■UN DEBAT : LES MENTALTTfiS COLLECTIYES
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Pour 1’histoiien roumain, les problśmes locaux et particuliers sont innombrables. Quelle est 1’image que le peuple roumain ou ses diffśrentes conehes sociales se font do la łoi, de la lśgalitś, de la justice, du pouyoir poIitique, en comparaison avec le statut officiel, thśoretique ou insti-tutionnalise de ces structures? La mentalitś processive des paysans libres proprietaires de leurs terres (moęneni, rdzeęi) est devenue lśgendaire et de nombreux documents sont 1& pour 1’illustrer. Elle attend encore linę sśrieuse etude quantitative d’histoire de la mentalitś juridique. La « constitution » qui dans certaines conditions historiques śtait deyenue une formę moderement modernistę de peine corporelle de type oriental exige — selon Caragiale — une analyse de mentalitś juridique sur laquelle le dernier mot n’a pas śtś dit. Et le probleme du peśkeś ou du baHiS et oelui des «mains propres » dont les gouvemants et les juges du passś devaient se soucier, ont eu un impact mental qui se reflete meme dans les textes juridiques d’śpoque, & partir du scholiaste des Basiliques, & travers la t erminologie ottomane devenue intcrnationale, śtant repris par Michel Phóteinos & Bucarest dans ses projets de codę (1766, 1777) que j’ai dtudiśs dans d’autres contextes s.
Quant aux sources de 1’histoire de la mentalitś juridique, je placerai au premier rang les ehroniqueurs, en commenęant par łon Heculce. Mais il ne faut exclure aucun genre d’information directe et surtout indirecte : proverbes, pośsies populaires1 2 3 4 5, lettres de boyards et de princes, vies des saints et sermons, correfpondance privśe et littśrature au XIX6 siecle, documents internes, relations de voyageuis śtrangers, ouvrages de statistique descriptive, enquetes sociologiques, etc.
Pour 1’historien du droit un domaine Yierge 8’ouyre pour les recherches indispensables qui, avec l’ślaboration d’une mśthodologie appropriśe, Sont destinśes a rectifier beaucoup de prśjugśs, de clichśs et de demi-yśritśs. II va de soi que 1’histoire de la mentalitś juiidique ne se cantonne pas dans l’śtude du passo. La mentalitś juridique contemporaine est riche en problemes importants qui ont śtś mieux abordśs que ceux du passś.
II. Au n° 2 de votre questionnaire-programme, je souligne la Tichesse des matśriaux qui pourraient etre rassemblśs et dtiment inter-prśtśs par qui s’attacherait a reconstituer les śtats affectifs qui ponctuent la vie juridique quotidienne, 1’application rśelle du droit, l’image de la loi et de son role dans les profondeurs des consciences individuelles et du mental colectif. L’avśnement d’un nouveau prince, le cśrćmonial de Pintrónisation, rhommage prśsentś aux grands de ce monde, le double yisage de 1’act-e de destitution (mazilire) du prince par la Porte ottomane, l’a8sassinat d’un prince par ses boyards (« scirnavi& faptS, », Miron Costin), l’ordre du prince & ses sujets de rśsister aux abus des puissants (« s& le da^i la cap », Mircea 1’Ancien), le dśroulement du jugement & ses diffśrents niveaux, l’application des peines, les rapports juges-parties litigantes, la yśnalitś des juges, la conclusion et l’exścution de diffśrents actes juri-diques, le traitement de 1’institution du bourreau (gide) chez les Roumains
8 Uidće imperiale romano-byzanttne et ta structuratton du pouuoir prtncler en Yalachle
de 1765 d 1818, In Festschrift fdr Pan. I. Zepos, Ath&nes, Freiburg/Br., Kóln, 1, 1973,
455-471.
Les essais de N. Densusianu (proverbes) et I. Peretz (proverbes, chroniąueurs, poćsies
populaires) ne se haussent pas k une vćritable bistoire des mentalJtćs.