Complexes : 3 pistes pour s’en débarrasser
Cessons d’entretenir nos complexes en les masquant. Selon Isabelle Filliozat, psychothérapeute et écrivain, se libérer d’eux passe par trois volets : la parole, l’action et l’amour.
Isabelle Filliozat
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C’est une règle en psychologie : lorsqu’on est enfermé dans un schéma, la meilleure voie pour avancer est de faire justement ce dont on a le moins envie, ce qui nous est le moins naturel ! Car nos attitudes habituelles « protègent » nos problèmes. A travers les parcours de trois patientes, Isabelle Filliozat, psychothérapeute et écrivain, nous explique ce paradoxe.
Parler
Le complexe engendre un sentiment de honte. Qu’il se porte sur le physique, l’origine sociale ou les capacités mentales, certains de ne rencontrer que jugement négatif, réprobation ou rejet, nous n’éprouvons aucun désir de le dévoiler. Rondeurs camouflées sous d’amples pulls, sourires en guise de conversation dans les dîners, le secret permet de se construire tout un scénario et de ne jamais le confronter à la réalité. Nous fantasmons les réactions des autres pour alimenter notre honte. Pour désagréable que puisse être un complexe, il a cependant une fonction : nous protéger de la conscience d’une autre souffrance que nous portons en nous, celle de l’enfant blessé. Il nous renvoie au jeu psychologique de la "jambe de bois" décrit par Eric Berne (“Analyse transactionnelle et psychothérapie”, Petite Bibliothèque Payot, 2001), le père de l’analyse transactionnelle : plutôt que d’avouer sa peur d’aller danser, la personne argue de sa jambe de bois.
Parler est la première étape pour cesser d’alimenter le complexe. Mais, bien souvent, en parler à son entourage ne suffit pas. S’il y a peu de risques de rencontrer le rejet ou le jugement redouté, il y a de fortes raisons de penser que vous attirerez dénégation (« T’es folle, il est mignon ton nez »), minimisation (« C’est rien »), généralisation (« Tout le monde a ses petites imperfections ») ou conseil (« Tu devrais… »). Tout en respectant la réalité de votre souffrance actuelle, un psychothérapeute pourra vous aider à entendre la plainte de l’enfant blessé en vous et à libérer les émotions bloquées qui sont à la source du complexe. L’écoute sans jugement et l’authenticité à l’œuvre dans les thérapies de groupe sont aussi particulièrement indiquées. Rassuré par l’accueil de votre psy et (ou) de votre groupe de thérapie, vos émotions anciennes libérées, vous pourrez en parler à d’autres. Les réactions vous surprendront souvent et feront céder vos dernières tentations de rester accroché à vos complexes.
Agir
Quand on souffre d’un aspect de soi, on a tendance à vouloir le compenser par d’autres qualités. Vous vous sentez bête et sans conversation ? Vous développerez trésors de gentillesse et attention aux autres. Vous vous trouvez moche ? Vous cultiverez humour ou intellectualisme. Nous avons tendance à abandonner le terrain sur lequel nous pensons n’avoir aucune chance. Réaction bien compréhensible, mais lourde d’inconvénients. Certes, c’est une manière de ne pas trop souffrir de son complexe. C’est aussi, hélas, une bonne stratégie pour le conserver !
Cessons donc d’entretenir nos complexes. Nos croyances dirigent nos comportements : « Puisque je suis nul, je reste en retrait. » Ceux-ci ont des effets : « Les autres ne me voient pas. » Conclusion : « Décidément, personne ne s’intéresse à moi, je suis nul ! » C’est le système autorenforçant de scénario (aussi nommé circuit du sentiment parasite) décrit par Richard Erskine et Marylin Zalcman (psychothérapeutes américains en analyse transactionnelle).
Observez la manière dont vous entretenez vos croyances négatives sur vous-même, notez comment vous prenez les réactions des autres comme des confirmations de vos propres croyances. Peu à peu, vous pourrez vous accorder le bénéfice du doute.
Faites l’expérience de tenter des comportements inhabituels en guise de défis. Vous vous sentez incapable de parler en public ? Préparez une intervention pour la prochaine réunion. Vous n’avez pas de diplôme ? Passez les tests de Mensa, l’association qui réunit les plus hauts QI (www.mensa.fr ). Vous chantez faux ? Inscrivez-vous dans une chorale. Au pire, on vous y apprendra à chanter juste. Avant d’agir, prenez le temps de vous visualiser en train de réussir. Projetez plusieurs fois sur votre écran mental le film de votre nouvelle aisance. Le passage à l’action sera facilité.
Choisissez votre thérapie en fonction de votre "handicap", et explorez les nouvelles voies du développement personnel : la bio-danse pour aimer son corps, les stages de clown ou de théâtre pour dépasser ses inhibitions, la sculpture ou la peinture pour apprendre à s’exprimer… Vous restaurerez ainsi votre propre image.
Aimer
Le complexé fuit l’amour. Si une personne lui plaît, il risque de lui tourner le dos pour ne pas avoir à affronter un rejet dont il est certain. S’il se met en couple, pour ne pas mettre en cause l’image négative qu’il a de lui-même, il dévalorise son amoureux sur le mode : « S’il s’intéresse à moi, c’est qu’il est vraiment nul. »
L’amour est pourtant le meilleur des médicaments. Il peut réellement nous guérir, à condition que nous l’acceptions. Nous avons tous besoin du regard des autres. Hélas, nous l’imaginons pétri de jugements, car nous projetons celui que nos parents ont posé sur nous quand nous étions enfants. Nos parents nous voyaient à travers le filtre de leur responsabilité envers nous, de leurs angoisses et de leur propre histoire. Les gens d’aujourd’hui nous voient dans notre réalité, en fonction de la relation que nous établissons avec eux. En acceptant de nous voir à travers les yeux de qui nous aime, nous pouvons restaurer notre image.
Se laisser aimer est le plus difficile. Une fois en amour, notre corps nous aide. Aimer déclenche une cascade d’hormones et de modifications physiologiques dans notre organisme. Vivre ces sensations intenses nous décentre de notre obsession. Quand on est centré sur l’intérieur de soi, sur son ressenti, on est moins préoccupé de l’image que l’on renvoie. Les complexes sont maintenus par un dialogue interne jugeant. La passion le balaye. Amoureux, nous nous sentons en sécurité et puissants. Alors, osez croire en votre bonne étoile. Montrez votre désir. Acceptez celui des autres. Et restez centrés sur vous et sur ce que vous éprouvez pour résister à toute tentation de revenir à vos complexes.
La personne complexée a une spécialité : elle se projette dans la tête de son partenaire pour deviner ce qu’il éprouve. Elle se pose des questions telles que : « Est-ce que je lui plais ? » La personne épanouie, elle, ne se demande pas tout cela, elle demeure « bien dans sa peau », centrée sur ce qu’elle-même ressent dans la relation : « Est-ce que, moi, je me sens bien avec lui (ou avec elle) ? »
Confidences:
A lire
Etre sûr de soi de Willy Pasini.
Est-il possible de se réconcilier avec un corps que l’on n’aime pas ? Un éventail de recettes pour retrouver assurance et confiance en soi (Odile Jacob, 2002).
Lucie et la force de l’aveu
Quatre années de thérapie ont été nécessaires à Lucie pour qu’elle ose enfin me le dire : sa poitrine est en silicone suite à un cancer. Avec ces faux seins, elle ne se sent pas digne d’être reconnue comme femme. Ensemble, nous explorons son histoire. Elle comprend comment ce complexe lui a permis d’éviter toute intimité avec les hommes. Ses émotions apaisées après quelques séances, Lucie réussit à dépasser sa résistance, et ose en parler à son esthéticienne qui, loin de la juger, lui apprend qu’elle aussi, et pour les mêmes raisons, porte une prothèse. Lucie peut ensuite en parler à sa meilleure amie. Contrairement à ce qu’elle craignait, elle est entendue avec le même respect. Peu à peu, elle découvre que personne ne la juge. Son absence de poitrine ne l’empêchera plus d’aimer.
Juliette et le courage de s’exprimer
Juliette est convaincue de manquer de culture, persuadée d’être inintéressante. Ses parents avaient coutume de lui dire : « Tu parleras au dessert, si tu as quelque chose d’intéressant à dire ! » Depuis, elle s’écoute lorsqu’elle parle, pour vérifier l’intérêt de ses propos. Rapidement, elle s’ennuie elle-même et s’arrête, mécanisme dont je lui fais prendre conscience au cours d’une séance. Elle me confirme le fait que les conversations se déroulent toujours sans elle. Je l’encourage à laisser aux autres le choix de la trouver intéressante ou non : « C’est leur problème ! » me dit-elle. Elle s’inscrit à un stage de clown animé par des collègues. Cadrée par les exercices proposés, stimulée par l’ambiance et le soutien des autres participants, elle expérimente le plaisir de s’exprimer. Elle m’avoue que, à sa grande surprise, elle se découvre pleine d’humour.
Françoise et l’acceptation de l’amour
Françoise n’a jamais été regardée par ses parents. Ils ne lui ont jamais dit qu’elle était jolie. Elle en a conclu qu’elle était laide. Quand François lui a dit : « Tu es belle », elle est tombée des nues. Pendant les séances, elle m’a parlé de son étonnement. Au début elle disait François aveugle parce qu’amoureux, peu à peu elle l’a cru. Elle a alors repris des photos d’elle, enfant, et s’est regardée avec les yeux de François. Elle s’est vue très mignonne. Je lui ai expliqué que, si ses parents ne la voyaient pas, et la complimentaient encore moins, cela concernait leur propre histoire. Son apparence physique n’était pas en cause. Peu à peu, elle a accepté de s’habiller plus élégamment, de se coiffer. Aujourd’hui, elle se regarde avec plaisir et se trouve jolie.
Choisir les bonnes méthodes anti-blues
Que nous ayons simplement le moral dans les chaussettes ou que notre souffrance persiste, quelques méthodes simples peuvent contribuer à retrouver le sourire. Se créer des occasions de rire, d’échanger, de se détendre : autant de remèdes pour nous permettre de reprendre progressivement goût à la vie.
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Bougez, riez !
Les bienfaits du sport pour l’organisme sont connus : activités d’endurance respiratoire, footing, marche, natation, vélo agissent positivement sur le moral… Mieux oxygéné, le cerveau secrète davantage d’endorphine, une hormone euphorisante et relaxante. Certains sports comme la course favorisent également la production de sérotonine, dont la présence en trop petite quantité dans le cerveau pourrait être responsable de la dépression.
Le rire aussi favorise la sécrétion d’endorphine. Alors travaillez vos zygomatiques ! Concrètement, certains déprimés boycottent les journaux télévisés momentanément, histoire d’échapper au pessimisme ambiant. Ils regardent plutôt des émissions drôles, lisent des livres désopilants, voire se font une collection de DVD comiques. Et, bien entendu, c’est le moment de fréquenter des gens drôles !
Quand l’appétit va, tout va !
Les carences alimentaires accompagnent souvent la déprime. Et l’on sait qu’un régime équilibré permet de garder le moral. Donc, n’oubliez pas de consommer fruits et légumes frais, poissons et céréales complètes. Le manque de magnésium entraîne fatigue, irritabilité et anxiété. Vous en trouverez dans les amandes, les noisettes, le chocolat et les eaux minérales. Enfin, les oméga-3 sont des acides gras essentiels qui agissent sur l’humeur. On les trouve dans les poissons gras (saumon, thon, maquereau…), les huiles de noix et de colza et, en moindre quantité, dans le cresson ou le chou.
Zen Attitude
Savoir se relaxer est toujours profitable en cas de déprime. Yoga, sophrologie ou séances de relaxation sous hypnose contribuent à rester zen. Un bémol cependant : en cas de dépression sévère, la relaxation est rarement envisageable. Le travail sur les pensées est en effet parfois perturbé par des idées négatives envahissantes. Mieux vaut donc commencer avec un professionnel, les techniques de relaxation exigeant du temps et une pratique régulière.
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Le plein de lumière
L’absence de lumière durant les longs mois d’hiver serait responsable de bon nombre de dépressions saisonnières. Il existe désormais sur le marché plusieurs gammes de lampes ou de simulateurs d’aube pour pratiquer la luminothérapie chez soi. Le must : le matin, s’exposer pendant 30 minutes minimum. Départ du bon pied assuré. Et si vous en avez les moyens, pourquoi ne pas partir en vacances au soleil au cœur de la saison froide ?
Sortir de l’isolement
Les célibataires qui vivent seuls sont davantage sujets à la dépression. Inversement, les colocataires ou les personnes en couple sont plus à l’abri. L’isolement renforce les sentiments négatifs. Pratiquer un sport collectif, assister à des groupes de parole au sein d’une association, prendre des cours de dessin : tout ce qui peut aider à se décentrer de ses problèmes est bénéfique pour lutter contre la dépression. Il ne s’agit pas de multiplier les activités pour fuir ses problèmes, mais de prendre le temps de garder le lien avec les autres.
En savoir plus :
A lire
Guérir de David Servan-Schreiber, Robert Laffont, 2003.
Soif de lumière : la luminothérapie, une solution à la dépression saisonnière, Gérard Pons et Norman E. Rosenthal, Jouvence, 2006