5 Comptes rendus 203
NOEL MALCOLM. Bośnia. A Shori Htsiory,’London. 1994. 340 pages.
AveC une promptitude etonnante. un jeunc historien anglais (dont les travaux prćce-dents portent sur des sujets aussi divers que Hobbes. Enesco et Marc Antonio de Dominis) vient dóffrir au public inqui£tć par le dramę balkaniąue un livre remarąuable sur la Bośnie. Ce qui. de toute faęon. eut mćritć detre signalć comme un acte dhonnćtetć intellectuelle deraeurera aussi comme un ouvxage de grandę valeur — le seul dans une langue accessible aux lecteurs occidentaux — sur un sujet dont Ja complexitć pouvait effrayer et dont lactualitć a excuse jusqu’ii prćsent tons les parti-pris.
Apr£s un expose aussi complet qu’exact des theorics des archeologues et des linguistes k propos des plus anciens habitants de la Bośnie, on aborde 1’histcire deTEtat m6di6val de ce nom, qui sćtend du XIIe au XV* si&cle. La situation du pays au cours des annees J404 — 1443, quand les Hongrois d‘un cótó e^ les Turcs de 1‘autre soutenaient leurs propres próten-dants au tróne nest pas sans resscmblance avec la Valachie des successeurs de Mircca l‘An-cien.
Tout un chapitre traite de la mysterieuse Eglise de Bośnie et Noel Malcolm a sans doute raison dćcarter 1’interpretation qui lui attribuait une thćologie dualiste. proche des idees des Bogomiles et des Cathares. Cependant. il est inutile de supposer une erreur de lec-tnre («Moldavia*> pour «Moravia ») dans un cjocument qui accuse les Hussites de Moldavie detre entachós de l hćrśsie bosniaqne: l‘existence des rćfugies hussites a l'Est des Carpates n est plus misę en doute depuis longtemps. L’explication adoptće par lauteur identifie inge-nieusement les hrstjani de Bośnie k une organisation monastique selon la r£gle“de saint Basile. conser/ant en partie IzL liturgie orientale et la tradition primitive des monast&res mixtes.
Au sujet de l islamisation et, en genćral. de 1’encadrement de la rćgion dans les struc-turesde 1‘Empire ottoman. on trouvera des observations judicieuses dans les chapitres suivants. 'Par exemple. 1'origine du surnom «potur». porte par les Musulmans slaves de Bośnie, n a rien k voir avec les lćgendaires Patarins. mais il sagit simplement d une pi&ce de costumę. une sorte de cliausses larges (tc. potur. alb* poture. roum. potnri) qui distinguaient les paysans. I.es conversions k 1‘Islam. rendues plus nombreuses dans le pays par l afflux d’esclaves cher-chant ainsi ct redevenir libres et par lattrait de la vie urbaine, jie doivent pas £tre imputćes particuliórement k la noblesse locale qui aurait essayć de sauver ses terres.
Noel Malcolm. qui ne craint pas de se plonger dans les ęontroverseslcs plus inextricables. ose s’attaquer aussi au probl£me des Valaques balkaniques. Heureusement. il n'est pas dupę des auteurs serbes qui. considórent les «.VIachs > comme une catćgorie socio-profe.<sionnelle. Ceux-ci ne sont pas des bergers nomades. mais les descendants d’une population pr6-słave ro-nianisće. Pourtant. lorsqu‘il acceptę 1’hypotliese d’une seule source de la latinitć orientale. qui serait k localiser dans les montagne? de 1‘AJbanie du Nord, Noel Malcolm se laisse induire en erreur par un dilettante £crivant sous pseudon^me (* Du Nay >) qui. depuis 1977. n a plus produit aucun ouvrage scientifique et auquel les spćcialistes roumains avaient aussitót rependu d'une maniere qu‘il serait injuste de taxer de « misplaced national pride ». ^uant au volume pu-bli£ par E« Illy6s k Boulder. Colorado, sur la continuitó ethniqi_e en Europę du Sud-Est. il n est surement pas un de ces livres que l auteur estime pour kur independance. n’est-ce pas? II eut mieux valu s en tenir aux conclusions plus objectives d’un Seton-Watson.
La crise de 1’Empire. les alterations subies par la societe ottomane et les variations de fronti£res causćes par les guerres du XVIIIe siecle sont expliquees avec une limpiditć con-vaincante. parfois mGnie avec des formules saisissanles. Plusieurs analogies frappantes feront rćflćchir 1‘historien roumaiq. Ajnsi. le fait qu'en 1808. sur les 78 000 janissaires de Bośnie, .seulement l(p 000 recevaient une solde et jaccomplissaient le servięe militaire. tandis que les autres ćtaient des artisans qui jouissaient des privileges attachós k cette posjtion. devrait ćclai-rer la situation des seiyneni du XVIIe si&cle. dont les rebellions sont k la fois une rćvolte urbaine et une niutinerie militaire. Lęs Juifs apparaissent en Bośnie, comme dans les principautćs roumaines. au cours de premier si&cle aprćs la conqu£te ottomane.
On voudrait mieux savoir ce que les milliers de manuscrits qui reprósentaient 1’heri-tage culturel des Musulmans bosniaques avant la destruction de 1992 contenaient comme science ou littórature. Noel Malcolm croit pouvoir contrcdire Ivo Andrić. le plus illustre de ceuxqui ont contfestóTimportance drune’vie intellectuelle associćeen Bosnie cl 1‘Islam. mais il ne faut pas oublier combien la culture ottomane du XVIII* si&cle a favorise la compilation et limi-tation.
Nou£ refrouvons les VIaques dan§ le chapitre consacrć aux Tziganes. car 1’auteur. sur la foi de «l'evidence linguistique ». suppose un contacf prolongć entre ces deux populations danslefc Balkans occidentanx et centratrcc. Encore une fois. On ne ^/oit/pas la n6cessit6 d une pareille hypothdse: les emprunts du roumain s*expliquent sans la moindre difficultć par la prć-