H. T. — La meteorologie faisait de rapides progres dans les annees 50. La prevision numerique du temps etait en train de de-venir une realite. Compte tenu de vos ac-quis en mathematiques et de 1'interet que vous portiez a la meteorologie dynamique, quelles etaient, selon vous, les perspectives d'avenir ?
E.N.L — Ni Victor Starr ni moi n'etions complete-ment surs du succes de la prevision numerique du temps. Nous avons rendu visite a Jule Char-ney et ses collegues a Hnstitute for Advanced Study a Princeton afin d'en apprendre davantage sur cette nouvelle methode dont certains disaient qu'elle allait revolutionner la meteorologie. II a fallu attendre le milieu des annees 50 pour etre sur que l'avenir se trouvait la.
H. T. — Vous avez fait, je crois, une visite inoubliable a rUniversite de Chicago au tout debut de votre carriere ?
E.N.L — La visite que je rendis a Dave Fultz, a rUniversite de Chicago, pour etudier les expe-riences auxquelles il se livrait avec un bac circu-laire rotatif fut memorable. Certains se mon* traient sceptiques, affirmant que la similitude entre un bac et 1'atmosphere n'etait qu'apparente et n’admettaient pas l'existence de quelques principes de base pouvant s'appliquer a tous les fluides chauffes en rotation, que ce soit dans un bac ou dans 1'atmosphere. Dave et moi avions decide d effectuer quelques mesures. On im-prima au bac, dans lequel avait ete versee une mince couche d'eau, un mouvement rotatif pendant que lun de nous chauffait le bord exterieur tout en refroidissant de temps en temps la partie centrale. Lorsque le bac tournait lentement, l'eau s'elevait sur le bord exterieur tandis qu'une de-pression se creusait vers le centre; en d'autres termes, c'etait un modę d'Hadley qui prevalait. Avec une vitesse de rotation plus elevee, les mouvements du fluide devinrent plus complexes. Des ondes symetriques stables se formaient dans un premier temps, mais au fur et a mesure que la rotation du bac s accelerait, les ondes augmentaient en nombre et devenaient instables et irregulieres, s'enflant et se contractant, comme dans 1'atmosphere. Nous avons plonge un thermometre dans l'eau et surveille attentive-ment les fluctuations thermiques associees a la sinuosite des ondes et au courant-jet. Le pas-sage de celui-ci s'accompagnait de hausses et de baisses bien marquees de la temperaturę (de quelque 6 °C parfois) selon le cote du courant-jet ou se trouvait le thermometre. Nous avons eva-lue la vitesse d ecoulement a environ 88 cm s*1, au niveau le plus eleve, en supposant un ecoulement nul au niveau le plus bas, des conditions geostrophiques et un gradient thermique donnę. Nous avons observe une vitesse d'ecoulement au sommet d'environ 90 cm s*1, ce qui correspon-dait a peu pres a un etat geostrophique. Ce fut une merveilleuse experience que de voir ce qui advenait et de nous rendre compte qu'il etait pos-sible de reproduire quelques-unes des proprietes de la circulation generale que nous avions etu-diees pendant si longtemps.
H. T. — A quel moment et pour quelles raisons etes-vous alle au Lowell Observatory de Flagstaff en Arizona ?
E.N.L. — Au Lowell Obsen/atory, on travaillait sur un projet de recherches ayant trait a la circulation generale de 1'atmosphere des planetes du systemie solaire. Seymour Hess et Ralph Shapiro, deux meteorologistes qui travaillaient avec les astronomes de l'Observatoire, m'avaient invite a leur rendre visite pendant I'ete 1951. L'0bserva-toire comptait un astronome eminent, V.M. Sli-pher, celui-la meme qui avait decouvert le depla-cement vers le rouge1. Etant particulierement interesse par 1'atmosphere jupiterienne, j appris a me sen/ir d'un telescope, pris quelques spectro-graphies de Jupiter et tirai quelques conclusions sur ce que pouvait etre 1’epaisseur de son atmo-sphere. II s'agissait la d'un travail fascinant mais, n'etant sur place que pour trois mois, je n'ai pas pu m'engager tres avant dans cette voie.
H. T. — Quelques annees plus tard, vous vous etes lance dans l'etude de la conver-sion de 1'energie solaire en energie cine-tique des mouvements atmospheriques ainsi que de la notion d'energie potentielle dis-ponible. Pourriez-vous nous developper ce sujet ?
E.N.L. — On mesure souvent la force des cy-clones, des anticyclones et des autres systemes qui constituent les configurations meteorologi-ques en fonction de leur energie cinetique. Le
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II s'agit du deplacement des raies spectrales nebu-laires vers rextremite rouge du spectre. Interprete comme un effet Doppler, cela conduit a la loi d Hubble selon laquelle la vitesse est proportionnelle a la dis-tance; des vitesses atteignant 80 % de la vitesse de la lumiere ont, d’ailleurs, ete mesurees (N.d.l.r.)