24 Ali aTAmin Mazrui
Mais, en demier ressort, Phistoire n’est pas uniąuement un problćme de dćfinition, d’epistemologie ou de mćthodologie; elle s’attache egalement k dćcouvrir les evćnements et Ies hommes du passe. L’historien de l’Afrique doit, dćs lors, decider des aspects du passć africain qui lui semblent parti-culierement dignes d’intćret. Un continent meprise doit-il, par exemple, mettre 1’accent sur ses grandes civilisations ? Les civiłisations du Songhay, du Mali, du Ghana et de 1’ancien Zimbabwe doivent-elles retenir particulić-rement 1’attention? A 1’opposć, le continent mćprisć ne doit-il pas s’efforcer de nous faire mieux comprendre ses classes meprisćes ? Devons-nous centrer notre ćtude sur les royaumes et les empires africains, ou nous assigner la tache plus difficile d’explorer la vie des paysans africains dans une perspective historique ?
Qui fait Phistoire, de toute faęon ? Les grandes figures telles que Tchaka le Żulu ou Akhenaton PĆgyptien, ou bien les masses anonymes? Et leur anonymat ne pose-t-il pas des problćmes k 1’historien ?
Le contenu de Phistoire souleve un troisićme problćme : celui des corrections apportees aux deformations antćrieures. Parce que les historiens ćtrangers ont exagere le role des non-Africains dans Phistoire de PAfrique (Sćmites, « Hamites », Couchites et Europćens), les historiens africains doivent-ils delibćrement reduire le role des ćtrangers?
Parce que les historiens ćtrangers ont prćcćdemment mis 1’accent sur les insuffisances de la vie sociale et politique africaine, les historiens modemes doivent-ils, k titre de correctif, amoindrir ces insuffisances ?
Parce que les historiens ćtrangers ont passć sous silence ou sous-estimć les realisations africaines du passć, les historiens africains d’aujourd’hui doivent-ils, par compensation, accorder une place particulićre k ces realisations ?
Un travail portant sur toute la durće de Phistoire de l’Afrique doit-il mettre Paccent sur la communautć d’expćrience des Africains de diffćrentes parties du continent? Faut-il considćrer P « unitć dans Pespace » comme un principe directeur pour un projet comme celui de 1’Unesco?
Faut-il, au contraire, insister sur la continuitć de Phistoire africaine et contester Paffirmation suivant laquelle le colonialisme europćen a mis fin k des millćnaires de vie africaine? Le colonialisme ne doit-il pas etre considćrć uniquement comme un ćpisode dans le grandiose panorama de Pexpćrience africaine ? Doit-on mettre Paccent sur 1’unitć dans le temps ? Ce ne sont li que quelques-unes des nombreuses questions implicites que posent non seulement le projet de PUnesco, mais toute la problćmatique de Phistoriographie africaine. L’Afrique contemporaine n’est pas toujours facile i comprendre, car son histoire est extremement mouvementće. L’Afrique d’hier ćtait difficile k comprendre parce que les techniques d’analyse ćtaient insuffisantes. Les