La prise de possession dans la legislation canonique 16
certaines de leurs prerogatives, notamment leur ingerence dans les elections episcopales et l’investiture des eveques. Le decret conciliaire de 1075 interdit aux eveques et aux abbes de recevoir les eveches et abbayes de mains laiques ou du pouvoir temporel.
Si quelqu’un desormais reęoit des mains d’un laTque un eveche ou unc abbaye, qu’il ne soit pas mis au rang des eveques et des abbes et qu’on lui refuse toute obeissance due aux abbes et aux eveques. Nous lui interdisons toute communion du bienheureux Pierre et Pentrec de PEglise tant qu’il ne renoncera pas a sa dignite. De meme, si quelque empereur, duc, marquis, comte, puissance ou personne seculiere, ose donner l’investiturc d’un eveche ou d’une autre charge ecclesiastique, qu’il soit frappe de la meme sentence56.
Pour les reformateurs, la reception d’un eveche ou d’une abbaye presuppose la communion avec tout le corps episcopal. C’est un acte reserve a Pautorite qui presidc a cette communion. Le ministere episcopal doit słexercer en communion avec le successeur de Pierre. Toutefois, la reforme gregorienne rencontre une forte opposition chez bon nombre de dignitaires de PEglise de France, qui refuse dły souscrire. Pour Gregoire VII, l’eveque doit recevoir Tinvestiture de son metropolitain, et le clerc de son eveque57.
Le mepris des normes canoniques porte de graves atteintes a PEglise. Le soin des ames releve de Pautorite spirituelle et ne peut etre confie que par celui qui est revetu du caractere sacerdotal. L’usurpation de prerogatives episcopales par le pouvoir temporel a fortement diminue Pautorite de Peveque dans le gouvemement de son diocese. La reforme gregorienne vise a assurer Pindependance de PEglise vis-a-vis du pouvoir temporel et a obtenir la restitution de ses biens58. Elle a condamne Pinvestiture laique, mais n’a pas reussi
56GREGOIRE VII, De consecratione Hugonis, dans G.-H. PERTZ, Monumerta Germaniae Historica, Hannovcrac, Impcnsis Bibliopolii Aulici Hahniani, 1898,p. 412. Voir aussi MANSI, Sacrorum conciliorum, t. 20, col. 410 et O. DELARC, Saint Gregoire VII et la reforme de 1'Eglise au XF siecle, t. 3, Paris, Rctaux-Bray, 1889, p. 134.
57Cf. IMBART LATOUR, Les Origines religieuses de la France, p. 395.
58Paraphrasant G. Schrciber, Gaudemet notę que les conciles du milieu du XIC siecle exigerent la restitution aux eglises des domaines et biens usurpes par les laics. II cite par exemple les conciles de Toulouse, 1056; de Tours, 1060; d’Avranches, 1072; de Rouen, 1074 et 1096. D’autres reformateurs soutiennentqu’apres la consecration un laic ne peut faire valoir aucun droit sur une eglise. Voir a ce sujet le Cardinal DEUSDEDIT, Libellus contra invasores> Nova: Patrum Bibliotheca; VII>pars III, p. 111 et THOMAS, Le droit depropriete des laiąues, p. 47: «Deusdedit soutient que les lai'ques ne peuvent avoir aucun droit de propriete {dominium) sur une eglise. Son principal argument est base sur les effets de la consecration, qu’il rapproche de la dedicatio