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l’aient fait souvent percevoir comme un defenseur achame de l'ordre colo-nialiste. II partage neanmoins ł'idee, alors chere au colonisateur metropo-litain, que l'AIgerie est de droit un territoire franęais et feint de croire que cette contree est une parcelle de la France II constate une parfaite similitude entre les paysages algeriens et ceux de la Provence, de 1'ltalie ou de 1'Espagne meridionale. En colonisant 1'Algerie sous la houlette de la France, les peuples latins ne font, selon lui, que raviver la traditon de 1'Afri-que latine. [...] Heritier spirituel des anciens maitres de l'Afrique du Nord, le colonisateur se doit de faire fructifier le legs que 1'histoire lui a transmis.414
La vive sympathie pour la colonie algerienne est accompagnee de 1’idee enoncee ouvertement au debut du XXC siecle, qui est de renouer avec la grandę tradition de l'Afrique latine et chretienne, ce qui restait en accord avec 1'idee principale de Bertrand : celle de
restituer a l'Afrique franęaise “ses titres de noblesse en renouant a travers les siecles sa descendance et ses traditons latines.” II s'est propose d'ecrire et de celebrer “la renaissance des races latines dans l'Afrique franęaise.” [Bertrand] a apporte “une conception nouvelle de l'Afrique du Nord, laquelle n'est, en somine, que 1’ancienne province romaine d’Afrique”.417
L'idee de relatiniser l'Afrique du Nord, ensuite l'Afrique centrale et tout le continent africaiń, n'est pas une invention bertrandienne, car 1’ecri-vain renoue avec une idee du Cardinal Lavigerie, archeveque d'Alger de-puis 1867, qui toute sa vie desirait evangeliser les populations d'Afrique du Nord et d'Afrique noire. Precisons ici que rimperialisme latin trouvera, une trentaine d'annees plus tard, de bonnes conditions d'epanouissement en Italie, ce qui sera l'une des raisons pour laquelle Montherlant n'a pas publie La Rosę de Sabie en 1932. L'ecrivain s'explique en 1967 au moment de la publication integrale de son roman : «Je ne voulais pas apporter d'eau au moulin de ceux qui attaquaient la France.»418
La menace du fascisme italien pese sur les colonies franęaises en Afrique du Nord et Montherlant s'en rend bien compte, ce que souligne Sipriot en expliquant que le fascisme italien depuis 1906, avec «l’un des instigateurs, Alfredo Oriani, a pość les bases de rimperialisme latin qui doit etendre la civilisation romaine aux terres africaines pour faire de la Mediterranee une mer italienne : marę nostrum.v>4,9
416 A. Calmes, Le roman colonial en Algerie avant 1914, op. cit., p. 89.
4,7 M. Ricord, Louis Bertrand I'Africaiń. op. cit., p. 312.
4I* Nice-Matin, 2 juin 1967, d'apres P. Sipriot, Montherlant suns masque. op. cit., p. 26. 419 P. Sipriot, Montherlant sans masąue, op. cit., p. 37.