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un mot le songe fait icy tout, et a vray dire comme Ie principal Dieu des Hurons »48. Plus precisement, le reve est « Poracie » qu*ils ecoutent, « le prophete » qui leur predit le futur, « la Cassandre » qui les avertit des malheurs, ainsi que leur « Mercure » dans les voyages et leur « econome » dans les familles49. Le reve dirige, pour ainsi dire, tous les domaines de la vie des Amerindiens.
Pourquoi les autochtones accordent-ils une si grandę importance aux reves? Parce que ceux-ci sont d’abord les paroles de Parne et expriment ses desirs caches50. C'est la raison pour Iaquelle les Amerindiens cherchent toujours a executer leurs songes. En effet, selon eux, il existe un contrat de reciprocite entre le corps et son ame : Phomme doit respecter et satisfaire les desirs de Parne ; en ec hangę, Parne s’engage a lui assurer une bonne vie. Une fois qu’elle a ete satisfaite. Parne est « contente », « elle est bien aise qu’on temoigne cette satisfaction du songe favorable qu’on a eu [...] en suitę elle se met plus tost en devoir de Peffectuer ». Si, au contraire, on Pignore, elle cesse de procurer au corps « le bien et le bon-heure [...] mesme se revoItant contrę luy ». Dans ce cas, la maladie, voire la mort, survient51.
En effet, comme le reve est le revelateur des ames, des esprits et des divinites, il participe de la vie et de la mort d’un individu, ainsi que de la prosperitę ou du declin d’une nation. Aussi les Amerindiens considerent-ils notamment que la non-satisfaction des desirs est une des causes directes des maladies et de la mort, d’apres le pere Charlevoix : « Selon les Iroquois, toute Maladie est un desir de PAme, & on ne meurt, que parce que le desir n’est pas accompli »52. Lorsqu’un chaman diagnostique une maladie causee par un desir non assouvi, tous les membres de la communaute ou du village s*unissent afin d’aider le malade a accomplir ce desir. Si un objet precis est en cause, tout le monde redouble d’efforts pour le procurer au malade; s’il słagit dłune ceremonie, on l'execute comme Parne l'exige. S’il est impossible de realiser le souhait du malade (par exemple, si Parne demande d’humilier ou de tuer quelqu’un), on y satisfait habituellement de maniere symbolique. En somme, le reve est
43 Relations des jesuites. 1972, voI. 1, 1636, p. 109-110 (Relation de BREBEUF).
49 THWATTES, The Jesuit Relations [...], 1959, vol. 10, 1636, p. 170 {Relation de BREBEUF).
50 Relations des jesuites, 1972. vol. 4, 1648, p. 70 {Relation du pere Paul RAGUENEAU).
51 Ibid, vol. 4. 1648. p. 70-71 {Relation de Paul RAGUENEAU).
52 CHARLEVOlX. Histoire et description (...], 1744, voI. 3, p. 369-370.