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alors je privilćgierais le monologue parce qułil permet de ralentir 1'action, de faire etat d'un problćme et d'en exposer le point de vue de 1'auteur et donc du personnage. Par contrę, si 1'action est en train de se derouler avec des quiproquo et des repliques pimentees, ce sera sans doute plus approprie de poursuivre les dialogues jusqu'a ce que 1'action s'apaise un peu. Cependant, quelques exceptions confirment la regle et, parfois, il est intćressant d'entrecouper des moments rapides avec un monologue pour faire respirer le spectateur. Tandis ąu'k d'autres episodes, entrecouper le monologue, pour ne pas 1'ćtirer et perdre la concentration du spectateur, est aussi une bonne chose. A insi, le but est de preserver 1'intensitć du contenu des repliques afin de garder l'attention du spectateur.
En ce qui conceme le contenu du monologue, je prefere agrementer deliberćment celui-ci de lyrisme et de poesie me!ancolique, parce qu'il fait acte d'exaltation, et que ma vision du fou tend vers 1'idealisation et la fascination du fou pour son bonheur (spćcialement dans les monologues de Soledad). Quant aux dialogues, je leur attribue une vocation comique, Ićgćre et piquante. Une rćpartie courte, concise et precise a plus d'effet comique qu'un long couplet, parce que 1'effet comique tient justement de sa brievete.
Le thćatre poss^de une caractóristique interessante pour le prćscnt essai, a savoir le jeu sur le temps. En effet, le temps du jeu ou de la representation est appele temps scenique91. II constitue le paradigme dans Iequel jouent les acteurs. Le temps dramatiąue, par contrę, est le temps de la fiction, c'est donc le paradigme dans Iequel jouent les personnages. Entre ces deux paradigmes, il y a comme un hiatus sur lequel repose le principe de perception du temps du spectateur. Ce qui en rćsulte est une sorte de superposition de temps differents a laquelle on remćdie par des accelerations, des ralentissements ou des ellipses pendant la misę en scene. Par exemple, dans un interlude ou ćpilogue.
Mais comment faire coTncider les deux paradigmes sc^nique et dramatique? Comment materialiser le temps dramatique puisqufil est, par dćfinition, fictif? Pour pallier cette difficultó, le temps scćnique peut tenir compte de ce que l'on appelle les indications
31 BIET, Christian, TRIAU, Christophe, Qu'est-ce que le theatre ?, Paris, Gallimard, coli. Folio essais, 2006, p.410-440.; AUTANT-MATHDEU, Marie-Christine dir., Ecrire pour le theatre. Les enjeux de 1'ecriture dramatiąue, Paris, Editions du CNRS, 1995, p 165.