DOCTRINE 491
apporter la preuve de 1’element materiel de 1’infraction, ils n’avaient pas a etablir Tintention frauduleuse. La realite des faits supposait la conscience, sauf pour le prevenu a apporter la demonstration d’un cas de force majeure ou de contrainte13.
Des le 4 avril 1941, la Chambre criminelle avait ainsi precise que «les juges doivent declarer coupables les prevenus meme si ceux-ci administrent la preuve de leur bonne foi ou de leur ignorance de la fraude, et ne sauraient des lors, par un jugement avant-dire droit, ordonner la preuve de faits qui supposeraient la possibilite d’excuser les contrevenants sur 1’intention ». De meme, elle avait releve dans un arret du 14 avril 1956 que «Ie detenteur de marchandises dont 1’entree est prohibee est penalement responsable de la fraude et ne peut etre exonere de cette responsabilite qu’en justifiant d’un fait precis de force majeure »14.
Au moins la situation avait-elle le merite d’etre claire : 1’infraction douaniere s’affirmait comme une infraction de naturę contraventionnelle.
La loi du 29 decembre 197715 a sensiblement modifie la perspective en au-torisant les tribunaux, sinon a relaxer les contrevenants pour defaut d’inten-tion, du moins a tenir compte de leur bonne foi par 1’octroi de circonstances attenuantes16.
Certes, on n’en pouvait deduire qu’elle avait transforme la naturę de l’in-fraction douaniere en une infraction intentionnelle. A cet egard, il demeurait suffisant que 1’acte materiel ait ete etabli pour que son auteur soit punis-sable ; sur la relaxe, la demonstration de la bonne foi ou de 1’absence de faute restait sans influence. Mais la logique objective de la responsabilite penale douaniere n’en etait pas moins alteree.
2. La loi du 8 juillet 1987 suscite plus de difficultes qu’elle n’en resout. En ef-fet, des lors qu’on supprime 1’alinea selon Iequel la bonne foi est inoperante pour exonerer le prevenu de sa responsabilite, ne peut-on en deduire que cette abrogation a eu pour consequence d’introduire la necessite d’un element in-
13. C. J. Berr et H. Tremeau, « Lc droit douanier ct le commerce intemational », Gaz. Pat. 1972. 1. 64 ; Lewendoski, Des survivances de Vancien droit dans ta prćvention et ta repression de la fraude douaniere, these Lille, 1959.
14. Buli crim. 14 avr. 1941, n° 329 ; adde, Civ. 20 juin 1860, D.P. 1860. 1. 263 ; Crim. 7 juill.
1911, D.P. 1912. 1. 840 ; Crim. 6 fevr. 1925, Buli. crim. n° 39, duquel il ressort que la personne
physique poursuivie pour importation frauduleuse de marchandises prohibees ne saurait ćtre misę hors de cause sous pretexte qu'elle avait ignore la provenance de ces dcmićrcs ; Crim. 5 mars 1957, Buli. crim. n° 222, qui rejette Texcuse de bonne foi soulcvee par celui qui, poursuivi pour importation sans declaration de marchandises et n’avoir pas obtenu la licence d*importation obligatoire, avait reęu Tapprobation du chef de cabinet du ministre de TEconomie. Selon la Haute juridiction, des lors que la cour d’appel avait reconnu la materialite de Timportation, le prevenu ne pouvait etre relaxć au
motif qu’il avait agi sans intention frauduleuse et de bonne foi ; Tapprobation de ce haut fonction-
naire ne pouvait en effet tenir lieu de licence d’importation ni dispenser dc la declaration en douanc. Plus recemment : Crim. 4 oct. 1972, D. 1973. 278, notę Berr.
15. Loi du 29 dec. 1977 accordant des garanties dc procedurę aux contribuables en matiere fiscale et douaniere, art. 10-11 (J.C.P. 1978. III. 46645). Signe avant-coureur du role qu*allait etre amenee a jouer la bonne foi, la naturę strictement objective du codę des douanes avait ete precedemment nuancće par une ordonnance du 17 dec. 1958 qui avait autorise les juges a ecarter la qualification d’interet a la fraude lorsqu*il leur apparaissait que le prevenu avait agi sous l*effet d’une erreur invin-cible (art. 399-3 ; rappr. Crim. 14 mars 1983, Gaz. Pal. 1984. Somm. 387, notę Doucct).
16. Art. 369 c. douanes : s’il retient les circonstances attenuantes, le tribunal peut notammcnt re-duire le montant des amendes fiscales jusqu*au tiers de leur montant minimal et reduire le montant des sommes tenant licu de confiscation des marchandises de fraude jusqu’au tiers de la valeur de ces marchandises ; Crim. 14 mars 1983, J.C.P. 1983. IV. 173, qui relćve en outre que, n'ayant pas a ćtre justifiees, les circonstances attenuantes ne sont pas rćservees aux prevcnus de bonne foi ; Crim. 8 juill. 1986, pourvoi n° 84.95.347, inedit. (A de nombreuses reprises, des decisions inedites seront citees ; elles proviennent de la banque de donnees « Lexis »).
Rev. science crim. (3), juill.-sept. 1990