Apres lechec de 1’insurrection de novembre 1830, i la fin de 1’annće 1831 et au dćbut de 1832, pres de cinq mille Polonais, pour la plupart des militaires, cntrórent en France. C’ćtaient des hommes decidement adver-saires du despotisme tsariste. lis firent le chemin ii pied, acclames avec enthousiasme dans presąue toute 1’Allemagne, de la Saxe jusąuau Rhin, et aussi dans les provinces orientales de la France. Le peuplc allemand tout comme le peuplc franęais, voyait en eux le vivant symbole de la lutte contrę les tyrans.
Le gouvernement franęais se trouva alors dans une situation genante, aussi bien du point de vue de la politiąue interieure que du point de vue de la situation intemationale. II lui ćtait difficile de rejeter sur la rive droite du Rhin ces immigrants incommodes, car il ne voulait pas irriter ses propres concitoyens qui etaient devenus polonophiles depuis que les Polonais s’etaient battus aux cótes des Franęais sous les drapeaux napolćoniens. Ce furent ces raisons qui 1’emporterent lorsque lon dćcida d’accorder aux Polonais 1’autorisation de franchir la frontiere. Mais d’autre part, le gouver-nement, en prcnant cette dćcision, s exposait au ressentiment de la Russie. Une caricature de Ludwik Kozanecki «The modem Paganini» dirigee contrę le tsar Nicolas, n'etait en aucune manierę loin dc la verite. On voit sur cette gravure le tsar debout sur le globe terrestre, pićtinant 1’aigle polonaise et jouant du violon avec un knout comme archer; au son de cette musiquc dansent tous les souverains d’Europe avec Louis-Philippe, le Papę et le sułtan en tćte.
En effet, le gouvemement de Louis-Philippe craignait le tsar et c’est pourquoi, s’il avait tolćre lentree des Polonais sur la terre franęaise, il s’efforęait en meme temps de ne pas passer aux yeux de Nicolas pour sym-patliiser avec 1’esprit revolutionnaire polonais. II fit alors tout ce qu'il put pour decharger cette dynamite qui ótait próte a faire sauter non seule-ment le tróne do Russie, mais aussi les autres. Aussi les ministres Perier et le comte d’Argout publierent des dćcrets sćveres a r<5gard des ćmigrants malencontreux. Ils interdirent aux Polonais dTiabiter Paris, et aussi plus tard
1. L’auteur de cet articlc, Ludwik Gocel (1889-1966), historien et bibliophile, a rasscmbló une trOs importantc collection d’imprimós et manuscrits conccrnant l'insurrection de 1830-1831 et rómipntion polonaise en France (collection actuellement au Musće Historiquc de Varsovic). Titre original de 1’article : Początki presy Wielkiej Emigracji i jej kryptograficzny charakter, 1832-1833, in Kwartalnik prasoznawczy, n* 2, 1957, pp. 9-30.