plus ni craintes, ni désirs; sa volonté est entièrement perdue en celle de Dieu, et c'est ce qui

opère l'union!

Tout passe! Au soir de la vie, l'amour seul demeure...Il faut tout faire par amour; il faut

s'oublier sans cesse : le bon Dieu aime tant que l'on s'oublie...Ah! si je l'avais toujours fait!

Je me plais à penser que c'est pour Lui que j'ai tout quitté; c'est si bon de donner quand on

aime; et je l'aime tant ce Dieu qui est jaloux de m'avoir toute pour Lui!

Je sens tant d'amour sur mon âme! C'est comme un océan en lequel je me plonge et me perds :

c'est ma vision sur la terre, en attendant le face à face dans la lumière.

Il est en moi, je suis en Lui, je n'ai qu'à l'aimer, qu'à me laisser aimer, et c'est cela tout le

temps; à m'éveiller dans l'Amour, me mouvoir dans l'Amour, l'âme en son Âme, le coeur en

son Coeur, afin que par son contact, il me purifie, me délivre de ma misère!

O Jésus-Christ, si pour arriver à vous aimer,

il faut que je meure, ne m'épargnez pas; laissez-moi mourir,

mourir à tout, mourir à moi-même, afin que je vive en Vous!

Du palais de la douceur et de la béatitude, d'où je vous crie :

Oh! aidez-moi, Jésus, à gravir mon Calvaire,

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je sens si fort la puissance de votre sacerdoce sur mon âme,

et j'ai tant besoin de Vous!

Ô mon âme, crois qu'il t'aime, qu'il veut t'aider lui-même dans les luttes que tu as à souteneir;

crois à son amour, à son trop grand amour.

Amour de Jésus-Christ, consumez mon âme, avide de Vous,

dans la flamme de la Trinité Sainte, où vous vivez;

jetez-moi dans ce brasier où je veux bien mourir,

si c'est pour vous rencontrer et jouir de Vous, ô divin Amour,

qui m'aimâtes moi-même jusqu'à en mourir!

LA TRANSFORMATION EN LE CHRIST-JÉSUS

Vingtième Élévation

MAIS JE SENS MON IMPUISSANCE ET JE VOUS DEMANDE

DE ME REVÊTIR DE VOUS-MÊME!

P

our aimer jusqu'à en mourir, oui, qu'il faut du courage, de la persévérance, de la volonté!

Combien il faut, à tout instant, se replonger dans le brasier de l'amour, le Coeur de Jésus-

Christ!

Patience! ô mon âme, la force c'est Lui-même. Et si, à tout instant, je tombe, dans une foi

confiante je me ferai relever par Lui, et je sais qu'Il me pardonnera, qu'Il effacera tout avec un

soin jaloux. Plus que cela: Il me dépouillera, me délivrera de mes misères, de tout ce qui fait

obstacle à l'action divine. Il entraînera mes puissances et en fera des captives triomphant

d'elles en Lui-même.

Les impuissances dont j'ai tant souffert font aujourd'hui ma béatitude; il me semble qu'elles

grandissent Dieu, et que sa petite louange de gloire, mieux établie dans la vérité, est plus

dépendante de Lui...

Oui, Jésus, je sens mon impuissance, je sens toute ma faiblesse,

et je vous prie de me la faire sentir toujours davantage,

afin que je me repose sur Vous, ô Vertu du Père, dans l'humilité.

Mais, je vous demande de me revêtir de Vous-même...

N'est-ce pas toute la sainteté à laquelle il me faut tendre, et n'avez-vous pas commencé

ce travail en moi-même, ô Seigneur, au jour béni de mon baptême?

Achevez, Jésus-Christ, votre oeuvre!

C'est toujours le vieil homme qui règne en mon âme; c'est toujours, en elle, la soif du bien-

être, toujours la passion de dominer, toujours le besoin de flatter cette chair mortelle qui doit

retourner en poussière.

Achevez votre oeuvre de destruction et de résurrection

en ce membre de votre Corps que le baptême a consacré

pour la vie éternelle que vous êtes.

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Revêtez-moi de vous même, ô Christ!

Laissez-moi marcher en Vous. Marcher en Jésus-Christ, il me semble que c'est sortir de

soi,

se perdre de vue, se quitter pour entrer plus profondément en Lui,

à chaque minute; si profondément que l'on y soit enraciné,

et qu'à tout événement, on puisse lancer ce beau défi:

Qui me séparera de la charité de Jésus-Christ!

Revêtez-moi de Vous-même, ô Jésus-Christ!

Que je sois édifié sur Vous! Il m'a élevé sur un roc; alors ma tête

se dresse au-dessus des ennemis qui m'entourent.

N'est-ce pas la figure de l'âme édifiée sur Jésus-Christ? Il est ce rocher où elle est élevée

au-dessus d'elle-même,

des sens, de la nature; au-dessus des consolations ou des douleurs;

au-dessus de ce qui n'est pas uniquement Lui.

Et là, en sa pleine possession, elle se domine, elle se dépasse elle-même et dépasse ainsi

toutes choses! C'est là revêtir Jésus-Christ!

Sachez, chantait David, que Dieu a merveilleusement glorifié son Saint. Oui, le Saint de Dieu

aura été glorifié en cette âme, parce qu'il aura tout détruit pour la revêtir de Lui-même et

qu'elle aura conformé sa vie à la parole du Précurseur: Il faut qu'il croisse et que je diminue.

Maître adoré, revêtez-moi ainsi et toujours plus de Vous-même!

Ce n'est qu'en Vous, revêtu de Vous que je puis me présenter

devant mon Dieu, Trinité que j'adore!

LA TRANSFORMATION EN LE CHRIST-JÉSUS

Vingt-et-unième Élévation

D'IDENTIFIER MON ÂME À TOUS LES MOUVEMENTS DE VOTRE ÂME

A

me de Jésus-Christ, sanctifiez-moi! Identifiez mon âme

à tous les mouvements de votre âme,

n'est-ce pas toute la sainteté, ô Jésus-Christ, Saint des saints?

Comment pourrais-je jamais devenir, au dedans de moi-même,

là en cet intime où règnent le Père, le Fils et le Saint-Esprit,

comment pourrais-je devenir une louange de gloire à la Trinité que j'adore,

si mon âme n'est pas tellement passée en la vôtre qu'on puisse dire,

dans la mesure à laquelle ose aspirer une créature,

qu'il y a identification entre elles.

Votre âme, ô Jésus-Christ, Lyre de l'adorable Trinité,

est à ce Dieu Un et Trine un cantique toujours nouveau,

une hostie de louange parfaite, incomparable; elle est tout cela,

parce qu'elle s'abîme, en l'unité de ses puissances, dans le Seigneur Dieu.

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Je voudrais, aidé de votre grâce, je voudrais moi aussi

me perdre en cette unité de vos puissances, âme de Jésus-Christ,

et tendre avec Vous, en Vous, par Vous,

vers ce Dieu qui a droit à mes adorations.

C'est pour cela qu'il faut que votre grâce réalise en moi

cette harmonie de mon âme avec tous les mouvements de votre âme,

afin que, désormais, plus rien ne puisse l'empêcher d'être à Vous,

et de s'unir par Vous à ce Dieu qui est tout.

Que mon âme renonce pleinement à son moi, qu'elle s'en dépouille, et revête en quelque sorte

le vôtre. Car une âme qui discute avec son moi s'occupe de ses sensibilités, poursuit une

pensée inutile, un désir quelconque, cette âme disperse ses forces, elle n'est pas tout ordonnée

à Dieu; sa lyre ne vibre pas à l'unisson; aussi quand le divin Maître la touche, ne peut-Il en

faire sortir des harmonies divines. Il y a encore trop d'humain, c'est une dissonance.

Venez, ô Jésus-Christ, versez mon âme dans la vôtre;

qu'elle y prenne son moule et désormais ne se règle plus que par ses mouvements,

ceux de votre Esprit, ceux de votre Coeur.

Je vais vous dire ce que je fais, lorsqu'il y a une petite fatigue : je regarde le divin Crucifié; et

quand je vois comme Lui s'est livré pour moi, il me semble que je ne puis moins faire que de

me dépenser, de m'user pour lui rendre un peu de ce qu'Il m'a donné

Le matin, à la sainte messe, communions à son esprit de sacrifice; nous sommes ses épouses,

nous devons donc Lui être semblables. Dans la journée, tenons-nous toujours en Lui; si nous

sommes fidèles à vivre sa vie, si nous nous identifions à tous les mouvements de l'âme du

divin Crucifié, nous n'aurons plus à craindre nos faiblesses; Lui sera notre force; et qui peut

nous arracher à Lui?

Que mon âme se laisse, à l'avenir, diriger par cette secrète et divine influence

qui dirige la vôtre, Âme de Jésus, et qui s'appelle votre Esprit-Saint;

qu'ainsi elle s'élève, avec Vous, vers le Père des cieux.

Identifiez mon âme aux mouvements de votre âme,

ô Jésus-Christ, lorsque je prie, lorsque je psalmodie,

lorqu'avec vous je me fais oblation au saint Sacrifice

auquel j'assiste, que je célèbre; lorsque je jouis,

je souffre, je vis, je meurs...

Identifiez-la à ces mouvements de votre âme, lorsque j'aime votre Père,

lorsque je cherche votre Vérité, lorsque je me livre à votre Esprit de sainteté,

pour être à la Trinité.

Identifiez-la aux mouvements de votre Esprit, de votre Coeur,

de votre soumission, de votre humilité, de votre obéissance,

de votre remise, de votre abandon à Dieu!

LA TRANSFORMATION EN LE CHRIST-JÉSUS

Vingt-deuxième Élévation

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DE ME SUBMERGER, DE M'ENVAHIR, DE VOUS SUBSTITUER À MOI

D

emeurez en moi! C'est le Verbe de Dieu qui donne cet ordre, qui exprime cette volonté.

Demeurez en moi, non pas pour quelques instants, quelques heures qui doivent passer, mais

demeurez d'une facon permanente, habituelle.

Demeurez en moi, priez en moi, adorez en moi,

aimez en moi, souffrez en moi, travaillez en moi, agissez en moi.

Demeurez en moi, pour vous présenter à toute personne et à toute chose;

pénétrez toujours plus avant dans cette profondeur.

C'est bien là vraiment la solitude où Dieu veut attirer l'âme pour lui parler.

C'est pour que vous demeuriez ainsi en moi et moi en vous,

ô Jésus-Christ, que je vous demande de me submerger,

de m'envahir, de vous substituer à moi!

C'est dans votre mort, dans votre sépulture, que j'ai été baptisé, ô Christ;

c'est pour m'enfoncer ainsi, en toute profondeur, en Vous,

que je suis descendu dans la fontaine baptismale,

submergé dans les eaux que féconde votre Esprit de sainteté.

Gardez-moi dans ces eaux salutaires, qui submergent en votre Esprit de grâce.

Et comme au jour de votre Résurrection, votre Âme,

après avoir rendu gloire au sépulcre, envahit à nouveau votre Humanité sacrée

pour la rendre à la vie, ainsi je vous demande, Âme glorifiée de Jésus,

de m'envahir, de me pénétrer les moelles et comme les entrailles de mon âme,

afin que désormais je sois dépouillé de moi-même et revêtu de Vous!

Je vous demande, en définitive, de vous substituer à moi;

que je disparaisse et que vous apparaissiez;

que je diminue et me cache totalement; mais que Vous,

ô Jésus-Christ, vous croissiez toujours plus et resplendissiez en moi,

votre créature et votre conquête.

Qu'ainsi mon Sauveur, mon amour ne se recherche plus,

mais soit haletant vers vous!

Le propre de l'amour est de ne pas se rechercher, de ne rien réserver,

mais de donner tout à celui qui l'aime.

Heureuse l'âme qui aime en vérité;

le Seigneur est devenu son captif par amour!

Que je sois, en même temps, le captif de votre Amour;

que cet amour m'envahisse, qu'il se substitue à mon amour, afin que,

de plus en plus, je passe en Vous, je me transforme en Vous,

je sois changé en Vous; qu'il ne reste plus rien de moi-même en moi-même,

mais que Vous soyez le Roi de mon âme soumise, vaincue par votre Amour.

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O bienheureuse mort en Dieu! O suave et douce perte de soi en l'Être aimé qui permet à la

créature de s'écrier: J'ai été crucifié avec le Christ; et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est

le Christ qui vit en moi. Ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi du Fils de

Dieu qui m'a aimé et qui s'est livré Lui-même pour moi.

LA TRANSFORMATION EN LE CHRIST-JÉSUS

Vingt-troisième Élévation

AFIN QUE MA VIE NE SOIT QU'UN RAYONNEMENT DE VOTRE VIE

I

l y avait, ô Jésus-Christ, une vertu secrète et comme un parfum de vie divine

qui s'échappait toujours de votre Personne sacrée, et qui guérissait.

Je voudrais avoir de cette vertu, de ce parfum pour vous rayonner,

moi tout indigne et misérable que je suis, et pour édifier.

Mon âme, que vous voulez remplir de Vous, aspire,

ô mon Christ aimé, à poursuivre autour de soi cet apostolat de votre vertu,

de votre rayonnement de vie. C'est cela qui conquiert, infailliblement, à votre amour.

Qu'elle est puissante l'âme à travers laquelle passe votre vertu,

la vertu de Jésus-Christ!

Ne le quittant jamais, prenant son contact si fortement, elle pourra rayonner cette vertu secrète

qui délivre et sauve les âmes. Dépouillée, affranchie d'elle-même et de tout, elle suivra le

Maître sur la montagne pour y faire avec Lui, en son âme, une oraison de Dieu.

Toute vivante en Dieu, par l'effet même de cette oraison puisée au Coeur de son Christ, elle

vient à ces âmes dont triomphe déjà l'aspect recueilli qu'elle manifeste, sur ce visage lumineux

où s'épanche la Lumière qui la baigne en Dieu.

Vous rayonner, mon Jésus, quelle vocation!

Je l'apprécie, combien je la recherche,

combien je veux la protéger et l'assurer par votre grâce!

Plus je passerai en Vous, plus je me transformerai en Vous,

plus je me dépouillerai pour Vous revêtir, plus je cesserai d'être pour ressusciter en

Vous,

plus aussi je serai en état de Vous rayonner!

Il faudrait, ô Jésus-Christ, qu'à me voir, à m'entendre,

on crût voir et entendre mon Sauveur; il faudrait qu'on ne nous distinguât plus,

mais que l'on nous confondit dans un même être béni.

N'est-ce pas alors, seulement, que je pourrais utilement servir à votre gloire?

Si je ne disparais pas totalement, si je garde la présomption

d'être encore moi-même et de me prévaloir, quel usage votre Père,

qui est mon Père, pourrait-il faire d'un instrument si peu apte

à ses desseins d'amour?

Jésus, quand je vous regarde, quand je contemple vos traits divins,

si purs, si pleins de charmes, quand je m'arrête, sans voix,

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devant votre Image, Miroir de tous les saints, je me sens si pauvre,

si vide de tout, si loin de l'Idéal rêvé par ma bonne volonté, si chétive!

Achevez votre oeuvre, mon Christ tant aimé!

Ne dédaignez pas de poursuivre en votre membre,

toujours si peu digne de Vous, votre ouvrage,

l'ouvrage de ma refonte en Vous!

C'est pour vous rayonner, ô Christ, que j'implore

aide, courage, générosité! C'est pour vous prolonger, vous continuer;

c'est pour que je diminue, mais aussi pour que vous croissiez en moi,

et qu'ainsi je sois refait à l'Image du Dieu invisible.

Placez, ô Jésus, placez votre sceau sur mon âme,
sur mon corps, sur mon intelligence, mon coeur,

mes énergies, mes puissances! Que partout l'on vous reconnaisse,

l'on vous bénisse, l'on confesse que vous êtes bon

et que votre miséricorde est éternelle!

Couvrez-moi enfin de votre sainteté, afin que réellement

ma vie ne soit qu'un rayonnement de votre Vie,

qu'elle ne vous déshonore pas trop, mais, au contraire,

qu'elle vous soit louange et gloire à jamais!

LA TRANSFORMATION EN LE CHRIST-JÉSUS

Vingt-quatrième Élévation

VENEZ EN MOI COMME ADORATEUR, COMME RÉPARATEUR ET

COMME SAUVEUR

Q

uand mon âme est passée en Jésus-Christ, c'est-à-dire quand elle est parvenue à l'oubli

d'elle-même et que le vide s'est fait en son dedans, alors le Christ peut y descendre, il peut

venir adorer en ce temple de la Trinité Sainte, il peut venir réparer, il peut venir sauver.

Le Père ne cherche que ces vrais adorateurs-là qui l'adorent ainsi dans l'Esprit de Jésus, dans

sa Vérité; des adorateurs qui abîment leur adoration dans celle du Maître, qui ne veulent plus

d'autre réparation que la sienne, et deviennent avec Lui, par Lui et en Lui, des sauveurs du

monde.

Daignez descendre, ô Jésus-Christ, Adorateur du Père,

du Verbe, de l'Esprit-Saint, daignez descendre en mon âme,

et en mon nom, -car je ne suis que néant, -

à ma place venez-y adorer ce Dieu, la Trinité que j'adore.

Apprenez-moi, je vous en supplie, à ne plus m'abîmer

dans mon néant que par Vous, avec Vous, en Vous;

à ne plus me prosterner devant cette Unité de la Trinité,

que perdu en votre prière,

adorateur de ses perfections sans limites.

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Que mes lèvres ne rendent plus aucun son qu'en passant par les vôtres,

et que mes élans intérieurs vers Dieu ne soient plus que les élans de votre Coeur divin

vers mon Dieu, notre Dieu, vers mon Père, notre Père! ô Jésus!

Oui, je suis heureuse, disait votre épouse,

d'être associée à l'oeuvre rédemptrice, d'être réparatrice avec Vous,

par Vous et en Vous! Consacrez, ô divin Rédempteur, ô Réparateur,

consacrez ma réparation pour les âmes et la mienne en particulier,

en Vous faisant au-dedans de moi-même cette rédemption, cette réparation!

Prenez mon âme, usez de mon corps, broyez l'une et l'autre pour réparer:

mais que je sache, que j'éprouve que c'est Vous, Vous Seul

qui disposez ainsi de ma souffrance, de ma douleureuse passion, de ma mort!

Soyez-là surtout mon salut! Soyez-y le salut de tant d'autres,

de ces âmes que votre amour confiant m'a données,

afin que je les porte dans vos bras, afin que je les fasse

reposer sur votre Coeur; et qu'ainsi, avide de leur salut,

je les rende à ce Dieu, à cette Trinité dans l'Unité qui doit faire leur centre,

leur paix, leur bonheur sans fin!

Adorer, réparer, sauver, n'est-ce pas imiter votre sainteté, ô Jésus-Christ,

Vous le seul Saint, Saints des Saints à l'image de qui ont été faits tous les saints,

Anges de Dieu, Prophètes, Apôtres, Martyrs, Confesseurs,

Vierges et saintes Veuves, avec Marie, la Reine de tous les Saints,

elle qui avait appris du Verbe lui-même comment doivent souffrir

ceux que le Père a choisis comme victimes. Tous, chacun pour sa part,

ils adorent, ils réparent, ils sauvent.

Ceux que Dieu a connus en sa présence, il les a aussi prédestinés pour être conformes à

l'image de son Fils. Oh! que je l'aime ce mot du grand saint Paul! Il repose mon âme. Je pense

qu'en son trop grand amour, il m'a connue, appelée, justifiée; et en attendant qu'il me glorifie,

je veux être la louange incessante de sa gloire, en adorant, en réparant, en sauvant...

O Adorateur, Réparateur, Sauveur des âmes!

Puisque vous êtes tout cela en moi, je suis sûr de Vous,

et je me fie, à l'aveugle, à votre Providence!

O Jésus-Christ, mon Dieu Aimé, oui, mon âme

voudrait être ainsi une épouse pour votre Coeur, dans laquelle,

maintenant, puisse opérer votre Verbe, Parole du Père!

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Vingt-cinquième Élévation

O VERBE ÉTERNEL, PAROLE DE MON DIEU

O

Verbe éternel, qui avez pris chair en une Immaculée,

vous m'avez conduit jusqu'ici, en cette contemplation de mon Dieu, Trinité que j'adore :

vous m'avez révélé la paix intérieure sans mélange que je goûterais si,

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aidé de la grâce qui découle de votre sainte Humanité,

je consentais à m'oublier totalement pour m'établir par elle en Dieu,

Unité de la Trinité, Trinité de l'Unité!

je dois être une maison de Dieu, une demeure aimée où mes Trois daignent prendre leur repos

et séjourner; tout adorante, toute livrée à l'action créatrice d'un Dieu.

Vous m'avez dit que je devais, dans ce but,

me revêtir de Vous-même, identifier mon âme à tous les mouvements de votre âme,

et me laisser submerger par Vous.

Tous cela s'appelle Oblation de soi, joyeuse,

plénière, adorante : il n'y a que ceux qui se livrent ainsi

qui trouvent le Dieu qu'ils cherchaient. Je me livre à Vous,

Père, Fils, Esprit-Saint : et maintenant achevez votre oeuvre.

O mon Dieu, Trinité que j'adore, vous avez une action directe

à exercer sur mon âme. Père, vous avez la vôtre,

Esprit-Saint la vôtre aussi; et Vous-même, Verbe Éternel,

vous avez hâte de faire bénéficier cette âme de votre opération en elle.

O Verbe, Verbe qui êtes le commencement, qui êtes auprès de Dieu le Père,

qui êtes Dieu avec ce Père, avec le Saint-Esprit, je vous adore,

je m'abîme, je défaille dans mon néant, pressentant quelque chose de votre gloire

que je ne vois pas, mais que je devine, ô Fils de Dieu,

consubstantiel au Père, par qui toutes choses ont été faites!

Parole de mon Dieu, Pensée éternelle de mon Père, engendrée

de la connaissance qu'Il a de Lui-même et de toutes choses, Intelligence divine,

Art de toute perfection, Idéal de toutes choses, Révélation

susbtantielle de mon Dieu, je vous adore.

Je vous adore, Profondeur de la science et de la sagesse de Dieu,

de mon Dieu, Un et Trine! Vous qui détenez les paroles de toute Vie

qui est en Dieu et qui doit durer à jamais!

Parole de mon Dieu que j'adore, Verbe qui parlez toujours,

qui ne seriez pas, qui ne seriez plus si vous cessiez un instant d'être parlée et de révéler,

versez sur votre pauvre créature un rayon lumineux de votre Face,

Clarté de Dieu, dans les splendeurs des saints!

Parole de mon Dieu, on vous a appelé la définition de l'Infini,

l'Infini seul pouvant comprendre et définir l'Infini;

dites-moi qui est le Père, qui est le Fils, qui est le Saint-Esprit?

Verbe éternel, vous êtes toute parole, vous pouvez révéler

mon Dieu à sa créature, Vous qui vous manifestez aux petits enfants,

Et revelasti parvulis.

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Dogme vivant et personnel, Forme de la Vérité, Affirmation éternelle

énoncée dans le temps, Science de Dieu faite homme, Amen de Dieu.

Dieu à l'état d'Amen, vous êtes la Voix du Père

et le poème divin qui le célèbre; parlez, car votre serviteur écoute!

Vous êtes la Parole vivante et efficace, plus pénétrante qu'un glaive à deux tranchants,

atteignant jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit, jusque dans les jointures et dans les

moëlles,

laissez-moi entrer dans la vaste solitude où, Dieu, vous vous faites entendre!

Unis-toi, ô mon âme, à cette parole. C'est elle, directement,

qui achèvera le travail du dépouillement dans l'âme;

car elle a ceci de propre et de particulier qu'elle opère et crée,

ce qu'elle fait entendre, pourvu toutefois

que l'âme consente à se laisser faire.

Nom du Père, je voudrais être de ceux qui dès ici-bas

vous portent déjà sur leurs fronts; c'est Vous qui rayonnez

en eux la beauté de ses perfections, tous ses attributs divins se réflétant dans ces âmes;

et ils sont comme autant de cordes qui vibrent et chantent le cantique nouveau.

O Soleil du Père éclairez mes voies. Le Soleil, c'est le Verbe, c'est l'Époux.

S'il trouve mon âme vide de tout ce qui ne rentre pas dans les deux mots :

son amour, sa gloire, Il la choisit pour être sa chambre nuptiale.

Il s'y élance comme un géant qui se précipite triomphant dans sa carrière,

et je ne puis me dérober à sa chaleur.

Entraînez-moi dans votre course vers le Père, ô Verbe éternel,

Parole de mon Dieu, attirez-moi dans ce sentier de l'abîme que vous êtes,

afin que je me tienne, comme Vous, aux écoutes de Dieu!

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Vingt-sixième Élévation

JE VEUX PASSER MA VIE À VOUS ÉCOUTER

O

Verbe éternel, Parole de mon Dieu, oui, ma vie ce sera cela,

la passer à vous écouter, à me tenir aux écoutes

de votre voix douce comme le souffle caressant de la brise.

Si je veux que ma cité intérieure ait quelque conformité et ressemblance avec celle du Roi
immortel des siècles,
et qu'elle recoive la grande illumination de Dieu, il faut que j'éteigne

toute autre lumière et que l'agneau en soit le seul flambeau.

Je me tiendrai donc à vos portes éternelles. je frapperai, j'attendrai, je tiendrai l'oreille

attentive à la Parole de mon Dieu. Au commencement il y a des efforts à faire, lorsqu'on sent

tout bouillonner en soi; mais tout doucement, à force de patience et avec le secours de la

grâce, on en vient à bout.

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Âme chrétienne, comme moi, bâtis une petite cellule au dedans de ton âme; tu penseras que le

bon Dieu est là, et tu y entreras de temps en temps; lorsque tu sens tes nerfs, que tu es

malheureuse, vite, sauve-toi là, et confie tout au divin Maître. Si tu le connaissais un peu, la

prière ne t'ennuierait plus.

Tu aimais tant à t'asseoir tout près de moi et à me faire tes confidences; c'est comme cela que

tu dois aller à Lui; tu ne souffrirais plus si tu le comprenais : c'est le secret de la vie...

Regarde Madeleine aux pieds de Jésus-Christ : voilà ce que tu dois faire pour passer ta vie à

l'écouter. Elle ne s'agite pas, elle ne se remue pas, elle ne s'inquiète pas. Le monde

s'effrondrerait sur elle, elle serait toujours là, à ses pieds, assurée qu'il est la Parole de son

Dieu, celle qui porte le monde dans ses trois doigts.

Fais comme elle, regarde Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, la parole de Dieu, regarde-le dans

les yeux. Qui le regarde resplendit. Tu resplendiras de sa Lumière, Lumière de Lumière, Vrai

Dieu de vrai Dieu.

Ta lumière, qu'Il est, se lèvera dans les ténèbres, et les ténèbres deviendront comme le plein

midi; le Seigneur te fera jouir d'un perpétuel repos; il inondera ton âme de ses splendeurs, il

fortifiera tes os...

Tu seras comme un jardin que l'on arrose toujours, comme une fontaine dont les eaux ne

tarissent jamais. Alors tu trouveras tes délices en le Seigneur, et je te transporterai comme en

triomphe sur les hauteurs, dit le Seigneur.

Vous écouter, Seigneur, vous écouter toute ma vie;

me tenir sous la lumière dans la chaleur de cette science de la clarté de Dieu,

devenir sourd à tout ce qui n'est pas Vous, afin d'entendre quelque chose,

si lointain serait-ce, de la Parole qui est engendrée

dans les splendeurs des Saints, dans le sein du Père...

Apprendre à me taire, science supérieure qu'ignoreront à jamais

tous ceux qui ne veulent pas s'arracher à l'ambiance des choses, des hommes et d'eux-

mêmes,

science nécessaire, absolument, à qui veut surprendre la Parole et son léger murmure...

J'en veux faire ma vie, pour vivre de Vous, Parole de mon Dieu!

C'est dans un silence trois fois saint, que vous vivez ce que vous êtes,

ô Verbe éternel, dans un silence qui n'a jamais été, qui ne sera jamais troublé;

et pour vous écouter, il faut entrer en communion avec ce silence impressionnant

où s'énonce la Parole de mon Dieu.

Laissez-moi pénétrer dans ce sanctuaire auguste de la Trinité silencieuse

ou vous vous épelez; que je m'y tienne, là, devant Vous,

comme une lyre réceptrice de vos ondes,

ô voix du Père, aimée dans l'Esprit-Saint!

Je vous prête mes cordes, sachant bien que les cantiques

qui se dégageront de cette lyre ne sont pas ma propriété,

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mais ceux des divins artistes qui les exécutent.

Elle rendra les sons de votre propre louange, ô mon Dieu, Trinité que j'adore...

Je deviendrai moi-même une parole de Dieu, parole créée sans doute,

mais une parole qui redira le Père, le Fils, l'Esprit-Saint,

une parole qui a sa mission aussi ici-bas, celle d'appeler les âmes

à la Parole que vous êtes, ô Verbe éternel...

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Vingt-septième Élévation

JE VEUX ME FAIRE TOUT ENSEIGNABLE, AFIN D'APPRENDRE TOUT DE

VOUS

D

urant ma vie entière, Verbe éternel, Parole de mon Dieu,

je veux vous écouter, je veux prêter l'oreille à vos impulsions intérieures,et rester aux

écoutes

de cette Vie que vous vivez dans la Trinité Sainte avec le Père, et votre Esprit-Saint!

Ah! faites-moi tout enseignable!

Faites-moi tout enseignable! Qu'il n'y ait rien en moi, ni faculté,

ni passion, ni énergie qui ne veuille apprendre tout de Vous,

dans l'humilité qui ouvre l'intelligence aux petits enfants...

Je serai tout enseignable, lorsque tout sear pacifié en moi, mon intelligence, mon coeur, ma

volonté, mes énergies; tout se taira et sera recueilli.

Dans certaines âmes que vous cherchez, ô Verbe Parole de mon Père,

c'est si fort, ce besoin de se taire, qu'on ne voudrait plus faire autre chose, disais-je,

que de demeurer comme Madeleine aux pieds du Sauveur, avide de tout entendre,

de pénétrer toujours plus en ce mystère de charité

qu'Il est venu nous révéler.

Ne trouvez-vous pas que dans l'action, alors qu'en apparence on remplit l'office de Marthe,
l'âme peut toujours demeurer ensevelie comme Madeleine en sa contemplation, se tenant à

cette source comme une affamée?

Il me semble qu'il faudrait s'approcher bien près du Maître, communier à son âme, s'identifier

à tous ses mouvements, puis s'en aller comme Lui en la Volonté de son Père, qui est l'Esprit

d'amour.

Rendez-moi tout enseignable, ô Verbe éternel!

Arrachez mon intelligence à la vanité de tout savoir, excepté Vous-même;

qu'elle se taise devant votre Vérité qui révèle votre Beauté;

qu'elle se prosterne devant Elle et adore pour entendre.

Rendez tout enseignable mon coeur! Qu'il ne se méprenne plus

sur le véritable amour, mais se pacifie, en face de l'Amour que vous êtes!

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Que, dans tout détachement de la créature, il défaille en présence de vos attraits divins,

Verbe éternel, et lui aussi adore pour surprendre le murmure de votre voix!

O Jésus-Christ, canal de la Vérité qui descend des profondeurs du Verbe,

je suis à vos genoux, comme Madeleine, écoutant votre Verbe et me taisant.

Faites-moi tout enseignable afin d'apprendre tout de vous, Parole de mon Dieu!

Vous avez les paroles de la Vie éternelle, que vous êtes; tout ce que vous avez appris du

Père,

de mon Père,vous l'avez révélé, dites-vous, à vos amis.

Redites-les à mon âme affamée de vérité et assoiffée d'amour!

Je veux me taire; je me tais pour vous écouter, je suis à vos pieds,

prosterné et vous adorant; je désire m'abîmer dans la conscience de mon ignorance

pour mériter d'être éclairé d'un seul rayon de votre Face toute lumineuse,

Soleil brûlant de la cité de Dieu.

Dites-moi, ô Jésus-Christ, dites-moi quelque chose de ce que vous entendez

Vous-même dans vos colloques divins avec le Père, avec le Verbe,

avec l'Esprit-Saint, afin de tout apprendre de Vous!

Enseignez-moi vos commandements, révélez-moi vos voies,

découvrez-moi vos sentiers, ceux qui mènent à la science

de votre Mystère, à la charité qui fait brûler.

Faites-moi tout enseignable, afin qu'ayant appris, j'apprenne aux autres,

j'en fasse d'autres enseignables de Dieu, et qu'eux aussi marchent

dans la science et l'amour de mon Dieu, Trinité que j'adore.

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Vingt-huitième Élévation

PUIS À TRAVERS TOUTES LES NUITS, TOUS LES VIDES, TOUTES LES

IMPUISSANCES...

M

on âme est toujours entre mes mains. Voilà ce qui se chantait en l'âme de mon Maître; et

c'est pourquoi, parmi toutes les angoisses, Il demeurait le Calme, le Fort. Mon âme est

toujours entre mes mains : qu'est-ce à dire? Sinon cette pleine possession de soi en présence

du Pacifique.

Je suis à vos pieds, ô Verbe, mon Christ aimé, crucifié par amour,

je vous écoute, et votre voix pénétrante endort mes nuits, mes vides,

mes impuissances. Vous êtes le Pacifique et c'est pourquoi je suis en paix!

Il faut que mon ciel, ici-bas, chante aussi comme les bienheureux, la gloire de l'Éternel, rien

que la gloire de l'Éternel; et que mes angoisses servent, elles doivent servir, à cette gloire. À

ce titre elles me sont les plus pures délices.

Il y a des échanges d'amour qui ne se font que sur la croix, et je veux aimer ainsi dans mes

nuits, mes vides, mes impuissances, pour être fondu dans l'Amour de Jésus-Crucifié!

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À vos genoux, ô Verbe, Parole de mon Dieu, Jésus-Christ,

je veux passer ces nuits, ces obscurités, ces ténèbres où votre Providence me laisse,

dans l'attente avide, toujours plus ardente, plus vraie de votre lumière.

Votre regard est ma clarté; je m'y baigne dans l'espérance qui ne trompe pas.

À vos genoux et vous écoutant, je veux sentir tous les vides

que vous avez accumulés au fond de mon âme, tous les détachements imposés,

toutes les désillusions subies, tous les espoirs décus; vous seul, ô Jésus-Christ,

vous comblerez celui en qui le vide s'est fait pour l'amour de Vous!

À vos genoux, et vous regardant toujours, je dépose mes impuissances;

elles sont sans mesure, car je suis la faiblesse même, plus profonde,

plus intense que je ne pourrai jamais la concevoir! Mais vous êtes, ô Verbe fait chair,

vous êtes la Vertu de Dieu et son irrésistible Force!

Mon âme, Seigneur, à l'heure de l'humiliation, de l'anéantissement,

se rappellera ce petit mot : Jesus autem tacebat; elle se taira,

conservant toute sa force au Seigneur,

cette force que l'on puise dans la possession du moi réduit au silence.

Là est le vrai martyre de l'âme, son martyre d'amour, celui qui a fait aussi, qui fait toujours les

Saints aux heures des grandes douleurs : il faut tant souffrir pour aimer purement, dignement,

en plénitude!

Ah! mon âme, il faut rayer le mot découragement de ton dictionnaire d'amour; plus tu sens ta

faiblesse et éprouves de difficultés à te recueillir, plus Notre Seigneur semble caché, plus tu

dois te réjouir : tu lui donne alors; et quand on aime, n'est-il pas meilleur de donner que de

recevoir?

Dieu disait à saint Paul : Ma grâce te suffit, car la force se perfectionne dans la faiblesse. Le

grand Saint l'avait compris! Je me glorifie, dit-il, dans mes infirmités, afin que la force du

Christ habite en moi.

Qu'importe ce que nous sentons. Lui, Il est l'Immuable, Celui qui ne change jamais; Il t'aime

aujourd'hui comme Il t'aimait hier, comme Il t'aimera demain, même si tu lui as fait de la

peine. Rappelle-toi qu'un abîme appelle un autre abîme, l'abîme de ta misère appelle l'abîme

de sa miséricorde...

Ô Verbe, Soleil de gloire, glorifiez-vous dans mes nuits!

Plénitude infinie, glorifiez-vous dans mes vides!

Force du Père, glorifiez-vous dans mes impuissances!

Âme chrétienne, je sens le trop grand amour de mon Maître,

et je voudrais faire passer mon âme en la tienne,

pour que tu y croies toujours, surtout aux heures plus douloureuses...

Fiat, fiat!

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Vingt-neuvième Élévation

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JE VEUX VOUS FIXER TOUJOURS ET DEMEURER SOUS VOTRE GRANDE

LUMIÈRE!

L'

âme qui regarde son Maître de cet oeil simple qui rend tout le corps lumineux est gardée du

fond d'iniquité qui est en elle. Le Seigneur la fait entrer dans ce lieux spacieux qui n'est autre

que Lui-même; là tout est pur, tout est saint.

Quelqu'un a défini la sainteté : le regard de l'âme éperdûment tendu vers Dieu. C'est bien cela

: il faut que je consente à demeurer dans cette attitude des saints, si je désire me cacher dans le

Bien-Aimé dont la beauté me charme et me fascine, si je veux atteindre à la sainteté d'amour.

J'ai lu que le plus aimant, c'est le plus saint, c'est celui qui regarde le plus vers Dieu, et qui

satisfait le plus pleinement les besoins de son regard :que ce soit notre programme.

C'est quand je le regarde ainsi, quand je place mes yeux dans ses yeux, c'est alors que je puis

dire aussi avec tant de vérité: Il me communique la Vie éternelle.

Le Verbe est l'Éternel; il est l'Éternité. À la lumière de l'Éternité, l'âme voit les choses au vrai

point. Oh! comme tout ce qui n'a pas été fait pour Dieu et avec Dieu est vide.

Je vous en prie, marquez tout du sceau de l'amour,

il n'y a que cela qui demeure...

Chaque minute nous est donnée pour nous enraciner plus en Dieu, pour que la ressemblance

avec notre divin Modèle soit plus frappante, l'union plus intime. Mais pour réaliser ce plan qui

est celui de Dieu lui-même, voici le secret : s'oblier, se quitter, ne pas tenir compte de soi;

regarder le Maître, ne regarder que Lui.

Fixons notre Maître, et que ce regard de foi simple et amoureux, nous sépare de tout et mette

comme une nuée entre nous et les choses d'ici-bas; notre essence est trop riche pour qu'aucune

créature puisse la saisir. Réservons-Lui tout à Lui seul, et avec David chantons au Seigneur

sur notre lyre : Je vous conserverai ma force.

Verbe éternel, Parole de mon Dieu, apparue sensible,

visible en votre sainte Humanité, je veux vous fixer toujours

et demeurer sous votre grande lumière. Hors de là, il n'y a que nuit,

vide, impuissance; dans ce regard tout ardent de foi, d'espérance et d'amour,

je sens tant de clarté, de plénitude et de force!

Baignez-moi, mon Père, dans cette lumière qui découle

tout entière de Vous en votre Verbe, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu!

Baignez-moi, ô mon Verbe, dans cette lumière

dont vous éclairez les Esprits bienheureux, vos Chérubins,

vos Séraphins, et surtout Marie, votre Mère incomparable, et vos saints,

vos saintes qui se sont cachés dans les rayons fulgurants de votre Visage!

Baignez-moi, ô Esprit-Saint, Esprit du Père et du Fils,

dans cette lumière qui éclaire et qui brûle, qui fait les coeurs se liquéfier d'amour!

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Venez à moi, ô Verbe, ô Lumière, ô Amour!

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Trentième Élévation

Ô MON ASTRE AIMÉ, FASCINEZ-MOI POUR QUE JE NE PUISSE PLUS

SORTIR DE VOTRE RAYONNEMENT

J

ésus-Christ est l'astre vivifiant de la création. Il est vraiment le soleil céleste, le Soleil

brillant de clarté divine, brûlant de ses ardeurs toute âme qui repose sous sa lumière.

Il doit être et rester mon Astre aimé! Je ne veux plus sortir de son rayonnement, du

rayonnement de sa Face, qui brille là-haut comme le Soleil quand il darde tous ses feux.

Ô mon Astre aimé! Face adorable de mon Dieu!

Que je vive, que je meure altéré de contempler à découvert

la beauté et la splendeur de votre Lumière!

Source de toute beauté, Seigneur Jésus, où étais-je

lorsque je n'étais pas avec Vous? Ne me laissez point sortir

de ce séjour en votre clarté si pure, si chaude!

Voici la foi, la belle lumière de foi qui m'apparaît; elle seule doit m'éclairer pour aller au-

devant de l'Époux. Le psalmiste chante que la lumière l'environne comme d'un vêtement. Je

dois me plonger dans la ténèbres sacrée, faisant la nuit et le vide dans toutes mes puissances;

alors je rencontrerai mon Maître; et la lumière qui l'environne comme d'un vêtement

m'enveloppera aussi; car il veut que l'épouse soit lumineuse de sa lumière, de sa seule lumière

ayant la clarté de Dieu.

Voici la douce merveille : Seigneur qui te regarde resplendit. L'âme qui, par la profondeur de

son regard intérieur, contemple Dieu dans la simplicité qui la sépare de toute autre chose,

cette âme est resplendissante; elle est un jour qui transmet au jour le message de sa gloire.

Toutes les lumières, toutes les communications de Dieu à mon âme sont ce jour qui transmet

le message de sa gloire au jour. Le décret du Seigneur est pur, chante le psalmiste, il illumine

le regard. Ma fidélité à correspondre à chacun de ses décrets, à chacune de ses ordonnances

intérieures, me fait vivre dans la lumière; elle aussi est ce message qui transmet sa gloire.

O mon Astre aimé, fascinez-moi! Que plus rien ne me retire de votre douce

et tranquille contemplation, ni la joie, ni la peine,

ni le travail, ni le repos, ni l'épreuve, ni la contradiction, ni la créature,

ni quoi que ce soit! Ah! qui pourrait me séparer de votre Face,

ô Jésus-Christ, mon Dieu?

Fascinez-moi pour que je ne puisse plus sortir de votre rayonnemnt!

Que je sois toujours dans votre Lumière, quelles que soient les ténèbres

où m'entraînent ma faiblesse et ma lâcheté!

Fascinez-moi! La créature a encore tant de prise sur moi!

Je ne pénètre pas encore assez sa vanité, sa bagatelle, son néant, son rien!

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Fascinez-moi! Je me laisse encore trop aller à mes inquiétudes,

à mes soucis, à mes tracas, voire même à mes désirs imparfaits de vous chercher,

de vous trouver, de vous tenir! Est-ce bien Vous seul que je cherche quand je vous

cherche?

Ah! que je puisse être dans tout cela, en paix, en suavité,

le regard pacifié dans la rencontre du vôtre!

Puissé-je mériter ainsi de rester tout enveloppé de votre clarté;

et qu'à cette lumière reposante l'on puisse deviner votre présence en moi,

et déjà comme en pressentir la grâce!

Ô Verbe Éternel, Parole de mon Dieu, Sagesse infinie,

Fils de Dieu, Jésus-Christ, je vous adore, et par vous,

j'adore mon Dieu, la Trinité Sainte à qui soit louange de gloire

maintenant et à jamais!

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Trente-et-unième Élévation

Ô FEU CONSUMANT

J

e suis venu allumer le Feu sur la terre, et que désiré-je sinon de le voir brûler? C'est le

Maître lui-même qui vient nous exprimer son désir de voir brûler le Feu d'amour.

O Feu de Dieu qui êtes tout l'Amour, je vous adore,

je vous bénis, je vous rends grâces!

Feu consumant, qui maintenez l'incendie d'Amour qui est en l'Unité de la Trinité,

qui allumez tous les incendies qui ont jamais consummé le Coeur de Jésus,

le Coeur de Marie Immaculée, les coeurs de vos Séraphins et des hiérachies

qui brûlent d'amour, les coeurs de vos saints et de vos saintes,

je vous adore, je vous bénis, je vous rends grâce!

C'est vous, le Feu consumant que Jésus est venu allumer sur la terre,

n'ayant d'autre désir que de voir cette terre consumée par Lui!

Feu consumant, je vous appelle à grands cris au-dedans de moi-même,

afin que je vive enfin, puisqu'il n'y a pas de vraie vie sans amour,

et sans amour brûlant.

Deus ignis consumens. Notre Dieu, écrivait saint Paul, est un feu consumant, c'est-à-dire un

Feu d'amour qui détruit, qui transforme en Lui-même tout ce qu'il touche. Pour les âmes

livrées à son action, au fond d'elles-mêmes la mort mystique devient si simple, si suave.

Venez, détruisez, transformez tout ce que je suis.

Promenez votre Flamme dans les replis les plus secrets de mon âme,

afin que s'accomplisse la grande purification, sans laquelle il n'y a pas d'union avec les

Trois.

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Les âmes livrées à votre action pensent beaucoup moins au travail

de destruction et de dépouillement qui leur reste à faire

qu'à se plonger dans le foyer d'Amour qui brûle en elle et qui n'est autre que Vous,

ce même Amour qui, dans la Trinité, est le lien du Père et de son Verbe.

Laissez-moi ainsi entrer par la foi vive, en Vous,

Feu consumant, Esprit d'amour, simplement, paisiblement,

emporté par Vous au-dessus de toutes choses, des goûts sensibles,

dans la « Ténèbre sacrée, » et transformée en l'image divine.

Je vivrai alors en société avec les trois adorables Personnes.

Soufflez sur moi cette Flamme, afin que se fonde enfin, en moi-même,

le royaume de l'amour. Que je possède l'Esprit de la divine charité, afin que tout fiel,

toute amertume, toute raideur, toute froideur disparaissent de mon âme,

et qu'elle ne respire plus que la chaleur douce et suave de votre amour!

Feu consumant, que votre Esprit d'amour anéantisse en moi

l'esprit du monde, afin que n'y règne plus sa concupiscence!

Feu consumant, que votre Esprit d'amour déracine en moi l'esprit de la chair,

afin que vous régniez à jamais dans mon coeur devenu pur et immaculé

sous le souffle de votre Flamme à laquelle s'allume toute chasteté.

L'âme dit à l'âme-soeur : Notre Dieu est un Feu consumant; si nous nous tenons tout le temps

unies à Lui par un regard de foi simple et amoureux; si, comme notre Maître adoré, nous

pouvons dire au soir de chaque journée : parce que j'aime mon Père, je fais toujours ce qui lui

plaît, il saura bien nous consumer, et, comme deux petites étincelles, nous irons nous perdre

dans l'immense foyer, pour brûler à notre aise dans l'éternité.

Esprit du Père et du Fils, je vous adore dans la profondeur de mon rien,

je vous bénis avec le Coeur de Jésus-Christ! Soyez aimé,

cherché, trouvé à jamais!

et encore et toujours consumez-moi.

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Trente-deuxième Élévation

ESPRIT D'AMOUR

E

sprit d'amour, Amour du Père et du Fils,

Lien substantiel de l'un et de l'autre, Baiser éternel de leur union.

Je vous adore, ô Vous, Centre de mon âme et son repos!

Esprit d'amour, votre royaume est au-dedans de moi.

Pourquoi sortirais-je de moi-même pour vous trouver,

Vous qui dans la substance de mon âme, là où ne peuvent

atteindre ni le démon ni le monde, vous vous donnez à elle.

Esprit d'amour, Centre de mon âme, je vous cherche pour m' unir.

C'est l'amour qui unit l'âme à Dieu; plus cet amour est intense,

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plus elle entre profondément en Dieu et ce concentre en Lui.
Si je vous cherche, c'est pour aimer avec Vous et par Vous...

C'est l' amour qui transforme en Jésus-Christ. Il faut que je l'aime, que je n' aime plus que Lui,

et que plus rien ne puisse me séparer de son amour. Ah! qui me jettera dans ce centre où l'on

vit en Dieu?

Ce sera Vous, ce ne sera que Vous, Esprit d'amour!

Et quand mon coeur n' aimera plus que Lui, n'aura plus d'élans que pour Lui, il faudra que je

l'aime pour ceux qui ne l'aiment pas, parce qu'ils l'ignorent ou le mé prisent...

C'est encore Vous qui me donnerez le Feu par lequel on aime, Esprit d'amour!

Esprit d'amour, faites que par Vous je puisse aimer Celui en qui vous voulez me

transformer,

Celui qui est Fils du Père. Laissez-moi consoler Jésus qui mendie l'Amour,

laissez-moi le consoler par Vous, Esprit d'Amour, pour moi et tous les hommes!

L'Amour de Jésus est languissant en moi; il est mé connu, ignoré de tant d'hommes; Jésus

mendie l'amour, un retour d' amour, pour cet amour excessif auquel les hommes refusent de

répondre...< BR>Laissez-moi l'aimer par Vous, Feu consumant!

Mon amour est trop froid, trop pâle; son impuissance est douloureuse, à l'excès.

J'ai alors pensé à Vous, le seul vrai Consolateur, le seul Amour parfait

qui lui rendrait bien au-delà de ce que les créatures lui refusent.

Je vous ai trouvé pour consoler Jésus, Esprit d'Amour!

Et qu'ai-je fait? Je lui ai fait l'offrande, à Jésus-Christ, l'offrande aussi ininterrompue que

possible, l'offrande de son Esprit d'amour, pour moi, pour tous les hommes, afin d'aimer ce

grand Amour par l'Esprit d'Amour.

Maintenant j'offre, je ne cesse d'offrir à Jésus l'Amour parfait; et la pauvre petite étincelle de

mon amour, entraînée, abîmée en cet Amour s'offre avec Lui, pour les hommes et pour moi.

Seigneur Jésus, je suis l'indignité même, mais daignez,

quand même, agréer mon offrande : pour vous aimer je vous offre,

je vous rends le Feu consumant que vous êtes venu apporter sur la terre,

dans la terre de mon coeur.

Cette offrande, je désire la renouveler à chaque battement de ce coeur,

à chacun des battements dont battent les coeurs de tous les hommes!

Ô Amour, soyez aimé par l'Esprit d'Amour!

Pour l'assurer cette offrande, en toutes choses,

je ne veux plus m'occuper que de Vous, de Vous seul, Seigneur Jésus.

Et c'est pourquoi je vous le redis, tout conscient de ma faiblesse,

mais aussi confiant en votre force : prenez mes joies, mes affections,

prenez ce que vous voulez me prendre. Arrachez, brisez, tranchez tout ce qui pourrait,

tant soit peu, encore occuper mon coeur,

fût-ce un rien, en dehors de Vous.

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Ce sera la perte totale de mon moi,

mais c'est pour Vous, Vous seul, par l'Esprit d'Amour.

Ô mort précieuse, mort libératrice, accomplis ton oeuvre. Jusqu'ici j'y consentais; mais

aujourd'hui je te presse, au point de craindre que tu ne fasse pas assez promptement; fauche,

fauche toujours, fauche encore, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien du rien que je suis.

Quel martyre, dira-t-on; C'est toi, nature qui oses te récrier! Ne te tracasse pas; on ne te

demandera jamais de vivre deux instants à la fois; et puis, tu le sais bien, il n'y aura jamais

rien de trop pénible pour toi. Car, si tu ne brûles pas dans l'enfer, séparée de Jésus-Christ, ne

le dois-tu pas à la miséricorde de Dieu!...Séparée de lui, quel martyre! Oh! alors oui, quel

martyre, et sans nom!...

Pourras-tu, par ailleurs, oublier jamais la joie profonde, céleste, de ces quelques jours de mort,

de mort délicieuse que tu peux vivre, qui te donnera tout entière? N'est-ce pas le

commencement de la béatitude?

Oui, mon Dieu, Nescivi, je ne sais plus rien, je ne vois plus rien,

je ne suis plus rien; tout ce qui existe pour moi,

c'est Vous, ô Jésus-Christ, au-dedans et au dehors de moi,

Vous toujours, Vous uniquement, Vous seul, mon Tout...

JÉSUS, JE VOUS AIME, POUR TOUS LES HOMMES ET POUR MOI,

PAR VOTRE ESPRIT D'AMOUR! Cette offrande, je veux la vivre,

dis-je, à tout instant; je veux en favoriser la fréquence, le plus possible,

par le couper-court spontané, généreux à toute pensée,

à tout regard hors de vous!

Et maintenant, Seigneur, je crois que vous êtes satisfaits!

Vous m'êtes pourtant si caché! Peu importe! Mon âme est si heureuse!

Heureuse de cette joie que je trouve dans cet oubli totale de moi,

et qui, le soir, à l'heure de l'examen, se change en action de grâces,

quand je puis constater que je ne vous ai rien refusé...

Non, cette joie-là ne peut pas me tromper :

j'ai vécu dans votre Esprit d'Amour...

Que je voudrais, Esprit d'Amour, que ces sentiments fussent miens!

Que j'ai soif de n'aimer plus ainsi le Seigneur Jésus que par Vous!...

Hier soir mon âme était dans une sorte d'impuissance, quand tout à coup je me suis sentie

comme envahie par l'Amour...C'était un feu d'une douceur infinie et, en même temps il

semblait qu'il me causât une blessure mortelle...

Dilexit multum, elle a beaucoup aimé : c'est la parole évangélique qui devrait résumer, quand

les voiles de l'au-delà sont près de tomber, une vie livrée à l'Esprit d'Amour.

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Trente-troisième Élévation

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SURVENEZ EN MOI, AFIN QU'IL SE FASSE EN MON ÂME COMME UNE

INCARNATION DU VERBE

Ô

Feu consumant, l'heure est venue d'accomplir un grand miracle, une merveille

ineffable.

Vous m'avez livré et par Vous à Jésus-Christ : à Vous maintenant de le livrer à moi.

Esprit d'amour, livré à votre flamme embrasante,

je reste dans l'attente de votre oprération; survenez,

survenez en moi, matière informe dans laquelle vous daignez promettre

que vous imprimerez votre sceau, vous le Sceau divin de mon Dieu, Trinité que j'adore.

C'est votre mission, à Vous, de survenir en les âmes,

de vous pencher sur elles, de les couvrir de vos ailes de feu,

et de les féconder des dons qui descendent par Vous du Père et du Fils!

C'est là votre Don qui est Vous-même, ô Charité sans bornes!

Venez, Esprit-Saint, venez, survenez en mon âme, afin

d'y accomplir votre Msstère, le Mystère de Jésus en moi.

Votre mystère, c'est d'opérer, dans l'âme qui se livre à votre opération,

comme une incarnation du Verbe. Je ne dis pas « l'Incarnation du Verbe », mais

comme une incarnation de Lui. Il n'y a eu qu'une Incarnation du Verbe;

il n'y en aura plus jamais. l'Humanité sacrée de Jésus, seule,

a recu la grâce d'union que le Verbe lui garde pour l'éternité. Mais vos élus,

ô mon Dieu, devant se refaire à l'Image du Premier-né du Père, aspirent,

ici encore, à lui ressembler, ne serait-ce que d'infiniment loin!

Il s'opère comme une incarnation du Verbe en l'âme, lorsque celle-ci, fidèle à l'effusion de

l'Esprit-Saint au baptême, laisse toute liberté à cet Esprit de travailler, en elle, la conversion

de ses moeurs en celles de Jésus-Christ; lorsqu'elle remet à ce Feu consumant de brûler, de

cautériser par sa Flamme d'amour toutes les plaies qu'y laissa la tache originelle.

Il s'opère en l'âme comme une incarnation du Verbe, lorsqu'il semble qu'en elle l'humain

disparaît peu à peu, pour ne plus y laisser subsister que le divin, pour ne plus y laisser

pressentir que la Vérité, la Sagesse de Dieu, Jésus-Christ se faisant Maître, enfin, de ce

royaume intérieur où il règne dans la paix conquise.

Mais pour en arriver là l'âme doit être auparavant livrée; sa volonté doit être doucement

perdue en celle de Dieu, afin que ses inclinations, ses facultés ne se meuvent plus que dans cet

Amour et pour cet Amour.

Alors l'Amour la remplit tellement, il l'absorbe et la protège si bien qu'elle trouve partout le

secret de grandir en amour. Elle est en droit de dire: Ma seule occupation est l'Amour.

Esprit du Seigneur, qui survîntes en Marie Immaculée au jour de l'Annonciation,

à l'heure bénie au ciel et sur la terre, où, toute souple sous votre action,

elle proféra son Ecce Ancilla Domini; qui survîntes en cette Épouse de choix,

pour la féconder et opérer en elle l'Incarnation du Verbe,

survenez en moi avec votre puissance, afin que toute transformation se réalise en mon

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âme

et que je commence enfin à prendre le moule de la sainteté, Jésus-Christ mon Image.

Venez reposer sur cette âme, Esprit du Seigneur,

Esprit de Sagesse et d'intelligence, Esprit de conseil et de force,

Esprit de science et de piété, Esprit de la crainte de Dieu!

Versez en elle toute votre plénitude, afin que s'enfuie l'esprit perfide,

votre ennemi juré et l'esprit mauvais, abhorré de vos saints!

Je me livre à votre Feu consumant, Esprit d'Amour!

Je ne veux plus faire obstacle à votre grâce. Descendez, survenez,

restez en moi, couvrez-moi de toute votre sainteté.

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Trente-quatrième Élévation

QUE JE LUI SOIS UNE HUMANITÉ DE SURCROÎT EN LAQUELLE IL

RENOUVELLE SON MYSTÈRE

S

on Mystère, son Mystère sacrosaint, le grand Mystère de la Piété, le voici :Verbum caro

factum est et habitavit in nobis. Dieu avait dit :Soyez saints parce que je suis Saint; mais il

restait caché et inaccessible; la créature avait besoin qu'il descendit jusqu'à elle, qu'il vécût de

sa vie, afin qu'en mettant ses pas dans la trace des siens, elle pût ainsi remonter jusqu'à Lui, et

se faire sainte de sa sainteté!

Le mystère de Jésus-Christ, Verbe Incarné-Rédempteur, se poursuit; car le chrétien n'est qu'un

autre Christ, christianus alter Christus. Au jour de mon baptême, j'ai recu cette semence de

Dieu qui est son Christ; et la semence, Parole du Seigneur, a fructifié.

Elle tend à pousser sa racine, sa tige, sa fleur et son fruit; elle désire se développer, croître de

plus en plus; elle aspire à devenir un grand arbre sous les rameaux duquel puissent s'abriter les

oiseaux du ciel, tous ceux et celles qui ont soif de Dieu et l'étanchent dans le commerce des

saints.

Je continue Jésus-Christ : voilà ce que doit croire et opérer toute âme chrétienne, livrée à Lui

par le Saint-Esprit. Aussi faut-il que toute la vie de Jésus-Christ, sa mort et sa résurrection

réapparaissent en son être transformé dans sa beauté, converti en ses moeurs.

Je dois retourner, comme en un Avent de silence et d'humble recueillement, au sein de sa

divine Mère, la Mère des vivants; car c'est elle la Janua coeli, la Porte céleste qui ouvre le ciel

de Dieu et des saints.

Je dois revivre les joies et les abaissements, la pauvreté de Bethléem, les secrets de la vie

cachée, loin du regard des hommes, sous le seul regard de Dieu, tout entier aux choses qui

regardent le service de mon Père.

Je dois suivre Jésus-Christ, mon Dieu, à la conquête des âmes, des brebis perdues, et connaître

les tourments du zèle, les lassitudes de l'apôtre, les méchancetés du monde, les oppositions de

l'orgueil, les déceptions cruelles. Ce fut le lot du Maître.

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Je dois aller avec Jésus à Gethsémani, pour expérimenter ce que c'est que d'avoir peur, d'être

dégoûté de tout, de pleurer seul, sans écho dans le coeur d'un ami. Je dois subir les

humiliations, les calomnies, les ingratitudes, les outrages, les abandons de tout genre. il faut

qu'on me préfère Barabbas et les deux larrons de la croix! Il faut aller jusqu'à la mort et la

mort de la croix...O bona crux, tam diu desiderata!

C'est que mon âme doit être médiatrice avec Jésus-Christ; elle doit être comme une humanité

de surcroît, en laquelle Il puisse perpétuer sa vie de réparation, de sacrifice, de louange et

d'adoration.

Mais tout vendredi-saint est suivi de la résurrection. Je ressusciterai, je monterai au ciel,
Jésus-Christ déjà m'y a fait asseoir en droit. J'aurai mon ascension avec Lui, par Lui, en

Lui!...

En attendant, je vis à l'autel, à l'autel de Dieu, où chaque jour je renouvelle ma jeunesse, je vis

une messe perpétuelle où s'opère lentement, mais sûrement, ce grand Mystère de la piété qui

est Jésus-Christ.

Ma place est sur la patène du prêtre, dans le calice de son oblation de paix, où le bon Dieu se

plaît à immoler son hostie; mais cette messe qu'Il dit avec moi et dont son Amour est le

prêtre, peur durer longtemps encore; la victime ne trouve pas le temps long dans les mains de

Celui qui la sacrifie pour l'associer à sa grande oeuvre de la rédemption. Il veut que je lui sois
une humanité de surcroît, en laquelle il puisse encore souffrir pour la gloire de son Père, pour

aider aux besoins de son Église; cette pensée me fait tant de bien! Ah! quand deviendrai-je

l'hostie immaculée de Dieu?

Je prendrai le calice du salut. Si je prends ce calice empourpré du Sang de mon Maître et que,

dans l'action de grâces toute joyeuse, je mêle mon sang à celui de la sainte Victime qui le fait

participer à son infini, il peut rendre au Père une gloire superbe; alors ma souffrance est un

message qui transmet la gloire de l'éternel.

Poursuivez, ô Jésus-Christ, poursuivez en moi la réalisation de votre Mystère,

afin qu'avec Vous, en Vous et par Vous, Hostie et Prêtre,

je reste une louange de gloire à la Trinité Sainte que j'adore...

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Trente-cinquième Élévation

ET VOUS, Ô PÈRE, PENCHEZ-VOUS VERS VOTRE PAUVRE PETITE

CRÉATURE

L

e Verbe éternel, Parole de Dieu, vint à nous par son Esprit-Saint. Celui-ci est répandu au

baptême, dans l'âme: c'est l'Esprit de Jésus-Christ, qui en elle crie vers Dieu: Père, Père!

Ô Père! quelle douceur, quelle suavité, quelle tendresse mon âme

éprouve à épeler ce nom, à le crier vers Vous, Notre Père qui êtes dans les cieux,

qui êtes dans le ciel de mon âme avec le Fils, avec l'Esprit-Saint, Trinité que j'adore!

Père! que ne dois-je pas à mon Christ aimé, de m'avoir révélé ce Nom,

qui dit toute effusion de la bonté ineffable de Dieu sur mon âme!

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Père! Source innascible, fontaine éternelle d'où dérivent la génération du Fils,

et, avec Lui, cette procession de l'Esprit, opérations vitales de la Trinité Sainte dans

l'unité!

Père! Père du Verbe éternel, consubstantiel à Vous,

engendré par Vous de toute éternité dans les splendeurs des saints,

et reflétant vos perfections infinies!

Père! qui avec le Verbe, faites procéder l'Amour, Baiser éternel de l'un et de l'autre,

que j'adore et confesse en plénitude de ma foi,

Esprit du Père et du Fils, Sainteté même de Dieu!

Père! Créateur des mondes visibles et des mondes invisibles!

Père, Tout-Puissant, sage ordonnateur des cieux, de la terre, de la mer,

des abîmes et de tout ce qu'ils renferment! Vous qui avez faconné mon âme,

mon corps issus du néant!

Père! Père, je crie vers vous dans la petitesse sans mesure

de mon être régénéré par la Passion de votre Fils unique,

et plongé dans l'amour de votre Esprit vivificateur,

penchez-vous vers votre pauvre petite créature!

Penchez-vous vers moi, ouvrez vos bras, les bras de votre tendresse;

dilatez votre Coeur, Père, attirez-moi à Vous,

embrasez-moi, serrez-moi bien fort contre votre Coeur!

Vous êtes puissant, vous êtes bon. Est-ce que le petit enfant s'élève de lui-même

pour prendre le sein de sa mère? Ou n'est-ce pas la mère

qui prend son petit et se penche si doucement vers lui

pour le nourrir et calmer ses petites souffrances?

Faites ainsi avec moi. Que dis-je? entrouvrez ce Sein où vit votre Fils Unique et cachez-

moi,

là, à l'abri de tout ce qui n'est pas Vous, loin du trouble des hommes!

Que là je sois livré à votre amour, en m'abandonnant, à fond,

à toutes vos volontés sur moi, voire même à vos moindres désirs.

L'abandon, voilà ce qui nous livre à Dieu. Je suis bien jeune, mais il me semble que parfois

j'ai bien souffert. Oh! alors, quand tout s'embrouillait, quand le présent était si douloureux et

que l'avenir m'apparaissait encore plus sombre, je fermais les yeux, je m'abandonnais comme

un enfant dans les bras de ce Père qui est aux cieux.

Pense à moi,je penserai à toi disait le Seigneur à sainte Catherine. Nous nous regardons trop,

nous voudrions voir et comprendre, nous n'avons pas assez de confiance en Celui qui nous

enveloppe de sa charité.

Il ne faut pas s'arrêter devant la croix pour la regarder en elle-même; mais en se recueillant

sous les clartés de la foi, il faut monter plus haut et penser qu'elle est l'instrument qui obéit à

l'Amour divin.

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Croyez que toute la volonté de Dieu est de vous emmener toujours plus loin, en lui, avec

toutes vos préoccupations.

J'AI TROUVÉ MON CIEL SUR LA TERRE, PUISQUE LE CIEL C'EST DIEU, ET DIEU

EST EN MON ÂME.

Le jour où j'ai compris cela, tout s'est illuminé en moi; et je voudrais dire ce secret à ceux que

j'aime, afin qu'eux aussi adhèrent toujours à Dieu à travers tout, et que se réalise cette prière

du Christ: Père, qu'ils soient consommés dans l'Unité!...

Père, emmenez-moi ainsi en Vous; mais penchez-vous d'abord,

afin de m'attirer, de me saisir, et de m'emporter dans ce Sein

où habite votre Unique, le Bien-Aimé.

Là, couvrez-moi de votre ombre! Votre ombre, c'est, sans diminution de sa lumière,

et de son éclat, c'est votre Verbe, c'est Jésus-Christ,

sous la sainteté et la filiation de qui je dérobe ma misère et ma faiblesse.

Père! je suis votre créature, si pauvre, si chétive!

Mais j'ai tant de confiance en Vous, car Vous m'avez fait si riche en Jésus,

en mon Christ aimé; et vous voulez, si je n'y mets pas obstacle,

vous voulez tant m'agrandir en Lui!

Ô Père! regardez votre enfant, penchez-vous vers lui, Père de vos créatures;

il est né de Vous, lui aussi, en Jésus-Christ,

par l'Esprit-Saint il vous crie encore :Père, Père!

L'OBLATION PLÉNIÈRE DE SOI AU SEIGNEUR

Trente-sixième Élévation

NE VOYEZ EN ELLE QUE LE BIEN-AIMÉ EN LEQUEL VOUS AVEZ MIS

TOUTES VOS COMPLAISANCES

C'

est ici, ô Père, que j'aspire depuis l'heure à jamais bénie de mon saint baptême,

depuis cette heure où, pour retrouver ma justice perdue,

pour laisser cette justice envahir les puissances de mon âme, je fus plongé

tout entier en Jésus-Christ, en ce Mystère si grand de votre Piété.

Depuis lors, Père n'ai-je pas le droit d'élever mon Coeur à Vous,

avec le Coeur même de Jésus-Christ,

ma justice, ma justification, ma rédemption?

N'est-ce pas en Lui seul que je suis quelque chose, à vos yeux,

moi vil néant, créature infime, et que seule,

aussi, votre grâce a pu refaire, pour votre gloire?

Ne suis-je pas votre enfant, dès lors? Vous qui me voyez

qu'au travers de ce Jésus votre Bien-aimé, en lequel vous avez mis toutes vos

complaisances,

ne pouvez-vous pas m'appeler, moi aussi, et dans un degré proportionné

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à ma ressemblance de sainteté avec Lui, votre bien-aimé,

dans lequel vous vous complaisez?

Père, regardez-moi ainsi toujours. J'aime à sentir reposer sur mon âme

ce doux regard d'amour qui me pacifie,

en faisant croître toujours plus en cette âme votre grâce d'adoption.

Ne voyez en elle que le Bien-aimé! Oubliez tout le reste;

jetez un voile sur ma vie à moi, le passé et le présent;

ne considérez que la vie de Jésus circulant dans tout mon être

pour devenir et rester son prolongement, et comme une incarnation de surcroît.

Mettez en mon âme vos complaisances, toutes vos complaisances.

Ne fixez pas de bornes à ces regards qui créeront en moi

des capacités sans mesure, destinées à y parfaire

cette même grâce d'adoption qui fait tout le chrétien.

Quand je prierai, quand je vous invoquerai avec larmes,

quand je souffrirai durement, quand je me tiendrai dans l'agonie,

quand je serai étendu sur ma croix avec Jésus votre Bien-aimé,

ne voyez en moi que ce Bien-aimé, et trouvez dans les sentiments de mon âme, pour

l'élever,

la sanctifier, la glorifier, les sentiments même de ce Fils de votre dilection!

Quelle merveille! Dieu se penchant sur cette âme, sa fille adoptive si conforme à l'image de

son Fils premier-né d'entre toutes les créatures, la reconnaît pour une de celles qu'Il a

prédestinées, appelées, justifiées, et Il tressaille en ses entrailles de Père, pensant à

consommer son oeuvre, c'est-à-dire à la glorifier en la transférant en son royaume pour y

chanter, dans les siècles sans fin, la louange de sa gloire.

Ô Père, ô Verbe, ô Esprit-Saint que je viens de contempler,

ô Trinité qui me donnez en Jésus-Christ la transformation vivante qui m'assimile à Lui,

puissé-je être devenu maintenant votre ciel, pour vivre la mesure

de sainteté des enfants de Dieu, et cela en vivant en contact avec Lui,

au fond de l'abîme sans fond, au-dedans, dans le ciel qu'Il s'est fait au centre de mon

âme.

Ah! qu'est-ce que tout le reste ici-bas, comparé à ces réalités, qui doivent durer!...

CONSÉCRATION FINALE

Trente-septième Élévation

Ô MES TROIS, MON TOUT, MA BÉATITUDE, SOLITUDE INFINIE,

IMMENSITÉ OÙ JE ME PERDS!

Ô

mon Dieu, Trinité que j'adore, voici l'heure de me recueillir une dernière fois, et plus

profondément encore si possible, l'heure de Vous apprécier plus pleinement que jamais,

d'appliquer plus fidèlement à ma vie intérieure les lumières

qui sont descendues vers moi de votre miséricorde infinie.

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C'est maintenant qu'il me faut tirer la suprême conclusion des saines et purifiantes lecons qui

précèdent : c'en est fait, il faut que je fasse la consécration finale, absolue de moi-même au

Dieu qui s'approche si près de mon néant pour l'attirer à Lui, l'envahir et le submerger.

Ô mes Trois! Trinité de l'Unité, oui, vous êtes vraiment mienne!

Père, Fils, Esprit-Saint! Père, Frère, Époux de mon âme,

je vous possède et vous me possédez!

Quelle possession! Je suis un possédé de Dieu, et je possède Dieu!...

Ô mon Tout! Puisque je suis votre possédé et que je vous possède,

que désirerais-je encore au ciel et sur la terre, si ce n'est Vous mon Dieu

et mon héritage à jamais!Mon Dieu et mon Tout!

Richesse incompréhensible, Trésor de la Divinité, ô Don suprême!

Ma Béatitude! Puisque je suis votre possédé et que je vous possède,

puisque en vous possédant je suis riche de toutes choses,

puisque je n'ai plus besoin de rien; puisque mon coeur, reposant sur Vous,

a retrouvé sa paix, vous êtes mon bonheur, bonheur tranquille,

bonheur sans ombre, bonheur sans déclin, bonheur sans défaillance;

vous êtes la Béatitude substantielle, et mon âme n'a plus

qu'à se rassasier de vos délices pures et éternelles!

Entre, ô mon âme, dans la joie de ton Seigneur!

Solitude infinie! Dieu, dit saint Denys, est le grand Solitaire. Mon Maître me demande

d'imiter cette perfection, de lui rendre hommage en étant une grande solitaire. L'Être divin vit

une éternelle et immense solitude. Il n'en sort pas, tout en s'intéressant aux besoins de ses

créatures : car Il ne sort jamais de Lui-même, et cette solitude n'est autre que sa divinité.

Ô Solitude infinie de mon Dieu, Trinité que j'adore,

je pénètre en votre royaume; j'y cherche l'heureuse place qui me gardera de la foule,

du bruit, du trouble, et qui m'empêchera de sortir de la forteresse du saint

recueillement.

Immensité où je me perds! oui, vous êtes immense, ô Père;

immense, ô Fils; immense, ô Esprit-Saint; que suis-je,

moi inutile et imperceptible atome devant l'immensité une de votre Trinité!

Les mondes eux-mêmes ne sont qu'un grain de poussière à vos yeux,

et vous les appelez le néant!

Je me perds en Vous! heureuse perte! heureux anéantissement de moi-même

dans cet océan de lumière, de chaleur, de Vérité et d'Amour que vous êtes,

mon Dieu, Trinité que j'adore! Je m'y retrouve en Vous gagnant.

Ô mes Trois, mon Tout, ma Béatitude, Solitude infinie, Immensité où je me perds!

Saint, Saint, Saint, vous êtes, ô Dieu, ô Perfection, ô Éternité!...

Mes lèvres deviennent muettes, mais le silence dans lequel

je me prosterne est votre louange de gloire!...

CONSÉCRATION FINALE

Trente-huitième Élévation

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JE ME LIVRE À VOUS COMME UNE PROIE

Ô

mon Dieu, Trinité que j'adore, je me livre à Vous comme une proie,

proie de votre conquête, proie de l'amour...

Vous m'avez tant aimé, et vous m'avez vaincu!...

Je suis votre proie. Je l'étais, au sortir de mon néant,

puisque je n'ai pu naître et m'échapper de cet abîme que pour tomber

dans vos bras, mon Créateur! Oh! quelle chute bénie!...

Je suis votre proie. Je le devins à un titre nouveau et plus sacré,

lorsque ressuscitant de la fontaine baptismale, devenu le temple de votre gloire

et votre enfant bien-aimé, j'échappai à la tyrannie de Satan

pour passer sous votre sceptre pacifique, Père, Verbe, Esprit-Saint!

Je suis votre proie! Ah! oui, à tous les titres, aux titres que vous savez,

et à ceux qu'il vaut mieux que je taise. Vraiment, vous avez voulu être mon partage,

multipliant dans ce but vos miséricordes, vos faveurs, vos trésors.

Ah! oui, que le Seigneur est bon, Quam bonus Dominus!

Je suis votre proie! Je n'ai plus qu'à me laisser faire: Je me livre, je m'abandonne; je suis

tranquille, je sais à qui je me fie; il est tout-puissant, qu'il arrange toutes choses selon son bon

plaisir; je ne veux que ce qu'il veut: je ne désire que ce qu'Il désire; je ne Lui demande qu'une

chose: l'aimer de toute mon âme, mais l'aimer d'un amour vrai, fort, généreux! Ainsi chante

ma vie.

Je me livre à Vous comme une proie, mon Dieu, mes Trois!

Je vous renouvelle toute mes oblations, toutes mes livraisons,

tous mes sacrifices, tous mes holocaustes; je me livre à toute votre puissance d'aimer et,

par conséquent, de me dépouiller, de m'arracher à moi-même, pour me revêtir de Vous!

C'est là la vraie consécration virginale de vos élus.

Il me semble que l'Aigle divin veut fondre sur sa petite proie pour l'emporter là où il est, dans

la lumière éblouissante; quand le voile tombera, avec quel bonheur je m'écoulerai jusque dans

le secret de sa Face!...

Aigle divin, Force de la Trinité immense, saisissez-moi,

emportez-moi, ravissez-moi! Fixez votre regard de Dieu tout-puissant

et tout aimant dans ma prunelle avide, avide de voir,

et abîmez-la dans votre Vérité si fascinante,

dans votre Esprit d'Amour, le Feu consumant!

Livré à Vous, Amour, je ne crains rien, je sais à qui je fais

consécration de mon être; j'ai expérimenté que lorsque vous prenez,

c'est pour rendre au centuple; je livre tout au Dieu

qui récompense avec tant de libéralité.

Prenez mon Dieu, prenez tout ce qui est à moi;

servez-vous de ce don comme on se sert d'une proie.

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Prenez surtout mes souffrances, celles du dehors,

celles du dedans. Lorsque je souffre, je sens mes Trois si près de moi

que je suis plus accablée par le bonheur que par la douleur.

Prenez, prenez encore, prenez, toujours! Ô Amour! Amour!

tu sais si je t'aime, si je désire te contempler; tu sais aussi si je souffre;

cependant, trente, quarante ans encore si tu le veux,

je suis prête. Épuise toute ma substance pour ta gloire;

qu'elle se distille goutte à goutte pour ton Église!

CONSÉCRATION FINALE

Trente-neuvième Élévation

ENSEVELISSEZ-VOUS EN MOI POUR QUE JE M'ENSEVELISSE EN VOUS

M

on âme est votre proie, ô mes Trois! Vous, Père,

vous l'avez attirée dans votre Sein par votre Fils qui y habite,

dans l'Amour éternel dont vous m'avez aimé,

et qui est l'Esprit-Saint.

Je cherche le grand foyer d'amour, le Sein des Trois où à peine sur le seuil du Paradis, je

m'élancerai comme une petite fusée : une louange ne pouvant avoir d'autre place pour

l'éternité.

Si j'habite en Vous, par la grâce, n'est-il pas vrai que,

par cette même grâce de Jésus-Christ, vous habitez en moi,

Père, Fils, Saint-Esprit! Au moins, j'ose l'espérer,

encore que je sois toute misère;

mais vous savez toutes choses, vous savez que je vous aime.

Vous y habitez si pleinement, si profondément,

si amoureusement que je puis confesser aussi que c'est comme

un ensevelissement de Vous-même en mes puissance.

Et vous voulez que je le croie...

Ô mystère de la très haute Sagesse, et du tout-puissant Amour de mon Dieu!

C'est là la dernière prière que j'ose, moi, chétive créature,

sans capacité, sans profondeur, vous adresser! Ô mon Dieu,

Trinité que j'adore, ensevelissez-vous en moi!

Je voudrais être un tombeau vivant où je garderais mes Trois, mon Tout, ma Béatitude, cette

Solitude infinie, cette Immensité où je me perds...

Ah! donnez gloire au sépulcre, da gloriam sepulcro,

et laissez-vous Vous ensevelir en moi, en mon âme, en mon intelligence,

en mon coeur, en ma mémoire, en mes énergies, en mon être entier,

ou plutôt dans mon néant que votre présence ressuscitera et abîmera dans sa lumière!

Et qu'ensuite mon Dieu, je m'ensevelisse en Vous,

que je disparaisse dans votre Société divine, dont parle Jean le bien-aimé!

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L'âme qui pénètre en les profondeurs de Dieu, qui fait par conséquent tout par Lui, avec Lui,

en Lui, avec cette limpidité du regard qui lui donne une certaine ressemblance avec l'Être

simple; cette âme, par chacune de ses aspirations, par chacun de ses mouvements, de ses

actes, quelque ordinaires qu'ils soient, s'enracine plus profondément en Celui qu'elle aime;

tout en elle rend hommage au Dieu trois fois saint; elle est, pour ainsi dire, un Sanctus

perpétuel, une louange de gloire incessante.

Il y a trop longtemps que je le souhaite et le désire de toute mon âme, Trinité que j'adore!

Tenez mon âme ainsi « ensevelie en sa contemplation,

se tenant à cette source comme une affamée », et descendant de plus en plus

en vos profondeurs d'abîme, où la créature ne m'apercoive plus,

mais où votre seul regard d'Aigle m'atteigne.

Ensevelissez-moi en votre Puissance, ô Père afin que la faiblesse

soit absorbée par la force! Ensevelissez-moi en votre Sagesse, ô Verbe,

afin que l'ignorance soit envahie par votre Toute-Science, ô Vérité,

ensevelissez-moi en votre Amour, ô Esprit-Saint,

afin que ma froideur fonde en présence, du Feu que vous êtes!

Ensevelissez-moi en Vous, Éternité à laquelle mon âme aspire,

afin que plus rien ici-bas ne me trouble,

ne me fasse sortir de votre rayonnement. Que je sois pacifié,

au-dessus de toutes les contingences d'ici-bas,

stabilisé en Vous, ô Stabilité immuable de mon Dieu!

Ensevelissement mutuel, échange d'amour, réciprocité de Vie!

Quel rêve, et quelle réalité, si vous daignez le vouloir, ô mes Trois!

Ah! combien vous le voulez!...

CONSÉCRATION FINALE

Quarantième Élévation

EN ATTENDANT D'ALLER CONTEMPLER EN

VOTRE LUMIÈRE L'ABÎME DE VOS GRANDEURS

J

e vais à la lumière, à l'amour, à la vie...

La perspective d'aller voir bientôt en son ineffable beauté Celui que j'aime et de m'abîmer en

la Trinité Sainte, me met une jouissance immense dans l'âme.

J'attends! Je vous attends, ô mon Dieu, Trinité que j'ai adorée, confessée, aimée,

pour qui je voudrais être une hostia laudis qui lui chantât l'hymne de gloire,

le Sanctus éternel...J'attends le Seigneur!

Veni, Veni, Domine, et noli tardare!

Venez, venez, Seigneur, et ne tardez pas!

Je voudrais pouvoir, dans la joie exubérante de saints, monter à la maison du Seigneur,

portant mes gerbes et chantant : Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit!

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Puisse mon âme passer de ce monde à mon Père, pour être enfin, comme une pierre taillée

par les coups salutaires et multiples du ciseau, polie par le marteau de l'Ouvrier divin, être

enchassée dans le tabernacle du Dieu Très-Haut, l'Humanité sacrée de mon Seigneur et

Christ-Jésus.

La mort n'est rien à ceux qui ont cru, qui ont espéré, qui ont aimé. La mort, pour moi, c'est le

mur qui s'écroule et je tombe dans les bras de mon Bien-Aimé...Il faut attendre...jusqu'à en

mourir...

En attendant, ô mon Dieu, Trinité que j'adore, je me tiens en oblation perpétuelle,

hostie immolée, à une messe que Jésus dit avec moi et dont son Amour est le prêtre.

Ô Amour, mettez-moi dans le calice, afin que mon âme baignée dans ce Sang

de mon Christ dont j'ai soif, devienne toute pure, toute transparante,

pour que la Trinité puisse s'y réfléchir comme en un cristal,

à l'heure bénie où je paraîtrai devant Elle.

Amour, je vous demande, comme un enfant à son Père, de vouloir bien,

à la sainte messe, me consacrer pour être une hostie de louange à la gloire de Dieu.

Oh! consacrez-moi si bien que je ne sois plus moi, mais Lui, Jésus;

et que le Père, en me regardant, puisse le reconnaître.

Suppliant et prosterné dans mon néant, je vous en conjure, ô Amour,

enlevez-moi, transportez-moi ainsi, comme une oblation de paix,

pat les mains de l'Ange qui préside au sacrifice, jusqu'à l'autel sublime

de l'Humanité sacrée en présence de la divine Majesté, afin de me consummer et,

comme une étincelle, aller me perdre dans l'immense foyer pour brûler

à mon aise durant l'éternité! Quel hymne de louange!

Thus in igne, je veux être l'encens plein de parfums

que l'on jette dans le Feu consumant, qui est l'Esprit d'amour,

et qui s'élève immaculé vers Vous, ô mes Trois, comme une louange de gloire

qui s'épuise jusqu'à disparaître en votre Splendeur.

En attendant, Mon Dieu, en attendant d'aller contempler en votre Lumière

l'abîme de vos grandeurs, je crie vers vous du palais de la douleur et de la béatitude,

où l'Amour comme un Feu consumant exerce son action :Venez, Seigneur, venez, et ne

tardez plus!

Votre lumière, c'est votre Verbe, ô Père, c'est votre Sagesse,

c'est votre Clarté, votre Art, votre Idéal, votre Image, substantielle!

J'aspire à être initié par cette Lumière auguste

à la contemplation sans voile de vos grandeurs.

Vos grandeurs se confondent avec votre Être adorable;

je les adore, dès ici-bas, et me prosterne devant leur majesté :

elle sont immenses, immenses, immenses, ô mes Trois,

mon Tout, Immensité où je me perds!

Venez, mon Dieu, venez Lumière indéfectible, Agneau de Dieu,

Flambeau de la cité éternelle! Puisque c'est Vous

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qui déchirez les voiles, qui faites tomber les murailles,

qui introduisez à la maison de Dieu, venez, Seigneur Jésus!

je vous le crie, avec les lèvres ardentes et

le coeur consumé de Jean votre disciple bien-aimé!

Je me suis réjoui à cette pensée : nous irons à la Maison du Seigneur...

Vous m'y conduirez, ô Jésus; avec Vous, Humanité sacré, Guide de mon âme,

j'atteindra aux Portes éternelles, celle du Père,du Verbe, de l'Esprit-Saint,

et ce sera la Vie éternelle annoncée ici-bas, et saisie enfin dans les splendeurs des Saints.

Un jour le voile tombera, nous serons introduits dans les parvis éternels; là, nous chanterons

au sein de l'amour infini, et Dieu nous donnera le nom nouveau promis au vainqueur. Que

sera-t-il? Laudem gloriae...Louange de gloire...

Avec cet apôtre qui a chanté la Trinité Sainte et l'unité

qu'elle noue divinement avec les âmes,

dès ici-bas, je vous crie : Amen. Qu'il en soit ainsi!

Ah! oui, qu'il en soit ainsi, à jamais!

Fiat! fiat, fiat, à la gloire de mes Trois!

Que la mort est idéale pour ceux que Dieu a gardés!

Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto! Je ne veux chanter que cela ici,

dans la vallée des larmes, là-haut sur la montagne fertile

où le Seigneur habite! Ô mon Dieu, Trinité que j'adore!

Qu'ainsi je vive, j'aime, je souffre, j'expire! Qu'ainsi enfin, je sois enveloppé et ravi au ciel!

C'est ainsi qu'en attendant mon âme vivra, à l'image de la Trinité immuable, en un éternel

présent, l'adorant toujours à cause d'elle-même, et devenant par un regard toujours plus

simple, plus unitif, la splendeur de sa gloire, autrement dit : l'incessante louange de gloire de

ses perfections adorables. Amen!

CONSÉCRATION FINALE

Quarantième-et-unième Élévation

AMEN, AINSI SOIT-IL

O

ui, Amen, ainsi soit-il, qu'il n'en soit pas autrement, que tous s'y plient, que tout ce qui est le

veuille, que tout ce qui n'est pas adore Celui qui est...Oui, Amen, ô mon Dieu, Trinité que

j'adore!

Cet Amen, c'est Vous-même, Verbe Incarné du Père, vous l'Amen,

le Témoin fidèle et redoutable, le Principe de la création de Dieu.

Vous êtes l'Amen qui chante cette adoration, au nom de tout ce qui respire,

au Père, au Fils, au Saint-Esprit!

Amen, c'est le cantique éternel que répètent les Anges du ciel prosternés sur leurs faces devant

le trône de Dieu, Un et Trine, et qui disent : Amen, la louange, la gloire, la sagesse, l'action

de grâces, l'honneur, la puissance et la force soient à notre Dieu, pour les siècles des siècles!

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Et il y a une voix qui sort de ce trône et qui dit : Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, et

vous qui le craignez petits et grands! Chantez tous, et par Jésus-Christ, Amen, à la gloire de

Dieu, à la gloire du Père, du Fils et du saint-Esprit! Ideo per Ipsum Amen Deo in gloriam...

Coeli enarrant gloriam Dei...Voilà ce que racontent les cieux : la gloire de Dieu. puisque mon

âme est un ciel où je vis en attendant la Jérusalem céleste, il faut que ce ciel chante aussi la

gloire de l'Éternel, rien que la gloire de l'Éternel.

Le jour transmet au jour ce message. toutes les lumières, toutes les communications de Dieu à

mon âme sont le jour qui transmet le message de sa gloire au jour.

Par conséquent, ma fidélité à correspondre à chacun de ses décrets, à chacune de ses

ordonnances intérieures, me faire vivre dans la lumière; elle aussi est le message qui transmet

sa gloire...Voilà qui est bien consolant; mes impuissances, mes dégoûts, mes obscurités, mes

fautes elles-mêmes racontent la gloire de l'Éternel. Mes souffrances d'âme et de corps

racontent aussi la gloire de Dieu. Amen, qu'il soit béni à jamais!

Amen Deo in gloriam...Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit! C'est là l'oblation, au

Seigneur, de l'hostie de louange, c'est-à-dire le fruit des lèvres qui rendent gloire à son Nom,

dans l'expansion de sa puissance, selon l'immensité de sa grandeur.

Gloria Patri!...Amen à tout, pour Vous ô Père, qui restez penché

sur votre pauvre petite créature, et ne voulez voir en elle que le Bien-Aimé

de vos complaisances...Faites donc en moi comme en le Fils de votre dilection,

renouvelez-y son Mystère, quitte à être rendu conforme à sa mort,

à la mort de mon Crucifié par amour. Amen, Ainsi soit-il!

Gloria et Filio!...Amen à tout, pour Vous, Verbe Parole de mon Dieu!

Dites-moi cette Parole, dites-la moi au plus profond de moi-même;

faites-moi tout enseignable, afin d'apprendre tout de Vous.

À travers mes nuits, mes vides, mes impuissances et mes lâchetés,

je veux essayer de demeurer sous votre grande lumière.

Que votre Parole me fascine, me rive à Vous, à Vous seul,

et n'entende plus personne que Vous! Amen, Ainsi soit-il.

Gloria et Spiritui Sancta!...Amen à tout, pour Vous, Feu consumant, Esprit d'amour!

Achevez votre oeuvre, créez en moi un coeur pur et renouvelez jusqu'au fond de mes

entrailles

votre Esprit de droiture,afin que se réalise l'immense désir de mon âme,

et qu'enfin, par votre opération, Jésus-Christ l'unique Bien-Aimé

daigne renaître en moi; afin que, chrétien,

je sois un autre Christ! Christianus alter Christus. Amen. Ainsi soit-il.

Amen, Amen, c'est l'acquiescement total dans l'oblation et consécration plénières de soi -

même; c'est la vraie, la seule adoration qui soit, dans l'Esprit, dans la Vérité; livraison absolue

au Père, au Fils, à l'Esprit-Saint, afin qu'ils descendent dans l'abîme du rien et glorifient en

Lui l'abîme qu'ils sont.

Amen, Telle doit être l'attitude de toute âme qui rentre en ses parvis intérieurs pour y

contempler son Dieu, y prendre fortement son contact. Elle tombe en défaillance, en face de

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cet Amen, tout-puissant, de cette Majesté infinie qui demeure en elle. Ce n'est point la vie qui

l'abandonne; mais c'est elle-même qui méprise cette vie naturelle et s'en retire; et elle s'en va

mourir et s'écouler en Dieu.

Oh! qu'elle est belle, cette créature ainsi dépouillée, délivrée! Elle est en état de disposer des

ascensions en son coeur, pour passer de la vallée des larmes -c'est-à-dire de tout ce qui est

moindre que Dieu-vers le lieu qui est son but, ce lieu spacieux qui est l'insondable Trinité

:Immensus Pater, immensus Filius, immensus Spiritus Sanctus.

Tais-toi, ô mon âme, dans le silence qui adore et ne peut dire que :

Amen, en Jésus-Christ, à la gloire du Père, par l'Esprit d'Amour...

Amen, Amen, Amen...ô mon Dieu Trinité que j'adore!...

Épilogue

VOICI LA SERVANTE DU SEIGNEUR

ECCE ANCILLA DOMINI

A

près Jésus-Christ, et sans doute à la distance qu'il y a de l'infini au fini, il est une créature

qui fut aussi la grande louange de gloire à la sainte Trinité; elle répondit pleinement à

l'élection divine dont parle l'Apôtre: elle fut toujours pure, immaculée, irréprochable aux

yeux du Dieu trois fois Saint...

Je vous salue, ô Marie!...

Il est une créature qui connut ce don de Dieu, qui n,en perdit par une parcelle; une créature

qui fut si pure, si lumineuse qu'elle semble être la Lumière elle-même. Speculum justitiae, une

créature dont la vie fut si simple, si perdue en Dieu que l'on ne peut presque rien en dire...

Vous êtes toute belle, ô Marie!

Elle se tenait si petite, si recueillie en face de Dieu dans le secret du temple, qu'elle attira les

complaisances de la Trinité sainte. Le Père se penchant vers cette créature si belle, si

ignorante de sa beauté, voulut qu'elle fût la Mère, dans le temps, ce Celui dont Il est le Père

dans l'étenité.

Alors l'Esprit d'Amour qui préside à toutes les opérations de Dieu survint. La Vierge dit son

fiat : Ecce Ancilla Domini, Voici la Servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole,

et le plus grand des mystères fut accompli. par la descente du Verbe en elle, Marie fut

toujours la proie de Dieu.

Il me semble que l'attitude de la Vierge durant les mois qui s'écoulèrent entre l'Annonciation

et la Nativité est le modèle des âmes intérieures, des êtres que Dieu a choisis pour vivre au-

dedans, au fond de l'abîme sans fond.

Dans quelle paix, quel recueillement Marie se tendait et se prêtait à toutes choses! Comme

celles qui étaient les plus banales étaient divinisées par elle; car, à travers tout, la Vierge

restait l'adorante du Don de Dieu; cela ne l'empêchait pas de se dépenser au dehors lorsqu'il

s'agissait d'exercer la charité.

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La Vierge conservait toutes choses ces choses en son coeur. Toute son histoire peut se

résumer en ces quelques mots; c'est en son coeur qu'elle vécût, et en une telle profondeur que

le regard humain ne peut la suivre.

Quand je lis l'Évangile, je la vois passer si belle, si calme, si majestueuse, si recueillie au-

dedans, avec le Verbe de Dieu! Comme Lui, sa prière fut toujours celle-ci : Ecce! Me voici! -

Qui?- La Servante du Seigneur, la dernière des créatures, elle sa Mère!

Elle fut vraie en son humilité! C'est qu'elle fut toujours oublieuse, ignorante, délivrée d'elle-

même; aussi pouvait-elle chanter: Le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses;

désormais les générations m'appelleront bienheureuse.

Nul n'a pénétré le Mystère du Christ en sa profondeur, si ce n'est la Vierge. Comme tous les

saints restent dans l'ombre, quand on regarde aux clartés de la Vierge! Le secret qu'elle gardait

et repassait en son coeur est inénarrable : nulle langue n'a pu le révéler, nulle plume n'a pu le

traduire.

Ô Marie, Ancilla Domini incomparable! Modèle de ceux qui adorent! Cette Mère de grâce va

former mon âme, afin que sa petite enfant soit une image vivante, saisissante de son Premier-

né, le Fils de l'Éternel, celui-là qui fut, si parfaitement, louange de la gloire de son Père.

Elle va former mon âme, afin que suivant l'exemple de ce Premier-né, Règle divine des

adorateurs en Esprit et en Vérité, je puisse rentrer au-dedans de moi-même, y retrouver mon

Dieu, la Trinité que j'adore!

Elle peut tout m'apprendre, elle peut m'apprendre à reproduire son Christ, ses joies, ses

douleurs, ses gloires, ce Mystère de Dieu qu'il faut vivre totalement, sous peine de ne savoir

adorer.

Elle a connu toutes ces joies, ces douleurs, ces gloires : elle est devenue la maîtresse des saints

: c'est que chez elle tout se passa au-dedans! Elle avait appris du Verbe lui-même comment

doivent croire, aimer, souffrir, adorer en un mot, ceux qu'Il a résolu d'associer au grand

Oeuvre de la rédemption : ceux qu'Il a connus et prédestinés pour être conformes à son

Christ, crucifié par amour.

Elle est là. au pied de la croix, debout dans la force et la vaillance; et voici mon Maître qui me

dit: Ecce Mater tua. Il me la donna pour Mère! Et maintenant qu'Il est retourné au Père, qu'il

m'a substituée à sa place sur la croix afin que je souffre en moi ce qui manque à sa Passion

pour son Corps qui est l'Église, la Vierge est encore là pour m'apprendre à souffrir comme

Lui; pour me faire entendre les derniers chants de son âme que nul autre qu'elle, sa Mère, n'a

pu surprendre.

Quand j'aurai dit mon Consummatum est, c'est Marie, Porte du ciel, Janua Coeli, qui

m'introduira dans les parvis éternels, me disant tout bas le mystérieuse parole: Laetatus

sum...Je me suis réjouie...Nous allons à la maison du Seigneur.

Dans ce travail lent, ardu, mais aussi combien récompensé de la vie intérieure, de la vie au-

dedans, c'est Marie qui me soutiendra : j'ai tant de confiance, je vivrai, je serai au sein de mes

Trois; est-ce assez ravissant! C'est la Vierge, cet être tout lumineux, tout pur de la pureté de

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Dieu, qui me prendra par la main pour m'introduire dans le ciel, ce ciel si éblouissant, ciel de

foi ici-bas, ciel de gloire là-haut!

Ô Marie, Vierge Immaculée, Mère très pure, tendez-moi la main

et élevez-moi à ces cieux où l'on adore, ainsi, ce Dieu qui vous a élue

pour devenir la Mère des vivants, de ceux qui vivent réellement, parce que,
morts à toutes choses et n'étant plus qu'à Dieu, ils ne sont plus qu'en Dieu.

Le sentiments qui remplissent ces pages, ô Marie ne sont pas encore les miens,

vous le savez et vous le voyez; j'ai essayé de découvrir ici quelque chose

de l'âme de votre fidèle servante, Élisabeth de la Trinité, dans l'espoir de deviner

ce qui devrait aussi remplir la pauvre mienne.

C'est en la fête de votre Présentation, ô Vase, d'élection,

au jour de votre Oblation au temple de Dieu, que cette héroïque chrétienne,

jeune professe du Carmel avait composé sa Prière; et elle,

plongée dans sa contemplation, désormais ininterrompue,

chantait: Ô mon Dieu, Trinité que j'adore!

Ne peut-on pas croire que c'est vous-même qui la lui aviez dictée?

Apprenez-moi, apprenez aux âmes pour lesquelles je l'ai méditée longtemps,

à genoux, le secret de la vivre; afin que chacune d'elles s'essaye à passer son pélerinage

ici-bas,

abscondita in Deo, cachée en Dieu. Oh! quel programme! abscondita in Deo,

c'est la séparation de tout le terrestre,

c'est une ascension continuelle vers Lui!

Ver Lui! Ô Marie, Ancilla Domini, tenez ainsi mon regard tourné inlassablement vers

mon Dieu.

Qu'il l'adore, qu'il s'unisse à Lui pour habiter en ce Dieu trois fois saint;

qu'il chante dans la vie, dans la mort, dans le temps

et dans l'éternité, l'hymne de gloire :

Saint, Saint, Saint, est le Seigneur Dieu!...

Ô mon Dieu, Trinité que j'adore...

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