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APPRECIATION DE LESPRIT DU PROJET.
Ce qui me frappe dans ie projet de la Russie, c’est qu’il tend plutót a la consócration qu'k 1'abolition de la guerre d'annexion et de cenąuete. La nćcessitć d’arri-vcr au but de la guerre y est en quelque sorte l’axiome qui domine tout; raais on n’y trouve nulle part, ni dans les principes gćndraux ni ailleurs, ce qu’il faut entendre par le but de la guerre. Cependant ce projet ne peut nier que le licite et Tillicite doivent se rencontrer dans le but de la guerre aussi bien que dans 1’emploi des moyens.
Le but licite de la guerre, c'est-a-dire celui de la guerre defensive, est la seule base sur laquelle puisse reposer la m orali td de ce projet. Mais s*il est un moyen d’arriver k la consecration de la guerre illicite d’an-nexion et de conquete, alors il n’appartient plus au progres raoral de la civilisation.
Or, il ne me semble pas possible de mdconnaitre que Tesprit qui caractdrise ce projet n’aboutisse h Idgiti-mer la guerre d‘annexion et de conquete. On peut voir 1’attention singulibre qu’il apporte ^ tout ce qui con-cerne le pays occupd, parce que le fait de Toccupation est Tacheminement h celui de l’annexion et de la con-quete; 1’esprit conquerant se trahit meme par cette disposition oppressive qui oblige les fonctionnaires administratifs d’un pays occupć k continuer l’exercice de leurs fonctions, et par le vague de cette expression pays occupe, qui se rencontre si sorn ent et ne se ddfmit
nulle part. II se produit du reste dans le texte de l’ar-ticle 48, qui consacre formellement le droit d’annexion.
Ces obseryations ne sont pas dictees par un esprit de recrimination contrę la Russie qui, quelles que puissent etre ses intentions pacifiques vis-&-vis l’Eu-rope, n’en reste pas moins du cote de 1'Asie une puis-sance conquerante. 11 n’ótait donc pas possiblo d’espe-rer qu’elle vint abdiquer entidrementdans ce document 1'esprit de conquete. Mais on doit lui savoir bon grd de s’y etre si largement inspiree des sentiments de rhumanitd, et d’avoir provoqud la diplomatie euro-pdenne k entrer enfin avec le concours de la science dans la codification du droit des gens.
C’est \k une initiative qui Thonore et qui tót ou tard portera ses fruits.
Les trois points de vue de la civilisation de la
GUERRE.
L’ceuvre de lacińlisation de la guerre comprend trois choses: d abord et avant tout, il faut travailler k la prśvenir par la mćdiation et 1'arbitrage international, et je n*ai pas a regretter sur ce point la perseverance de mes ecrits, car 1’idee fait assezrapidement son chemia (1). II est fdcheux que lo projet de la Russie n*ait
(1) Discours sur 1'arbUrage international, prononcd le 31 mars 1873 devant 1’lDStitut des provinces de France, reuni a Pau pour
sa 39* session;
Dela subslłtution de Parbitrage ii la t-oie des armes pour le ri-