Un enseignement base sur robservation suppose un entrainement systematique. On aurait tort de s’en tenir aux faits excep-tionnels, tout pittoresques ou poetiqucs qu’ils sont, aux sites rares ou fantastiques, aux plus hautes cascades, aux monuments, aux records de toute naturę. Ce sur quoi le maitre doit insister, ce sont les faits nor-maux, les scenes de la vie quotidienne, si prosaiques qu’elles soient. Bref, il faut depasser le cadre etroit de Fob$ervation telle qu’elle est pratiquee d'ordinaire par le touriste, eviter dc crecr chcz les eleves une mentalite de guide. Efforęons-nous, au contraire, de remarquer les elements types des paysages, le fond du tableau^1'.
Les commentaires du maitre porteront alors sur les phenomenes d’adaptation plus ou moins parfaite, soit au milieu, soit aux techniques, ainsi que sur les problemes qui en decoulent. En faisant faire a ses eleves de tels exercices d’observation, le maitre developpera chez eux le sens critique ; il leur apprendra a voir avec discernement, a ne pas tout admirer aveuglement, a repenser chaque chose vue en fonction de leurs connaissances prealables — bref, a reagir en face des phenomenes. Une telle attitude conduit a Fesprit qui anime la recherche. Elle eveillera chez les jeunes le desir d’y participer en temps opportun.
b) La memoire et Vimagination
II fut un temps ou la geographie ne servait guere qu’a developper la memoire verbale, lorsqu’on inculquait aux el&ves d’intermi-nables nomenclatures. Les pedagogues ont abandonne cette conception. Toutefois, on ne peut faire de geographie va!able sans un minimum indispensable de noms de lieux, de pays, d’accidents geographiques. Mais on procede maintenant de maniere plus intel-ligente, en se servant de la nomenclature pour etablir des jalons et des reperes sur les cartes et les illustrations. On developpe ainsi, chez Fenfant, la memoire visuelle, en lui faisant apprendre les termes gcogra-phiques dans leur localisation exacte, sur des croquis et des cartes murales ou sur un atlas. Le processus mental qui est alors mis en ceuvre consiste a obtenir la memo-risation a partir de Fobservation.
D’autre part, Fenseignement geographique contribue largement a developper Fimagi-nation. L’evocation des paysages des regions les plus diverses oblige Feleve a un perpetuel elfort d’imagination. Se basant sur les images observees, sur les recits qu’il lit, sur les descriptions et explications du maitre, l’eleve est naturellement porte a se forger une vision du monde, qu’il faut neanmoins guider vers le concret afin d’eviter, chez lui, des exagerations ou des fantaisiesderaisonnables. La geographie aura donc le salutaire effet de faciliter le travail de memorisation chez les enfants, en developpant leur memoire visuelle, et d’exciter leur imagination, tout en bridant parfois « la folie du logis ».
c) Le jugement et le raisonnement
La puissance d’abstraction se developpe chez Felevc, au fur et & mesure qu’il s’at-tache davantage a observer les faits et a se les representer. Avec lui, on s’efforcera toujours de deceler ce qu’il y a de typique dans un phenomene geographique, dans un fait, un ensemble de faits ou de paysages.
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Pierre Deffontaines, * Qu’cst-cc que la geographie humajne ? •, in Georges Hardy, Geographie et colonisation, Gallfmurd, 1933, p. 9, Paris.