a) L’oeuvre litteraire n’est pas le simple reflet cTune conscience col-lective, reelle et donnee mais 1’aboutissement a un niveau de cohe-rence tres poussee des tendances propres a la conscience de tel ou tel groupe, conscience que Goldmann conęoit comme »une realite dyna-mique orientee vers un certain etat d’equilibre«.
b) La relation entre la pensee collective et les grandes creations individuelles litteraires, philosophiques, theologiques, ... reside non pas dans une identite de contenu, mais dans une coherence plus poussee et dans une homologie des structures, laquelle peut s’exprimer par des contenus imaginaires extremement differents de la conscience collective.
c) L’oeuvre correspondant a la structure mentale de tel ou tel groupe social. peut etre elaboree dans certains cas bien rares, il est vrai, par un individu ayant peu de relation avec ce groupe. Pour le roman aussi, Goldmann maintient que le caractere social de l’oeuvre reside surtout en ce qu’un individu ne saurait jamais etablir par lui meme une structure mentale coherente correspondant a ce qu’on appelle une vision du monde.
d) La conscience collective n’est ni une realite premiere, ni une realite autonome: elle s’elabore implicitement par le comportement global des individus participant a la vie economique, sociale et po-litique.
Romans de Malraux: de la crise des valeurs a la perspectioe communiste.
Goldmann s’est surtout attache a rechercher les structures signifi-catives immanentes aux romans de Malraux. Si ses premiers ecrits -Royaume farfelu, Limes en papier, La tentation de l'occident - affir-ment la mort des dieux et la decomposition universelle des valeurs, sous formę d’essais, les ecrits suivants - Les conąuerents, La voie royale, La condition humaine - creeent »un univers a intention consti-tue d’etres, imaęinaires mais individuels et vivants«. Ce qui domine les premiers ecrits de Malraux, c’est une conscience tres vive, comme en temoigne le Royaume farfelu - (1920-1927) - de 1’effondrement des valeurs, et 1’aspiration romantique a une valeur inconnue et in-connaisable.38 Ce qui domine c’est le sentiment de la mort universelle des valeurs, la conscience de leur destruction futurę - dans la ville ou arrivent les voyageurs, un marchand qui vendait des phoenix, en
brule sous leurs yeux - et la fuite de la vie. Les dieux sont devenus de simples jouets mecaniques. Goldmann remarque a juste titre qu’»un critique qui n’aurait entre les mains que ce seul texte y verrait sans doute le desenchantement superficiel et peut etre purement verbal d’un adolescent a la fois tr£s doue et trop preoccupe de sa propre per-sonne«.39 En fait, Malraux ressentait a travers sa sensibilite aigiie et maladive la crise intellectuelle et morale du monde Occidental.
39 Goldmann rapproche a juste titre le symbole de la »Princesse de Chine« de la Fleur Bleue des Romantiques Allemands.
** S. R. p. 70.
584