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Pour une eihnohistoire des frontiires
des £tats afiicains
la meme administration coloniale franęaise, installće k Abidjan. Pendant cette pćriode, cette dćmarcation fut tout aussi « rćgionale » dans son statut que la limite entre le Nigćria du Nord et le Nigćria du Sud.
La seconde complication possible touche k un aspect fonctionnel, et plus spćcialement k 1’impact des frontiires et k la faęon dont les groupes fractionnćs ont peręu cette coupure et y ont rćagi. II existe sur le continent africain des situations dans lesquelles 1’intensitć des sentiments des groupes disloqućs est k tel point comparable qu’il est difficile d’ćtablir une distinction pratique entre les deux types de frontiires. Tel est le cas des « comtćs perdus » et la question connexe du « sous-impćrialisme des Baganda » en Ouganda, ou 1’amćnagement de limites administratives purement intćrieures a cruellement blessć la fiertć culturelle et politique des Banyoro et a suscitć entre eux et les Baganda une tension qui a profondćment affectć le dćveIoppement poli-tique du pays depuis 1’indćpendance*6. Moins spectaculaire, mais tout aussi significatif, a ćtć le mouvement d’irrćdentisme des groupes yoruba de 1’ouest, incorporćs k 1’ancien Dahomey franęais par 1’accord anglo-franęais de 1889, comme celui de leurs homologues dont les terres furent placćes dans la zonę de juridiction egba par 1’amćnagement des limites intćrieures entre les terri-toires egba et egbado en 1904**. Dans une ćtude rćcente et passionnante sur les limites administratives intćrieures de deux Ćtats nigćrians actuels, 1’Oyo et 1’Ondo, Omolade Adejuyigbe a montrć que les effets des limites inter-Ćtats et intra-Ćtats prćsentent des diffćrences de degrć, mais non de naturę*7. Nous reconnaissons toutefois le potentiel analytiąue de la distinction faite entre les deux types de frontiires, la frontiire « d’Ćtat » ćtant une limite entre deux rćgimes politiques indćpendants, la frontiire «intćrieure » ćtant sous le contróle d’un meme et unique rćgime.
Cette approche nouvelle devrait s’appliquer k la totalitć du continent africain et s’appuyer sur une sćlection raisonnablement reprćsentative de cas qui reflćteraient de faęon adćquate les divers types de situations. Deux sćries principales de critires doivent donc etre prises en considćration : l’une, qui touche aux combinaisons possibles des types d’administration coloniale; l’autre, qui conceme les diverses situations africaines locales. Yoyons d’abord
25. H. Kyemba, State of blood: the inside story of Idi Amin's reign offear, Londres, 1976,
p. 23; A. D. Roberts, « The sub-iraperialism of the Baganda », Journal of African history, vol. HI, n° 3, 1962, p. 435-450.
26. En ce qui conceme le violent mćcontentement des Yoruba de 1’Ouest d’etre placćs dans
la zonę de juridiction des Egba, voir A. Factons, « The Egbados in chains », Omo Egbado (organe de 1’Association des ćtudiants egbado, organisation sous-ethnique d’une ćlite instruite), publiće en 1965; voir aussi Anthony Ijaola Asiwaju, Western Yorubaland, op. cit., p. 62-63.
27. O. Adejuyigbe, Boundary problems in western Nigeria, University of Ife Press, 1976, et
le compte rendu que 1’auteur de la prćsente ćtude en a fait dans Africa (Journal of the International African Institute), 1978.