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personneUement ou de reputation. Son recit des premier es sessions du concile de Constance, base sur une source ecrite1 2*, le prouve assez: conune les orateurs qui y interviennent, des
Italiens ou des Allemands pour la piupart, ne sont pour lui que des noms, il s’abstient de
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commentcr leurs discours. A deux exceptions pres, toutefois. Lorsque le theologien Benoit Gentien, un moine de Saint-Denis pour qui il a de Testiroe157, lit devant les peres du concile des lettres envoyees par rUniversite de Paris, Michel Pintoin tient a preciser, ce que ne fait pas sa source, que le docteur s’est exprime fort habilement (diserte et luculenti sermone: V, 530)138. Un peu plus łoin, il souiigne d’un mot (luculentissime. V, 650) l’eloquence d’un sermon de lłeveque de Toulon, un prelat franęais dont il a vraisemblablement deja entendu parter139.
LMmportance attachee a Fart oratoire par le Religieux de Saint-Denis a donc influence la maniere dont il a traite certaines de ses sources ecrites: elle a agi, en quelque sorte, comme un "filtre documentaire". Ceue valorisation appuyee de reloquence, jointe a une conscience tres nette de son utilite politique, est un signe des temps: si les preoccupations de Michel Pintoin sont partagees, a des degres divers, par plusieurs auteurs contemporains - on pense entre autres a Christine de Pisań on chercherait en vain une telle insistance et une telle sensibilite au pouvoir de la parole publique dans les productions plus anciennes de Tatelier historiographique sandionysien. Pour etre en mesure de preciser davantage les contours de cette parole publique, il est toutefois necessaire de pousser Tenąuete plus loin: jusqufa present, nous nous sommcs en efTet interesse aux commentaires emis par le chroniqueur au sujet du talent des orateurs qu,il met en scene, sans nous attarder a la structure formelle et au contenu des discours qui leur sont attribues. L analyse de ces discours sera Tobjet de notre second chapitre, ou nous examinerons la valeur du temoignage de Michel Pintoin pour Tetude de la pratique de la rhetorique en France au toumant du XV siecle.
156 Le texte de Michel Pintoin est confonne. a quelques variantes pres. a celui des actes du concile, publies pai
D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima coilectio. L 27, Venise. 1784 [Reimpr.: Paris / Leipzig, H. Wdier. 19031.
15 En 1418, le chroniąueur deplore la raort tragique de Gentien (voir supra. p. 45 n. 128), "michi semper reverenti suspirio recolendumm (VL 246).
151 Cf. J. D. Mansi, op. cit.. col. 612. II est d’ailleurs possible que le texte relatif au concile de Constance que Michel Pintoin a eu entre les mains lui ait ćtń communiąuć par Benoit Gentien lui-meme: apres le retour de ce dernicr en France ś la fm de mai 1415, le Reiigieux n’est plus informe du concile que par oul-dire. Pour la periode qui s’etend de rouverture du concile (novembre 1414) jusqu a la sepueme session geneiale (mai 1415), le chroniąueur admet explicitemcnt avoir ete infonnć par les ambassadeun de France: mVeraci relacione nunciorum Francie didicim (V, 594).
Comparer a J. D. Mansi. op. cit.% col. 630.