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hommes de la region (conseils deliberatifs) . En somme, 1’Afghanistan est, a bien des ćgards, 1’oppose d’Ćtats-nations occidentaux dćmocratiąues et liberaux. Cependant, sa fragilitć avant YOperation Enduring Freedom, l’invasion rćpondant aux attentats de septembre 2011, n’est pas acąuise. En rćalitć, 1’Emirat se consolide et 1’assassinat d’Ahmed Shah Massoud le 9 septembre aurait probablement accelere cette consolidation. Si la decision d’hebcrger des groupes de la mouvance islamiste intemationale lui est fatale, le mollah Omar et son armee ont, a 1’aube de l’invasion occidentale, des ambitions purement nationales. C’est donc l’intervention de la coalition amćricaine de 2001 qui fragilise a nouveau le monopole de la force et le transforme en Śtat faillis215. Ensuite ce discours est appelć pour offrir une justification a l’intervention.
Malgre les critiąues de ce discours, la fragilitć d’un Etat n’est initialement pas consideree dans le processus de decision visant a intervenir dans un Etat tiers. Elle est plutót utilisće apres coup pour justifier cette intervention et organiser la misę en aeuvre de la reconstruction etatiąue. Par exemple, avant 2003, 1’Australie n’articule jamais sa politiąue autour de discours sur les Śtats faillis. Par contrę, elle justifie, apres coup, son intervention aux Ileś Salomon en soutenant les avoir sauves de la faillite etatiąue. Qui plus est, selon le meme discours, cette faillite menacerait directement les Australiens216. Les coalitions intervenant en Afghanistan et en Irak se sont egalement justifiees apres coup en faisant appel aux discours sur les Śtats faillis et 1’insecurite qu’ils provoquent. Une consćąuence directe de tels discours est d’ćvacuer les objectifs politiąues de 1’usage de la force. Si « la guerre n’est rien d’autre que la continuation des relations politiąues, avec 1’appoint d’autres moyens », definir un probleme de relations intemationales par la fragilitć des Śtats demande principalement d'y repondre avec des moyens militaires et policiers. Ces moyens doivent
214 Eiwiron 80 % de la population afghane est situće en rćgion nirale, precisćment 77 % en 2010. Ces elites urbaines prćferent se considerer comme Afghans d’abord, puis reconnaissent leurs origines ethniques et tribales ensuite. A Pinverse, la majoritć des Afghans se considerent d’abord 42 % Pachtoune, 27 % Tadjik, 9 % Hazara, 9 % Ouzbck, 4 % Aimak, 3 % Turkmćne, 2 % Baloutches ou 4 % autres, CIA, The World Faclbook: Afghanistan, en lignc, https://www.cia.gov/librarv/publications/the-world-factbook/gcos/af.html. page consultćc le 2 septembre 2012.
215 John W. Wamock, Creating a Failed State, op cit.
216 Minh Nguyen,« The Qucstion of "Failed" States: Australia and the Notion of State Failurc », View on Asia, 2005, p. 10
2,7 Carl Von Clauscwitz, De la guerre, Paris, Les Śditions de Minuit, 1955, p. 703. Un auteur s’insurge toutefois contrę la domination de Clausewitz dans la reflexion philosophique des militaires canadiens face a 1’Afghanistan et recommande plutót les enseignements de quatre guenes contre-insurrectionnelles canadiennes: la rebellion des patriotes 1837-38, la menace des fenians entre 1855-75, les insurrections mćtis du Nord-Oucst entre 1870-85 et la campagne anti-insurrectionnelle cn Afrique du Sud de 1899 a 1906. Voir Major Andrew B. Godefroy, «Oublier Clausewitz: La leęon que 1’armće canadienne doit tirer de 1’ Afghanistan », Rewe militaire canadienne, volume 10, numero 2,2010, p. 53-58.