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ou Henn IV en concut 1’idee jusqu’au traite de Paris de 1856 qui ofTre un si notable progres vers sa complfcte consćcration. Mais 1'Angleterre et les Etats-Unis ont pris aussi une large part h ce mouvement progressif de 1’arbitrage internationa). La France ne saurait 1’oublier et il y aurait de sa part une inqualifiable pretention qu’elle n’a pas et qu’elle ne saurait avoir, a se croire la nation la plus civilisće.
La civilisation qui embrasse a tous les pointa de vue le dćveloppement de 1’intelligence et de l’activite liumaine, nous montre combien les nalions, selon leurs diverses aptiludes, excellent dans des directions diflfórentes. La France marchc de pair avec les autres nalions policśes; mais ce qui la carac-terisc specialement c’est d’$tre une nation ćminemment civr lisatrice. Dieu l'y a predestinee en lui donnant 1’instinct et 1’idće chevaleresques. Mais, ainsi que je l’ai dit autre part, il n’a pas, malbeureusement pour elle, ajoutć k ce don celui diffi-cilemenl conciliable, il est vrai, de la prudence et de la sagesse. Si ce don providentiel a entrainć trop de fois la France dans de grandes fautes, elle en a beaucoup souilert, et le monde ne doit pas oublier qu’il en a souvent beaucoup profile.
Ce n’est pas la France qui peut en ce moment sous le poids de ses malheurs donner une forte et feconde impulsion a la question de 1'arbitrage intemationał. Mais le monde civilise peut attendre d’heureux rćsultals & cet ćgard, et mćme assez proebains peut-ćlre, de deux grands peuplcs situfe des deux cótes de l'Atlantique, 1’Angleterre et les Ćtals-Lnis, qui donnfc-rent, vous ne Pavez pas oubliś, en 1783, l'exemple du premier arbitrage international. Je veux arreter un moment vos regards sur le mouvement progressif de 1’idće de l’arbilrage international chez chacun de ces deux grands peuples.
Je citerai d'al>ord un fait assez remarquable, c’eslque tous les difTerends qui ont pu surgir entre les Etats-llnis et la France oni ćte regles par la mediation et 1’arbitrage. Le peuple des Etats-Unis est celui qui a fait le plus frequent usage de l’arbitrage dans ses difTerends avec les autres nalions, et quant a ceux qui peuvent surgir entre les divers Etals de 1’Union, ils sont rógles par les decisions souveraines de la Cour supremę federale. Ainsi se trouve rialisee aux Etats-Unis 1’institution de ce tribunal international qu’avaient rtvć Henri IV et 1’abbe de Saint-Pierre, pour exercer sa juridiclion souveraine sur les confiits a intenenir entre les Żtats allies par le pacie pacifiąue de la substitution de 1’arbitrage a la guerre.
On m’opposera peut-itre la guerre de la secession comme faisant ombre au tableau que je viens de tracer des Etats-Unis. Cette sanglante guerre n’śclata pas entre deux Etats, mais entre les deux fraclions qui divis£rent 1’Union amiri-caine. Elle est bien regreltable sans doute, puisqu’elle lit couler tant de sang humain ; mais n’oublions point qu’il ne s’agissait pas du moins de deux conquerants qui sacrifient la vie de leurs semblables pour se disputer des annexions de territoire et lrafiquer des peuples qui les habitent. Cćtaient deux idćes qui itaient engagees dans cette lutte terrible, 1’une l'id£e chretienne du respect de la liberie de Thomme , 1‘autre 1’idee sacrilege de l’esclavage , et celle qui triompha vint realiser 1’une des plus belles conqu£tes du progres morał de rhumanitć.
Aujourd'hui aux Etats-Unis, peuple et gouvernement semblenl eprouver une minie ambition, celle de la glorieuse initiati\e de la substitution de 1’arbitrage i la guerre. On a entendu il y a quelques jours a Paris le missionnaire pacifique du peuple des Ćtals-Unis qui venait de pricher dans les princi-pales capitales de 1’Europe le principe de 1’arbitrage international par la codification du droit des gens.
On n’a pas oublie le message de dścembre 1871 dans lequel le Prćsident Grant glorifiait 1’Angleterre et les Etats-Unis d avoir soumis a 1’arbitrage 1'alTaire de VAlabama et donnę ainsi un grand exemple a suivre par les autres nalions, qu il in\itail a ne plus resoudre par le fer et le feu leurs difTerends in-temationaux.
On se souvient du noble langage que tenait quelques mois plus tard, M. Colfax, vice-president des Etats-Unis, lorsqu il disait : « Quand bien nieme 1’arbitrage ne nous adjugerail pas
• un seul dollar, je me liverais devant mes concitoyens pour
• leur crier : acceptez cette risolution, et renoncez h toute » indemnite plutćt fjue de reculcr d’une ligne de la haute