53
ses sentiments en prósence d’un ennemi car Cassard est descendant d’un Berbere appelć aussi Cassard qui vivait probablement «en un temps heroi-que de 1’Orient barbare».135 Personne ne connait mieux que lui les proble-mes indigenes, c’est pourquoi sa nomination au poste d’administrateur-adjoint de la commune mixte de Ratene n'etonne pas. Son langage soignć transmet le meme message que le j argon vulgaire du vieux Jos Kaddour, Cassard se declare pour 1‘autonomie de la colonie : dans sa conversation avec 1’administrateur Gaviat deux conceptions coloniales apparaissent : 1'assimilationnisme de Gaviat et 1’autonomisme de Cassard :
Gaviat : [...] il est monstrueux qu’il existe au monde une Algerie; il ne peut y avoir dans le nord de l’Afrique que trois departements franęais; votre politi-que s’oppose a celle de la Nation; je suis assimilationniste, et vous etes auto-nomiste. Cassard : L’Algerie que peuplent cinq millions de Berberes islami-ses et huit cent mille Europeens ne saurait etre gouvernee selon les mćthodes appliquees au territoire metropolitain. Nous ne prospererons que si notre colonie est transformće en dominion.13*
Gaviat sera ruinć a la fin du roman ce qui pourrait faire comprendre au lecteur ou se situe le narrateur. Le petit Manoei, «hidalgo matine de sang franęais qui accorde sa guitare et qui chante les pćripeties d’une corrida de toros»137 n'est qu’un reflet des personnages bertrandiens du Sang des Races. La rćunion d’amis chez un peintre k Mustapha ou sont presents Jean Cassard et sa femme, Helene, est un defilć d'individus de toutes les races, et ou la langue littćraire
voisine avec le jargon; c’est le repas de fianęailles de Judet le Mćditerranćen (le sumom n’est pas fortuit) avec une danseuse algćrienne, on porte un toast “a nouveau 1’imperium des races latines, qu’il gouveme le monde! Et que la lex implacableet ćtógante domine k jamais les peuples barbares!”138
Ce propos ćtant le plus direct, vehicule 1’idće de la mission civilisa-trice des colons, la raison de leur presence en Algerie.
Nous allons analyser le niveau lexical de trois nouvelles d’Isabelle Eberhardt: Yasmina, la premićre nouvelle algćrienne d'Eberhardt qui pa-rait a partir de fóvrier 1902 en feuilleton dans le Progres de l'Est (“mo-135 Ibid., p. 79.
134 R. Randau, Les Colons, op. cit., p. 37. 137 Ibid., p. 181.
'* Ibid.