570 UN DEBAT : LES MENTALTTES COLLECTIVES 4
La mesure du progrós est-elle donnće par la mentalitć juridique (donc, il faudrait ótablir les modalitćs valables et efficientes d’enregistre-ment et d’action) ou bien par la loi en Yigueur et par celle de demain ^ Dans la modernisation de la Boumanie au XIX® siacie, inćluctable, mais non exempte d’excós, d’apories et de critiąues injustes, la mentalite existante k un moment donnę constituait-elle le fond de la rćalitć sociale ? Et les łois modernisatrices n’etaient-elleS, par rapport i la meme realite, qu’une formę vide et stćrile, pour reprendre la formule devenue prover-biale, mais non moins erronóe et alićnante, de Titu Maiorescti et de la « Junimea », Iorsąue l’on dśnonęait le danger de la forma, fara, fondf (formę sans fond substantiel). Et qu’en est-il de la conseience juridique avancśe d’une minoritć róvolutionnaire, en face de 1’ódifice du droit «lógal », s’appuyant parfois sur une mentalite juridique majoritaire, mais dópassśe par 1’histoire ? Yoici quelques-unes des raisons pour lesquelles il est plus aisć de disserter sui- tel autre aspect de la mentalite, que d’aborder 1’analyse do la mentalitó juridique. Sauf si l’on conęoit 1’histoire des mentalitśs comme un discours descriptif, fermó au reflux des grands problómes qui agite le mental d’une societe en font la grandeur dramatique.
On peut ehanger de point de vue, sans aborder des problemes plus simples. On attiibue souvent aux Eomains un veritable genie juridique, une sorte d’assise mentale qui expliquerait la soliditó et la fćconditó de leur droit. Quelle est la genese de eette mentalite juridique tres marquće des Eomains? Dans la religion des peuples Maya (qui n’ont pas creć de droit comparable au droit romain) et dans la religion romaine on pre-tend retrouver une empreinte juridique, un juridisme inconnu par d’autres peuples. Est-ee la une manifestation de la mentalite juridique? D’ou vient-elle et comment se rend-elle agissante? Dans le mondemodeme on est toujours tent-6 d’attribuer, par exemple, aux Franęais un don partieulier pour le droit, une sensibilitś aigue pour 1’approcbe et la solution juridique d’un problóme social. En raison des lćgistes des rois de France, du codę cml et de 1’ćclat de la jurisprudence franęaise ? Dans la mentalite franęaise, le juridique jouerait-il un r61e stylistique dont 1’historien est appelć a rendre compte avec soin ? Personne n’ignore le róle que le droit romain a jouś dans la formation du droit Continental en Europę. A partir de eette donnće « objective », quelle p’est la variete et la richesse des mentalites juridiques en Europę? Et vu eette varićte, dans quel sens peut-on parler du droit romain comme de l’une deS «colonnęs » de la civilisation europeenne, fdt-elle limitóe k 1’Occident ou la róception a portó sur le droit romain de langue latine? Derriere tout problóme de mentalite juridique, une rćponse se fait attendre a des questions graves et difficiles.
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Dans cet ordre d’idees, 1’historien des mentalitćs doit avoir une position nette fcur des problómes ćssentiels. Le droit populaire, le droit vulgaire, le problóme de l’affectivitś (ou plutót, de la non-affectivitó) du droit, font-ils partie de 1’histoire des mentalitśs juridiques ou de 1’his-toire gónćralc du droit? Personnellement, je pense que selon l’optique et le discours adopte, on peut les analyser et en parler aussi bien en historien des mentalites qu’en historien du droit, puisqu’il s’agit, en quelque sorte, de l’envers quotidien et social du droit officiel ou posifif, que rhistorien du droit ótudie au premier chef.