CHRONIQUES DU MOYEN-EUPHRATE
2. Relecture de documents d'Ekalte, Émar et Ruttul
Jean-Marie Durand, Lionel Marty
Presses Universitaires de France |
« Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale »
2003/1 Vol. 97 | pages 141 à 180
ISSN 0373-6032
ISBN 9782130550396
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-d-assyriologie-2003-1-page-141.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Jean-Marie Durand et Lionel Marty, « Chroniques du moyen-Euphrate. 2. Relecture de
documents d'Ekalte, Émar et Ruttul », Revue d'assyriologie et d'archéologie orientale 2003/1
(Vol. 97), p. 141-180.
DOI 10.3917/assy.097.0141
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France.
© Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière
que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
[RA 97-2003]
1
Revue d'Assyriologie, volume XCVII (2003), p. 141-180
CHRONIQUES DU MOYEN-EUPHRATE
2. RELECTURE DE DOCUMENTS D'EKALTE, ÉMAR ET TUTTUL
*
PAR
Jean-Marie D
URAND
& Lionel M
ARTI
**
Les documents en provenance du Moyen-
Euphrate et d'Émar en particulier se sont multipliés ces dernières années, suscitant de façon bien compré
hensible l'intérêt de ceux qui travaillent sur les textes de Mari
1
. Personnellement, il m'a paru opportun d
e procéder à un regroupement de remarques que j'avais pu faire au gré de mes lectures
2
. Le projet a gagn
é en consistance du fait que j'ai pu avoir accès aux documents origi-
naux syriens et contrôler de visu les idées de solutions pour certains passages difficiles. Une équipe a ain
si été formée pour réexaminer ces documents et pouvoir en intégrer les richesses lexicales au Dictionnair
e de babylonien de Paris (DBP) en préparation.
J'ai pu ainsi constater que les copies cunéiformes dues à D. Arnaud sont très scrupuleusement e
xécutées; néanmoins l'original où se reconnaît encore le mouvement de la main du scribe ancien est bien
plus facilement déchiffrable que la copie moderne souvent très difficile à lire: la translation en deux dim
ensions lui fait souvent perdre de sa dynamique. C'est donc un reproche à faire à mes premières relecture
s de l'édition de D. A.: j'ai trop corrigé sur certains points, mais souvent il n'y a que la consultation de l'
*Nos remerciements vont à l'équipe du musée d'Alep qui nous a permis de voir ces textes dans d'agréables c
onditions, tout particulièrement M. W. Khayyata, directeur du musée, et M. Nâsir Sharaf, conservateur des tablettes.
Nous tenons en outre à remercier vivement Dominique Charpin pour son attentive lecture et ses multiples remarques
sur l'établissement du texte et son commentaire.
**Collège de France, Institut d'Assyriologie.
1. Cf. J.-M. Durand, RA 83, 1989, p. 163-191 & RA 84, 1990, p. 49-85.
2. Il s'agit notamment de livres qui m'ont été confiés pour recension dans cette revue. J'ai pensé faire œuvre
utile en regroupant ces remarques dans la série des Chroniques du Moyen-
Euphrate. Il s'agit d'abord d'ouvrages où sont publiés des tablettes issues de fouilles clandestines, à Meskene ou dan
s la région:
– G. Beckman, Texts from the Vicinity of Emar in the collection of Jonathan Rosen, HANE/M 2, Padoue, 1996;
–
J. G. Westenholz, Cuneiform Inscriptions in the Collection of The Bible Lands Museum Jerusalem, The Emar Tablet
s, CM 13, Groningen, 2000.
D'autres tablettes, fort heureusement, sont issues de fouilles régulières menées sur des sites voisins. C'est l
e cas des documents de Tell Munbâqa, l'ancienne Ekalte, dont Walter Mayer a donné récemment l'editio princeps (T
all Munbåqa—Ekalte—
II Die Texte, WVDOG 102, Saarbrück, 2001). On verra aussi comment parmi les textes retrouvés à Tell Bi‘a/Tuttul (
M. Krebernik, Tall Bi‘a/Tuttul –
II Die altorientalischen Schriftfunde, WVDOG 100, Sarrebrück, 2001) figure un texte datant du Bronze Récent.
Par ailleurs, l'accumulation des données a permis l'élaboration d'ouvrages de synthèse. C'est l'approche hi
storique qui domine dans le livre de M. R. Adamthwaite, Late Hittite Emar: the Chronology, Synchronisms, and Soc
io-
political Aspects of a Late Bronze Age Fortress Town, ANES Sup. 8, Louvain, 2001, alors que le travail de E. J. Pent
iuc est de nature lexicologique (West Semitic Vocabulary in the Akkadian Texts from Emar, HSS 49, Winona Lake, 2
001).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
original qui permette d'interpréter la copie moderne à moindres frais. Il était bon de le constater pour étal
onner les possibilités de choix nouveaux à proposer
3
.
Mes remerciements vont à Dominique Charpin, nouveau directeur de la Revue d'Assyriologie, q
ui a proposé d'accueillir dans ses colonnes, le résultat de nos observations. Notre équipe s'est proposé un
programme de relecture des documents du Moyen-
Euphrate, en complément de l'étude des textes mariotes. Chaque lot de notes ou commentaires sur ce cor
pus sera individualisé par les initiales des auteurs.
Cette chronique a été élaborée dans mes séminaires de l'EPHE IV
e
Section et a mis longtemps à
être mise au point. Elle est livrée ici telle quelle. Sauf exception, il n'a pas été possible de tenir compte d
e publications ultérieures concernant ces corpus. J.-M. D.
1. LES DOCUMENTS HISTORIQUES D'ÉMAR
J.-M. D.
1.1. La révolte contre Zû-Aßtarti
Le texte édité par D. Arnaud dans Émar VI/3 n°17 [copies, Émar VI/1, p. 41, s.n. 7356] représe
nte la récompense donnée par le roi Zû-
Aßtarti à l'un de ses sujets pour les renseignements qu'il lui avait apportés au sujet d'une conspiration. L'
examen direct de l'original a confirmé plusieurs des lectures a priori proposées dans RA 83, 1989, p. 175
-176. Après collation du texte à Alep, j'en proposerais désormais la lecture suivante:
i-nu-ma µzu-aß-tar-ti dumu ∂IM-gal Lorsque Zû-Aßtarti, fils de Ba®al-kabar,
2 lugal uru e-mar‹ i-na lìb-bi uru e-mar‹ (était) roi à Émar, à l'intérieur d'Émar
erinÏ-meß uru e-mar‹ hu-up-ßu
des soldats d'Émar, secondes-classes
4
ù lú-meß AH
há
ßa lugal-ri et officiers,
ßa zag zabar a-na muh-hi lugal*-ri na-ßu militaires séditieux envers le roi,
6
ki-iΩ-ra ir-ku-ßu°-ma firent un complot
a-na muh-hi be-li-ßu-nu
à l'encontre de leur seigneur.
8 erinÏ-meß ßu-wa-ti be-li ki-iΩ-ri Ces soldats, les conjurés,
a-ßar ki-iΩ-ra i-ka-Ωa*-r[u*] alors qu'ils ourdissaient le complot,
10
ù µku-na-zu dumu tu-r[a-…] tant Kunazu, fils de Tura…
ù µiß-bi-ia iß-mi-ßu-nu-t[i] qu'Ißbiya, les entendit;
12
il-li-ik-ma a-na µzu-aß-tar-ti il alla et à Zû-Aßtarti,
lugal uru e-mar‹ be-li-ßu-nu roi d'Émar, leur seigneur,
14
ù iq-ta-bi a-nu-um-ma alors il parla. À ce moment-là,
erinÏ-mes ßa ki-iΩ-ra ir-ku-ßu les soldats qui avaient ourdi le complot
16
a-na ki-√lam∫* aß-bu-ú ù iß-pu-ur se trouvaient sur le marché. Alors envoya
µzu-aß-tar-ti uru e-mar‹ √a∫*-[na] muh*-hi*-[ßu-nu] Zû-Aßtarti la ville d'Émar contre eux.
18
be-li ki-iΩ-ri iß-tu k[i-lam] Les comploteurs depuis le marché
iΩ-Ωa-ab-tù-ni mi-iß-[lu] furent saisis: la moitié
20
i-du-uk ù mi-iß-[lu] fut tuée et la moitié
i-na lìb-bi giß-meß iz-z[a*-qi-ip] fut mise sur le pal
4
.
22
ù µku-na-za dumu t[u-ra-…] Lors, Kunaza, fils de Tura…
a-na ìr ∂[nin-hur-sag]-gá* au service de la déesse fialaß
5
24
at-ta-din [ßu-ú dumu-ßu] j'ai donné. Lui, son fils,
dumu*-dumu*-ßu numun*-[ßu numun-numun-ßu] son petit fils, sa descendance, son arrière
descendance
3. Les moyens en photographie numérique de la chaire d'Assyriologie du Collège de France donnent désorm
ais une dimension nouvelle à la technique de la collation en permettant des contrôles et des éclairages d'un genre no
uveau.
4. C'est l'interprétation qui me paraît, collation faite, le plus vraisemblable, tout à fait parallèle à l'expressio
n assyrienne ina iΩΩê zaqâpu.
5. Le texte écrit le nom de la déesse d'abord par l'idéogramme ∂nin-hursagga, l. 23, puis par ∂nin-kur, l. 28.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
3
26
it-ti lú-meß AH-[ME-meß i-za-zu] se tiendront avec les prêtres
6
.
Rev. [ßum-ma i]t-ti 2 lú-meß [gudu’-meß] Si avec les deux (autres) prêtres
28
[ßa ∂nin]-kur* NU
ul
* [i-za-az] de fialaß il ne (veut) pas se tenir,
[µku-na-zu 1 g]ú*-un* k[ù*-babar i-le-qè] Kunazu prendra un talent d'argent;
30
[a-ßa]r il-la-ku
7
là où il ira,
[ma]-am-ma a-na muh-hi µku-[na-zi] nul à l'encontre de Kunazu
32
[la]-a i-ßa°-ni-iq ßa a-w[a-ti] ne fera d'ennui
8
. Quiconque les propos
[an-na]-ti ú-na-ka-ar* présents altèrera
34 [∂d]a-gan ù ∂nin-urta Dagan et Nin-urta
[∂I]M ù ∂√nin∫-[hur]-√sag∫-gá* Addu et fialaß
36
[ù¿] ∂nin-kal[am*-tim] ainsi que Balta-mâti
[m]u*-ßu ù [numun-ßu] son nom et sa descendance
38
[l]i-hal-l[i-qú] qu'ils détruisent!
ù na’ na*-Ω[í-ba] En outre, la stèle funèraire
9
40
a-na é-ß[u li-iz-qú-up] pour sa maisonnée qu'il érige!
(7 témoins.)
On trouve là un texte analogue au n°6 des documents publiés par M. Sigrist dans Kinattªtu ßa d
årâti, Raphael Kutscher Memorial Volume, 1993, p. 176 (avec photo, malheureusement peu consultable,
plate VII), tout particulièrement aux l. 24-25:
«Le roi et la ville d'Émar l'ont nommé à la charge d'administrateur (sanga) du temple de Nerga
l du marché et d'intendant (râb bîti), son fils, son petit-
fils, sa descendance. Pour tout le temps il (en) est l'administrateur et l'intendant (gal) de Nergal.∞
Il ne s'agit donc nullement d'une exemption d'impôt, comme je l'avais cru dans la RA 83, p. 17
5 (de même, «charte de franchise∞ pour D. A.), mais plutôt de la concession d'un bénéfice ecclésiastiqu
e.
Le texte présente comme irrégularité majeure de rédaction que le rappel historique des faits, opé
ré à la troisième personne, est repris à la 1
re
personne, à partir de la l. 24, avec intervention directe du roi
dans le récit. Le fait n'est pas sans parallèle dans les textes juridiques d'Émar et ce «mélange des person
nes∞ est un trait de la stylistique syrienne, à partir de l'époque amorrite
10
.
Les gens qui se sont révoltés se composent à la fois de gens du peuple (les soi-disants «soldats-
paysans∞-hupßu) et de nobles, les «frères du roi∞, c'est-à-
dire ceux qui font partie du groupe de pouvoir qui gra-
vite autour de la personne royale. Le sort des rebelles préfigure les sanctions qu'infligèrent par la suite le
s Assyriens: ceux qui n'ont pas été tués lors du combat (l. 20 idduk) sont empalés
11
. Il est très intéressan
t de voir que l'attaque contre les rebelles avait été le fait de la population urbaine: depuis D. A., les com
mentateurs de ce texte avaient en effet estimé que le texte était fautif l. 17 et avaient suppléé un Zû-
Aßtari <lugal> Émar‹.
Note sur
hupßu En ce qui concerne ces hupßu, Adamthwaite op. cit., p. 243-
351, fait de longues considérations à leur propos et voudrait déduire de leur mention que le coup de force
contre Zû-Aßtarti doit être interprété comme une révolte sociale.
6. L'idéogramme AH.ME = gudu’ ne semble pas attesté ailleurs à Émar, mais donne le sens attendu; l'expre
ssion est courante dans les textes hittites contemporains sous la graphie surtout de «lú-IM.ME∞.
7. Après ce signe arrive la fin de la ligne de la face qui tourne sur le revers.
8. J'ai pris sanâqu au sens où il est désormais bien attesté par les textes de Mari «s'approcher∞ (en mauvaise
part), d'où «réprimander∞, «faire des problèmes∞, etc.
9. Je n'ai pu retrouver ici une initiale en ZI qui eût entraîné la lectio facilior na’ s[í-ka-
na] de D. A. Pour cette variante, cf. J.-
M. Durand, Le Culte des pierres levées en Syrie, FM VIII (en cours de parution).
10. Cf. MARI 3, p. 177-178; cf. RE 57: 12-13: a-na ƒNP, dumu-munus-ia °gig id-
din = «il a (= j'ai ) donné à ma fille, la prêtresse.∞
11. Pour le recours à l'empalement envers les rebelles, cf. le sort réservé à la même époque aux oppositions d
'Aßßur et d'Alzi, livrées par les Mitanniens, selon KBo 1 3
+
, = G. Beckman, Hittite Diplomatic Texts n°6B §2.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
4
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
Il n'est pas de bonne méthode, à propos d'une catégorie sociale, d'envisager tous les dossiers en
complétant une époque par une autre. Deux observations: à l'époque amorrite, le terme de hupßum est f
ort rare; cela tient simplement au fait que ce n'est pas un terme akkadien et qu'il est occulté par un autre.
Son occur-
rence dans un texte de Shemsharrâ n'est pas étonnante: le mot apparaît dans un milieu périphérique où le
s scribes n'ont pas le désir, ou la possibilité, de remplacer le terme vernaculaire par le «mot correct∞. Est
documentée l'expression
lú
hu-up-ßu-um ßa pa-zu-ur-ta-ni ù ma-Ωa-ra-tum ir-ti-
qa
12
. Il faut en fait la mettre en relation avec le couple militaire que documente couramment Mari: le sa
gbum et les «bazzahâtum∞. PZR signi-
fie normalement à l'époque amorrite «passer sans se faire voir∞; il n'y a nulle raison de ne pas lui donn
er ici ce sens précis: les hupßum ßa pazzurtâni fonctionnent donc comme des éclaireurs (sagbum) et la ga
rde-maΩΩartum représente les forces régulières (les «commandos d'intervention-baΩΩâ'atum∞).
Cela étant, rien ne prouve que les hupßum soient un corps d'armée particulier. Il est effectif qu'o
n les trouve souvent dans des contextes de combat mais, pourrait-
on tirer du couplet bien connu: «Aux armes, citoyens! Formez vos bataillons!∞ que «citoyen∞ désigne
en français une «sorte de soldats∞? Maintenant que Mari documente clairement le terme hipßum avec la
signification d'«alliance, pacte politico-
familial
13
∞, il faut être sensible au rapport entre les deux termes et se demander si les gens qui forment l
es hupßum n'étaient pas ceux qui avaient instauré entre eux un hipßum. En d'autres termes, hupßum signi
fierait fondamentalement «partenaire social∞ et serait donc occulté dans les textes par ahhû, comme il es
t vraisemblable que hipßum est occulté par athûtum à l'époque amorrite
14
. Vu l'importance de la paysan
nerie et le fait que c'est le corps social par excellence où recruter l'armée, l'importance des hupßum dans
des contextes agraires ou militaires n'est donc pas pour surprendre.
Le recours à ce terme de hupßum dans le rappel de la rébellion contre Zû-
Aßtarti est certainement voulu et doit être compris comme une désignation péjorative. Plutôt qu'une dési
gnation du monde des cam-
pagnes souffrantes et affamées, hupßum doit garder ici son sens originaire de «fédérés∞ et désigner la pl
èbe des conspirateurs. Ces emplois péjoratifs ont été, en tout cas, gardés dans le vocabulaire conservateur
des textes mythologiques du I
er
millénaire où la piétaille divine rebelle se voit qualifiée de hupßu, le «ra
bble∞ de CDA, p. 121a.
Irait contre cette façon de voir le fait que hupßu désigne de façon technique des travailleurs dans
la région d'Émar, selon Adamthwaite, op. cit., p. 249-
250: «Fales has recenty published an interesting tablet rela-
ting to the hupßu in the Emar region. It takes the form of a list wherein thirty hupßu (…) under the ultima
te jurisdiction of a certain Guanni are assigned in groups of three to ten named men, under Ea-
bani… What is striking is the assignment of hupßu-
personnel to the ten named individuals. Though the text could be inter-
preted as having something to do with ilku-
service, the best interpretation is that of corvée work for the hupßu under the immediate supervision of E
a-bani, etc.∞
Le texte édité par Fales
15
ne me semble nullement se prêter à ces considérations. Il fait partie d'
un de ces petits lots de textes de l'Euphrate, éparpillés par le commerce illicite et publiés par ceux chez q
ui ils arri-
vent. L'expression «ana muhhi NP∞ peut difficilement signifier «a dispositione di NP∞ (Fales) ou «un
der the immediat supervision of NP∞ (Adamthwaite), mais plutôt «au débit de, à l'encontre de NP∞. Il s
12. J. Eidem et J. Læssoe, The Shemshara Archives, vol. 1, The Letters, 2001, n°36: 22-23.
13. Cf. Annuaire du Collège de France 2001-2002, Résumé des cours et travaux, p. 751.
14. Cf. Amurru 3, 2004, p. 114.
15. M.F. Fales, Prima dell'Alfabeto, Venise, 1989, p. 207.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
5
'agit en fait d'un texte de dette. Il faudra que quelqu'un collationne la 1
re
ligne du texte
16
, mais à partir d
u moment où la tablette devient lisible, il semble y avoir écrit: 3 giß ßà ße-
meß NP, soit «3 parîsu sur le grain de NP∞ et le revers comporte: 30 giß ßà ße-meß pap-
meß: c'est une affaire de grain dû par des personnes; giß est ici une abréviation pour «¤pa∞: le signe
H∏B n'existe pas sur cette tablette.
NOTE: on notera dans Prima dell'Alfabeto, Venise, 1989, p. 201, un petit texte, certainement de la région d'Émar (
cf. l. 13!), qui est à lire: l. 1: 1/2 gín kù-babar-meß* ká* bi-in-a-
ti*: 1/2 sicle d'argent «porte∞ de Bin'atu [pour ce terroir, cf. Beckman, n°86: 24; Westenholz, n°5: 26]. Le terme
de K‰ (et non SUM!) explique le rapport entre la somme d'argent et ceux qui exploitent l'accès à l'eau, si ká signifi
e bien «l'endroit où l'on a accès au fleuve∞, sur l'Euphrate, comme je le pense. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une l
iste de NP, sauf l. 6: 1/2 mìn ká a-hi-ma-
lik*, où il doit s'agir d'un gros propriétaire, plutôt que d'une communauté appelée par son ancêtre. En effet, la plupar
t des «NP∞ s'expliquent comme des lieux-
dits. Cette énumération doit nous donner tout le long de l'Euphrate, à partir de Rabbân (cf. l. 13!), l'échelonnement d
es terroirs. Tous ces lieux-dits devraient se trouver sur la même berge.
l. 2: bi-i'*-ri, signifie «le Puits∞;
l. 3: A-me-et peut signifier «Aigues-mortes∞ et se lire *Mâ'u-mêt;
l. 4: ha-ba-'a*-ti*, signifie «la Dépression∞, cf. LAPO 16, p. 118 ; le ká ßi-la se retrouve dans le ká ßi-ilÌ-
la («la Cuvette∞) de TBR 68: 2, (où il ne signifie pas «porte de fiella∞, D. A.);
l. 5: HUL*¿-i-Ωi = «Maubois, Mauvais-bois∞;
l. 9: ha-ri¿-it devrait être l'équivalent de hirîtu, «fossé∞;
l. 10: maß-kat = «Maleterre, Mauvaise-terre∞;
l.13: ra-ab-ba-il que je ne peux lire sur la photo, ne représente-t-il pas un typo pour ra-ab-ba-
ìl, auquel cas, il faut le lire simplement ra-ab-ba-an, terroir bien connu d'Emâr!
Le texte se termine par, rev. l. 3: pap 15 gín kù-babar-meß* ßàm gu’, nir*-∂kur dumu a-ba, ú*-ßal*-la-
mu*, ce qui indique que les différentes personnes se cotisent pour acheter un bœuf qui servira sans doute aux travaux
en commun d'ouverture des vannes et c'est au sieur Matkali-Dagan qu'on versera la somme.
1.2. La question des Hourrites dans les archives d'Emar
1.2.1. Une ambassade émariote auprès du roi hourrite
(a) Autant M. Sigrist, éditeur du texte
17
, que A. Skaist
18
et M.R. Adamthwaite
19
, derniers com
mentateurs pour l'heure de ce texte ambigu
20
, ont pensé qu'Ir'ib-
Dagan avait rendu un signalé service au roi d'Émar en substituant aux quatre princesses et à la somme im
portante en or et en argent dont il s'était emparé, ses quatre propres filles et une quantité équivalente de
métal précieux.
L'affaire paraît peu vraisemblable, car le verbe ú-†à-he-
e
(l. 11) signifie «faire présent de∞ et il vaut mieux penser à une initiative du roi d'Émar lui-
même qui avait volontairement envoyé ses filles à celui qui menaçait sa ville, avec ce qu'il faut donc con
16. Plusieurs NP sont à revoir: l. 3, n'y a-t-il pas zu-hal*-ma*, l. 4: ma-ti*-∂kur, l. 5, ir*-ip*-
∂IM? et l. 8: dumu ir*-ip* ? l. 6, il y a peut-être simplement ad-da*.
17. Kinattªtu ßa dårâti, Raphael Kutscher Memorial Volume, 1993, n. 6, p. 176, avec photo (inutilisable!), pl
ate VII.
18. A. Skaist, «The Chronology of the Legal Texts from Emar∞, ZA 88, 1998, p. 61: «We are told in this te
xt that one Irib-
IfiKUR the son of Lalu delivered his four daughters, their jewelry, four thousand shekels of silver and four hundred s
hekels of gold to the king of the Hurrians. He thus obtained the release of the four daughters of the king of Emar and,
as the text tells us, he returned four thousand shekels of silver and four hundred shekels of gold to his city and to his
lord.∞
19. Cf. Adamthwaite, Late Hittite Emar, ANES Supl. 8, p. 267: «The king of the Hurrian territory had attac
ked Emar and taken as hostages four daughters of the Emarite king (l. 14) plus amounts of silver and gold as booty. I
r'ib-
Ba'al, a palace official, pays as a ransom several items of real estate, the equivalent amount of silver and gold, and hi
s own four daughters (l. 9-
13). For his generosity in helping the local king he is rewarded in perpetuity with the offices of ßanga-
priest, superintendent of the Nergal temple, and official gravedigger.∞
20. Op. cit. p. 266-267.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
6
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
sidérer comme la dot
21
des princesses. On remarquera que les sommes en or et en argent sont multiples d
e 4, donc fonction du nombre des princesses. L'affaire ne serait en rien étonnante, car parallèle avec ce q
ui se passe à l'époque d'Assurbanipal
22
où à plusieurs reprises on voit un prince occidental devant l'ava
nce des troupes assyriennes envoyer à celui dont il reconnaît la suprématie sa, ou ses filles, avec une dot
(nudunnû), pour accomplir à son service l'office de munus-
AGRIG
23
, ou les filles des frères, ainsi éventuellement que le prince héritier comme serviteur
24
. En fait,
l'am-
bassadeur émariote dut être assez habile pour que le roi hourrite renvoie les princesses et leurs dots, sans
doute en gardant un peu de ces dernières
25
. Dans les Annales d'Assurbanipal, s'il n'est pas fait mention
du renvoi des filles, on indique en revanche celui du prince héritier envoyé comme serviteur, avec ses sœ
urs; l'acte est alors attribué à la «compassion∞ qu'éprouve le monarque victorieux.
Il est intéressant de voir cette pratique qui consiste à offrir les femmes de sa cour au vainqueur r
emon-
ter au milieu du II
e
millénaire. Cela doit être considéré, en fait, désormais comme une constante des mœu
rs syriennes. L'exemple d'Émar fait en effet le lien avec la pratique d'époque amorrite qui voulait que le
vainqueur mît la main sur le harem du vaincu
26
, ce qui est documenté pour ceux de Yahdun-
Lîm et de Yasmah-Addu, et sans doute pour celui de Samsî-
Addu, si les «femmes de Kahat∞ étaient bien originaires de son harem
27
, ainsi que pour les harems du N
ord, au moment de la prise d'Aßlakkâ. La tentative d'Absalon que raconte la Bible
28
n'était donc que l'é
21. Le sens de nûpî est à dériver de son équivalent lexical [ß]u-ku-ut-
tu’, donné par Émar 553: 93', comme l'a bien vu Seminara, RSO 71, 1977, p. 16-
18. Pour ce sens de ßukuttum désignant les bijoux personnels d'une femme, constituant partie de sa dot, cf. LAPO 18,
p. 213, 342; le terme désigne aussi le «trésor du temple∞, LAPO 16, p. 231, 232 et se trouve couramment employé
avec ce sens dans les textes du Moyen-Euphrate. Le terme nu-pí lui-même se retrouve dans les NP, tel nu-pí-
∂kur, ex. gr. Tsukimoto ASJ 13, 1991, n°43: 9, qui doit être un équivalent des NP en «Niditti-NDiv.∞.
Le terme émariote nûpu n'est certainement pas à séparer du substantif féminin nûptu commun dans l'akkad
ien du premier millénaire pour désigner un «additional payment∞, selon CAD N/2, p. 343. Cependant nûptu est bien
attesté pour désigner des présents en serviteurs: une jeune fille, selon CT 22 201: 13, et 5 Assyriens prisonniers ren
dus à leur roi, selon ABL 1117 = SAA 18 147: 11 (cf. CAD N/2 cit.). En outre, nûptum + NDiv. se trouve dans l'ono
mastique akkadienne du I
er
millénaire. Le terme signifiait donc certainement, à l'origine, «cadeau pour s'attirer les b
onnes grâces de qqu'un∞.
Pour ce qui concerne son étymologie, le mieux n'est-
il pas de le rapprocher de l'arabe nåfa qui signifie «être en excédent, dépasser son entourage∞, avec comme valeur d
érivée dans le substantif nayf, «ce qui est en excédent, faveur, bienfait∞ (Kazimirsky, DAF II, p. 1369)? L'emploi d
e nûpu «largesse∞ dans le vocabulaire du mariage émariote entre dans une série akkadienne bien connue, biblum, du
mmaqû, nudunnû, qui est fonction d'usages dialectaux ou régionaux.
22. Ces parallèles m'ont été obligeamment rappelés par L. Marti. Les exemples de cette pratique sont réunis
sous la rubrique abrakkûtu de CAD (A/1, p. 61b-62a): Streck Asb. 16 ii 57 (Ba'lu de Tyr), 18 ii 66 (Yakîn-
lû d'Arwad), 71 (Mugallu du Tabal) et 79 (Sandaßarme de Hilakku), 24 iii 22 (Walli, le Manéen); l'idée du concubi
nage avait été bien vue par Klauber, Assyrisches Beamtentum, p. 81-
82, et Streck, Asb., p. 16, n. w; en opposition, Piepkorn Asb., p. 43, n. 33 avait cru que «the idea of concubinage [w
as] certainly not an essential part of the concept∞; la comparaison avec I Sam. VIII 13 «vos filles, il les prendra co
mme parfumeuses, cuisinières, boulangères∞ n'a pas exactement la même tonalité, car il ne s'agit là que des services
ou corvées que va faire peser sur un peuple jusque là libre l'instauration de l'autorité tyrannique.
23. Un texte lit explicitement ab-rak-ku-tú, montrant que l'idéogramme était bien compris munus-
agrig par les scribes d'Assurbanipal. L'usage d'un tel titre est cependant étrange et je me demande s'il ne faut pas le
considérer comme la réinterprétation d'une graphie originaire figée fiI-UM-Ú-
tu, cachant ßi'ûtu, «statut d'épouse secondaire∞. Ce dernier terme existe bien d'ailleurs, mais a été enregistré comm
e signifiant «friendship, neighborly relation∞ par CAD fi/3, p. 147b. En fait «voisine∞ n'est qu'un euphémisme qui
s'explique par le fait que seule la femme légitime devrait résider à la maison de l'époux, non les ße'îtum. Pour toutes
ces questions, au moins en Syrie, cf. la réédition de A.4471, LAPO 18, p. 175.
24. Cf à propos de Ba'lu de Tyr, Streck, Asb 16: 56: dumu-mí Ωi-it lìb-bi-ßu ù dumu-mí-meß ßeß-meß-
ßu = «sa propre fille et ses nièces∞; ibid., 58-62, à propos de Yahi-milki «ana epêß ardûti∞.
25. Dans la mesure où la photo de mon exemplaire de Kinattªti… est exploitable, je crois lire l. 15, 2 me. Il f
audrait collationner ce passage.
26. Cf. N. Ziegler, «Le harem du vaincu∞, RA 93, 1999, p. 1-26.
27. Pour cette affaire, cf. LAPO 18, p. 267.
28. II Sam. XVI 21-22.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
7
cho d'une pratique générale: tout au long du second millénaire, le vain-
queur a eu droit sur les femmes du vaincu.
Je traduirais donc de la sorte la partie historique du texte, l. 9-35:
«En effet, ses quatre filles, avec leurs présents (l. 10: nu-
pí
), quatre mille (sicles) d'argent, quatre cents (sicles) d'or, (le roi d'Émar) avait donné en cadeau au roi
du pays hourrite; alors Ir'ib-
Ba'al, fils de Lâla, avait donné satisfaction au roi du pays hourrite sur (= aux frais du) Palais; or, les quat
re¿ filles du roi (d'Émar), les quatre¿ mille (sicles) d'argent, les quatre¿ cents (sicles) d'or, il a ramené (l.
16: ut-te-er-
ma*…) à sa ville (et) à son seigneur. Alors, il s'est donné du mal concernant¡¿
29
les otages de sa ville et
de son seigneur. En échange du mal qu'il s'était donné concernant les otages de sa ville et de son seigneu
r, le roi et la ville d'Émar l'ont nommé à la charge d'administrateur (ßangû) du temple de Nergal du marc
hé et d'intendant, (lui) son fils, son petit-fils, sa des-
cendance. Pour tout le temps il (en) est l'administrateur et l'intendant de Nergal.
À aucun moment, personne d'autre ne l'éloignera du temple de Nergal ni de la charge de fossoy
eur. Celui qui l'en éloignera, que Dagan, Ninurta, Nergal détruisent son nom et sa race! Qu'il érige une st
èle funéraire pour sa maisonnée!∞
(b) Le début du texte édité par M. Sigrist pose cependant problème: quel lien existe-t-
il entre le champ qui est mentionné dans ce début et le rappel que celui qui fut promu administrateur de
Nergal le fut suite à un service rendu par lui à la communauté? Adamthwaite semble considérer que ces c
hamps sont donnés par Ir'ib-
Dagan, tout comme il donnerait ses propres filles et son or
30
. On ne voit pas, cependant, à qui il ferait pr
ésent des terres: ni le roi hourrite, ni celui d'Émar ne sont de bons candidats à recevoir ces largesses. On
ne saurait non plus imaginer que le territoire aurait servi à se procurer l'or et l'argent nécessaires: le prix
du ter-
rain serait fabuleux et, d'autre part, qui, restant anonyme, l'aurait versé? Comme l'interprétation des faits
et gestes d'Ir'ib-
Ba'al devant le roi hourrite est susceptible d'être fortement changée, il vaut mieux tenter une nouvelle int
erprétation du début du texte.
J'en proposerais la compréhension suivante:
«Aux jours de Li'mî-ßarrî
31
, fils d'Ir'ip-Ba'al: le champ-
siphum
32
, de 1 iku de long et de 1 iku de large à l'intérieur duquel il (Li'mî-ßarrî) avait exécuté (ir-ÁI-
ib) Raßap-ir'am.ßi, son épouse, — ces champs sont (désormais) la propriété d'Ir'ip-Ba'al, fils de Lâla
33
:
29. M. Sigrist a lu l. 16-17:… ma-na-ah-ta gal, li†-†i… L'original ne pourrait-il comporter ma-na-ah-
ta ßa*, li†-†i pour retrouver une expression parallèle aux l. 18-
19? Sinon, il faudra suppléer <ßa> au début de la l. 17. Je n'ai pas traduit GAL le corrigeant implicitement en fiA.
30. Cf. op. cit., p. 267: «Ir'ib-
Ba'al, a palace official, pays as a ransom several items of real estate, the equivalent amount of silver and gold, and hi
s own four daughters…∞
31. En lisant très probablement la l. 1 i-na u’*-ma¡*-ti ßa li-<me>*-lugal.
32. Ce champ siphu est encore à expliquer, quoique plusieurs exemples existent: a) Émar 142: 1: un champ
siphu i-na qa-aΩ-
ri (les dimensions sembleraient très faibles et doivent être corrigées d'ammatum en iku) est vendu; bien royal; b) É
mar 194: 1, 22 un champ siphu est vendu (tablette scellée des sceaux royaux de Carkémish et d'Émar et du dieu; c)
Émar 198: 5 (très lacunaire); d) ASJ 14, 1992, p. 311: 1: un champ siphu, à Rabbân, propriété du roi; e) CM 13, 15
: 7: un individu possède une part sur une peupleraie siphu (ha-la-ßu, ßa giß-tir sí-ip-hi).
Le terme a été enregistré par Pentiuc, HSS 49, 2001, p. 163, sous le lemme Ωí-ip-
hi, «a flat surface∞, ce qui est peu satisfaisant, car on remarque qu'un terrain est en pente, non qu'il est plat. Son rap
prochement avec l'arabe ΩafaŸa n'est pas concluant; outre que le sens premier de ΩafaŸa n'est pas «to flatten∞, un t
erme comme ΩafŸu qui dénote «la pente d'une montagne la plus rapprochée de la plaine∞, indiquerait plutôt un cha
mp «en pente douce∞. Il me paraît plus signifiant de remarquer que le terme de ZI-IB-hu-
um existe dès l'époque de Mari pour désigner un terroir du Habur, selon ARMT XXVII 3, comme me le rappelle obli
geamment H. Reculeau. Aux l. 10-11, il entre en opposition avec le champ ßi-ir-hu-
um, que l'on considère généralement comme une «terre sillonnée∞. ZiBhum ne peut désigner une jachère puisqu'il e
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
8
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
sa droite c'est le marché, sa gauche c'est le chemin, son arrière c'est la route (à la chapelle) de
Wadha de la ville de Tûß, son devant Dagan des labours.∞
—
Le texte est difficile. Un verbe raΩâpu est certes couramment utilisé à Émar pour noter, non pas des activ
ités de construction, mais de restauration
34
. Cela ne me semble pas convenir à un champ où manifeste-
ment il n'y avait pas d'habitation. La traduction de M. Sigrist
«and Nergal-ir'am-ßi, his wife, in the midst of the fields has erected a building∞,
ne me paraît donc nullement s'imposer, d'autant plus qu'il n'est pas courant que de tels travaux soient le
fait de l'épouse, ici la reine d'Émar. Même si ma solution est brutale, je préfère retrouver ici le verbe ras
âbu (i) cou-
ramment employé pour dire que l'on massacre des gens et qui est tout particulièrement employé dans les
st question d'y opérer une récolte. Il ne peut s'agir d'autre part d'une terre «ensemencée à la volée∞ comme le prop
ose M. Birot, car l'épithète serait beaucoup plus documentée.
En revanche, on peut garder de la traduction de M. Birot l'idée qu'il s'agit d'une façon de mettre en valeur
la terre: (a) le qaΩru d'Émar représente l'orthographe occidentale du kaΩrum akkadien (qaΩru = «château∞ [D. A.] e
st un emprunt au latin castra!); kuΩΩurum se dit d'un champ d'après VAS 7 32: 14 (1 champ) nam-uru’-lá-ßè, a-
na mu 3-kam, íb-ta-è-a, aß-ßum a-ßà ku-Ωú-ru, i-na 1,0.0 gú 0,0.2 i-ni-ta, i-ha-ra-
aΩ = «il a loué le champ pour 3 ans aux fins de cultures; vu que le champ a été “consolidé", il pourra déduire l'inîtu
m (au pro rata de) 20 litres par gur de loyer.∞ Il s'agit de reconnaître à l'exploitant-
locataire le coût des travaux de consolidation de la berge d'un terrain menacé par le cours d'eau (cf. l. 2: á-
gar [= a.gàr] mi-iΩ-
rù); le qaΩru devait donc être à Émar un lieu protégé par une digue; (b) la mention de la «peupleraie du ZiBhum∞
montre qu'il représente en fait un lieu qui définit la situation du bosquet.
Un passage du Lugal-e est en parallèle avec l'expression de Mari: Lugal-
e VIII 17 = Van Dijk 364 dit: kur-kur-re ab-sín-na nu-gub-bu ße bir-a i-im-
ak = «dans le pays il n'y a plus de champs sillonnés; on fait du grain de-ci de-
là [m. à m. “dans l'éparpillement"]∞; l'akkadien dit en effet: ina mâtâti ß™r'i ûl ßuzzuzat-ma ß™'im si-ip-hu-um-
(ma) inneppuß [pace Civil dont on verra la traduction du passage dans The Farmer's Instructions, AuOr Supl. 1, p. 8
9, ad l. 72; en fait, le contexte des Instructions n'est pas le même]. Cette notation suit la description du système nor
mal d'irrigation des champs sillonnés, les mêreßtum = aßaÌ-zi-
da, où l'eau descend de ce que Mari appelle un râkibum et le texte sumérien un e-aÌ, c'est-à-dire un i-ku ßá-pa-
ku, un «canal obtenu par lever de terre∞. Le siphum décrit donc des cultures éparpillées, certainement en fonction de
s différents points d'accès à l'eau, par opposition au ßir'um qui représente le terroir constitué par le corps principal d
es champs labourés et qui est organisé en fonction du système d'irrigation. Mari documente très bien, à côté des terre
s de plein rapport, les endroits (en général inondables et très menacés par le fleuve) où l'on tente d'obtenir un surplus
de grain. Dans ARMT XXVII 3, le gouverneur envisage ainsi la récolte sur les terres-
ßir‘um qui devaient bénéficier du système d'irrigation et celle des terrains discontinus disséminés le long du fleuve.
À Émar, on devrait donc considérer qu'un champ siphum se trouvait hors du système défini par les bâbum;
ce devait être un terrain près du fleuve mal protégé contre les risques d'inondation, alors que les terres irriguées par
les bâbum devaient l'être davantage et sans doute en retrait par rapport à la crue. On imagine ainsi le champ siphum
du texte de Sigrist n°6 comme un terrain séparant le marché de la grève, laquelle devait être longée par le chemin de
Wadha de Tûß.
33. D'une façon extrêmement étonnante R. Pruzsinszky, «Evidence for the short Chronology in Mesopotami
a∞, dans H. Hunger et R. Pruzsinszky (éd.), Mesopotamian Dark Age revisited, Vienne, 2004, p. 47 semble considér
er qu'il s'agit du père de Li'mî-ßarrî. Mais comment cela serait-
il possible, à moins de supposer contre toute vraisemblance que Li'mî-
ßarrî n'est pas roi dans ce texte, mais à qui d'autre renvoie le lugal de la l. 14? C'est là l'argument essentiel car l'expr
ession ina umâti ßa en référence à un personnage ne suffit pas à en faire un roi puisque l'expression est utilisée en réf
érence aux «hazannu∞ d'Ekalte.
34. On connaît aussi le substantif riΩpu qui désigne une compensation en argent pour des travaux à faire. C'e
st un cas net dans le texte d'échange de maisons (é-
tu’) édité par Tsukimoto, ASJ 12, 1990, p. 187, n°6: 22, où après la description du finage de la seconde est ajoutée la
mention 6 gín kás*-pu ri-iΩ-pu (cf. photo, ibidem); de même dans Arnaud, Émar 91: 12, trouve-t-
on, à propos d'une part d'héritage: «Item, je donne à NP, mon fils, la maison (é-
tu’) qui se trouve…; ses frères devront la lui remettre en état (lirΩipûnißßu) mais, s'ils ne le font pas, il faudra qu'ils l
ui donnent le coût de la restauration de cette maison (lu-ú ri-Ωi-ip é an-ni-[ti], [li-di-nu-n]i-iß-
ßú). Un cas contraire est présenté par Tsukimoto, ASJ 12, 1990, p. 189, n° 7, où à propos d'une maison et de son ann
exe (hablu) il est précisé qu'elles n'ont pas été restaurées mais que cela ne prêtera pas à contestation (l. 4-5: (ki-
ma é-tu’ ù é ha-ab]-lu* nu ud-du-ßu-ma, [ma-am-ma la-a ir-ta]-na*-gu-
um; cf. photo). Tous ces contextes semblent très différents de celui du présent texte.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
9
textes de divination pour indiquer le meurtre d'une personne. Il a pu y avoir un drame dans la famille roy
ale d'Émar.
— D'un autre côté, ce début rappelle immédiatement le texte publié par D. A., TS 87:
«Aux jours de Li'[mî-ßarrî], fils d'Ir'ib-[Ba'al], Pilsu-Dagan, fils de [Dagan]-
malik, avait construit un temple à Raßap au bétyle: (Li'mî-
ßarrî) avait fait siéger les Anciens de la ville d'Émar et ils avaient écrit la tablette suivante: “À compter d
e ce jour, Pilsu-Dagan est le ßangû du temple de Raßap au bétyle: son fils, son petit-
fils pour leur postérité sont ßangû de Raßap
35
".∞
Dans le texte de Sigrist, on doit donc donner à celui qui est destiné à devenir un des croque-
morts d'Émar un champ où a été accompli un acte de sang pour y construire, selon le parallèle de TS 87,
un temple de Nergal.
Il est possible que ces «temples de Nergal∞ aient été compris plus ou moins comme des cimetiè
res. Le champ dont parle le texte de Sigrist est certainement en dehors de la ville: il est jouxté par le mar
ché et le fait que les conjurés de Émar VI/3 n°17 se soient réunis dans ce marché et y aient été attaqués p
ar «la ville d'Émar∞ indique un lieu suffisamment vaste pour servir à toutes sortes de réunions, ce que l'
espace urbain exigu devait plus difficilement permettre; il est également longé par des chemins dont l'un
conduit à une localité autre qu'Émar
36
.
—
Il est difficile, également, de comprendre ce que représente «Dagan + uru’∞; l'interprétation par un NP,
«Dagan-
ereß∞, comme le fait Sigrist, n'est pas dans les usages émariotes. On pourrait penser plutôt à une épithète
du dieu: «Dagan des cultures
37
∞. Rien ne nous dit où se trouvait le temple qui relevait de Pilsu-
Dagan, mais vu qu'il semble avoir comporté un bétyle
38
(na’ = ici, sans doute, sikkanu), il doit se trouve
r lui aussi hors la ville: les grandes processions semblent en effet documenter la présence de ces bétyles
aux portes de la ville, comme si leur réalité religieuse était un marqueur d'extra-
urbanéité
39
. L'absence de voisins semble indiquer en outre que le temple se trouvait dans une région isol
ée.
—
Dans TS 87, l'acte municipal est suivi normalement par des clauses de malédiction. Cependant, les l. 24-
25 n'y appartiennent pas, malgré la traduction de D. A., puisqu'elles ne comportent plus de forme précati
ve en l-
40
. Il faut dès lors comprendre qu'il s'agit d'une clause adventice au profit de Pilsu-
Dagan. Ce dernier pourra / aura à bâtir (ibanni) un bît mu-hu-ur-
ti. L'expression est nouvelle: je ne sais quelle relation pourrait être envisagée avec le KI.LAM = mahîru,
«marché∞, qui a un rapport de proximité avec un temple de Nergal selon le texte édité par M. Sigrist. U
n terme muhhurtu existe bien dans le vocabulaire des constructions mais il y signifie «orientation∞, ce q
ui ne convient pas ici. On en vient donc à penser à un autre substantif qui a, certainement, à voir avec les
activités liturgiques du nouveau «prêtre∞. Il pourrait s'agir de l'équivalent du muhru, réalité des villes n
éobabyloniennes, comprise comme une «street chapel marking the turning point of a processional circuit
35. Pour l'emploi de -ma dans l'état construit, comme à Mari, cf. ARMT XXVI 468: 2': aß-ßum-ma a-
lim‹, «au sujet de la ville∞ et, ibid., 23': a-na zi-im-ma esir ku-up-ri-im = «À cause du bitume…∞.
36. La situation géographique telle qu'on peut se la représenter invite à situer ce «marché∞ au pied de la fala
ise, à côté du fleuve. Le marché ne devait, de fait, pas être loin de l'endroit où déchargeaient les bateaux.
37. L. Feliu, The God Dagan in Bronze Age Syria, HANE 19, Leyde & Boston 2003, p. 252, remarque qu'il
s'agit d'un hapax, non corrigeable du fait de la photo. La figure de Dagan est à Émar en relation avec plusieurs épith
ètes qui se réfèrent nettement à des réalités agricoles.
38. Mais sikkanum a plutôt ici le sens de «stèle funéraire∞, attesté par la formule de malédiction courante à l
a même époque.
39. Cf. J.-
M. Durand, Le Culte des pierres et les monuments commémoratifs en Syrie amorrite, FM VIII, à paraître.
40. En cela je me sépare de l'interprétation de D. A. qui traduit: «et son temple, réplique (de celui) de Pilsu-
Dagan, il construira.∞ Une telle compréhension m'est opaque.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
10
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
∞, selon CAD M/2, p. 177. *Muhurtu en serait la forme féminine
41
. Comme il appert qu'Émar avait plus
ieurs temples de Nergal, la muhurtu aurait pu être un des endroits susceptibles d'accueillir la représentati
on divine, lors d'une de ces processions que les grands rituels documentent par ailleurs. Mais une structu
re d'accueil des morts n'est pas exclue.
— Les deux textes qui disent explicitemment «aux jours de Li'mî-
ßarrî∞ et la finale du texte de Sigrist qui associe explicitement Li'mî-
ßarrî à la ville d'Émar montrent à l'évidence que ce Li'mî-ßarrî a bien été un roi d'Émar
42
.
1.2.2. L'affaire des «trois∞ coupes d'or
Le texte Émar VI/3 n°42
43
a une apparence particulière: il se présente en effet avec ce qu'on ap
pelle une «forme en savonnette∞. C'est en particulier la marque de tablettes scolaires ou d'exercices. Édi
teur et commentateurs ont dû manifestement considérer que l'on avait là un de ces exemplaires où le scri
be recopiait les modèles qu'offraient les véritables ex-voto exposés dans le temple
44
.
Sur le modèle des textes analogues de Mari
45
, il faut se demander s'il y a bien là la copie de troi
s ex-
voto différents
46
, ou si l'on ne doit pas plutôt les tenir pour trois projets distincts proposés pour le même
événement par le scribe Aya-
mudammiq, parmi lesquels le roi d'Émar avait à choisir celui qui lui convien-
drait
47
. Un indice dans ce sens est à chercher dans ces «trente sicles d'or∞ que chacun des vases serait c
ensé peser.
En fait, la question devait consister à savoir si l'ex-
voto serait porté au crédit du roi qui le réalisait, à savoir Elli
48
, ou à celui du roi qui avait été bénéficiaire
de la faveur divine, à savoir Pilsu-Dagan, lequel, mani-
festement, n'avait pas eu le temps de le réaliser. Comme il est peu vraisemblable que le roi d'Émar se fût
montré ingrat après une alerte aussi chaude, il faudrait en tirer comme conclusion que la fin de Pilsu-
Dagan est rapidement advenue après la tentative de coup de main hourrite.
On devrait donc oublier l'idée que ces textes prouvent au moins deux attaques contre Émar de la
part des Hourrites. Ils mentionnent, en fait, la même.
Comme les textes de Mari analogues, les rédactions sont assez difficiles à comprendre. Outre qu
'il ne s'agissait que de rapides esquisses qui devaient indiquer grosso modo le remplissage des lignes et l
'exploita-
tion de l'espace, il faut aussi tenir compte du fait que ces textes devaient subir des transformations à au m
oins deux niveaux:
41. On pourrait naturellement postuler aussi un bît muhhurti = maison des offrandes, etc., avec un muhhurtu
variante féminine de muhhuru, «offrande∞.
42. C'était d'ailleurs ma conviction avant de prendre connaissance de l'excellent article de A. Skaist, «The
Chronology of the Legal Texts from Emar∞, ZA 88, 1998, part. p. 60 sq. auquel je me rallie totalement.
43. Copie dans Émar VI/1, pl. 58 s. n. 73112; le texte a pu être collationné à Alep.
44. Cf. le jugement de C. Zaccagnini, «Golden Cups Offered to the Gods at Emar∞, OrNS 59, 1990, p. 518:
«a school exercice drawn up by an inexpert pupil∞.
45. Pour cette problématique, cf. la note de D. Charpin, «Le rôle du roi dans la rédaction des inscriptions vot
ives∞, NABU 1997/93.
46. Ainsi Zaccagnini, op. cit., considère-t-
il que ces inscriptions étaient préparées «as chancery models for one or more dedications for possible reproduction o
n statues, slabs, or other objects∞.
47. C'est dans la mesure où ces textes ne sont qu'un projet que doivent d'ailleurs s'expliquer ce que l'on pre
nd pour des «fautes de scribe∞ et qui ne sont, en fait, que des «rédactions rapides∞.
48. Dans le cas où le roi vivant, Elli, accomplit la dévotion pour le roi défunt, Pilsu-
Dagan, on remarque que l'ex-
voto est réalisé pour le roi et le groupe familial royal. Il existe une solidarité religieuse du clan à laquelle participent
vivants et morts.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
11
—
il fallait, d'une part, «rendre anciens∞ les signes courants
49
; cette nécessité a failli occasionner à Émar
la naissance d'un prince nouveau «Bisu-
Dagan∞, du fait que par deux fois le signe B‡L [= BI+AM] a été raccourci en BI
50
; les signes lourds HU
R ou NAK sont plutôt mal venus. Le travail du scribe Aya-dâmiq
51
(-
mudammiq, D. A.) avait aussi consisté à choisir les notations, tout particulièrement les expressions idéog
rammatiques: a mu-un-na-ru versus in-na-an-
ba, mais l'emploi de GI pour noter Kfl relève plus de l'écriture des actes de la pratique que de l'usage de l
'akkadien standard.
—
Il fallait, en outre, transmuter l'expression vernaculaire en «bon akkadien∞. Au vu des particula-
rismes de Émar VI/3 n°42, ce dernier niveau n'avait pas été totalement effectué: on remarque l'usage de
pakkum = †êmum
52
, ou de taßßîtum, mots qui sont propres à l'Euphrate moyen ou au moins étrangers à l'
usage d'Akkad, ainsi que, sans doute, la forme ilemmin pour ulemmin (cf. plus bas). Sans doute les trois r
édactions avaient-elles été vite faites pour que le roi décide de celle qui lui conviendrait et l'ex-
voto final a-t-il dû comporter une inscription gravée à partir d'un texte plus soigné.
Pour ces trois versions du même événement, on se reportera de façon fort instructive aux trois v
er-
sions
53
des «deux sacoches d'argent pour Eßtar∞; D. Charpin a présenté dans son édition (ibid., p. 54) u
ne «version composite∞, mais il est certain que les trois versions présentaient en fait entre elles des varia
ntes au moins de graphies et de disposition des signes sur les lignes, lesquelles ne permettent pas de dire
que les versions A, B et C étaient ne varietur.
§1 µel-li, dumu píl-su-∂kur, lugal uru e-mar gal ta-ßi-t[im*], kù-gi 30 ki-lá-bi a-na ∂X, be-lí-
ßu a-na nam-ti-la, zi-ßu u ni-ße-ßu a mu-un-na-ru, ßu µ∂é-a-sigÌ dub-sar
(1) Elli, fils de Pilsu-
Dagan, roi de la ville d'Émar, un vase de dévotion
54
, en or; pesant 30 (sicles) à Ba'al, son seigneur, pour
sa vie propre et celle de sa famille, a voué.
Main d'Aya-dâmiq, scribe.
49. Sur au moins un document de Mari le scribe a noté une rédaction courante dans un coin du document écri
t tout entier en écriture archaïque; cet exemplaire doit être publié par D. Charpin.
50. Cette explication aurait de bons parallèles graphiques, mais la séquence /ls/ pouvait être effectivement ré
solue en /ss/; cf. Tsukimoto ASJ 12, 1990, n°1: 25 où est documentée la notation pí-sí-∂da-
gan, avec un bon commentaire, ibid., p. 180.
51. Pour la lecture en -
dâmiq, cf. Beckman (qui lit «damiq∞), Texts from the Vicinity of Emar, p. 5 ad RE 2, n. 4a. La documentation mario
te lui donne raison en ne connaissant que des occurrences comme 'à-a-da-mì-iq (inédit T.162).
52. Le texte iq-ri ∂X HU-GI ßa ßà-ßu a été compris par D. A. ig-re-
ti mußen gi = «des auspices sûrs qui lui convenaient∞ et il commentait, ibid., n. 13: «Toute la ligne est d'interprétat
ion conjecturale. Je vois, faute de mieux, dans le premier mot une forme aberrante d'egirru.∞ Mais cette interprétati
on faute de mieux a été généralement reprise. On appréciera le commentaire d'Adamthwaite: op. cit. p. 263-
264: «Clearly… this is a variation of egirrû "oracular utterance". The following logogram denotes the familiar bird-
oracle, as for example known at Mari, e.g. in the “dream of Ayala".∞ Ma propre interprétation de la RA 83, 1989, p.
184 (ti-iß-gi) doit être abandonnée car si TI pourrait être défendu au lieu de ∂X, Ifi est totalement à exclure.
Comment igrêti pourrait-il être une forme de igerrû? Pourquoi HU et non mußen hur-ri ou mußen-
há (les seules formes à exister à ma connaissance), GI au lieu du GI.NA toujours attesté, et surtout que seraient ces «
ikribu d'oiseaux∞, totalement inattestés? Zaccagnini a lu ik-ri-bi’ el/ilÌ-
qè, ce qui n'attente plus au bon sens grammatical ou lexical, mais ignore la graphie très claire d'un signe HU, bien in
dividualisé dans cette ligne.
53. Cf. D. Charpin, «Inscriptions votives d'époque assyrienne∞, MARI 3, 1984, spéc. le n°5, p. 53-55.
54. Le texte ne comporte pas le gal ta-ßi-i[a-
ta] qu'indique la transcription de D. Arnaud, attesté par les exemples des rituels; cf. E.J. Pentiuc, West Semitic Voca
bulary in the Akkadian Textes from Emar, HSS 49, 2001, p. 178. En fait, le texte porte ta-ßi-
ti[m*]. D. Fleming a donc raison de considérer les formes en ta-ßi-a-
ti comme des pluriels. Le mot de base devrait être posé comme taßßîtu, sur naßûm.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
12
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
§2 µpíl-su-∂kur dumu ∂IM-ka-bar, lugal uru e-mar lugal erinÏ-meß kur hur¡*-ri, uru e-mar i°-la-
mi-in, ù µpí
55
-su-∂kur igi
ii
-ßu, a-na ∂X iß-ßi-ma
56
ù ∂X, iq-ri ∂*X* pak-kì ßa ßà-ßu, i-dì-na-ßu ù erinÏ-
meß hu-ra-du, ßa ßà-ßu u bàd-ßu téß-ba nak*-ra*-ßu, im-ha-aΩ ù uru e-mar ú-ba-li-i†, gal kù-gi 30 ki-lá-
bi a-na ∂X, be-lí-ßu a-na nam-ti-la zi-[ß]u, in-na-an-ba, ßu µ∂é-a-s[igÌ dub-sa]r
(2) Pilsu-Dagan, fils de Ba'al-
kabar, (étant) roi de la ville d'Émar, le roi des hordes hourrites a mal-
traité
57
la ville d'Émar. Alors Pi(l)su-
Dagan a levé les yeux
58
vers Ba'al et il a appelé Ba'al. Alors Ba'al lui a accordé le dessein de son cœur;
les troupes de soldats de son intérieur et de sa forteresse, de conserve, ont frappé son ennemi
59
et ont sau
vé la ville d'Émar de la mort. Un vase d'or, pesant 30 sicles, à Ba'al, son sei-
gneur, pour sa vie propre, il a donné.
Main de Aya-dâmiq, le scribe.
§3 µpí<l>-su-∂kur dumu ∂X-gal lugal [uru e-ma]r, gal 30 ki-lá-bi a-na ∂X b[e-lí-ßu], a-na nam-
ti-la zi-ßu i[n-na-an-ba], ßu µ∂é-a-sigÌ du[b-sar]
(3) Pi(l)su-Dagan, fils de Ba'al-
kabar, roi de la ville d'Émar, un vase pesant 30 sicles à Ba'al, son seigneur, pour sa vie propre, a donné.
Main d'Aya-dâmiq, le scribe.
1.2.3. La frontière avec les Hourrites à fiuma
Un épisode documenté dans un texte édité par Gary Beckman, Texts from the Vicinity of Emar,
RE 70: 28-29, mérite d'être reconsidéré.
Il s'agit apparemment de la vente banale d'une maison:
«Une demeure, peu ou prou, sur le chemin qui va au temple de Dagan des Jardins
60
(l. 1: …ßa
gi*-na-ti), 20 en coudées de long, 6 en coudées de large (l. ru-pu*-
ßu): sa droite c'est Zîya, sa gauche (l. 8 gùb*-ßu) Hinnu-Dagan, fils d'Iddi'-Ra, et Abî-Ra, fils de Zû-
Ba®la: son arrière c'est la falaise
61
, son devant le chemin:
demeure d'Ipqi-Dagan, fils de Hinnu-Dagan, d'auprès d'Ipqi-
Dagan, propriétaire de la maison, Zîya, fils de Per'i-Da, pour 250 sicles (2 me-at 5/6 ma-
na
62
) d'argent en prix total l'a acquise.∞
55. Pour cette graphie, cf. ci-dessus, n. 50.
56. Adamthwaite, op. cit., p. 262, lit ici i-Ωi-ma, ce qui m'échappe complètement.
57. Il m'apparaît aujourd'hui (cf. étude en cours) que la forme D dans les dialectes dits occidentaux, dès l'ép
oque de Mari, comportait un préfixe de conjugaison identique à celui de la forme G, et n'était pas vocalisé en u-
, comme en akkadien. Émar documente, d'ailleurs, une série de cas où une forme G est en fait à interpréter comme u
ne forme D. Ce n'est pas une faute, mais un dialectalisme. Pour cela, je n'hésite plus à considérer i-la-mi-
in comme occultant un /ulammin/.
58. Il n'y a pas de raison d'aller contre la graphie nette du texte igiii pour corriger, comme Zaccagnini, op. ci
t., p. 519, en qa¡-
ti¡ ou sag¡. S'il n'y a pas de parallèle à un tel emploi dans AHw ou CAD, c'est au pire parce que des exemples d'Éma
r d'époque moyenne n'y sont pas encore enregistrés.
59. L. 15, les deux signes sont effectivement mal venus, surtout le NAG, mais l'avant-
dernier signe n'est sûrement pas fiID = lík, comme celui qui le précède n'est pas IL.
60. Il n'existe pas de graphie «qí-na-
ti∞: tant dans l'édition de D. A. (AuOr Sup. 5: 29) que dans celle de Beckman (RE 70: 11) et donc dans le glossaire
de Pentiuc, p. 149, il convient de corriger la transcription ∂da-gan ßa qí-na-
ti; de même L. Feliu, Dagan, p. 244, n. 204 mentionne-t-il un qi-na-ti au lieu du clair GI-na-
ti que porte la copie de D. A. La graphie constante de l'expression au moyen de GI (il y en a d'ailleurs d'autres exem
ples inédits) conforte une lecture ginnâtu, «jardins∞, proposée par Tsukimoto WO 29, 1998, p. 189. C'est une indica
tion purement géographique: il s'agit du temple de Dagan qui est dans la région des jardins, non la preuve d'un rapp
ort spécifique entre Dagan et la notion de jardin.
61. Ce terme de hur-
sag est traduit par G. B. comme «mountain∞, ce qui ne convient pas au paysage. Par ce terme il faut comprendre, co
mme dans la région de Mari amorrite, qu'il s'agit de la falaise creusée par l'entaillement de l'Euphrate.
62. Il reste à expliquer pourquoi dans la séquence ma-na, le MA prend souvent une apparence de ZU.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
13
La suite du texte précise que la transaction date d'un moment où fiuma était sous contrôle hourr
ite. Les modalités de ce contrôle n'ont cependant pas été bien comprises: toutes les traductions, depuis c
elle de Beckman
63
, en passant par celle de Zaccagnini
64
, jusqu'à celle d'Adamthwaite
65
, rendent de faç
on erronée âla epêßu par «conquérir la ville∞, c'est-à-
dire comme une péripétie d'une guerre avec le Mitanni. Cela, sur la foi de ce que propose le CAD E, p. 2
02. Mais cette compréhension ne repose que sur des passages de Mari qui sont, tous, tra-
duits à contresens. Je comprends pour ma part les lignes incriminées
i-nu-ma lugal erinÏ-meß hur-ri /
uru
ßu-ma‹ i-pu-uß
«lorsque le roi des troupes hourrites eut fortifié la ville de fiumu.∞
L'expression, désormais très bien connue, signifiant «fortifier
66
∞, il faut en déduire que la ville
de fiumu servait d'avant-
poste aux Hourrites et marquait la limite de leur pénétration: cela n'indique pas obliga-
toirement une attaque mais une réorganisation de la frontière hourrite. Les textes hépatoscopiques connai
ssent d'ailleurs bien cette réalité lorsqu'ils prédisent que l'«ennemi fortifiera une ville de (m)a frontière
67
∞.
Où se trouvait cette ville de fiumu? Elle devait être assez importante pour comporter un temple a
u dieu de l'Orage dont la prêtresse avait un rôle à jouer dans les cérémonies religieuses d'Émar (cf. Émar
VI/3 n°369: 16 et n°385: 16); en outre, elle se trouvait certainement au bord de l'Euphrate d'après plus
ieurs textes:
— Émar VI/3 n°225: 7 parle d'un de ses vergers qui se trouvait tout au bord de la grève (giß-
kiri^-geßtin ßa ra-qa-ti);
—
le texte publié par Tsukimoto, ASJ 14, 1992, n°43 parle de champs qui se trouvaient au gué du méandre
68
de fiumu (l. 4: aß-ßum a-ßà-meß ßa na-'-ra-bi ßa ba-li-ti
uru
ßu-mi). Le même texte, l. 10-
11, précise qu'un champ avait un de ses côtés jouxtant une dépression et le gué du méandre de fiumu (sa
g 2-kam 1 hu-ur-ru
69
ù na-'-ra-bu, ßa ba-li-ti
uru
ßu-mi).
Le site de fiumu, ville d'importance, avec un temple, contrôlant un gué, sur un méandre, et vrais
em-
blablement en amont d'Émar (si les Hourrites, comme c'est probable, venaient du Nord), mais pas trop l
oin pour que sa fortification ait impressionné les contemporains, pourrait avoir été l'ancien Tell Qannas
70
, puisqu'il semble que le Tell Selenkahiye soit abandonné vers -1900
71
.
1.2.4. La lettre «la plus ancienne∞ d'Émar et un synchronisme avec la Babylonie cassite
63. «When the king of the hurrian troops conquered the town of fiuma.∞
64. Or NS 64, 1995, p. 107, n. 35: «when the king of the hurrian troops conquered the city of fiuma.∞
65. Op. cit., p. 267: «When the king of the hurrian troops, conquered the town of fiuma.∞
66. Cf. les références à l'expression dans LAPO 18, p. 550a.
67. Nakrum âl pa†i-
ia udannan; l'expression est très courante. Le phénomène est documenté dans la région du Suhûm par un texte com
me ARMT XXVI/1 156: 7-
9, au moment de la montée hostile des troupes d'Eßnunna; le texte met explicitement en relation le fait de «faire∞ (e
pêßum) un village et que ce dernier soit «fort∞ (dan).
68. Répétons que le pluriel de balîtum étant baliâtum (cf. BAH 139/1, p. 121, n. 75, LAPO 18, p. 545 s.n., etc
.), il n'y a nulle raison de continuer à le dériver de BLÎ.
69. Je me sépare de Tsukimoto qui a compris µhu-ur-ru et en fait apparemment un nom propre.
70. Le site est décrit comme disparaissant pratiquement au milieu du deuxième millénaire av. n. è. par A. Fin
et, «L'apport de Tell Kannas à l'histoire proche-orientale, de la fin du 4e millénaire à la moitié du 2e∞, Le Moyen-
Euphrate, p. 107-
115 et spéc. p. 114: «La ruine de Mari… ravale… le tell Kannâs au rang de pauvre bourgade dont les habitants tiren
t partie des vestiges utilisables… On y coule encore du cuivre; on y modèle et on y cuit de la céramique. Mais l'imp
ortance politique du site est perdue; sa valeur économique aussi.∞ C'était donc apparemment une prise facile pour d
es fugitifs qui cherchaient à s'établir dans la région.
71. Cf. la contribution de D.J.W. Meijer, «The Excavations at Tell Selenkahiye∞, Le Moyen-
Euphrate, Zone de contacts et d'échanges, Actes du Colloque de Strasbourg, TCRPOGA, 1977, p. 117-126.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
14
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
Une aide inattendue pour dater les textes d'Émar peut être apportée par le texte édité par D. A. c
omme Émar VI/3 n° 536; placé en dernier, il serait le plus ancien de tous ceux que l'on peut attribuer à c
e site. Sa datation comme «paléobabylonienne∞ (Émar VI/3, p. 493), cependant, ne repose pas sur des cr
itères nets, tant du point de vue linguistique que paléographique.
Pour qui tient la tablette en main, son apparence ressemble d'ailleurs beaucoup à celle des autres
documents d'Émar et ne présente pas les caractéristiques de ceux de l'époque de Mari, ni de ceux d'Ala-
lah ou d'Ébla approximativement contemporains ou qui les suivent de peu. Aucun trait dirimant d'un dial
ecte paléobabylonienne amorrite ne peut en fait y être distingué.
De la même façon, sa facture arrondie aussi large que haute —
ce dont la copie de D. A. (Émar VI/2, p. 680) avec ses extrémités rectangulaires ne rend pas compte —
la rattache plutôt au reste de la documentation épistolaire d'Émar d'époque moyenne et la mollesse de sa
grosse écriture n'a aucun point commun avec les autres documents syriens documentés par Mari.
Les caractères de son onomastique se retrouvent bien dans l'Émar d'époque récente, sauf l'étran
ge Ubakubuzuzu.
De ce texte je proposerais, aujourd'hui
72
, après collation, la lecture suivante:
[a-n]a ia-Ωí-∂da-gan be-lí-ia
2 qí- bí- ma
um-ma tu-kúl(GUL)-ti ìr-{X}-ka-<ma>
4 µú-pá-ku-bu-su-sú dumu ∂da-gan-ma-lik
lú uru la-√mi-la∫-ka-tu
6
iß-pu-ra-a-am um-ma ßu-ma
iß-tu ma-har µ*ka-aß*-ti*-l[i*-aß]
8 µka-i*-lu dumu ßu-∂*√su'en∫*
lú uru ia-at-ti-iu*√‹∫*
10
ù hu-nu-b[u] dumu […]
lú uru ki*-in-a-iu*[‹]
12
il-li-ku-nim*
Rev.
um-ma ßu-nu-ma
14 a-na mi-nim-mi ma-an-ha*-[li]-/ku*-nu
a-na ia-Ωí-∂da-gan / ìr-di*
16
ta-na-an-di-na-mi
i-na-an-na-mi ma-an-ha*-√lu∫*
18 lu-ú nu-ut-tu ku-nu-mi
sag-du bu-ul-li-†á-[mi]
20 ßa-ni-tam
73
sag-du ßa ka-i-li
22
√ù∫* ßa hu-nu-bi
pu-uh*-hí*(HÉ)-mi ù
Tr. 24 ra-ma-an-ßu-nu
hu-ul-li-i[q-m]i*
C. 26
√a∫-nu-ma i-ßa-tam i*-na*-dú*-nim*°
ma*-a* ti-i-di* i-na-ap-pí*-ih*
28 [a]q*-lu*-ú-ma* ka-la-a-ta-a
ak-ka-ar
Dis à YaΩi-Dagan, mon seigneur: ainsi parle Tukultî, ton serviteur.
Uppa-kubussûssu
a)
, fils de Dagan-malik, d'Âl-Lamilakatu, m'a informé, disant:
72. Une première tentative d'approche faite dans MARI 6, 1990, dans J.-M. Durand, «La Cité-
État d'Imâr∞, particulièrement aux p. 90-91, avait trop corrigé la copie de D. A. hors collation.
73. La l. 4 de la face s'avance sur le revers jusqu'ici!
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
15
«De chez Kaßtiliyaß, Kâ'ilu
b)
, fils de fiû-Sîn, d'Âl-Yattiyu, et Hunnubu, fils de…, d'Âl-
Kin'ayu, me sont arrivés, disant:
“Pourquoi
c)
, vos biens, les donnez-vous à YaΩi-
Dagan, mon serviteur? En fait, les biens
d)
nous sont (choses) communes
e)
! Donnez-
nous compte des capitaux!"
Autre chose: recherche les capitaux de Kâ'ilu et de Hunnubu et mets-y fin!∞
Voilà donc que les gens boutent le feu et, tu le sais, ce dernier est en train de prendre. Quand je
m'(y) serai brûlé, cela sera ta perte
f)
!
Je ne sais quoi faire
g)
!
a) Ce NP me paraît sans parallèle, mais de lecture sûre [un examen attentif me fait exclure une finale en «-
SI-E∞]. Vu que son père porte un nom de bonne frappe ouest-
sémitique, mieux vaut chercher à expliquer celui du fils dans le même registre linguistique. On pourrait ainsi isoler l
es segments ú-pá- et -ku-bu-su-sú. Le pre-
mier pourrait provenir du verbe wapûm, «apparaître∞ dont on ne recense pourtant à la forme D que des perman-
sifs dans les formulaires de vente médio-
assyriens74. Le second rappelle la mesure juridique bien connue d'abolition des dettes kubussû qui est typique des te
xtes de Suse d'époque ancienne. Il faudrait supposer l'existence d'un abstrait en -
ûtu pour expliquer le S∏ final. Tel quel, le NP pourrait-il être pour l'époque moyenne le correspondant de l'Uta-
mîßaram d'époque ancienne?
b) Lire Kâ'ilu, non *Pî-ili (D. A.); cf. les parallèles de Mari: ka-i-il-AN, M.7428 iv, ka-il-∂da-
gan M.6814 ii. Le NP est ici raccourci comme celui de l'expéditeur, Tukultî, qui renvoie à un Tukultî-NDiv.; cf. ci-
dessous.
c) Le discours rapporté est scandé par des -
mi, selon un schéma déjà attesté par des textes de l'époque de Mari (cf. tout particulièrement ARMT XXVI/1 140; X
XVI/2 303: 17' documente un -mi qui souligne un discours rapporté antéposé au verbum dicendi: a-na ar-ni-ka ar-
ni-mi ú-ul ta-qa-
bi = «Tu n'avoues pas ta faute∞ ( = «tu ne dis pas en ce qui concerne ta faute: “(C'est) ma faute"∞). Cela indique d
onc que le discours tenu par Kâ'ilu et Hunnubu se poursuit jusqu'à la l. 25.
On peut considérer que, l. 21-25, les deux «envoyés∞ parlent d'eux-
mêmes à la 3e personne, ce qui est une pratique désormais bien attestée pour l'Ouest, ou qu'il s'agit de la poursuite d
u discours de Kaßtiliyaß qui a fait porter son message par des personnes particulièrement concernées par ses griefs.
d) Un terme de manhalum est enregistré par CAD M/1, p. 211b avec le sens d'«entrée∞ (entering), d'après
un document inédit récent, où il s'agirait d'un aramaïsme. Ici, on pense plutôt à une formation sur nahâlum, «possé
der en propre∞. Manhalum désignerait une propriété patrimoniale, non acquise; cf. l. 18.
e) En m. à m. «sont assurément (une chose) nôtre-
vôtre∞. On a ici l'emploi du féminin pour noter le neutre, usage courant; cf. annîtum = «cela∞.
f) La difficulté de la fin de la lettre provient des idiotismes utilisés75. Manifestement, le «feu∞ représente
les querelles attisées par des personnes mal intentionnées. Il y a plusieurs images parallèles dans les textes de Mari, s
ans y correspondre exactement.
Kalâtâ a une longue finale que je comprends comme une exclamative (effet pausal), non comme une interr
ogative. Le verbe kalûm, employé absolument, a le sens de «finir∞; cf. CAD K, p. 102b.
g) Pour des raisons contextuelles, j'ai donc considéré que ak-ka-
ar était la forme IV de kârum «être dans un état dépressif∞. Une dérivation à partir de nakârum («je suis en guerre∞
, D. A.) ne me paraît bonne ni pour la forme (vocalisme!, usage de l'accompli!), ni pour le sens (contexte?). Il sembl
e que ce soit le commentaire final ajouté par l'expéditeur.
—
L'histoire qui est racontée dans cette lettre est assez facile à reconstruire: il s'agit d'une affaire commerc
iale. Pour tout comprendre, il faudrait néanmoins pouvoir mieux entrer dans un milieu humain qui, à tout
es époques de la Mésopotamie, s'est constitué une expression argotique très particulière.
J'interprète l'expression, non documentée ailleurs, qaqqadam bullu†um en fonction de l'usage fa
it à Mari de bullu†um dans le vocabulaire administratif et économique, «ventiler un compte
76
∞. Il s'agit
donc de se faire rendre des comptes pour des opérations conduites par Tukultî, sans doute au nom de YaΩ
74. À moins de supposer une forme G upa, au lieu de l'ipi récent qu'enregistre le CAD.
75. Disparaît de ce texte la mention des Sutéens.
76. Cf. MARI 3, p. 260-263.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
16
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
i-
Dagan. La seconde partie du message exprime en outre le désir que les deux messagers se retirent des op
érations: puhhûm a le sens de «fermer au moyen d'un sceau («seal away∞, CDA, p. 272a). Le verbe hul
luqum qui a surtout le sens de «ruiner∞ doit avoir ici celui d'«exclure des affaires courantes, ne plus do
nner crédit à qq'un∞. Le couple qaqqadam puhhûm / hulluqum pourrait donc signifier qu'on entérine le r
etrait de quelqu'un d'accords commerciaux.
—
Un aspect important de la nouvelle lecture du texte consiste à révéler l. 7 un nom à consonnance cassite
attesté aussi bien à Terqa qu'à Babylone. Le seul Terquéen de ce nom connu est considéré aujourd'hui co
mme un contemporain d'Abî-
êßuh
77
, trop haut dans le temps pour notre texte. Il faut donc considérer qu'il s'agit dans ce texte de Kaßti
liyas IV de Babylone, celui-là même qui fut vaincu par Tukultî-Ninurta I
er
.
–
Cela explique l'air de famille du texte avec les autres documents d'Émar et sa différence d'avec les docu
ments mariotes
78
.
– Il faut noter cependant que la lettre ne vient pas d'Émar mais d'une région à son aval.
—
Les gens dont il est fait mention dans le document paraissent avoir été également d'importance:
77. Voir A. H. Podany, The Land of Hana, CDL Press, 2002, p. 48: «this would make Kaßtiliaßu I a contem
porary of Abießuh (1711-
1684)∞, et , p. 43 sq. Cf. p. 44: «This suggests… that Kaßtiliyaßu was on the throne at the end of the eighteenth cent
ury or the beginning of the seventeenth and was a contemporary of Abießuh of Babylon (1711-1684)∞.
78. La dissimilation de la séquence -dd- en -nd-
(cf. l. 16) est cependant déjà attestée sporadiquement à l'époque de Mari.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
17
(photo)
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
18
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
– Uppa-
kubussûssu qui sert de relai à l'information devrait être lui aussi un prince, voire un chef de marchands, e
n bons termes avec YaΩi-
Dagan, mais susceptible d'être étroitement sollicité par Kaßtiliyaßu. Les deux messagers qu'il voit arriver
à lui sont originaires de lieux inconnus des documentations du III
e
millénaire (Ébla) ou du début du II
e
(
Mari). Ces formations en Âl plus gentilices devaient désigner des réalités ethniques du Moyen-
Euphrate, tribus installées en ces lieux bien postérieurement à la chute de Mari
79
. Seuls des textes origin
aires de Terqa ou de Tuttul devraient permettre de documenter plus avant ces ethniques.
– Il m'apparaît donc inévitable que ce YaΩi-Dagan soit le roi d'Émar, fils de Ba®al-
malik et père de Ba®al-kabar, à la famille de qui appartiennent les derniers rois de la dynastie, grand-
père de Zû-Aßtarti et arrière grand-père de Pilsu-
Dagan et Elli
80
. Cela donne un ancrage historique approximatif, mais net, à YaΩi-
Dagan dans l'histoire du Proche-Orient d'époque moyenne.
–
Tukultî qui se dit explicitement «serviteur∞ de l'émariote doit être également un chef local, sis entre Up
pa-
kubussûssu et Émar, ou le représentant émariote en relation avec lui, mais on ne peut éviter de se demand
er s'il ne s'agit pas en fait du frère de YaΩi-
Dagan documenté par des listes de témoins comme RE 2: 25 tu-kúl ßeß-ßu, auquel correspond tu-kúl-ti-
∂da-gan ßeß-ßu dans RE 34: 30. Quand on regarde la copie de RE 34: 29, la lecture ia-Ωí-
∂gìr proposée par Beckman ne s'impose pas et on pourrait plutôt lire ia-Ωí-
∂kur¡ avec un signe KUR mal nettoyé, ce qui lui donne les apparences d'un GflR.
— Il est remarquable, en tout cas, que ce Kastiliyaßu du Moyen-
Euphrate considère le chef émariote comme un inférieur, non un égal (l. 15). Il doit s'agir d'un moment i
mmédiatement antérieur à l'affrontement entre Babylone et Aßßur (1235). Comme un texte d'Émar menti
onne le roi babylonien Meli-
ßiHU, nous aurions ainsi une bonne appréciation de la durée de temps de la dernière famille royale d'Ém
ar qu'il faudrait considérer comme contemporaine des princes cassites de Babylone, allant de Kaßtiliyaß I
V (1242-1235) à Meli-ßiHU (1188-1174).
En d'autres termes, les Hourrites de la fin d'Emar sont en fait de l'époque où s'était constitué un
Hanigalbat d'obédience assyrienne.
—
Assez remarquables sont les considérations finales, comme quoi il y a des gens qui ont intérêt à ce que la
paix soit altérée. Tukultî est net dans ses affirmations: il est déjà dans l'embarras mais il ne restera pas l
ongtemps seul dans ce cas. L'image à laquelle il recourt est celui d'un embrasement qui gagne peu à peu
jus-
qu'à devenir une conflagration générale. Cela doit faire allusion aux prodromes de la guerre entre Babylo
ne et l'Assyrie.
1.2.5. Les «Hourrites∞
La nouvelle fourchette chronologique proposée pour la dynastie d'Émar permet donc de reposer
le problème de ces Hourrites que les documents de l'Euphrate attestent. Ces textes s'étendent sur un cert
ain laps de temps. Or, ces rois hourrites ne portent jamais de nom ni ne sont en référence à un lieu.
— Si YaΩi-Dagan est contemporain de Kaßtiliyaß IV et qu'un dossier d'Émar mentionne Meli-
ßiHU, il faut en conclure que nous avons là à peu près la durée des archives d'Emar retrouvée dans des fo
uilles régulières, soit au maximum 69 ans.
79. Le choix a été fait ici de lire les ethniques Âl+nizbé. On ne peut exclure, cependant, que la séquence «lú
uru∞ ait formé une unité signifiant «chef de ville∞, à lire *ßa âlim, analogue aux sugâgum de l'époque mariote, suiv
is d'un ethnique.
80. Cf. Skaist, op. cit., p. 59.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
19
Zû-bahla, immédiatement antérieur à YaΩi-
Dagan, devrait donc être approximativement de la fin du règne de Salmanazar I
er
. C'est un moment où le
s Hittites affirment leur autorité sur Émar et c'est effectivement celle de l'empereur Hattusili III et du pri
nce Ini-Teßßub à Carkémish.
—
Le texte Sigrist n°6 montre que le roi d'Émar reconnaissait une suprématie hourrite et s'en consti-
tuait le vassal. Li'mî-
ßarrî n'a pu cependant être antérieur à la percée des Hittites vers l'Aßtata; le fait qu'un de ses fils est atte
sté comme témoin au moment où YaΩi-
Dagan est roi d'Émar montre, en outre, qu'il ne doit pas y avoir une très grande distance temporelle entre
ce dernier et lui, ni une rupture politique profonde comme A. Skaist l'a d'ailleurs postulé
81
. Dans RE 34
: 31, on trouve, en effet comme troisième témoin, donc très haut dans la hiérarchie, juste après le roi et s
on frère, un ì-lí-a-bi dumu li-mi-lugal.
Si YaΩi-Dagan est contemporain de Kaßtiliyas IV de Babylone, donc de Tukultî-
Ninurta I
er
d'Assyrie (1244-
1208), on trouve dans Sigrist n°6 des événements du règne de Salmanazar I (1274-
1245). En revanche, à la fin du règne d'Adad-nirari I (1307-
1275) pourrait être attribué le texte TS n°14 où il y a la mention, que sous Irib-Ba'al —
donc le père de Li'mî-ßarrî — l'on avait eu à payer une somme énorme à un «roi∞ non précisé:
«Lorsque pour le trésor royal, on réclama à la ville 30.000 sicles d'argent et 700 sicles d'or, on
vendit les kirΩîtu et les maisons pour argent et or et on donna l'argent et l'or au trésor du roi.∞
C'est là l'époque des derniers grands rois du Mitanni. Le texte Sigrist n°6 ne prouve pas que la
ville d'Émar ait été attaquée; le roi hourrite peut n'être que venu réclamer le tribut qui lui était dû et le ro
i d'Émar lui a offert ses quatre filles avec leur dot. En revanche, par la suite, comme dans l'affaire des tro
is coupes d'or, l'arrivée des Hourrites sur les rives de l'Euphrate doit représenter une tentative de repli su
r la rive droite après la perte des territoires à l'Est; l'installation des Hourrites à fiumu reflète ces tentativ
es d'installation. Ils ne sont plus que des «bandes∞.
—
Pour payer le tribut au suzerain, l'État avait vendu aux particuliers les terres sacrées, à savoir les terres d
e Ninurta: les particuliers avaient donc bien voulu acquitter leur quote-
part, mais en suscitant le démembrement du très gros patrimoine public, en possession du temple. Cela a
dû se caractériser par une sécularisation brutale de l'immobilier d'Émar. Et c'est à ce moment qu'il y a e
u un changement significatif dans le régime de la propriété émariote.
La dévotion extrême de Li'mî-
ßarrî à Raßap est marquée par les deux temples au dieu dont il instaure les franchises, le nom de son frère
qui porte celui de Raßap-ilî, selon TS 16: 34 et 17: 29, et enfin celui de son épouse Raßap-ir'am-
ßi, si mon interprétation des l. 4-5 du texte de Sigrist est bonne
82
.
81. Op. cit., p. 64.
82. Skaist, op. cit., p. 63, a bien vu que le «sceau de Ninurta∞ représente tout particulièrement celui de la dy
nastie d'Ir'ib-
Bahlu; il faut néanmoins aller plus loin et supposer que dans la première ligne, très diversement interprétée, le plus s
imple est de retrouver le nom émariote du dieu Ninurta, pas celui d'un «usurpateur∞, comme le pense D. A., ni une t
rès improbable «épithète ouest-sémitique∞, comme le propose Stephanie Dalley. Je le lirais donc ∂ra-ap-ßa da-
di dumu ∂da-gan: «X, le bien-
aîmé (= le favori) d'entre le(s) fils de Dagan∞. L'interprétation du théonyme reste incertaine: ou bien ∂ra-ap-
ßa n'est qu'une mé-écriture pour Raßap, ou bien il faut le lire (El-
)Rapßa et le comprendre «(Dieu de) la Vaste∞, Rapßa étant un Kenning à identifier, féminin de rapßum. Le fait que
∂nin-
urta entre dans des énumérations où se trouve ∂nergal, théonyme lu normalement Raßap, ferait préférer une lecture p
ar Rapßa. Ce que nous lisons mécaniquement «URTA∞ dans le théonyme sumérien est le signe IB dont la valeur UR
Afi signifie «Ciel∞ ou «Terre∞. Si l'idéogramme IB est bien attesté en Syrie comme le montre Mélanges Garelli, p.
135, avec la valeur «Ciel∞, il peut avoir acquis dans l'Ouest la valeur de «Terre+Ciel∞, soit «Univers∞. Malheure
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
20
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
Or, au point de vue archivistique, on remarque que les textes attribuables à la dynastie émariote
antérieure à celle de YaΩi-Dagan et définie par A. Skaist comme celle d'Ir'ib-
Bahlu, ne font pas normalement partie du «butin∞ des fouilles régulières, mais plutôt des «trouvailles∞
des clandestins puisqu'ils viennent du circuit des antiquaires. Ils devraient donc appartenir à une couche
archéologique différente que le fouilleur n'a pas pu atteindre et qui l'a été par les bulldozers des clandesti
ns. Il a donc dû se produire à ce niveau là un hiatus, apparemment bref, dans l'occupation de la ville, mai
s très net et qui accompagne d'une certaine façon le changement de dynastie. S'il y a eu une couche de d
estruction sous la fouille atteinte, le fouilleur ne l'a pas vue.
Une arrivée des Hittites à Émar censée s'être produite sous Suppiluliuma I
er
(Skaist) ou Mursili
II (D. A.) ne permettrait pas de comprendre l'attitude arrogante de Kaßtiliyaß IV envers YaΩi-
Dagan. La percée baby-
lonienne a dû, en revanche, se produire au moment où s'effondrait le Mitanni et n'a dû être que la part pr
ise par le grand État euphratique du Sud à la curée générale, concomitante du moment où les Assyriens c
onstituaient leur propre Hanigalbat.
1.2.6. L'attaque des «TARyu∞ contre Émar
On considère avec vraisemblance que les références aux Hourrites doivent être augmentées de d
eux allusions historiques qui, pour être énigmatiques, n'en ont pas moins la même tonalité. Il s'agit de ce
dont sont crédités les mystérieux TAR-yu, d'après différents textes
83
.
—
D. A. en a proposé une étymologie par l'arabe ÎRW (en fait ÎR'), «venir de loin, sans être attendu∞, et
en a tenté la traduction par «bandits∞. Mais, le lien entre «venir de loin∞ et «être un bandit∞ n'est pas o
bvie.
— Un autre essai d'explication est celui d'Adamthwaite (loc. cit. p. 271-
272) qui préfèrerait une abbréviation, ou une contraction, du hourrite tarßuwani, «humanité∞. Le sens (
«troupes des hommes∞) ne me paraît cependant pas facilement explicable et l'apparence du mot hourrite
déconcertante. Pourquoi les sémitophones d'Émar auraient-
ils appelé leurs ennemis par une expression allogène dont ces derniers n'usaient apparemment pas pour s
e désigner?
—
Une dernière proposition, celle de Pentuic
84
, est encore moins satisfaisante. Cet auteur pense y voir un t
erme hourrite apparenté à tarwißßa qui signifierait «juge∞. Ces gens seraient donc l'équivalent des Juges
bibliques. Ce n'est en fait qu'une bévue sur le AHw qui ne propose pas «Richter∞ comme traduction de
tarwißßa mais qui indique que, selon un texte de Nuzi, un juge envoie quelqu'un au tarwißßa. Ce terme in
diquerait donc plutôt une procédure, ce qui n'a aucun sens dans les exemples d'Émar.
Maintenant que les attestations chronologiques mettent le royaume d'Émar en concomitance ave
c la fin du Mitanni, il est extrêmement tentant de considérer que ces TAR-
yu représentent, d'une façon ou d'une autre, les «gens de Turira∞ dont KBo I 14 dénonce les coups de m
ain contre Carkémish à partir du Hanigalbat. Turira n'est certainement pas une capitale du Mitanni (J. Fr
eu, Histoire du Mitanni, Paris, 2003 p. 185), mais l'épisode ne fait qu'illustrer le reflux des Hourrites ver
s l'Ouest du Proche-Orient, à partir du règne de Salmanazar d'Assyrie.
usement, les textes de Mari ne nous disent pas quel était le dieu poliade d'Émar amorrite, quoiqu'ils nous parlent d'u
ne Ba®lta-mâtim qui devrait être la parèdre d'un Ba‘al-mâtim. Peut-être le Ba'al-mâtim n'est-
il qu'une autre façon de dire El-
Rapßa. Dans tous les cas, il est vraisemblable qu'il s'agit là d'une série d'épithètes qui ne sont que des façons locales
de désigner le «Dieu d'Alep∞, c'est-à-dire un Addu/Adad.
Le «Rapßum∞ que documente le NP Mut-
Rapßim de Mari est ambigu puisque la série qui le documente peut faire allusion aussi bien à un théonyme qu'à un to
ponyme.
83. Cf. un point sur la question par Adamthwaite, op. cit., p. 270-273, «Attacks by an Enigmatic Group.∞
84. HSS 49, p. 180.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
21
1.2.7. Le contexte de l'«occupation hittite∞ à Émar
Il faut remarquer que, malgré ce qui a été mainte fois répété par le fouilleur du tell Meskéné, nul
texte ne nous dit explicitement qu'Émar a été prise par les forces hittites. On ne parle jamais que d'Aßtat
a. Or, il s'agit d'une ville particulière, au nord d'Émar, qui a dû marquer à une époque la limite de la pén
étration mili-
taire hittite. Les traités entre Suppiluliuma et fiattiwaza, CTH 51 et 52, qui fixent la frontière appellent au
ssi «Aßtata∞, par contiguïté, tous les territoires qui se trouvaient au delà de cette forteresse; le principe e
n était que l'Euphrate était la limite entre les deux royaumes. Parmi l'énumération des cités fortifiées du
pays de Carkémish une ville comme Mazuwatti, sur la rive gauche puisqu'il s'agit très vraisemblablemen
t de Till Barsip, est très au nord d'Émar et l'on peut légitimement douter que fiipri ait à voir avec Sfiré. Q
uant aux cités d'Aßtata, situées sur la rive orientale qui sont dévolues à Piyaßßiliß, Ekalte,…, Ahuna [= A
hhuna
85
] et Terqa, il s'agit certainement d'un «droit moral∞ qui lui est alors reconnu à leur propos. Si, d
e fait, Ekalte (Munbâqa) a dû reconnaître l'influence hittite à un moment, il est très douteux qu'Ahuna où
l'on s'acorde à reconnaître la ville du Balih documentée par les textes de Mari, ait jamais vu l'ombre d'u
n Hittite, ni ait subi la puissance d'Émar. C'est pour cela qu'il ne faut pas hésiter à voir dans la Terqa du
même traité la grande Terqa de l'Eu-
phrate
86
. Le fait que Hattußili III reconnaisse Tuttul comme la frontière avec la Babylonie cassite de Kad
aßman-
Enlil II ne montre que l'évolution de la situation géopolitique et le réajustement local des prétentions ana
toliennes. Si les envoyés babyloniens sont pris en charge à cet endroit, cela doit indiquer que là était la fr
ontière entre les zones hittite et cassite. C'est une zone importante pour la division géo-
politique du Proche-
Orient. De plus, les trouvailles des fouilleurs de Tell Fray montrent que c'est surtout sur la rive gauche q
ue les Hittites sont présents
87
.
La première dynastie d'Émar qui nous est attestée par les archives du tell est manifestement d'o
bédience hourrite: les rois mitanniens qui y sont mentionnés doivent être Waßßaßata ou fiattuara II, conte
mporains d'Urhi-Teßßub et du début de Hattusili III; la seconde est nettement contemporaine d'une suze-
raineté hittite et des vice-rois de Carkémish, à partir d'Ini-
Teßßub. En revanche, elle a affaire non plus à des rois hourrites mais à des «bandes hourrites∞ et à des o
pérations limitées.
L'hiatus entre les deux dynasties émariotes a donc pu être causé par un dynaste cassite, en l'occ
urrence Kaßtiliyaß IV, juste avant l'accession de YaΩi-Dagan, lequel a peut-
être même été installé par lui, à en croire ses propos. Cette percée des Cassites n'a pu qu'être permise par
l'écroulement du royaume du Mitanni, au moment où les Assyriens installaient le royaume du Hanigalba
t. Le heurt ultérieur entre les deux grands États de l'Est a dû à la fois affranchir Émar de la pression baby
lonienne et la relivrer toute entière à l'influence hittite. L'affrontement entre Tukultî-
Ninurta I
er
et Kaßtiliyas IV ne pouvait être interprété par les Chroniqueurs babyloniens qu'en fonction de
la rivalité éternelle entre Aßßur et Babylone. II est vraisemblable, cependant, que les Assyriens en appela
nt Sh™h-
∑amad Dûr Igitlim ressentaient qu'il s'agissait là d'un poste frontière. Si ils n'ont pas poussé plus au sud
jusqu'à Terqa, qui est pourtant le débouché naturel du Habur sur l'Euphrate, c'est qu'ils en ont été empê
85. Cf. Amurru 3, p. 115, n. 20.
86. D. Charpin, que je remercie vivement, me fait les remarques suivantes: «Malgré M. Luciani, “On Assyri
an Frontiers and the Middle Euphrates", SAAB 13, 1999-2001, p. 87-
114, notamment p. 95, on notera que son argument selon lequel Tell Ashara aurait alors dû apparaître comme sír-
qa‹ ne tient plus, selon la proposition de lecture nouvelle de RA 96, p. 92. La Terqa de BATSH 4/1 2: 25 est donc bi
en Tell Ashara, comme l'a supposé E. Cancik, ibid., p. 103.∞
87. Cf. Amurru 3, p. 172, n. 339, où il est proposé que Tell Fray coïncide avec la ville de Hakkulân de l'époq
ue de Mari, centre amorrite très important de culte à Dagan; c'est là que semble alors avoir été, à proximité de Tuttu
l, la limite entre les zones d'Alep et de Mari.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
22
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
chés. Au moment où ceux qui occupaient la région de l'ancienne Mari ont entrepris de pousser jusqu'à É
mar, les Assyriens ont dû avoir l'impression d'être tournés et menacés dans leurs nouvelles conquêtes qu
i les avaient menés jusqu'à Euphrate supérieur. Il est évident que la percée de Salmanazar I
er
et de Tukult
î-Ninurta I
er
leur faisait recommencer l'ancienne poussée d'un Samsî-Addu vers le Zalmaqum et les met-
tait en présence de la puissance hittite, mais leur faisait négliger tout le Moyen-
Euphrate de Hît jusqu'à Tuttul et Émar devenait un enjeu décisif entre les deux impérialismes. Le meille
ur moyen de contre-
attaquer était donc d'envoyer l'armée contre la capitale de leur challenger babylonien.
La reconstitution que nous proposons peut être confortée, de façon inattendue, par l'identificatio
n faite par N. Pons et H. Gasche d'une poterie «cassite∞ du XIII
e
et de la première partie du XII
e
siècle,
sur le chantier E du tell Hariri
88
. Comme parallèles, ils ne proposent que «trois bases de vases-
gobelets méso-babylo-
niens trouvées à Terqa∞ (p. 288), mais trouvent que «dans le prolongement iraquien de la… vallée, la m
oisson [est] un peu plus abondante∞, ibid. On devrait donc être plus affirmatif que les deux auteurs à pro
pos d'une éventuelle occupation de Mari par les Cassites au XIII
e
siècle, avec des vestiges d'architecture.
Émar ne pouvait de fait ignorer la puissance hittite, dès son installation à Carkémish, mais elle a
dû rester une des dernières têtes de pont du Mitanni sur l'Euphrate, plus longtemps qu'on ne l'a supposé.
En tout cas, qu'elle ait constitué une province hittite reste à prouver, surtout si l'on date l'événement à p
artir de Suppiluliuma I
er
ou de Mursili II.
Il devient dès lors de plus en plus difficile d'admettre qu'il y ait eu sur son site création d'une vi
lle neuve, surtout en pensant qu'elle a été programmée par les conquérants, ce qui devrait de toute façon
être antérieur au commencement des archives. La découverte d'ailleurs par U. Finkbeiner sur le tell d'ab
ondants niveaux archéologiques antérieurs à la ville médio-
babylonienne est désormais là pour le prouver, si besoin en était.
1.2.8. Un prince hittite, porteur d'un nom sémitique?
Ce serait le cas, un peu étonnant, d'Imlik-
Dagan qui, dans Émar VI/3 n°211
89
, se voit crédité du titre de «fils du roi de Hatti∞ (trad. de D. A., Ém
ar VI/3, p. 223). Un examen attentif de la distribution des lignes d'écriture amène à en douter.
Sur les tablettes d'Émar, les sceaux sont entourés de lignes d'écriture qui les individualisent nett
e-
ment et le parti pris de l'édition de D. A. de n'avoir jamais tenu compte des empreintes (sceaux ou cachet
s!), qui étaient réservées pour une autre étude, est source de confusions.
Voici comment se présentent les sceaux de Émar VI/3 n°211.
(1) Juste au-dessus de la face, sur la tranche supérieure:
[igi µku-wa-la-na-l]ú* dumu lugal ßa ku[r hal]-
pa*. En aucun cas, on ne peut lire TI le signe qui apparaît en bout de ligne. Il a une structure de PA. D'o
ù la restauration hal-pa = Alep; cf. ci-dessus.
l. 1 (a) (1
re
photo) (2
e
photo)
88. Cf. leur article «Du cassite à Mari∞ dans Collectanea Orientalia, Histoire, Arts de l'espace et industrie
de la terre, Civilisations du Proche-Orient, Série 1, Archéologie et environnement 3, Neuchâtel, 1996, p. 287-298.
89. Photographie dans D. Beyer, OBO, Series Archaeologica, 20, 2001, pl. 24.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
23
«l. 24∞:
La fin du signe L]∏ doit être comparée
à la fin du signe LUGAL de dumu-lugal.
(2) Sur le revers
(a) [na’]-kißib µmu-ud-ri-∂IM
grand déroulement d'un sceau
(b) [Cachet¿ na’-kißib] µma-di-∂kur
(c) Sur le bas du rev., du côté droit:
na’-kißib µka-pí-∂kur
(Cachet)
(3) Tranche supérieure
(Cachet avec hiéroglyphes)
[na’-kißib bu-ra]-qu dumu ma-tù-ka
(4) Côté droit du revers, à partir du haut du revers
[na’-kißib hu]-si-rù
dumu µtu-te-/ia
(5) Côté gauche de la face, à partir du haut de la face
igi µim-lik-∂ku[r…]
(Cachet avec hiéroglyphes)
Pour obtenir la lecture de D. A., il faudrait donc poursuivre la lecture de (5) par (1), ce qui ne se
mble pas possible: il y aurait en effet un grand espace vide entre eux, alors qu'il existe manifestement en
(1) un signe devant le dumu-
lugal, qui convient bien à une fin de NA. Le plus simple est dès lors de retrouver là men-
tion de Kulana. Il faut lire à la l. 1: [a-na pa-ni µku]-wa*-la-na-[lú] dumu-
lugal. C'est lui qui, effectivement, est le grand personnage, fils du roi (cf. l. 1) et «grand des tablettes∞.
Cependant, il ne me semble pas que l'on puisse lire TI le signe qui apparaît en bout de ligne, pour obtenir
[hat]-ti, ni une fin de MIfi, pour obtenir [kar-ga-
mi]ß, pour lequel de toute façon la place manquerait. Ce Kuwalana-
ziti serait donc non pas de la famille royale de Hattußa, mais de celle d'Alep. Le NP se retrouve mentionn
é dans J. G. Westenholz, Cun. Inscr. in the Collections of the BLMJ, n°1: 1, a-na pa-ni µku-la-na-
lú dumu-
lugal. La forme du NP dans Émar 211 semble plus conforme à la prononciation hiéroglyphique.
Le prince Kuwalana-ziti doit être introduit dans la liste des officiels hittites d'Alep.
1.3. Considérations sur l'économie et la société d'Émar
1.3.1. L'administration des temples d'Émar
Des récompenses octroyées par le roi et la communauté pour services rendus ne sont pas inconn
ues à partir de l'époque cassite: on possède ainsi un document de même tonalité dans le kudurru de l'épo
que de Nabuchodonosor I
er
, King BS n°6, où Ritti-
Marduk est récompensé, pour fait d'armes contre l'ennemi élamite, par l'octroi de terres importantes affr
anchies de taxes; de même King BS n°8, de l'époque de Marduk-nâdin-ahhê, récompense-t-il Adad-
zêra-iqîßa pour services rendus lors de la guerre contre l'Assyrie.
L'intérêt principal des deux textes édités par D. A., Émar VI/3 n°17 et n°42 (cf. supra § 1.1. et 1
.2.2.), est de donner en outre des aperçus importants sur la gestion des temples syriens d'époque moyenn
e. Dans les deux cas, ces postes dans les temples: paßîßu
90
ou ßangû, ont été, en effet, trop vite traduits p
ar «prêtre∞. À l'époque de Mari, on voit que les temples devaient être riches et que leurs biens étaient d'
une sorte parti-
90. En fait, pâßißu, cf. J.-M. Durand, «La Religion de Mari à l'époque amorrite∞, (en cours).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
24
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
culière: leurs importants dépôts de matière précieuse sont appelés «biens réservés∞ (asakkum) —
ce qui n'empêchait nullement les rois amorrites de décider, grâce à une prise oraculaire, de leur utilisatio
n; d'un autre côté, l'organisation du culte mariote avec un wakil ßangî, responsable financier qui se porta
it éventuellement acquéreur de sa charge, montre que, sous contrôle étroit de l'administration monarchiq
ue, les temples de l'époque devaient être en fait gérés par des prébendiers qui ne pouvaient qu'assurer la
gestion des biens du sacrifice. On ne s'en rend pas bien compte à l'époque de Mari parce que les textes a
dministratifs à notre dispo-
sition émanent du seul Palais. À époque moyenne, la situation est évidente. Dans Émar VI/3 n°17, le fait
d'être paßîßu du temple de fialaß devait être suffi-
samment lucratif pour qu'y renoncer fût compensé par la somme énorme d'au moins un talent d'argent.
On peut imaginer de même qu'être prêtre de Nergal, dont le temple semble avoir jouxté la place du marc
hé, permettait d'avoir la jouissance de l'office de «croque-mort∞ d'Émar, c'est-à-
dire de s'assurer une partie des bénéfices que rapportaient les enterrements. Le statut de membre de l'org
anisation du temple (les soi-
disant «prêtres∞) lié à la perception de ces bénéfices semble en outre avoir été héréditaire.
L'éclairage nouveau porté sur l'organisation du culte par les documents mariotes et émariotes a
mène à se poser la question des mécanismes de la constitution d'une bourgeoisie d'affaires dans la région
euphra-
tique. À époque ancienne rien n'indique que le temple ait à sa disposition beaucoup de personnel, mis à p
art ceux qui sont chargés de l'organisation du culte (brasseurs ou meuniers), qui semblent, au moins pour
ceux que l'on connaît, des exécutants serviles
91
. On ne connaît pas non plus de propriétés foncières ratta
chées au temple: on ne voit bien que le domaine royal que le roi exploite directement ou redistribue, tem
porairement, à ses serviteurs, ou les grandes propriétés collectives des tribus gérées par leurs Anciens, su
r lesquelles des notables commencent à assurer leur emprise, plus (Yarîm-
Addu, VIII 11) ou moins (Asqûdum, XXVI 74) durable-
ment. De grandes fortunes privées existaient certainement alors puisque le roi y recourait pour l'affermag
e d'une partie des ressources de l'État (systèmes des «charrues∞) et que des «marchands∞ formaient de
s corporations autonomes, habitant des quartiers réservés, les kar.ta
92
, avec un recensement-
têbibtum propre.
À l'époque d'Émar, la situation a bien changé. Les terres appartiennent à un roi et au dieu de la
ville, dénommés aussi Palais et Anciens. Autour des temples, ont donc dû se constituer de puissants grou
pes qui se sont servis du bénéfice de leurs fructueuses activités pour acheter de plus en plus de terres et é
difier de vastes domaines sous couvert de la divinité. Pour ce qui est d'Émar, c'est le temple de Nin.urta
qui est le gros pro-
priétaire foncier, alors que nous ne savons rien des autres. On en est, cependant, à un moment de réaction
où ces vastes domaines sont aliénés pour des raisons de trésorerie (payer le tribut à un suzerain) et redist
ribués à d'autres propriétaires.
Le texte suivant, TS 86, a l'intérêt de montrer un aspect particulier de l'organisation du travail à
Émar en donnant une idée de la façon dont pouvaient s'édifier ces fortunes bourgeoises.
1.3.2. Les corporations des bords de l'Euphrate
Le texte TS 86, compris par D. A. comme une «confirmation de droits d'irrigation∞ a un sens et
une importance tout autres. J'en proposerais la relecture suivante:
iß-tu u’-mi [an-ni-i-im]
2
†up-pu ßa ßi-[ki-t]i ßa lú-meß ßu-i*-meß
ßa dumu-meß µ∂IM-ma-lik dumu qal-li
4
ßa lú-meß ßu-i*-meß-ti-ßu-nu
ih-li-iq-ma ù
91. C'est ce qu'indiquent les dons au temple de tels travailleurs effectués par le roi de Mari sur les prisonnier
s de guerre.
92. Cf. J.-M. Durand, «La population de Mari∞, MARI 5, 1987, p. 664-665.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
25
6 µ∂IM-gal dumu ia-Ωí-∂da-gan
lugal-ri uru e-mar‹
8
†up-pa an-ni-a-am
ßa ßi-ki-ti ßa
10 lú-meß ßu-i*-meß-ti-ßu-nu
iß-†ú-ur-ßu-nu-ti
12
ù iß-tu u’-mi an-ni-i-im
a-na dumu-meß ∂IM-ma-lik dumu qal-li
14 ma-am-ma-a-an aß-ßum ßi-ki-ti
ú-ul i-ba-qa-ar-ßu-nu-ti
16 ßa ur-ra-am
ße-ra-a-am
18 i-ba-qa-ar-ßu-[n]u-ti
2 m[e-a]t kù-babar-pa
20 a-na [∂IM-g]al
2 me-at [kù-baba]r-pa a-na uru
22 ì-l[á]-e
dumu-meß ha-ma-di
24 dumu-meß ib-ni-da
dumu-meß hé-e-mi
26 lú-meß ßu-i*-meß-tu’
ßa uru‹
28 µ∂IM-ma-lik ßi-ki-taÌ
a-na dumu-meß-ßu ù <dumu>-dumu-meß-ßu
30 iß-ki-ßu-nu-ti
i-na pí-i µ∂IM-gal
32
†up-pu an-nu ßa-†e’-er
(Témoins; malédictions.)
Soit:
(1) À compter de ce jour!
(2) La tablette portant sur la constitution de l'office de «barbier∞ du clan («des fils∞) de Ba‘al-
malik, fils de Qallu, concernant leur office de «barbier∞ s'étant perdue, alors Ba‘al-kabar, fils de YaΩi-
Dagan, roi d'Émar, la présente tablette portant sur l'institution de leur office de «barbier∞ il leur a rédig
ée.
(12) Donc, à compter de ce jour, envers le clan («les fils∞) de Ba'al-
malik, fils de Qallu, nul à propos de la constitution (de l'office de «barbier∞) ne fera contestation! Quico
nque un jour le ferait, deux cents unités d'argent à Ba‘al-
kabar, deux cents unités d'argent à la ville paiera!
(23) Le clan («les fils∞) de Hamadi, le clan («les fils∞) d'Ibni-
Da, le clan («les fils∞) de Hêmi (sont) les barbiers de la ville. Ba‘al-
malik une constitution pour ses fils et <petits>-fils leur a fait établir.
(31) Sur l'ordre de Ba'al-kabar cette tablette se trouve écrite.
(33) Par devant Ba‘al-kabar, fils de YaΩi-Dagan, le roi;
par devant Abdu, le scribe.
Qui jamais la présente tablette contestera, que Dagan et fiamaß sa race et son nom détruisent.
Sceau de Ba‘al-kabar.
Le fond de l'histoire est relativement simple: il s'agit d'une tablette perdue qui fait l'objet d'une
nouvelle rédaction, sous contrôle de l'autorité. En fait, elle concrétisait l'instauration
93
par le roi d'un pr
93. La graphie ßi-ki-
ti doit renvoyer à un ßikittu, terme dérivé de ßakânu, «installer à une fonction∞. Tel quel, il ne semble pas avoir été r
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
26
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
i-
vilège, celui d'exercer le métier de barbier. Il n'est pas sûr que cette gallâbûtu
94
ait été un office religieu
x, ou rattachée à des fonctions dans un temple. Seuls sont nommés comme autorités responsables le roi et
la ville. C'est à eux que doit être versée une amende sanctionnant une éventuelle contestation. Cela au m
oins dans l'état du texte, puisque l'on ne peut totalement exclure une lecture l. 20, a-na [∂nin-urt]a¿.
Ce privilège de «barbier∞ semble être le lot à Émar de quatre clans, chacun dénommé «fils de
NP∞, ce qui montre de façon intéressante les métiers être une affaire familiale. Il faudrait donc supposer
que leur exer-
cice n'était pas libre et l'on doit considérer que ce texte nous montre le processus de l'instauration de gui
ldes, par privilège royal. Cela est tout à fait comparable à l'octroi de la qualité de paßîßu ou de «croque-
mort∞ que documentent les deux textes précédents, quoique en l'occurrence nous ne sachions pas si c'ét
ait aussi pour «services rendus∞. Sans doute cela aurait-il été néanmoins rappelé en prologue.
La l. 30 reste d'interprétation délicate. S'il devient désormais très peu probable qu'il faille lire iß
-qí-ßu-nu-ti et que s'impose plutôt d'y retrouver une figure étymologique
95
ßi-ki-taÌ… iß-ki-ßu-nu-ti, l'in-
terprétation d'un /ißkin/ est à chercher. Une forme «ißkun∞ n'aurait aucun sens ici puisque ce serait au ro
i d'instaurer la ßikittu. Je pencherais donc pour une interprétation par ißkîn, hiphil de fiKN «il a fait insta
urer∞ (pour sa descendance).
NOTE: si les métiers à l'époque d'Émar ne sont pas «libres∞, mais sous contrôle de l'État, il devrait être pos-
sible d'en retrouver d'autres traces dans la documentation. Un cas différent est sans doute présenté par un texte com
me RE 79 qui n'énumère sans doute pas des GIfi.TUKUL (en référence à l'usage de l'idéogramme bien connu des te
xtes hittites), mais utilise plutôt le terme is-qú qui tiendrait lieu sur les bords de l'Euphrate du giß-ßub-
ba babylonien un événement identique96. Le texte parle en effet de né-
duÒ (portiers) et de zammâru «chanteurs∞. La première sorte de personnel doit être concernée par les trois premières
sections, la seconde par les sept autres97. L'ugula dont ils dépendent pourrait être rattaché à un temple, auquel il est
sans doute fait mention à la dernière ligne, l. 28, s'il faut y lire ß[a ∂ni]n-urta-ma¿.
2. UNE CORRESPONDANCE D'AFFAIRES AVEC BABYLONE
J.-M. D. & L. M.
Le groupe de documents publiés comme Recherches au pays d'Aßtata VI/3 (= Émar) n°23-
29 a été retrouvé dans la «maison A V∞. Certaines de ces tablettes (cf. photos) sont clairement des docu
ments de fac-
ture cassite et ont dû être écrits, loin d'Émar, en Babylonie: en témoigne leur écriture très penchée vers l
a gauche, un trait qui détonne totalement avec la grosse écriture locale carrée pratiquée à Émar. Il est cert
ain que fréquentaient cette maison des gens qui faisaient le voyage jusqu'en Centre-
Irak et qu'Alasâyu, le chef de famille — son nom semble avoir signifié «le Chypriote∞ —
, était un marchand dont l'épouse au nom hourrite Tataßße —
epéré par AHw et est difficile à individualiser dans les trois homonymes ßikittu enregistrés par CAD fi. Un sens de «d
écision par décret∞ (des dieux) serait attestée par YOS 11 23: 16. On remarquera néanmoins que l'expression ßâkinû
ßikitti dans le mythe d'Etana pourrait être rendu par «qui ont établi l'ordre du monde∞. Il faudrait, en tout cas, y ra
mener le terme ßikittu C «agreement∞ supposé une particularité du dialecte paléo-
assyrien, maintenant qu'il est attesté en dehors des textes littéraires.
94. On remarquera l'écriture constante lú-meß ßu-i-
meß. Il peut s'agir de l'ajout mécanique de meß comme marqueur idéogrammatique. Ainsi, ì-lá-e-
meß n'indique pas forcément un pluriel mais peut renvoyer à un sujet singulier. Cependant le pluralisant doit être sim
plement ici la marque du suffixe d'abstrait -ût-
, usage que connaît déjà Mari. Par ailleurs, plusieurs indices existent que le lú devant un nom de métier était réelleme
nt prononcé; cf. à Munbâqa 19: 26 lú-lì sà-ar-ra-ri. Une lecture amîlu-
gallabûtu ne me paraît pas du tout exclue. La spécification d'amîlu pourrait avoir son importance dans la mesure où i
l préciserait le statut de «bourgeois∞ ou d'«individu aisé∞ de celui qui a une occupation, ou dont on parle, etc.
95. Pour cette raison j'exclue une lectio facilior Ifi:Q‡ pour iqîß- «il a donné∞ ou une faute de copie.
96. D. Charpin me signale (en vieux-babylonien tardif, Sippar d'Ammi-Ωaduqa) i-si-iq gala-
tim, «prébende de kalûm∞ dans RA 82, 1988, p. 29.
97. L. 25 est mentionné µri-bi-∂kur dumu zu-ba-
la, ce qui pourrait être ramené à l'exemple de Émar VI/3 n
o
337: 5', où l'on trouve […]-ba-la lú za-ma-
rù, mais l'indice est encore ténu.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
27
alias Raimtu, sa version sémitique
98
, «Chérie∞ — habitait Émar à demeure. Sans doute Kidin-
Gula, aussi mentionné dans cette correspondance, était-
il un Babylonien susceptible également de voyager et d'être docu-
menté chez son collègue émariote. Il devait en être de même pour Erîba-
Marduk de Émar VI/3 n°27. Il est diffi-
cile de situer les autres personnes documentées par les textes de cette maison. On remarquera néanmoins
qu'un autre protagoniste y porte un NP formé comme un nizbé, Ahlamiyu.
Une des caractéristiques de ce dossier est l'assez grande incorrection de formulation des docume
nts: signes oubliés ou intervertis; Émar VI/3 n°25 est un compte-
rendu télégraphique à la limite de la compréhension, dont les sujets sont introduits par la formule du disc
ours direct: ummâ
99
.
2.1.
Émar VI/3 n°28
Un accord préalable entre les parties, pour le remboursement de la moitié d'une dette, évite un r
ecours aux serments.
µƒin-bu-ia ù µah-la-mu-[ú]
2
áß*-ßúm 30 kù-babar a-na pa-ni lú-meß* gal
a-na di-ni iq-ru-ba um-ma lú-meß gal
4
a-na ma-mi-ti it-ta-ßú-nu
i-na-an-na la-ma-ma i-na bi-ri-ßú-<nu> it*-ma*
6
im-tah-ra um-ma µah-la-mu-ú
ma-a 15* gín kù-babar id-ni a-na ma*-mi*-ti*
8
la-a na*-lak-mi ƒin-bu-ia
15* kù-babar a-na ah-la-mì-ú
10
it-ta-din i-na egir u’-mi
ƒin-bu-ia a-na muh-hi
12
µah-la-mì-ú la i-[ra-gu-u]m
ù µah-la-mì-ú [a-na muh-hi]
14
ƒin-bu-ia la-a i-[ra-gu-um]
[ß]a i-ra-gu-um †up-pu
16
an-nu-ú i-la-'-e-ßú
————————————————
na’-kißib µah-la-mì-i dumu a-bi-en*
(2 traces d'ongle.)
… etc.
1
Inbuya et Ahlamû,
2
au sujet de 30 (sicles) d'argent
3
se sont approchés
a)
pour le jugement
2
dev
ant les «grands∞.
3
Voici ce qu'ont dit
b)
les «grands∞: «
4
Ce qui leur convient c'est un serment
c)
.∞
5
En
fait
d)
, avant même qu'ils ne jurent entre eux,
6
ils se sont rencontrés. Voici ce qu'a dit Ahlamû: «
7
Fem
me (-î), donne-moi 15 sicles
8
que nous n'allions pas
7
au serment
e)
!∞
9
La femme Inbuya
10
a donc donné
9
15 sicles à Ahlamû.
10
Par la suite,
11
la femme Inbuya à l'encontre
12
d'Ahlamû ne réclamera pas
13
et Ahlamû à l'en
contre
14
de la femme Inbuya ne réclamera pas.
15
Qui réclamerait,
16
cette
15
tablette
16
l'emportera contre
lui.
17
Sceau d'Ahlamû, fils d'Abî-Ba'al. etc.
a) Noter l'emploi du duel l. 3: iqrubâ, l. 8: itmâ, 6: imtahrâ.
b) Ces «grands∞ sont encore mentionnés dans Émar VI/3 n°252, en contexte juridique, où ils sont express
ément dits «grands de la ville d'Émar∞, avec à leur tête Mutri-
Teßßub, que je supposais être le «ugula kalam.ma∞, dans la RA 84, p. 75, ce qui est désormais explicite d'après TS 8
98. Cf. NABU 1989/56.
99. Cf. à Mari, ARM X 93 = LAPO 18 1212, dont toutes les phrases sont introduites par ßanîtam.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
28
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
4; dans Émar VI/3 n°205: 1, on trouve le couple Mutri-Teßßub et les lú-meß ßu-
gi uru‹. Comme ils sont nettement distingués des «témoins∞, ces der-
niers étant mentionnés au n°252: 4, il s'agit des ßîbû, les «Anciens∞. Dans TS 84, le texte n'est pas conservé et la re
stauration de D. A. [lú-meß ßu-gi uru‹] n'est pas obligatoire.
Cependant, l'idéogramme lú-mes GAL n'alterne pas avec lú-meß ßu-
gi, comme le suppose D. A., Émar VI/3, p. 249: «c'est l'équivalent de ߺbu∞. En fait, deux passages des annales né
o-assyriennes, essentiels pour com-
prendre l'exercice du pouvoir en dehors du cadre mésopotamien proprement dit, incitent à distinguer les deux termes
et à ne pas les ramener à l'unité: on trouve dans la VIIIe Campagne de Sargon, l. 33, mention du roi des Mannéens
«accompagné de ses notables, Anciens, princes, gens de la famille royale, fonctionnaires de 1re et 2e classes, chargé
s de l'administration de son pays∞ = a-di lú-gal-meß-ßú ßi-i-bi ma-li-ki numun é ad-ßú ßak-ka-nak-ki ù re-de-e mu-
ma-'i-ru-ut kur-ßu. Les gal-
meß, seul terme défini par rapport au roi, représentent donc la totalité de ceux qui suivent: les Anciens (ßîbî), chefs d
es principales familles, arrivent en premier lieu, et sont suivis par les mâliku, «famille royale proche∞ et le zêr bît ab
i, «famille royale lointaine∞; les adminis-
tratifs de premier rang, «préposés∞ aux services (ßakkanakku n'est ici qu'une façon littéraire de dire ßaknu) et ceux
qui les secondent (rêdûm); dans le langage de Mari, on dirait les wedûm et les ßa warki-
ßunu, ce qui représente le recours à un autre lexique, mais à un sémantisme identique. La situation n'est pas exactem
ent identique dans un texte d'Aßßur-nâΩir-
apli, AKA, p. 281, l. 80 [RIMA 2, p. 199] où les notables de la ville de Sûri du Bît Halupê, décrits comme les lú-gal-
meß lú-ßu-gi-
meß uru, s'approchent de l'Assyrien pour remettre leurs vies entre ses mains. Ils sont dépourvus de roi, ou ce dernier
s'est enfui. Les lú-gal-
meß doivent représenter ce que l'on nommait les abbû, à l'époque de Mari, chefs des principales familles, et les lú-
ßu-gi-meß uru sont les ßîbû âli, «chefs des familles de second rang∞. Thureau-Dangin lisait lú-gal-
meß rabâni et King, rabûtu. Le parallélisme phonétique de TCL III: 58 (a-di lú ra-ban-ni lú ßa-kìn †è-em kur-
ßú) incite effectivement à privilégier rabânu comme lecture de lú-gal.
c) Ne pas corriger le texte; pour cette construction par umma NP, sans verbum dicendi introducteur, un phé
nomène banal dès Mari, cf. l. 9! La séquence it-ta-ßú-
nu a été comprise par D. A. comme verbale «les livrèrent au serment∞. Il s'agit en fait de ittu, «leur signe caractéris
tique∞; il est possible que le terme se trouve au duel: ittâ. Cette parole représente le verdict.
.
d) Pour ce sens de inanna, marquant le retour à la réalité, cf. LAPO 18, p. 557b.
e) À ne pas corriger! La forme nallak tient lieu de nillak; cf. S. Seminara, MVS 6, p. 351 où les formes à pr
éfixe en na- sont rassemblées.
2.2.
Émar VI/3 n°25: lettre du «Chypriote∞ à «Chérie∞, son épouse, à propos d'une servante, de coup
ons de tissus, de frais de caravane et de métal.
a-na ƒta-ta-sa
2 qí-[b]i-ma
um-ma-a µa-la-sà-a-a
4 um-ma-a mí-tur* é*-a*-ßu*-ma*-tu’
a-di a-na-ku a-ka-ßa-da
6 mí-tur µki-[d]in-∂gu-la
la ú-ße-Ωi
8 um-ma-a mí-tur-ßá ßu-Ωi-ma*
um-ma-√a∫ 2/3 ma-na kù-babar
10 1*3 gín(ÎU) kù-gi
√a*-na*∫ 26 túg-há
12
na-a-ad-nu
la ta-di-na-ßu
14 1/3 ma-na kù-gi
túg-há na-a-ad-nu
16 1 ma-na kù-babar kaskal
1 ma-na kù-babar e-la-tu’
18 ßa kaskal il-li-ku
3 gú-un urudu 1 anße
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
29
20 µki*-din-∂gu-la
µ∂30-ibila-sì
22
ßa 1 ma-na kù-√babar∫
i-ßál-ma
24 an¿-ni-√tám∫ a-ßa-al*
1 gú-un 15 ma-na °
26 2* gú-un an-na
√ù∫*-lu** 1* gú-un-√ma∫
1-2
Dis à dame Tataßße:
3
voici (ce que dit) Alasayû
a)
.
4
Voici: la jeune Aya-ßumâtu,
5
d'ici que j'arrive,
6
la servante de Kidin-
Gula,
7
qu'elle ne la fasse pas sortir!
8
Voici: fais sortir sa servante et voici:
9
(ça fait) 40 sicles d'argent
b)
!
—
10
Les 13 sicles d'or
12
ont été donnés
11
pour les 26 coupons d'étoffes.
13
Ne les donne pas!
14
(En tout) 2
0 sicles d'or
15
(représentant) les coupons d'étoffes ont été donnés.
—
16
1 mine d'argent (représente) (les frais de) route;
—
17
1 mine d'argent (représente) (les frais de) caravane
18
qui a fait la route
c)
;
19
3 talents de cuivre (représentent la charge de) l'âne de
20
Kidin-Gula:
21
Sîn-apla-
iddin
23
(en) réclame
100
22
pour une valeur de 1 mine d'argent
24
et, moi, je réclame cela:
25
1 talent et 15
mines (de cuivre),
26
(ainsi que) 2 talents d'étain,
27
voire (-ma) 1 talent
d)
.
Ce texte a un aspect énigmatique, surtout parce que nous ne connaissons que peu de choses des
acteurs, mis à part le fait que Tattaßße était vraisemblablement l'épouse d'Alasâyu et Kidin-
Gula un babylonien, collègue ou associé d'affaires commerciales.
a) Le NP est à lire ici Alasây, à l'état absolu; la pratique remonte à Mari pour les NP qui coïncident avec u
n nizbé et peuvent dès lors paraître éventuellement coïncider avec le toponyme (type Aßlakkâ = Aßlakkây dans l'ono
mastique de Chagar-Bazar, OB).
b) La première affaire règle le sort d'une servante, Aya-
ßumâtum101, qu'il ne faut pas «faire sortir∞, sans doute pour l'envoyer travailler hors de la maison où elle est gardé
e. La lettre mélange, comme beaucoup de fois à Émar, 3e et 2e personnes: pour ne pas multiplier les protagonistes le
mieux est de considérer que «Aya-ßumâtum∞ et «la servante de Kidin-
Gula∞ sont une seule et même personne; «qu'elle ne fasse pas sor-
tir…∞ est une façon polie de s'adresser à son épouse, et «sa servante∞ une manière de dire «ta servante∞. Ce mélan
ge de formules qui remonte aux lettres de Mari entraîne le plus souvent pour le lecteur moderne un texte incohérent.
Le -ma qui termine (sûrement, désormais) la l. 8, doit indiquer le coût qu'occasionnerait le non-
respect de cette recommandation. Il est vraisemblable qu'il faut y voir le prix de la jeune fille.
Une série de ummâ scande l'épisode de la jeune fille. Le -
ma final de la l. 8 amène à annexer la l. 9 à la l. 8 et à la séparer de la l. 10.
c) La suite de la lettre s'intéresse à des affaires commerciales. Là encore, les propos de l'expéditeur sont tr
ès elliptiques. Il semble qu'on ait utilisé de l'or pour payer des coupons d'étoffe, sans doute de grand prix: le coupon
aurait valu 2 sicles d'or, mais nous ne connaissons pas sûrement les équivalences locales entre or et argent.
On retrouve l. 16-
17 le couple kaskal «route∞ (= le «déplacement∞) et ellatum, «la caravane∞. Ce genre d'opposition est connu depu
is la Cappadoce, mais il faudra d'autres exemples pour préciser sa valeur à époque moyenne.
d) À la fin de la lettre sont transmis des ordres commerciaux. Ils visent l'âne qu'a investi Kidin-
Gula et qui est porteur de 3 talents de cuivre, soit la charge normale d'un animal, puisqu'un âne porte 90 kilos, selon
le chiffre avancé par K. Veenhof, Aspects of Old Assyrian Trade, p. 45. Le métal doit venir de Chypre. Sîn-apla-
iddin, manifestement un Babylonien, se porte acquéreur sur la place d'Émar pour une mine d'argent. Sans doute esco
mpte-t-il une grosse plus-
value à la fin de la route, à Babylone. Alasâyu, en en demandant 1 talent 45 sicles, doit acheter en fait le restant du c
100. Pour cette valeur fi‰L de QA, cf. dans «Les textes hépatoscopiques d'Émar∞, Journal Asiatique 2004,
la reprise de Émar n°669: 2 be sag sipa* ßál-qú. Le choix de cette valeur s'appuie en outre sur le a-ßa-al qui suit.
101. Le NP paraît inattesté, mais il semble de lecture relativement sûre; la forme plurielle de ßumu, ßumâte a
pparaît dans plusieurs NP d'époque récente, du schéma Nabû-bêl-ßumâte. Peut-être le NP actuel est-
il une forme courte d'un Aya-ßumâte-iddinam.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
30
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
hargement. Sîn-apla-
iddin a donc dû pour son prix de 1 mine acquérir 1 talent 15 mines de cuivre, ce qui fait un prix exact de 72 grains, s
oit 1/2 sicle 18 grains d'argent pour 1 mine de cuivre.
Enfin l'expéditeur réclame 1 ou 2 mines d'étain, selon sans doute le prix que le produit est suscep-
tible d'atteindre à Émar.
2.3.
Émar VI/3 n° 26 : reçu d'or pour des étoffes au lieu-dit Âl-Ilî-abî.
dub 3 gín k[ù*-gi]
2
i-na é µki-din-∂[gu-la]
dumu µ∂30-numun*-m[u*]
4 µna-bu-u[n-ni]
dumu ú-lam-t[i*-… du]b¿*-sar*
6
ki-i 3 me 40 +2¿[/5¿/8¿ túg-há (?)]
i-na uru‹ A[N-A]D*
8
im-hu-ur
iti kin 2-k[am
10 mu 2-kám
mé-li-ßi-HU
12 lugal e
na’-kißib µna-bu-un-ni
14 uru AN-AD*
1
Une tablette portant sur 3 sicles d'or,
2
dans la demeure de Kidin-Gula,
3
fils de Sîn-zêra-
iddin,
4
Nabunni, fils de Ulam-ti…, le scribe (?),
5
comme quoi 342[/5/8 coupons¿],
8
il a reçu
7
dans Âl-
Ilî-abî.
9
Mois d'Elul-bis,
10
an 2 de
11
MelißiHU,
12
roi de Babylone;
13
Sceau de Nabunni;
14
Âl-Ilî-abî.
Le lieu-dit Âl-Ilî-
abî paraît unique. Les formations en Âl + NP sont néanmoins bien attestées à époque cassite; cf. la longu
e liste de RGTC V, p. 12-19. À l'époque de Mari, Abî-
ilî est déjà abondamment attesté comme un toponyme de la région au nord du Kaukab. Âl-ilî-
abî était sans doute une ville de Mésopotamie babylonienne, où habitait le marchand Kidin-
Gula, puisque le texte comporte une date cassite.
Dès lors, Nabunni et son père, ont peu de chances d'être eux-
mêmes des gens de Babylonie, mais plutôt des Émariotes. Leurs noms font problème: D. A. a lu «Ulam
burriyaß∞, nom cassite célèbre, mais après LAM il y a un Afi très net qui ne peut, en aucune façon, être l
'initiale d'un BUR, ni d'un BU, mais assez bien d'un MU ou plutôt d'un TI. À la finale ‰fi n'est pas bon
; il faut compter avec un PA, ou plutôt un GIfi. Il nous a semblé que la séquence «I‰-
‰fi∞ de D. A. est plutôt un SAR, d'où la restauration proposée. Nabunni n'est pas, de son côté, un bon N
P cassite. et il présente, de fait, une désinence -unni; son patronyme rappelle Ullum-
tißni, nom d'un turukkéen de l'époque de Mari, dont le père Ußtan-
ßarri relève d'une onomastique clairement hourrite.
2.4.
Émar VI/3 n°24
On changera l'interprétation de la l. 12 proposée dans RA 83, p. 178 où l'on comprendra [p]í i-
ta-di*-ma (pî ittadin-ma), ou [p]í-i ta-di-ma (pî taddin-
ma). Le sens serait identique: «elle a donné accord de payer argent et intérêt.∞ La forme il-ta-qí-
ma de toute façon était difficile à dériver de etêqu. Le -
i final de maharati (l. 5) est sans doute un effet de sandhi avec le ina de la l. suivante.
Émar VI/3 n°27: quitus pour des ânes, au retour d'une caravane.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
31
De ce petit billet que J.-M. D. avait trop corrigé dans sa recension de RA 83, p. 178-
179, nous proposerions désormais la compréhension suivante
102
:
«Six ânes, appartenant à Erîba-Marduk, se trouvaient être partis (l. 3: te-
bu) avec l'argent. (Animal) mort et (animal) perdu, l'expédition (les) a remboursé(s). (L'animal sur)viva
nt est (r)entré dans la maison de son maître.∞
Ce petit billet doit donner quitus concernant les pertes éventuelles en animaux subies au cours d
u déplacement d'une caravane; il exprime des catégories, d'où le recours à des singuliers pour désigner l
es ani-
maux. Il est vraisemblable qu'il faut comprendre que l'on a retenu sur le profit général de quoi se rembo
urser pour les pertes en animaux.
Ce petit billet, vu le style de son écriture, a dû être rédigé à Babylone, au retour de l'expédition à
Émar et être ramené à Émar.
3. TEXTES DE TUTTUL: UNE LETTRE ET UN DOCUMENT JURIDIQUE
J.-M. D.
Parmi les documents épistolaires du Moyen-
Euphrate qui n'appartiennent pas aux Archives de Mari deux édités par M. Krebernik [M. K.] sont susce
ptibles de documenter des périodes mal attestées jusqu'ici, une lettre et un texte juridique.
3.1. Une «lettre∞ archaïque du Moyen-Euphrate
KTT 55a ne se présente pas comme un document de l'époque prétendument «shakkanakku∞, e
n fait «antérieure à la babylonisation∞. La forme de la tablette, sans être celle de l'époque «amorrite cla
ssique∞, n'a plus l'arrondi des documents antérieurs; les signes ont, quant à eux, une graphie classique e
t les valeurs qui s'y rattachent; ils appartiennent bien au système établi après la babylonisation. Tout part
iculièrement /ßa/ s'écrit fiA et non plus DI. Néanmoins, on ne rédige pas encore le texte selon le protocol
e classique, en prati-
quant la mise en page de rigueur, selon laquelle les derniers signes de la ligne sont alignés à droite («just
ification∞ de l'espace cunéiforme). Surtout, il y a une utilisation inusitée du système cunéiforme qui fait
que la séquence Ci-iCÏ est remplacée de façon systématique dans le présent document par une en Ca-
iCÏ, où une syllabe ouverte «en a∞ peut contenir une «voyelle 0∞. Tout se passe donc comme si les utili
sateurs de cette écriture venaient juste d'abandonner le système prébabylonien et en étaient encore à un
maniement non codifié du nouveau.
La constatation est d'importance car, si nous devinons que le changement s'est produit à Mari d
ans la seconde partie du règne de Yahdun-
Lîm, pour ce qui est de Tuttul, ses textes postérieurs à la babylonisation sont, en fait, tous de l'occupation
de la ville par le RHM. Le présent document n'est pas une exception car il émane manifestement d'une c
hancellerie étrangère, ayant été envoyé à Tuttul. Cependant, il représente un document «pour l'extérieur
∞. Nous ne savons pas comment étaient rédigés de tels documents euphratiques à cette époque. Il est vrai
semblable que ce sont eux qui ont partici-
pé les premiers à la koinè internationale. On retrouve donc là l'opposition entre «texte rédigé pour les be
soins du groupe∞ et «texte pour l'extérieur∞ dont Kültepe et Aßßur nous donnent de si nets exemples
103
. Ce n'est qu'à Mari, semble-t-
il, que la réforme a pour la première fois fini par être pensée «totalement∞ et que l'on a décidé de rédige
r dans le nouveau système aussi bien les textes locaux que ceux pour l'étranger.
Ensuite, on mettra en doute qu'il s'agisse ici d'une lettre. On ne retrouve en effet nullement dan
s ce texte ce qui caractérise un tel genre littéraire, tout particulièrement l'adresse initiale à quelqu'un. Le
102. Il existe de ce texte une interprétation apparemment très différente due à G. Bunnens, «Emar on the Eu
phrates in the 13th Century B.C.∞, Abr-Nahrain 27, 1989, p. 34-
35, mais que nous ne connaissons que par le résumé de M.R. Adamthwaite dans le colloque Cultural interaction in t
he Ancient Near East, G. Bunnens éd., 1996, p. 108, où en contrepartie de la perte des animaux les «human survivor
s have as a result entered into slavery to compensate for the loss∞, interprétation plus dramatique que la nôtre.
103. Cf. J.-M. Durand, «Une alliance matrimoniale∞, Mélanges Veenhof, p. 129.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
32
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
fait que le texte est sous enveloppe n'indique que sa transmission. En fait comme on le verra ci-
dessous, il s'agit de communiquer à a-mu-na-pí-ih un texte qui engage un certain «a-ma-at*-pí-
el*∞
104
et Yahdun-Lîm de Mari.
Cet a-mu-na-pí-ih était certainement un des princes de Tuttul contemporains de Yahdun-
Lîm. Le NP, d'explica-
tion ambiguë
105
, se retrouve une autre fois fois sur un texte de Tuttul (KTT n°50: 12-
13: ßunigin* [2 m]e*-at* √3∫* udu*, ßa#Ì a-mu-na-pí-
'ì*) accompagné d'un déroulement de sceau, ce qui montre qu'il inter-
vient dans la vie administrative locale
106
. Il faut donc le considérer comme celui qui a eu la charge de la
ville une fois terminée la grande guerre entre les Benjaminites et Mari. Yahdun-Lîm, lui-
même, ne semble qu'«en visite∞ à Tuttul d'après les mentions de lui couplées avec des occurrences relig
ieuses
107
.
Amat-pî-
El premier mentionné, avant le roi de Mari, sur lequel il avait donc le pas, porte un NP de structure ouest
-sémitique très bien attesté dans l'onomastique royale de l'époque de Zimrî-
Lîm. Cela pourrait bien indiquer qu'il faudrait voir en lui le roi de Qa†na contemporain de Yahdun-
Lîm
108
. Le premier aurait été l'instigateur du texte et l'aurait d'abord transmis à Yahdun-
Lîm avec prière de faire suivre. Il est donc raison-
nable de penser que les faits de langue et d'écriture documentés par ce document représentent des traits d
u dialecte de Qa†na contemporain de Yahdun-Lîm.
KTT 55a: Serment des princes de Qa†na (?) et de Mari à celui de Tuttul sur la véracité des chiffres à pro
pos d'un butin.
a-ßu-um na-pí-iß*-tA-im
2
a-ma-at-pÍ-el*
ia-ah-du-li-im
4
ù a-mu-na-pí-ih
a-at-mu-ú
6
bA-iq-ru-um ßa i-na
ßa-la-tA-im ßa tu-up*-h[i]
8
ßa hi-ra-a 1 li-mi 3 me-at 50* [+ x (?)]
ßa-la-tu-um 1 li-mi 6 me-at √6∫*¿5*
10
ßa-la-ta-am
a-ni-ta-am
12 ßa wa-ar-di
tr. ia-aq-bi-ú
14
ù mé-ri-mé-el*
104. M. K. n'a identifié dans aucun de ses textes de l'époque antérieure à la babylonisation de Tuttul la grap
hie particulière du signe EL, laquelle n'est pourtant pas équivalente à celle du RU. Cf. «Collation des textes de Tell
Bi'a∞, à venir dans la même rubrique.
105. Une séquence a-mu- d'époque éponymale peut s'interpréter comme Hammu- ou Âmû-
des textes d'époque récente. Cependant -
napih n'aurait pas de parallèle dans l'onomastique amorrite. Il faut donc retrouver ici un Hammu.na-
forme // à Hammî-, comme on a Samsu.na- // à Samsî-, Sûmû.na- // Sûmî-
, etc. Le second élement représente la forme courte (contracte) -pih pour -êpih, -yapih, variantes de -puh, -êpuh, -
yapuh. Hammu.na-yapih est ainsi une forme variante du Hammî-êpuh de l'époque de Yahdun-
Lîm. Il ne s'agit pas (sinon pour son étymologie) d'une forme verbale primaire à dériver de YPH mais de l'ethnique
Yapuhum, Yapihum dont l'habitat se trouve effectivement attesté à quelques kilomètres à l'amont de Tuttul sur la ri
ve gauche de l'Euphrate. On trouve un ha-am-mi-[o]-pí-
ih dans FM V, p. 252, n°4: 10, en net contexte benjaminite, mais les éditeurs du texte ont manifestement compris le
NP comme «Hammî-Ebih∞.
106. Cf. l'étude du dossier afférent dans la suite de cette chronique.
107. Cf. J.-M. D., «EN akka∞, NABU 2003/110.
108. C'est par un effet de papponymie que le fils d'Ißhî-Addu aurait reçu son nom.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
33
rev. wa-ra-ad ia-ah-du-li-im
16 i[a*-aq-b]i-ú
ú-ul sa-ra-tu-um
18 ki-na-tu-ma
ßa-al wa-ar-ka-ta-am
20 pu-ru-ús
Sous serment par la vie
a)
Amût-pî-El (et) Yahdun-Lîm ont juré avec (H)ammu.na-pih
b)
:
«Le troupeau de bovins qui fait partie du butin de Tuphu, qui a été sélectionné, est de 1350 (bov
ins). Le butin (total était de) 1665 (bovins). Ce butin que mon serviteur a dit
c)
, et que Mêrîm-
El
d)
, serviteur de Yahdun-Lîm, l'a dit.
Ce n'est pas un mensonge. C'est bien la vérité. Interroge! Mène ton enquête!∞
a) Pour cette forme, cf. na-pí-iß-T‰-in, avec la nunation dans KTT 49: 16.
b) Il n'est pas besoin d'explication lexicale difficile pour le terme napißtum, une fois qu'il a été reconnu. C
ependant, même si l'évolution de /w/ à /m/ en plusieurs positions est très tôt attestée sur les bords de l'Euphrate (le te
rme pour désigner l'assemblée municipale ta'tamum auquel fait référence M. K. vient lui-
même d'ailleurs de awûm et ne signifie pas «réunion∞ mais «discussion à plusieurs∞), ce terme napißtum fait plutôt
penser à l'emploi ici d'un verbe tamûm. Dès lors, a-at-mu-
ú, équivalent de itmû, fait penser à ces formes de NP amorrites où un y-
s'amuit: on devrait donc opposer un 'atmû «ils ont juré∞ (<— *yatma'u), face à un yaqbi'u «qu'il a dit∞; cf. ci-
dessous.
Le ù de la l. 4 a valeur de itti, ce que montrent encore des exemples OB (anâku u kâta). Il introduit donc no
n pas un troisième jureur, mais celui à qui les deux premiers jurent.
c) La forme verbale /yaqbi'u/ se retrouve sûrement l. 16. Elle ne doit pas être interprétée comme un NPropr
e. On retrouve une forme analogue dans un nom d'année de Yahdun-Lîm; cf. désormais D. Charpin-
N. Ziegler, FM V, p. 58, à propos de la version longue de «l'année de Zalpah∞ de ARM VIII 100. On a certainement
ici l'intrusion d'une forme vernaculaire dans le texte écrit; comme le montre leur onomastique, les dialectes bensim
'alite et benjamnite recouraient à de telles formes en ya-, à la différence des dialectes akkadiens de l'Est.
d) Ce NP se retrouve à époque prébabylonienne; cf. NP me-rí-mì-AN, B.39: 5; B.41: 6 dont on rap-
proche me-ri-mi-AN, M.8305, de l'époque classique. On supposera que me-rí/ri-mi- note un sandhi pour Merîm-
Ilum «El est celui qui exalte∞.
Il semble que le serment ait porté sur le partage du butin en bovins effectué par les forces des tro
is princes amorrites contre le pays de Tuphum (l. 7). Même si, au point de vue de l'étymologie, ce Tuphu
m doit être rapproché du pays de Tupham attesté à époque ultérieure, il ne faut pas les identifier, car le T
upham se trouvait loin sur la frontière orientale de la Haute-
Djéziré et son attaque indiquerait qu'il y a eu un raid contre le royaume de Samsî-
Addu. De ce pays de Tuphum, un autre exemple s'en trouve dans KTT 31: 5, en écriture prébabylonienn
e, où est mentionné «in tu-up*-
ì‹∞. Dans la même tablette, un individu attesté dans le Tuphum se voit qualifié de a-dú-ri-u-
um. Cet ethnique ne peut faire référence qu'à la ville de Hadurâha. Or cette dernière est désormais bien c
onnue pour être une localité, certainement d'importance réduite, à la frontière sud du Zalmaqum, à proxi
mité de la plus importante Aparhâ, comme le montre un texte naguère publié par D. Charpin
109
. Tout cel
a devrait donc indiquer des territoires qui se trouvaient plutôt aux sources de résurgence du Balih et dont
la mention est naturelle dans les textes de Tuttul.
Par rapport à ce butin, le texte emploie le terme de bigrum; la séquence Ca-
iCÏ doit être interprétée de façon univoque dans ce texte! Plutôt que «contestation∞, ce doit être un colle
ctif signifiant «troupeau de bovin∞, auquel correspond à époque «classique∞ bugarum. La forme verbal
e hi-ra-a doit représenter le per-
mansif pluriel d'un hiârum. Le sens ne doit pas être seulement «choisir∞ comme en akkadien, mais surto
ut «prendre la meilleure part∞, comme c'est le cas dans l'arabe ⁄âra «obtenir qq chose de bon, être en p
ossession d'une bonne chose∞. Il faut donc penser que parmi les animaux ramenés en butin, il y en avait
au moins 315 qui étaient en très mauvais état et que l'on n'avait pas répartis.
109. D. Charpin, «Lies natürlich…!∞, AOAT 240 (Mélanges von Soden), p. 45-47 (A.427).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
34
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
3.2. Une tablette de Tuttul d'époque moyenne
J.-M. D.
Il m'apparaît aujourd'hui effectif, comme l'avait proposé M. Krebernik, que KTT 382 est postér
ieur aux autres documents édités dans son ouvrage; mais c'est l'examen direct de l'original qui le confir
me. Il faut avouer qu'une copie, quelles que soient ses qualités intrinsèques par ailleurs, ne remplace pas
le fait de prendre la tablette en mains et d'en examiner le fini ou la couleur.
Il y a des preuves supplémentaires:
(a) le «IB∞ avec ses deux horizontaux (signe non identifié en 1990 par l'éditeur) est désormais
bien attesté dans les textes de Munbâqa, conservés dans le même musée de Raqqa
110
; ou encore la grap
hie de SIGÌ (prise par M. K. pour celle d'un fiÀ), tout comme la forme verbale de la l. 9 uballi†-
ßi qui montre la non-assimilation d'un suffixe en -
ß avec la dentale finale. Ces traits concordent à montrer que la tablette est contempo-
raine des tablettes euphratiques de l'époque de Meskéné.
(b) Le plus important est, cependant, la facture elle-
même de la tablette ainsi que le ductus des signes qui ne sont pas rendus de façon suffisamment explicite
par l'autographie.
(c) En outre, avant le texte lui-
même, il y avait la mention d'un SCEAU, ce qui n'est pas de la tradition amorrite, mais en revanche cons
tant à l'époque moyenne. L'examen du sceau déroulé sur le côté du document pourrait être décisif si un s
pécialiste de sigillographie de l'Euphrate en déterminait la date
111
.
Ce petit texte parle des années terribles (cf. l. 7 et l. 8, mu-√há∫*, da-an-na-
ti). Cette mention qui rap-
pelle de très près celles retrouvées dans les textes d'Émar pourrait faire allusion aux mêmes événements,
soit une famine généralisée sur le Moyen-
Euphrate, sans doute causée par la situation internationale troublée. En tout cas l'inspiration de ces textes
d'adoption avec comme clause l'entretien du bébé adopté et le souci de l'empêcher de mourir de faim (b
ullu†u) répond aux motivations des textes analogues en provenance d'Émar.
Notons enfin que le texte comportait un nom d'année (non vu par M. K.) qui aurait pu être décis
if pour la datation du texte, s'il avait été mieux conservé.
Voici la relecture proposée; les divergences d'avec l'editio princeps ne sont pas mentionnées.
k[ißib…]
µƒa-[hi-sigÌ-ga dumu-mí ba-ah-lu-…]
2 µig-m[il-∂da-gan dumu ƒha-aß¿-…]
ki ba-ah-lu-[…] a-[bi-ßi]
4
a-na 11 gín kù-[babar Ωar]-pí it-b[a¿-al-ßi]
ip-†ú-ur-ßi
6 µig-mil-∂da-gan dumu ƒha-a[ß-…]
µƒa-hi-sigÌ-ga a-na mu-√há∫
8
da-an-na-ti
ip-†ú-ur-ßi-√ma∫
10 ú-ba-√al∫-l[i]-i†-ßi
ú-ku-[ul-tu lu-buß]-tum
12 1 ƒa-[hi-sigÌ-ga…]
[iß-tu u’-mi an-ni-im…]
(Lacune de 5 l. plus tranche de 2 l.)
110. On se reportera provisoirement à la simple liste des signes données par W. Mayer, Tall Munbåqa-
Ekalte-
II, p. 189a, s. n. 535 (5
e
exemple). Signalons qu'un exemple particulièrement net se trouve sur la tablette (collationné
e) MBQ-T. 21 (= 80): 3, dans le NP ib-hu-ur-di.
111. Le sceau est mentionné par M. K., op. cit., p. 163b, sous la simple rubrique de ceux dont le nom du prop
riétaire n'est pas conservé.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
35
mu-at¿ d[an-na-ti…]
(Demoiselle) Ahî-damiq, fille de Bahlu…, Igmil-
Dagan fils de dame Haß…, d'auprès de Bahlu…, son père (à elle), pour 11 sicles d'argent raffiné il l'a e
mportée et l'a «séparée∞.
Igmil-Dagan, fils de dame Haß…, (demoiselle) Ahî-
damiq pour les années difficiles l'a «séparée∞ et l'a empêchée de mourir. Nourriture (et) habillement, A
hî-damiq a reçu. Désormais… (suite lacunaire.)
a) Le nom de la petite fille Ahî-
damiq est documenté à Mari comme un nom masculin mais de telles formations («Mon frère est bon∞) sont en réalit
é épicènes; ainsi voit-on une petite fille s'appeler Lîbûr-nâdin-
ßu, selon KTT 373: 9 (cf. coll. de KTT), ce qui est à Mari un nom masculin.
L. Marti me signale que l'on trouve de même à Terqa112 un NP féminin ì-lí-sigÌ-
iq, alors que, selon les textes de Mari amorrite, Ilî-damiq est un NP masculin113.
b) Celui qui reçoit la jeune fille semble être dénommé d'après sa mère, ce qui n'est pas sans parallèles à É
mar.
L'intérêt principal de ce texte consiste dans un emploi de pa†ârum qui signifie non pas, comme
c'en est l'usage courant, «affranchir, libérer contre rançon∞, mais «faire quitter son lieu de résidence∞,
en l'occurrence familial.
Ce sens qui paraît s'imposer contextuellement n'est cependant pas nouveau, dans la mesure où il
correspond exactement à celui qu'avait constaté L. Oppenheim dans les «Siege Documents of Nippur∞
et qu'il avait commenté dans Iraq XVII, 1955, spécialement p. 83-
84. Il y voyait «a legal euphemism∞ auquel le scribe avait recours pour éviter la terminologie du «vendr
e∞ et de l'«acheter∞ dans une transaction qui était considérée comme exceptionnelle. L'exemple de Tutt
ul montre qu'il ne doit pas tellement s'agir d'un euphémisme, mais plutôt d'un dialectalisme. De fait, l'u
sage premier de pa†ârum employé absolument est de «quitter là où l'on se trouve∞, sans qu'en soit préci
sée la motivation
114
. Cet usage est généralement compris (à tort) comme «elliptique∞, le verbe étant eff
ectivement régulièrement documenté aussi avec un accusatif, pour signifier «dénouer, libérer∞. C'est l'e
mploi de l'accusatif qui transitive le verbe absolu, comme le montrent de nombreux exemples dans d'aut
res langues, à commencer par le français (opp. «tomber∞ et «tomber qq'un∞, = «avoir la peau de qq'un
, ou séduire∞), un tel emploi étant souvent argotique.
4. TEXTES JURIDIQUES D'ÉMAR
4.1. «Affranchissement différé
115
∞
J.-M. D.
4.1.1. Dans le texte de l'Euphrate RE 27: 4 , édité par G. Beckman, deux parents déclarent à pro
pos de leur «servante
116
∞ qui doit être à leur service (l. 2 li-ip-la-ha-na-ß[i]), qu'après leur décès, a-
na ∂utu um-te-ßi-ir-ßi. Leur fils légitime n'élèvera pas de réclamation à son encontre; c'est-à-
dire vraisemblablement qu'il ne pourra prétendre à sa possession, ni la marier à sa fantaisie. La forme um
112. O. Rouault, L'Archive de Puzurum, p. 6, TFR 1: 7: ƒì-lí-sigÌ-iq qa-aß-ß[a-at].
113. Cf. à Mari, M.8141: AN-da-mi-iq.
114. Dans les textes mariotes, pa†ârum se dit aussi bien du soldat qui «rompt les rangs∞, que de celui qui «r
entre en permission∞ chez lui, voire même «est un déserteur∞. Ce n'est que l'établissement du contexte qui en décid
e.
115. Cf. sur ce sujet l'intéressant article de S. Yamada, «The Hittite Social Concept of “Free" in the Light of
the Emar Texts∞, AoF 22, 1995, p. 297-
319. Je n'ai pas voulu cependant entrer dans des considérations détaillées par rapport à lui. Je compte reprendre la qu
estion à partir de nouveaux textes.
116. Le NP de la servante dans RE 27 est lui-même curieux; si Beckman a raison de le lire ka-ßi-
il, c'est peut-
être une forme absolue du terme kaßßilu = «brasseur∞, désormais bien documenté par les textes d'époque amorrite;
cf. J.-
M. Durand, kaßßilu dans NABU 1987/42 [le terme manque dans le CDA]; dans la note de Zadoq, NABU 2003/ 35 (s
ub §.2, BM 26484: 11'), en pleine époque tardive, on trouve encore la notation ninda-há kaß-ßi-
ilmeß, ce qui devrait signifier: «les pains pour les brasseurs∞.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
36
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
teßßir qui est reconnue comme un par-
fait par l'éditeur est néanmoins traduite, pour des raisons contextuelles, par un présent-
futur: «Since the manumission will take place only after the death of Abº-
kåpº, perhaps the scribe was attempting to express future anteriority here.∞
4.1.2. L'expression se retrouve en fait dans le texte de Munbâqa Mbq 39: 8, où le texte porte, ap
rès collation
117
: a-na ∂utu* uß-ßu-ra-at.
Ce texte fait partie de tout un dossier. Le testateur (i-túr-∂da-gan, dumu hu-sà-
sí*
118
) y confirme la possession du champ et du vignoble pour Dagan-
lâ'i [sa marâtre: cf. Mbq n°37: 5, selon lequel Husâsu, son [vrai] père, épouse ƒDagan-
lâ'i en secondes noces], tant que cette dernière vivra [cf. NABU 2003/50]; après sa mort, Ummî-
bahla [donnée à Dagan-
lâ'i par son futur époux, selon Mbq n°37] «arrachera la cheville du mur∞ et s'en ira où elle viendra. Les
biens meubles reviendront «à qui de droit∞ (l. 20: ßa be-li-
ßu), soit l'héritier qu'aura apparemment institué la [marâtre]. Le parallélisme de l'expression incite, dès l
ors, à comprendre que RE 27: 5 revient à dire: «elle [= la future affranchie] ne sera en aucun cas héritièr
e∞.
Dans les deux textes, celui édité par Beckman et celui provenant de Munbâqa, on oppose le sort
de deux personnes: l'une qui doit hériter, l'autre qui doit servir jusqu'à tant que finisse la vie de son maît
re. Dans le premier cas, il s'agit de maîtres, dans le second d'une marâtre; si chaque fois celle qui sert est
sans droit à l'héritage, néanmoins elle se voit en définitive attribuer la liberté personnelle, sans doute po
ur prix de ses ser-
vices. Elle ne doit en tout cas pas être comprise dans l'héritage dont disposera celui qui doit hériter. S'il e
st difficile de se représenter la situation familiale du texte de Beckman, dans le document de Munbâqa, c
e n'est que lorsque, par le jeu des morts successives des mâles de la famille, Husâsu est devenu chef de f
amille qu'il «rectifie∞ le sort de sa [vraie] sœur; la mesure qu'il prend montre donc un souci de l'intérêt
de la femme.
Il est donc important que les l. 9-
10 semblent préciser que les «frères∞ (sans doute les témoins des l. 4-5; cf. l. 21-
23) n'auront pas de droit sur la future affranchie, même si l'image utilisée reste à éclaircir.
4.1.3. L'expression se retrouve également dans un texte édité par A. Tsukimto, ASJ 14, 1992, n°
46: on trouvera ci-
dessous un nouvel essai de compréhension du texte, vu les différences entre mon approche et celle de Ts
ukimoto. Ce dernier a compris que le prince hittite Kunti-
Teßßub avait deux épouses, l'une à Carkémish, l'autre à Émar (cf. ibid., p. 297); je ne sais s'il avait une é
pouse à Carkémish, ce qui est somme toute probable, mais on peut douter que ce soit le présent texte qui
nous l'apprenne.
En réalité, une dame soubaréenne, donc de Haute-
Djéziré, certainement veuve, a dû en s'établissant à Carkémish
119
vouloir s'insérer dans la population lo
cale en s'alliant avec un homme du Moyen-Euphrate, Erßû, le soi-disant *®Abdu-
fiu'i
120
, certainement de bonne condition, à qui elle accorde sa fille: pour ce faire, elle adopte l'individu
117. Cette note, rédigée par J.-M. D., exploite les collations faites par J.-
M. D. et Lionel Marti au musée de Raqqa dans l'été 2003; cf. la suite dans la RA 98, 2004, Chroniques du Moyen-
Euphrate 3.
118. L'expression, ina pî, l. 2, et l'histoire de sa famille dans la mesure où l'on peut la reconstituer indiquent
que ce sont là des dispositions in articulo mortis.
119. La référence occasionnelle à son épouse comme étant «de Carkémish∞, l. 11, inciterait à penser que le t
exte ne vient pas à proprement parler d'Émar, mais a été (ou au moins son original) rédigé dans la capitale hittite de l
a région.
120. Le texte fluctue entre «ìr-ßú-ú∞, «ìr-ßu-i∞ et «ìr-ßu-
a∞, en fonction des nécessités grammaticales, ce qui n'incite pas du tout à une compréhension *®Abdi-
ßu'u, comme le fait Tsukimoto, mais à un /Erßû/; le signe flR a d'ailleurs valeur phonétique à Munbâqa (cf. Mbq n°1
9: 20), ce qui est peut-être un héritage local des époques cappadocienne ou amorrite (surtout pré-
babylonisation); pour le NP, cf. à Mari, ir-sa-ia, M.6803.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
37
et lui donne droit à ses biens. Elle cherche néanmoins à protéger sa fille et ses futurs petits-
enfants. Elle précise donc qu'elle était sans dette au moment de la conclusion de l'accord, c'est-à-
dire que le sieur Qabbubu ne peut se prévaloir d'avoir été adopté en contrepartie de règlement de dettes (
cf. le courant hubbulî ußallim, «il a acquitté mes dettes∞). De même, enfants garçons et filles devront-
ils recevoir les moyens de s'assu-
rer une situation sociale en fondant une famille. Il apparaît effectivement que cet homme a déjà une épou
se à Émar. Il ne faudrait donc pas que la seconde épouse et ses enfants soient considérés comme de rang
servile par rap-
port à ce premier lit. En outre, ceux du premier lit s'engagent, à moins que les rapports ne se dégradent, à
faire participer à leur situation privilégiée «au service du roi∞ les enfants du second lit. La clause ultime
est, enfin, que, si la seconde épouse se trouve sans enfants (qu'elle soit inféconde ou que les enfants meu
rent, cela n'est pas précisé), ceux du premier lit ne sont liés par aucune obligation, c'est-à-
dire, sans doute, qu'ils jouissent de l'héritage de la soubaréenne.
Grève lourdement la compréhension du texte l'entrecroisement anarchique, plus que partout aill
eurs, des styles à la première et troisième personne. À croire que le texte reprend pour établir le rescrit de
l'adminis-
tration impériale qui apporte sa sanction aux tractations privées, des textes rédigés antérieurement, sans d
oute au style direct, et maladroitement transposés au style indirect. Comme dame Ba®la-
ummî vient du Subartu, il n'est de plus pas impossible que, malgré son nom sémitique, elle se soit expri
mée en langue hourrite. Le scribe de Carkémish aurait peut-
être eu des difficultés supplémentaires à bien translater ses dires.
Le texte commence par une déclaration de dame Ba®la-
ummî, laquelle est sanctionnée par un rescrit de Kunti-
Teßßub qui n'est pas autre chose que la déclaration que doit faire, pour sa part, Erßû. Cependant, si l'on p
ourrait trouver l. 11-
15 la suite normale de la déclaration de l'individu, la notation «Erßû, mon serviteur∞, ne peut se compre
ndre que de la part du fonctionnaire impérial. De la même façon, les l. 16-
17 peuvent aussi bien être dites par la veuve que par le fonctionnaire (qui les valide), mais à la l. 17 la réf
érence est à un discours direct d'Erßû, alors que l'on recommence l. 22 avec «Erßû, mon serviteur∞ à su
pposer que c'est le fonctionnaire qui s'exprime.
a-na pa-ni µku-un-ti-∂X dumu lugal ƒnin-um-mi
2 dam µqá-bu-bi dumu qám-ma a-kán-na iq-bi
ma-a a-na-ku ú-ul hu-bu-la-ku-mi ù µìr-ßu-a ìr-ka
4 a-na dumu-ia al-ta-qì-mi é-ia mi-im-mu-ia at-ta-na-áß-ßú-mi
ù dumu-mí-ia a-na dam-ßú at-ta-din-mi
6
ù dumu-meß dumu-munus-meß ßa dumu-munuß-ia a-na ìr-meß¡ ßa dam-ka i-ma-ra-i-ti <ù>
dumu¡-meß-ßi
ú-ul ta-na-din-mi ù µku-un-ti-∂IM dumu lugal
8
ki-i pí-i ƒnin-um-mi li-i-pu-uß ù †up-pa an-na-a
a-na µìr-ßú-i i-te-pa-áß ma-a dumu-meß-ka dumu-munus-meß-ka
10 a-na ìr-meß ßa dumu-meß dam-ia i-ma-ra-i-ti ú-ul a-na-din-mi
ma-a a-na dumu-meß ßa dam-ia ßa kur kar-ga-mis giß-tukul li-iß-ßu-ú
12 ur-ra-am ße-ra-am dumu-meß-ia ßa dam-ia i-ma-ra-i-ti ù dam-ia <ßa> uru e-mar
a-na muh-hi dumu-meß dumu-mumus-meß ßa µìr-ßú-i ìr-ia
14 la-a i-ra-gu-mu ßa i-ra-gu-um
†up-pu an-nu-ú i-la-e-ßú-nu
«Par devant Kunti-Teßßub, le prince, Ba®la-
ummî, l'épouse (veuve) de Qabbubu, fils de Qammu, a dit ceci:
“Voilà que, sans contrainte d'endettement, Erßû, ton serviteur, je l'ai adopté et lui donnerai ma
mai-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
38
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
son, tout ce qui est mien; je lui ai par là donné ma fille pour épouse, (lui spécifiant): ‘les enfants garçons
et filles, de ma fille, tu ne les donneras pas comme serviteurs à ton épouse émariote ni à ses enfants.'"
Alors, Kunti-Teßßub, le prince, pour se ranger à l'avis de Ba®la-
ummî, de ce fait il a fait cette tablette à l'adresse de Erßû:
“Voilà que je ne donnerai pas tes enfants garçons ni filles comme serviteurs des enfants de mon
épouse émariote; voilà qu'ils accompliront le service
121
, en tant qu'enfants
122
de mon épouse de Carké
mish."
(Kunti-
Teßßub a ajouté la clause): “Dans le futur, les enfants de son¡ (mon) épouse émariote et de son¡ (mon) ép
ouse d'Émar, à l'encontre des enfants garçons et filles d'Erßû, mon serviteur, ne feront pas de réclamatio
n. Celui qui le ferait, cette tablette prévaudra contre lui."
———————————————
16
ù µìr-ßú-ú dumu-munus-meß-ßú i-na é e-mi
li-id-din dumu-meß-ßú dam-meß li-ßa-hi-iz-mi
18
ù µìr-ßú-ú ù dumu-meß-ßú a-ia-am-mi-e
i-na ßà dumu-meß-ia ßa dam-ia ßu-ba-ri-ti <ßa>
20
i-ra-a-[m]u a-na en-meß-ßú lil-qu-ú
giß-tukul li-iß-ßu-ni-ßú
22
ù µìr-ßú-ú ìr-ia munus-nitaÏ-meß lú-meß A-ra-WA-an-nu ìr-meß lugal ßu-nu
ßa la-a ßàm ßu-nu i-na é-ia ul-te-ri-ib
24 ßum-ma i-na egir u’-mi dam-ia ßu-ba-ri-tu
dumu-meß ú-ul nu tuk µìr-ßú-ú qa-du dumu-meß-ßú a-na ∂utu um-te-ßi-ir
«En outre, Erßû aura le devoir de trouver une belle-
famille pour les filles qu'il aura eues (de Ba®la-ummî) et il mariera les fils qu'il aura eus (de Ba®la-
ummî).
En outre, Erßû et ses fils devront prendre quiconque parmi les enfants de son¡ (mon) épouse sou-
baréenne, <qu'>ils aimeront pour leur¡ (son) Seigneur et ils accompliront le service militaire pour lui!
(Kunti-
Teßßub a en effet dit:) «Erßû, mon serviteur, tant femmes que mâles, ce sont gens libres; ils sont au serv
ice du roi et si je les ai fait entrer dans ma maison, ce n'est pas par achat
123
.∞
Si, plus tard, son¡ (mon) épouse soubaréenne n'a pas d'enfants, Erßû avec ses fils est «libre pour
fiamaß∞.
na’-kißib µku-un-ti-∂10
-up
, dumu µtal-mi-∂IM lugal kar-ga-mis
igi µna-hé-ia lú-ugula kalam-ma
ßa a-na
* ìr-meß an-nu-ti ú-ba*-qá*-ru
∂30 ∂IM ∂kur ∂nin-urta ∂lugal
-ma
dingir-meß kur-uru e-mar mu-ßú numun-ßú
li-hal-li-qu lu-ú en di-kuÌ-ßú
«Celui qui contesterait contre ces “serviteurs", que fiaggar, Addu, Dagan, NIN.URTA et fiarru
ma, les dieux du pays d'Émar, détruisent son nom et sa race et soient ses adversaires.∞
Dans un tel contexte, la clause ne peut signaler que le fait que les obligations du contractant et d
e ses enfants sont terminées. La clause a rapport à la démarche administrative initiée par dame Ba®al-
121. Pour la pratique du service militaire, cf. FM VII, p. 90-
93. Vu que l'arme est toujours spécifiée «de bronze∞, je me permets de reproposer mon interprétation de kir-ki-ra¡-
na qui qualifie le giß-tukul ßa lugal à Émar (Émar VI/3 n° 18: 19-
20) comme désignant le métal; cf. RA 83, 1989, p. 177 et NABU 1989/56.
122. Pour ce sens de ana = «à titre de∞, cf. ASJ 6, 1984, p. 66: 8, a-na en di-ni-ßu, i-tab-
bi = «il se lèvera en adversaire∞.
123. Ils se sont donc mis librement au service du prince, sans être poussés par le besoin. Leur cas est ainsi an
alogue à l'adoption librement consentie par Ba®la-ummî, au début du texte.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
39
ummî. En revanche, la qualité de a-ru-WA-an-
na semble totalement indépendante, dans le fait qu'elle définit leur statut par rapport à la puissance hittite
.
4.1.4. Un dernier texte peut être apporté au dossier, soit Émar VI/3 n
o
177, également une déclar
ation par devant Ini-Teßßub, vice-
roi de Carkémish. C'est un texte très lacuneux mais qui devait être plus ou moins ana-
logue à celui de ASJ 14, exprimant des volontés testamentaires. La clause en question est en rapport au se
rvice de l'épouse:
«Voici que Itti-
Ba'al, fils de ma servante, devra être au service de Hudi, mon épouse. Lorsque Hudi mourra, Itti-
ba®al se trouvera “libre pour fiamaß": mes fils n'ont pas à faire de revendication le concernant.∞
Cela suit la détermination de la situation d'enfants autres que ceux qui se partageront en définiti
ve l'essentiel du patrimoine. On suit encore les cas de:
(a) Dame Tatta; le texte très cassé est de restauration indécise. Le plus simple est sans doute de
voir dans «ut-te-
[er]∞, l. 16', le verbe wutturu; le père demanderait aux frères de ne pas contester l'augmentation qu'il lu
i a consentie:
l. 16'-
17': «Voici que T., ma fille, a pris sa dot; je l'ai augmentée à son profit
124
; ses frères ne réclameront p
as à son encontre.∞
(b) Dame Dagan-
lâ'i a reçu une tablette qui doit représenter une créance, ou une part de créance; ses frères sont prêts à lui
en donner la contre-valeur, sans doute pour qu'elle puisse tout de suite disposer de son capital:
l. 18'-19': «Voilà que Dagan-
lâ'i, ma fille, détient une tablette de ma maison; elle devra la rendre à ses frères et ses frères devront lui
donner 30 sicles d'argent.∞
4.1.5. L'expression documentée par tous ces textes «elle est libérée pour fiamaß∞ se retrouve da
ns des NP (cf. AHw, p. 1485a, §4a) où par définition nul contexte n'apparaît.
Cependant, un passage de Mari donne, à plus haute époque, un parallèle intéressant. Un prince b
enjaminite rap-
pelle le temps où, sous leur domination, Terqa était ville franche en disant «ana Dagan Terqa waßßur∞,
«Terqa était sans barrière pour Dagan∞. Le texte est extrêmement net: il signifie que nul pouvoir politiq
ue ne venait s'interposer entre la ville et le Dieu.
Dans le premier texte, RE 27, «je la libère pour fiamaß, pour quand nous serons morts∞, le sens
opposition-
nel du parfait est par rapport à l'expression «après que nous serons morts∞. Il faut comprendre que la fe
mme sera vouée à fiamaß. L'affranchissement n'est pas immédiat, mais virtuel, mis sous la protection du
dieu de la justice que les noms propres décrivent comme le regard qui surveille le pays (fiamaß-înâ-
mâtim). Le même contexte semble également opérer pour le texte de Munbâqa, Mbq 39.
Une autre expression analogue est documentée dans les textes de l'Euphrate, «être pur comme l
e Soleil∞ (kîma ∂utu zakû) pour signifier que l'on ne doit plus rien
125
. Le plus simple est donc, peut-
être, de voir dans «être sans rien qui empêche d'aller à fiamaß∞ une expression figurée analogue au franç
ais «être libre comme l'air∞ et un contexte devrait révéler un jour le niveau de langue (proverbe, apolog
ue…) auquel cette expression a été empruntée. C'est sans doute dans le même ordre d'idées que l'on dev
124. Lisant l. 16, un peu différemment de RA 84, 1990, p. 67, s. n.: [a-n]u-ma ƒta-ta dumu-munus-ia níg-
m[í-ús-sá te-el-qì] a-na muh-hi-ßa ut-te-er-[ßi].
125. Cf. RE 84: 14; zakû, lui-
même, est un terme qui est couramment employé pour signifier «libre∞ (de revendication).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
40
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
rait aborder l'explication de l'expression «poser l'habit sur le tabouret∞ pour signifier «renoncer à tout
∞.
4.1.6. Même si le texte de ASJ 14 46, montre la différence des clauses, il paraît néanmoins néces
saire d'examiner en relation à cette formulation celle que l'on trouve dans AuOr Sup. 32 1-3: dumu-
munus-∂kur dumu-munus ∂kur-ad ƒgaßan-be-a dumu-munus-ßi a-na a-ru-WA-na-ti um-te-ßi-ir-
ßi. L'effet de cette décision est que personne ne prendra la «dot∞ de la femme dont il est question. Cette
dernière réalité est écrite M‡-Ufi-N‡G-
S‰, ce qui n'est qu'un exemple de plus qu'une expression idéogrammatique complexe peut être notée pa
r un scribe syrien «en désordre∞, et cela depuis l'époque de Mari.
Un parallèle à la clause de RE 27: 4 doit être désormais retrouvé dans l'ouvrage dû à J. G. West
enholz, Cun. Inscr. in the Collection of the Bible Lands, n° 13: 6"-
7", où l'on comprendra différemment de l'éditrice: [ù dam-ia ƒ……]-ub-la ƒe-za-ta, [dumu-munus-
ia ki]-me-e i-pal-lah-ßi, [egir ßi-im-ti-ßi] ub-bal-ßi a-na a-ra-WA-nu-[ti], [um-te-ßi-ir-ßi ßeß/dumu]-meß-
ia a-na muh-hi-ßi la [i]-ra-gu-[mu].
Pour ce qui est du terme a-ru-WA-nu-
ti, D. A. avait pensé immédiatement à un terme hittite, apparenté tant pour le son que pour le sens, arawa
nni- «libre∞, ce qui peut tout à fait emporter la conviction; la forme d'Émar représenterait une expres-
sion mixte: il s'agirait plutôt d'un abstrait en -atu akkadien sur le terme hittite arawanni-
«libre∞ que d'une «femme libre∞, comme l'interpréterait Pentiuc, HSS 49, p. 28; la forme *aruwanni-
attestée à cette occasion peut être une déformation au moment de l'emprunt, ou une forme dialec-
tale du sud anatolien.
4.1.7. En fait, une troisième formulation se présente également à l'esprit: dans RE 66, la libérat
ion d'un groupe familial se dit (l. 3-4): a-na
lú
mar-ia-nu-ut-ti, um-te-eß-ßi-ir-
ßu. Il est bien évident que la traduc-
tion «I have freed my servant, with his wife (and) his sons to be charioteers∞ (Pentiuc HSS 49, p. 123) n
'est pas recevable, surtout en ce qui concerne l'épouse; la traduction de G. Beckman «to maryannu-
status∞ est moins choquante. En fait il apparaît que l'expression signifie qu'ils ne devront plus le service
à la famille qui les employait et qu'«ils iront où bon leur semblera∞, selon la formule de l'époque. Je do
ute fort que le texte veuille dire qu'ils accompliront désormais auprès du roi le service caractéristique d'u
ne certaine sorte de combattants. Le testataire n'aurait certes pas qualité pour en décider.
4.1.8. On peut prolonger le questionnement en se demandant également s'il pourrait y avoir un r
apport entre mar-ia-nu-ut-ti et A-ru-WA-na-tu: faut-il, ainsi, lire le second mâru
ru
-ya-na-tu ou mar≈
ru
-
ya-na-
tu? Dans un système d'écriture où A a la valeur mu≈, une séquence A
ru
= mar≈ perdrait de son caractère
cho-
quant; cette façon d'écrire pourrait d'ailleurs n'avoir été qu'une remotivation (propre à la région de l'Eu-
phrate) du terme hittite signifiant «libre∞.
C'est à cette graphie que je rattacherais D. A. AuOr Sup. 100: 17 où au lieu de lú a-ra-wa-
[ti] je lirais: mar≈
ra
-ya-[an-nu].
On a vu les deux expressions, «libérer pour fiamaß∞ et «être un AraWAnnu∞ se retrouver dans
ASJ 14, 1992, n°46: 25, acte passé devant un prince d'origine hittite, du groupe de Carkémish, par une v
euve, origi-
naire du fiubartu, qui, au moment où elle établit le mariage de sa fille avec un homme d'Émar, assure que
les petits-enfants à naître n'auront pas un statut servile par rapport à la famille émariote.
4.1.9. La formule semble dans le cas des femmes seules exclusive de celle qui prévoie qu'on leu
r trouvera un époux: a-na é e-mi li-id-din-
ma (cf. RE 26: 10); en revanche, pour tous les bénéficiaires, on spécifie qu'ils sont hors d'atteinte des re
vendications.
4.1.10. Aux l. 16-
18, du texte de Munbâqa, Mbq n°39, la gestuelle «arracher la cheville du mur∞ est l'exact inverse de la
prise de possession d'une maison «en y clouant une cheville∞ au mur. Dans le contexte de Munbâqa, il
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
41
n'est en effet pas simplement question du départ de la jeune femme, mais aussi de son renonce-
ment à tout droit de propriété.
La formule «arracher la cheville du mur∞ est connue pour avoir été enregistrée par CAD S, p. 2
50b, d'après une lettre inédite OB (signalée par M. Stol), Lowie Museum of Anthropology, Los Angeles
9-2322: 10 «sí-ik-ka-at-
ka ina igârim anassah∞; ce texte est désormais édité, comme me le signale obligeamment D. Charpin, d
ans la thèse xéroxée d'Anne Jones Marchant, Old Babylonian Tablets from Larsa…, 1990, p. 119-
122. Le contexte est manifestement celui d'une punition.
Je comprends le texte différemment de l'éditeur: «Quoi? Tu as roué de coups le serviteur (sous
prétexte qu'il n'était) pas l'habituel
126
, lui qui était venu pour emmener les bœufs! Par fiamaß, pour ces
bœufs que tu as refusés, j'arracherai ta cheville du mur: sitôt que tu auras cette lettre de moi sous les yeu
x, ne fais pas d'obstruction à des serviteurs qui viendront pour emmener les bœufs
127
. Si tu le fais, pour
compenser le champ qu'ils auront brouté, je vendrai ta demeure. Qui donc t'a rendu aveugle [m. à m.: t'
a crevé les yeux] au point que tu te défiles par rapport à notre maison
128
?∞
Dans ce texte, «arracher la cheville∞ entraîne la vente du champ; cela montre bien que la puniti
on consiste à exclure quelqu'un de sa propriété. Le «champ∞ que les bœufs seront censés «avoir mangé
∞ doit se comprendre comme le fait que leur fourrage équivaudra à l'herbe fauchée dans un champ comp
let.
4.2. Triomphe d'une marâtre
J.-M. D. & L. M.
L'examen direct des documents Émar VI/3 n°201-
202 a permis de préciser des propositions de lecture faites par J.-
M. D. à partir des autographies et de l'édition de D. A
129
.
4.2.1. Émar VI/3 n°201
L'interprétation générale de l'histoire n'a pas changé: Zû-
Bala a tenu à un moment à mettre ses affaires en ordre: il s'agissait dans un premier temps de se faire do
nner les terres d'un certain Ba'al-
malik, ou de s'en faire confirmer le don, par les autorités de Carkémish. Conjointement, il avait dû être a
mené à préciser qui pourrait lui succéder comme propriétaire des terres. À ces dernières devaient être ratt
achés d'importants services d'État. Ba'al-
malik devait être mort sans héritiers naturels et les autorités hittites voulaient sans doute s'assurer la perp
étuation de l'accomplissement des services. Ces derniers étaient peut-
être liés à la fonction de «devin∞ de Zû-
Bala. Plusieurs charges liées à l'exercice de tâches religieuses semblent à Émar avoir été com-
prises comme héréditaires et très lucratives, au point qu'on s'en servait pour récompenser des gens qui a
vaient bien mérité de l'État.
Dans le n°201, on trouve un rappel d'un premier acte passé à l'époque de fiahurunuwa et confir
mé sous son successeur Ini-Teßßub.
l. 5: lire iq-bi um-ma-a √é∫*-[meß a-ßà-meß ù kiri^-numun ßa µ∂IM-ma-lik].
Le véritable texte décrivant la fortune de Ba'al-
malik est en effet à restaurer par la l. 17. L. 20, le -
ßu final est mal placé par l'éditeur et doit être attribué à une nouvelle ligne.
126. En lisant: a-hi-√a∫-[am-ma¿]; Ωûharam ahi-[ia], «serviteur de mon frère∞, fait étrange.
127. L. 15 i-la-[IL-LI]-ku-nim n'est qu'une hésitation entre «illakûnim∞ et «illikûnim∞.
128. Lisant: a-na bi-ti-i-ni ka-ti, a-na pi-†á-ri-
im; kâti est simplement ici l'accusatif sujet de l'infinitif, pi†ârim, dont la formation est analogue au pißâßim de Mari
des textes du bureau de l'huile (et d'ailleurs); pa†ârum, «quitter son poste∞ a ici le sens de «ne pas se montrer solid
aire∞.
129. Cf. RA 84, 1990, p. 71 sq.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
42
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
Les lignes qui suivent doivent s'interpréter en tenant compte de l'empreinte circulaire du sceau,
de part et d'autre de laquelle ont été distribués les signes:
6
it-ti ∂utu-ßi (SCEAU) [ir-gu-um]
ù µmur-ßi- (SCEAU) [AN-lì]
8
a-na µßa-hu- (SCEAU) [ru-nu-wa]
lugal kur uru (SCEAU) [kar-kà-mis]
10
iq- (SCEAU) [bi]
um-ma-a (SCEAU) [é-meß a-ßà-m]eß
12
ù giß-kiri^ (SCEAU) [numun]
ßa µ∂IM- (SCEAU) [ma-lik]
14
a-na zu- (SCEAU) [ba-la]
i-din-mi ù (SCEAU) [µßa-hu-ru-nu-w]a
16 lugal kur uru kar-k[à] (SCEAU) [-mis é-meß a-ßà-me]ß
ù giß-kiri^-numun [ßa ∂IM-ma-lik]
18
id-din ù √i∫-[na-an-na ku-un-ka]-ßu-/[nu-ti]
i-na-an-na µi-ni-[∂U-ub]
20 lugal kur uru kar-kà-mi[s é-meß a-ßà-meß giß-kiri^-numun]
ßa ∂IM-ma-lik a-na µzu-[ba-la]
22 ik-ta-na-ak-ßu-nu-ti
Dans un premier temps, Zû-Bala avait pensé à Himâßi-Dagan qu'il avait pris comme héritier.
l. 25-26, on lira …µhi-ma-ßi-∂kur a-na √dumu∫-ut-√te∫-ßu, i-pu-uß…
Mais les affaires se sont vite gâtées entre les deux hommes et on lira effectivement, comme prop
osé dans RA 84, p. 71 l. 29: it-t[a]-zé-me-e, attestant à Émar le même zemû qu'à Ugarit
130
.
Il semble que Himâßi-
Dagan, au temps de sa faveur, avait reçu copie du texte l'instituant héritier. Ce dernier tenait en réalité su
r deux documents distincts.
On lira ainsi les l. 34 sq.:
… a-nu-ma †up-p[a-t]i
ßa
131
iß-tu na’-[kißib µi-ni]-∂U-ub lugal kur ur[u kar]-kà-mi[s]
36
ù iß-tu na’-[kißib uru] √e∫-mar ka-an-ku
µhi-ma-ßi-∂kur √ú∫-[ka-al ßum-m]a µhi-ma-ßi-∂ku[r]
38
†up-pa-<ti>
meß
ßa-a-ß[u-nu ú-ße-e]l-la-a
†up-pu an-nu-ú i-l[a-e-ßu-n]u-ti
On se trouve donc, en fait, devant non pas un document scellé à la fois par le roi de Carkémish e
t celui d'Émar, comme le propose l'éditeur, mais devant deux tablettes. Une incertitude pèse sur le propri
étaire du second sceau, mais la comparaison avec Émar VI/3 n
o
202: 18 où il est question du sceau de Ni
nurta inciterait plutôt à retrouver ici le sceau de la ville, dont Ninurta est le représentant.
La tablette qui était scellée par l'autorité politique de Carkémish concernait les terres, à en juger
par la première partie de Émar VI/3 n°201; c'est de là que venait donc la reconnaissance de la fonction d
e devin. Il faut, en opposition, juger que les autorités municipales sanctionnaient l'acte d'adoption. Les a
utorités politiques n'y étaient concernées que par le droit que cela conférait d'hériter la charge héréditaire
.
En même temps que Himâßi-
Dagan était évacué, les trois fils d'une dame TarΩipu connaissaient eux aussi la défaveur. On ne sait pas l
e lien entre les deux histoires, mais il en avait certainement un. Himâßi-
130. Zemû a la même construction que zenû, en itti.
131. La construction est, d'après collation, la même que dans Émar VI/3 n°202: 19, où les deux tablettes son
t nettement opposées.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
2003
RELECTURE
DE
DOCUMENTS
D
'
EKALTE
,
ÉMAR
ET
TUTTUL
43
Dagan peut avoir été l'aîné, avec lequel la brouille a été consommée, les trois autres étant toujours tolérés
dans la demeure de Zû-Bala, mais sachant désormais qu'ils n'auraient rien.
Le fond de l'affaire est vraisemblablement que TarΩipu, épousée avec des fils d'un autre homme
, est morte et a été remplacée par Dagan-
lâ'i qui a évincé les enfants de l'ancienne épouse au profit des siens.
l. 48: la collation montre qu'après ßa i-ra-ag-guÒ-um¡ il n'y avait plus de texte.
Le texte consacre, dès lors, l'aînesse de Ba'al-
qarrâd, bien connu effectivement par les archives. Comme tel, il reçoit la maison principale et les dieux f
amiliaux.
4.2.2. Émar VI/3 n°202
La marâtre Dagan-
lâ'i n'a eu de cesse de faire chasser les enfants de TarΩipu, car il pouvait être très coûteux de les garder. C
'est ce que montre le texte Émar VI/3 n°202.
Ce texte est très dificile à lire, au moins à l'heure actuelle où la surface pulvérulente interdit tout
net-
toyage par brossage; plusieurs propositions nouvelles peuvent néanmoins être faites en ce qui concerne l
es très méritoires lectures de D. A.
a) Dans le premier §, il s'agit d'évincer les trois (derniers?) enfants de dame TarΩipu.
b) Dans le second §, il apparaît que, tout comme Himâßi-
Dagan, éventuellement leur frère (cf. ci-des-
sus), ils avaient reçu copie du texte concernant les biens de Ba'al-malik. Peut-être évoque-t-
on ainsi le même document que celui censé être en possession du premier.
On lira effectivement, l. 13: ù a-nu-ma †up-pa ßa é µ*∂IM-ma-
RI. L'omission du clou indiquant les noms propres par D. A. empêchait de voir le sens du §, d'autant plu
s que le texte est manifestement fautif, car le RI copié par D. A. ne saurait être corrigé en UR. Il doit y av
oir eu une haplographie et il faudrait restaurer ù a-nu-ma †up-pa ßa é µ∂IM-ma-<lik ma>-
ri. Si notre proposition que dame TarΩipu est morte est vraie, il est diffi-
cile de supposer que ce soit elle le sujet d'un éventuel il-t[a-qì], à la l. 14.
À la l. 16, le texte restauré par D. A. est, en fait, parfaitement lisible sur la tablette.
c) Les motivations de l'expulsion des trois enfants de TarΩipu apparaissent clairement: lorsqu'il
s avaient été adoptés, il avait été manifestement prévu que Zû-
Bala pourvoierait aux frais de leurs mariages.
La l. 20 doit se lire: a-na ßu-hu-zi qa*-bu-
ú et la proposition de RA 84, p. 72 est confirmée. Mais il faut désormais donner à ßûhuzum le sens techni
que de «pourvoir d'une épouse∞.
Dès lors, on comprendra la cruciale l. 22:
aß-ßum kù-babar° nì-mí-ús-sá ßa dam-meß*-√ßu*-nu∫* √a*-na∫* muh-hi dumu-meß ƒ∂kur-la-a-
<i> = «(Ils n'élèveront pas de réclamations) au sujet d'argent pour la terhatu d'épouses pour eux à l'enc
ontre des enfants de dame Dagan-lâ'i∞.
d) Le quatrième § est montré clairement comme une clause adventice par le fait qu'il est séparé
du texte principal par le grand déroulement du sceau (très effacé) et qu'il est écrit sur la tr. inf. Il traite de
ce qui a dû faire envisager de terribles dépenses à Dagan-
lâ'i: un des fils de TarΩipu avait entrepris justement de se faire payer une épouse par son père.
Je comprendrais les l. 25-28 ainsi: «Quant à dame Maqila(?), la jeune épouse d'Imût-
Hamadî, que Zû-Bala lui avait fait prendre, que Zû-
Bala la prenne et la rende à ses père et mère, ou bien qu'il en reçoive la dot.∞
ù ƒma-zu¿/qí¿-la munus*-[é-gi]’-√a∫ ßa* µ i-mu-ut-ha-ma-di
ßa µzu-ba-la √ú∫-[ßa-h]i-sú
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France
44
JEAN-MARIE DURAND ET LIONEL MARTI
[RA 97
zu-ba-la lil-[qì]-ßi* a*-na* a-bi-ßi ama-ßi
li-te-er-ßi ù-l[u¿*-m]a¿* nì-mí-ús-sá-ßa lil-qì
Il s'agissait soit d'annuler purement et simplement le mariage, soit de recevoir en place de l'épo
ux la dot. Dans le premier cas la jeune femme, pendant l'époque où elle était une kallatu, devait résider d
ans la demeure de son beau-
père, sans être complètement l'épouse de son mari; la seconde éventualité, main-
mise paternelle sur la dot, doit prévoir le cas où les «jeunes mariés∞ ayant eu des rapports sexuels, il y a
urait eu problème à rendre l'épouse.
4.3. Une adoption, l'année de la famine
J.-M. D. & L. M.
Émar VI/3 n°216, traite d'une de ces nombreuses adoptions documentées aussi par la Mésopota
mie, où des parents se résignent à faire adopter par des tiers leurs enfants à des moments de disette pour a
ssurer leur survie.
Le début du récit de dame Ku'e, apparemment une veuve, rappelle l'ancien temps et l'oppose à l
a misère actuelle: «Voici: mon époux est maintenant vieux
132
, or nos enfants sont petits; ils n'ont pers
onne qui les empêche de mourir (de faim).∞
l. 3:
ma-a lú mu-ti’-ia il*-t[a*-bi-ir dumu-meß-ni]
Ωe-eh-ru ßa ú-bal-la-a†-s[u*-nu ú-ul i-ßu]
Elle a donc fait adopter sa fille aînée, ∂nin-bi’-a, par une certaine Amat-
ummi
133
et cette dernière a ainsi permis de nourrir les jeunes frères.
l. 5
ù ƒ∂nin-bi’-a dumu-mí-ia a-na ma*-√ar∫-[tu-ti]
a-na dumu-mí-ßa ßa ƒa-mat-um-mi…
at-ta-din
D. A. avait restauré (sans conviction) a-
na ß[ám], l. 5. Le texte parallèle Émar VI/3 n°217 prouve effective-
ment que l'adoption aurait dû entraîner le versement d'une somme de 30 sicles d'argent. La collation mo
ntre un début très net en trois clous parallèles avec une perpendiculaire, ce qui donne une bonne structure
de MA et exclut un fi[‰M] qui commence régulièrement à Émar par deux horizontaux. Le signe suivant
comportait de façon sûre au moins trois perpendiculaires très visibles. Un début en ma-ar-
incite fortement à retrouver ici le terme martûtu, «état de fille∞, jusqu'ici attesté surtout à Nuzi.
RÉSUMÉ
Sont présentées dans cet article des propositions de lectures nouvelles de textes d'Émar, de Tutt
ul et de Munbåqa, suite à un réexamen des textes cunéiformes originaux dans les musées syriens. Un pre
mier choix a porté sur des documents d'intérêt historique (inscriptions royales, chronologie d'Émar, ques
tion des Hourrites) ou sur des dossiers intéressant surtout les guildes de l'Euphrate ou le commerce intern
ational.
Bibliothèque d'Assyriologie du Collège de France
52 rue du Cardinal Lemoine F-75005 Paris
132. La correction de RA 84, p. 74, est à abandonner. Les deux signes initiaux du verbe semblent correspondr
e très bien à il-t[a-.
133. D. A. a systématiquement (n° 226 et n° 227) transcrit a-KUR-um-mi «Anat-
ummº∞, comprenant apparemment «(H)anat-est ma mère∞. De la même façon trouve-t-
on chez Beyer, OBO SA 20, 2001, p. 141, 193-4 «Anatumi∞. Pourquoi KUR = NAT?
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.243.68.227 - 30/05/2015 14h50. © Presses Universitaires de France