Jan Vladislav, poète sous le masque de traducteur
04-03-2009 14:53 | Václav Richter
Le poète et traducteur Jan Vladislav n'est plus. Il s'est éteint, ce mardi, à Prague à l'âge de 86 ans, laissant une œuvre immense qu'il faudra encore analyser et apprécier à sa juste valeur. Connu surtout comme traducteur, il était aussi un poète original et profond.
Jan Vladislav, photo: CTK Jan Vladislav n'a jamais su tolérer les régimes totalitaires et sa vie a été donc un long combat contre la persécution. Dès le lendemain du putsch communiste en 1948, il a été chassé de l'Université Charles et la majorité des exemplaires de son troisième recueil de poésies ont été mis au pilori. Ne pouvant pas publier ses œuvres, il s'est lancé dans la traduction:
« Je traduisais la poésie pour une raison bizarre. Je pensais que c'est une bonne voie pour apprendre à faire de la littérature, à écrire de la poésie. Ainsi j'ai publié mes premières traductions de l'italien, Pétrarque, Gasparo Stampa, mais aussi Rilke, Hermann Hesse, etc., et cela m'a permis d'entrer dans les milieux littéraires.»
L`ampleur de ses activités de traducteur est étonnante. Il traduisait à partir de sept langues européennes tout en gardant une certaine prédilection pour les langues romanes, mais avec l'aide de spécialistes il a osé traduire aussi des poètes chinois et japonais. Sa traduction la plus aimée des lecteurs a été probablement celle des Sonnets de Shakespeare. Sa propre création était moins connue. Pour la réalisatrice de radio Hana Kofránková les propres poèmes de Jan Vladislav ont été une grande découverte:
«Pour moi Vladislav était un grand nom de la traduction mais je ne me doutais pas que c'était aussi un grand poète. Son œuvre poétique est un peu éclipsée par son immense œuvre de traducteur et quand je préparais pour lui plusieurs rencontres avec le public, l'année dernière, à l'occasion de son 85e anniversaire, j'ai lu ses œuvres poétiques et j'ai été émerveillée. C'est une poésie dépouillée, très ouverte, transparente qui me rappelle les œuvres tardives de Seifert. C'était une grande révélation pour moi. »
Après l'occupation de la Tchécoslovaquie en 1968, Jan Vladislav, de nouveau réduit au silence, crée Kvart, une petite maison d'édition clandestine qui lui permet de publier en samizdat quelque 120 livres dont plusieurs recueils de ses poésies, de ses essais et de ses critiques. Intransigeant vis-à-vis de lui-même, il l'est aussi vis-à-vis de ses contemporains. C'est ainsi qu'il a critiqué au micro de Radio Prague le philosophe Jean-Paul Sartre:
«Il était philosophe et être philosophe cela veut dire aimer la vérité, mais parfois en connaissant la vérité, il l'a démentie, il l'a niée et l'a violée. C'était au moment de la guerre de Corée, c'était lors des procès de Prague, c'était au moment de son retour d'Union soviétique en 1954, quand il a écrit plusieurs textes sur la belle vie menée par les citoyens soviétiques. Il n'a même pas mentionné les camps de concentration et les millions de personnes qui souffraient et qu'on tuait dans les camps, tandis qu'il accusait les intellectuels français du XIXe siècle, les Goncourt, Flaubert etc., d'irresponsabilité parce qu'ils n'avaient pas protesté contre la mort des communards fusillés. C'était affreux, la mort des membres fusillés de la Commune de Paris, mais le nombre des fusillés, des torturés et des anéantis en Union soviétique, c'était des millions, ce n'était pas des centaines et des milliers comme à l'époque de la Commune de Paris. Et vous savez, c'est ce que je ne comprends pas. »
En 1981, le régime totalitaire a obligé Jan Vladislav à émigrer. Etabli à Sèvres en France, il dirigeait un séminaire sur la culture non officielle dans les pays derrière le rideau de fer à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Après son retour en Tchéquie, en 2003, le poète a poursuivi jusqu'à la fin son œuvre poétique et obtenu de nombreuses hautes distinctions dont l'ordre français des Arts et des Lettres.
Wiersze Jana Vladislava w przekładzie Aleksandra Kaczorowskiego
4.
Autor „Aforyzmów
o mądrości życia”, jak wiadomo,
któregoś ranka, gdy chciał wyjść,
za nic nie mógł założyć swoich nowych butów:
chodził w nich już prawie tydzień, a mimo to
przez noc zupełnie jakby się skurczyły.
Wkurzony, posłał gosposię po szewca,
który je uszył, żeby mu ten problem
zademonstrować na przykładzie.
Szewc też był filozofem;
przyjrzał się temu przypadkowi z należnym szacunkiem,
po czym rzekł: „A gdybyśmy tak teraz,
Herr Professor, spróbowali założyć
ten prawy but, ten, który trzyma pan w ręce,
na prawą nogę?”
Ty nie miałeś tyle szczęścia,
żeby twój szewc albo twój anioł stróż
poradził ci na czas, gdy chciałeś wyjść,
na którą nogę włożyć but życia.
Cisnął cię przy każdym kroku,
często aż do łez. A mimo to próbowałeś
nawet w nim zatańczyć.
7.
Ustaną odwiedziny, telefon zamilknie,
a jeśli zadzwoni, to znowu tylko
oferta nowych okien, sondaż na temat eutanazji
albo pomyłka. W innym razie
podnosisz słuchawkę, żeby sprawdzić,
czy to nie awaria, i dzwonisz przynajmniej
do zegarynki.
W skrytce na listy nic, choćby paru słów
od nieznajomej z metra, do której przed tygodniem
nie ośmieliłeś się odezwać, choćby czeku z główną wygraną,
na którą czekasz, choć już nie obstawiasz.
Tylko gazeta z nowymi masakrami,
ulotki, rachunki za gaz, prośby o wsparcie
dla chorych dzieci, samotnych starców,
porzuconych psów.
Ze starych przyjaciół już tylko te poranne sroki
z naprzeciwka, tylko te lisy,
ledwie zacznie świtać, ze wzrokiem wlepionym
w twoje drzwi balkonowe, dopóki nie wyjdziesz do nich:
gdy nie ma mięsa, wystarczy sam chleb
namoczony w mleku, a jeśli się spóźnisz,
wrócą o północy.
Pod koniec życia, jak właśnie czytasz,
autor „Tajemnicy bytu”
spędzał całe godziny przy stoliku z telefonem
czekając, aż ktoś zadzwoni.
Nie dzwonił ktoś?
8.
Jeśli potrzebny ci dowód, rzucił kiedyś,
że i człowiek jest w końcu tylko rzeczą
jedną z wielu, jakie wiodą wokół nas
swoje sekretne życie i nie chcą mówić,
zrób jeszcze krok, a zobaczysz to, co ja,
gdy woźni zamknęli za mną drzwi
i wyszli zapalić:
w mrożącym świetle żarówki pod sufitem
jakiejś tam klitki leżał sam
na niskim, starym, zdezelowanym łóżku
już ubrany, już ogolony, już uczesany
i gotowy do drogi, choć zapomnieli mu
Bóg wie czemu ozuć buty -
w palącym świetle tej nagiej żarówki
leżał tam jak rzecz, która ma swoje sekretne życie
i nie chciał przemówić, choć trzy razy go prosiłem:
Ojcze! Ojcze!
Jan Vladislav (właśc. Ladislav Bambásek) (1923-2009)
Czeski poeta, tłumacz i eseista, od 1981 roku na emigracji we Francji, skąd wrócił do kraju w 2003 roku. Zaczynał jako krytyk literacki; nakład jego tomu poetyckiego „Hořící člověk” (Płonący człowiek) niemal kompletnie zniszczono po przejęciu władzy przez komunistów w 1948 roku, a on sam został wyrzucony z uniwersytetu. Przez lata utrzymywał się z tłumaczeń, początkowo pod nazwiskami przyjaciół. Jest autorem m.in. przekładów dzieł Szekspira, Dantego, Rilkego, Michaux, Machado i Elliota. Podczas Praskiej Wiosny 1968 roku współzałożyciel Kręgu Pisarzy Niezależnych, skupiającego pisarzy niebędących członkami partii komunistycznej; w 1969 roku został na krótko szefem pisma „Světová literatura” (odpowiednik polskiego magazynu „Literatura na świecie”). W tym samym roku dokończył studia na Wydziale Filozofii Uniwersytetu Karola. Był jednym z pierwszych sygnatariuszy Karty 77, wydawcą literatury niezależnej; w prowadzonej przez niego w latach 1975-1981 podziemnej oficynie Kvart ukazało się ponad 120 tytułów. Większość jego dorobku poetyckiego i prozatorskiego pozostaje w rękopisach; także jego dzienniki z lat 1977-1989 ukazały się jedynie we fragmentach.
Ce mardi, Prague a rendu le dernier hommage à Jan Vladislav, poète et traducteur disparu à l'âge de 86 ans et qui nous laisse une œuvre importante, variée et profonde. Parmi les personnalités qui ont assisté aux obsèques de Jan Vladislav, il y avait également Roger Errera, conseiller d'Etat honoraire et ancien membre du Comité des droits de l'homme de l'ONU. L'occasion de s'entretenir avec Roger Errera sur son ami Jan Vladislav, sur ce poète qui n'a pas courbé l'échine devant le régime totalitaire et qui, après un exil de 22 ans en France, était revenu dans son pays pour y passer le reste de sa vie.
«J'ai rencontré Jan Vladislav grâce à Roselyne Chenu en 1973 à Prague. Je faisais partie avec elle et quelques amis d'un groupe qui s'efforçait d'aider les dissidents tchèques d'abord en leur rendant visite, puis en leur apportant des livres et d'autres moyens pour les aider à survivre et rendre concrète, dans la mesure du possible, notre solidarité avec eux et notre volonté de les aider.»
Quel était le caractère de vos rapports? Etait-ce une amitié, une collaboration ou autre chose?
«L'amitié a été immédiate, de part et d'autre, de 1973 à 1977 ma femme et moi, nous avons passé chaque Noël à Prague et j'ai eu le privilège en janvier 1977, quelques jours avant la publication de la Charte 77 d'être présent dans l'appartement de Jan Vladislav, rue Bělohorská, où se trouvaient Václav Havel, Ludvík Vaculík, Pavel Landovský, le professeur Jan Patočka à la veille de cet événement considérable. Il s'en suivit une correspondance des deux côtés, des envois de livres, de journaux de notre part. Et lorsque Jan a pris la décision tragique de quitter son pays, nous avons été plusieurs à l'accueillir à Paris pour faciliter autant qu'il était possible sa vie dans ce pays qui était nouveau pour lui, même s'il le connaissait, bien entendu, depuis longtemps.»
Avez-vous joué un rôle dans sa décision de quitter son pays ?
«Non, nous nous sommes toujours interdit de donner un conseil, soit de rester, soit de partir. Tout exil est une tragédie pour ceux qui partent et pour ceux qui restent. Jan avait connu dans sa famille le premier exil, celui de ses enfants, de ses deux filles qui sont parties pour le Canada. Lorsque, à la fin, il nous a fait savoir qu'il préférait quitter le pays, nous avons pleinement respecté sa décision, comme nous l'aurions respecté s'il avait décidé de ne pas le quitter.»
Comment supportait-il l'exil?
«Lui seul pourrait répondre à cette question. Tout exil est une tragédie même si la France lui était déjà familière. Il en parlait la langue et nous avons fait le maximum pour l'aider, juridiquement et matériellement. Cela a été pourtant difficile pour lui, parce que ces années l'ont éloigné de son pays. Il a passé en France 22 ans, le temps d'une génération. Et je peux dire, parce qu'il y a des témoignages dans ce sens, que lors qu'il est rentré à Prague, en 2003, le pays qu'il a retrouvé n'était plus celui qu'il avait quitté. 22 ans étaient passés et il a eu besoin d'un certain temps pour se réacclimater dans le pays qui était toujours le sien, mais qui avait beaucoup changé. Cependant, nous avons compris qu'il valait mieux pour lui qu'il rentre dans son pays où il était plus connu et mieux reconnu qu'en France, comme l'ont attesté les distinctions et les récompenses qu'il a reçues ici, la façon dont il a été honoré, le public d'étudiants et d'écrivains qui l'entourait. Même si son choix était dicté par l'état de santé de sa femme, je pense que pour lui ce retour d'exil a été une bonne chose.»
«Dès le début de 1989, bien avant l'écroulement du mur de Berlin, j'avais l'idée de proposer à un éditeur français une collection, un recueil d'essais politiques de celui qui était connu, mais pas très connu - Václav Havel. C'est un éditeur français, Calmann-Lévy, qui a accepté ce projet et j'ai immédiatement dit à Jan Vladislav que je ne pourrais le faire qu'en collaboration avec lui pour des raisons évidentes. Non seulement pour des raisons d'amitié et de traduction mais pour la compréhension du sens. Et c'était pour moi un honneur et un plaisir d'être le coauteur de ce recueil d'essais qui a été publié, je crois, quelques semaines après l'élection de celui qui, entre temps, était devenu le président Havel. Le livre a eu un certain succès puisqu'il a été publié en livre de poche. Je crois qu'il a permis aux Français, à l'époque, de mieux connaître les écrits et la pensée de celui qui de dissident est devenu le premier président de la Tchécoslovaquie libre.»
Revenons encore au séjour de Jan Vladislav en France. Il a dirigé à Paris un séminaire sur la culture non officielle. Comment ce séminaire était-il perçu et reçu par les étudiants?
«Ce que je peux dire c'est qu'il n'y avait pas à Paris beaucoup d'enseignement de cette nature et que l'on parlait à l'époque plus de dissidents soviétiques ou polonais que de dissidents tchèques. Jan Vladislav a eu le souci justement de ne pas parler uniquement de son pays mais d'essayer de faire comprendre à son public ce que c'était cette pensée libre, cette pensée dissidente et à quel prix ces écrivains, ces auteurs, ces compositeurs, ces artistes maintenaient une liberté de culture, une liberté d'expression dans un régime qui voulait étouffer non seulement l'avenir de la culture mais qui voulait aussi priver les gens de la mémoire du passé. Et la leçon que Jan Vladislav nous donne et qui restera bien après sa mort, c'est la démonstration que l'on peut dire non, que l'on peut refuser de participer au mensonge, d'être agent de la servitude, que ceci a un prix et que cet exemple vaut non seulement pour le passé mais pour le présent et pour l'avenir.»
Est-ce que vos rapports avec Jan Vladislav ont continué même vers la fin de sa vie?
«Il est rentré en 2003, nous l'avons accompagné avec Roselyne Chenu et mon épouse à la gare de l'Est. Nous sommes revenus à Prague en 2004 quand l'Union des juristes m'a remis la médaille Randa, nous avions continué à correspondre, mais nous ne l'avons pas revu depuis 2004. Notre correspondance s'est un peu distendue, c'est vrai parce que nous le pensions à la fois proche et plus lointain. Nous savions qu'il était installé à nouveau à Prague, qu'il était publié, qu'il était connu et reconnu. Peut-être nous aurions dû venir le voir plus souvent, mais l'occasion a manqué et maintenant il est trop tard de le regretter.»
Qu'est-ce que la rencontre de Jan Vladislav vous a apporté personnellement?
«Ces visites, ces voyages et ces lectures, celle de la Charte 77 et celle de ces nombreux manifestes, m'ont appris combien les façons de s'exprimer variaient. De toute évidence, le langage des dissidents tchèques n'était pas celui des dissidents russes, polonais ou hongrois. Le passé du pays n'était pas le même, la nature de l'oppression n'était pas la même. La dissidence tchèque m'a toujours frappé par son caractère rationnel, rationaliste, très résolu. Les Tchèques ont donné une grande leçon à l'Europe, je crois, à ce moment-là. J'ai eu l'occasion, siégeant dans le Comité des droits de l'homme de l'ONU, de le rappeler dans les années 1980 face à des représentants du pouvoir communiste. J'ai été très ému de revoir Václav Havel aux obsèques de Jan Vladislav. Je pense que quand il a été élu président, c'était un symbole pour le pays, bien sûr, et pour toute l'Europe, de voir que ce penseur dissident accédait aux plus hautes charges de ce pays. Tant que Havel était président, la Tchécoslovaquie et puis la République tchèque ont été connues et reconnues en Europe. On pouvait mettre un visage sur ce pays. »