urgent de le mediter. En France, d’autres institutions reviennent, pour s’accuser et demander publiąuement pardon, sur le meme mai, un mai “irreparable”, disait M. Chirac, “imprescriptible” dit la loi franęaise au sujet du “crime contrę 1’humanite”. “Irreparable”, “imprescriptible”, cela ne veut pas dire “impardonnable”, mais les significations sont proches et on les confond souvent. (Qu’aurait-on jamais a pardonner, d’ailleurs, sinon 1’impardonnable meme? On n’a pas a pardonner ce qui est pardonnable, facilement pardonnable. Je dois laisser reposer ici, entre parentheses, 1’enjeu de cette aporie). Pour les memes crimes, un corps de la police franęaise et 1’ordre des medecins de France se sont aujourd’hui engages dans ce processus du pardon demande. L’universite franęaise ne s’y est pas encore risąuee, et je doute qu’elle en ait un jour 1’audace. Elle vient pourtant en tete des corporations pour le nombre de professeurs juifs exclus sous un regime de Vichy qui, on le sait, abolit la Republique, se sumomma “Etat franęais”, instaura un “antisemitisme d’Etat” (comme le rappel-le clairement la declaration de PEglise de France) et introduisit de lui-meme le terme de “race juive” dans le droit franęais, lors de 1’etablissement des deux sinistres “Statuts des Juifs”.
Quel rapport peut-il y avoir, je le demande, entre toutes ces scenes de “pardon” d’une part, un seminaire en cours — que j’avais ainsi decide, bien avant ces evenements, de consacrer au pardon et au parjure, d’autre part, et puis un doctorat honoris causa a Katowice qui me donnę la chance et 1’hospitalite d’une premiere visite en Pologne? Ce n’est pas encore clair pour moi. Bien des hypotheses se pressent dans mon imagination, qu’il faudra faire patienter bien au-dela de cette allocution.
Car je voudrais avant tout dire merci a mes collegues de cette universite, merci du fond du coeur, comme on a raison de le dire. Ce langage de la gratitude, le trouverai-je ? Devrai-je pour cela me fier a quelque prescription rituelle? Un codę enseignerait-il les regles qui doivent presider a une scene de remerciement quand, venu pour la premiere fois d’un pays voisin, la memoire debordante d’une tradition d’amitie, un etranger se voit conferer par une grandę et prestigieuse universite europeenne rimmense privilege d’un doctorat honoris causa?
Si de tels remerciements s’assujettissaient a 1’autorite de regles, de codes ou de rituels, voire de lois et meme de devoirs, ils seraient
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