caractere inadequat du socialisme existant par rapport a l’oeuvre de Marx, est un pas important, mais seulement un premier pas dans la comprehension du monde contemporain. Le renouvellement de l’an-thropologie philosophique de Marx et de 1’orientation critique de sa dialectique sont les conditions essentielles pour une connaissance ap-profondie de la totalite concr£te-historique. II reste a decouvrir les sources de 1’efficacite des »phenom£nes survecus« et aussi des possibi-lite de realisation des formes humaines de sociabilite. A ceci contribue la decouverte des processus, formes et »mecanismes« de mediation, caches et complexes dans 1’instauration et 1’action des diverses possi-bilites de sociabilite.® Une attitude marxienne a l’egard de la totalite concrete-historique peut nous rapprocher d’un pas du »troisi£me point de vue« mentionne. Dans une telle optique, la sociologie aurait resti-tue, ou mieux dit encore, aurait acquis la dignite intellectuelle.
Les communistes-intellectuels, dont 1’engagement intellectuel nest pas limite de l’exterieur et n’est pas synchronise avec les mutations de la politique dues aux congr^s et plenums, se trouvent encore confron-tes au dilemme de leur attitude a 1’egard de 1’organisation de la puis-sance. En ce sens on peut parler de 1’actualite de nos jours de l’his-toire du sort des gauchistes d’avant la guerre, de laquelle je vous fais souvenir d’un seul ópisode.10 La polemique qu’ont menee pendant des annees Ognjen Prica et Zvonimir Rihtman, en suivant leurs convic-tions et connaissances autonomes, avait ete interrompue du temps de la monolithisation du parti dont la direction se rangea du cóte de O. Prica, si bien qu’il devint en ce moment l’executeur dans la liquidation d’un interlocuteur egal jusqu’a lors. Communistes, ils sont arretes tous deux par les autorites de la Banovine croate, plus tard Etat indepen-dant croate, et remis au Allemands. Ils ne s’etaient jamais reconcilies, ni meme avant leur execution. Apres la guerre, les Vainqueurs louent Prica et critiquent Rihtman, tout en gardant le silence au sujet de de deux autres eminents gauchistes d’avant la guerre; a l’epoque, l’un d’eux, M. Krleźa se plonge dans le »silence eloquent«, et le deuxieme, M. Ristić, est nomme Ambassadeur a Paris.
Dans les conditions actuelles, les stimulations exterieures pour la creation spirituelle sont modestes. Seulement une veritable catharsis pourrait liberer les potentiels createurs de la societe yougoslave, mais de tels moments historiques sont quelque chose d’exceptionnel, une ra-rite. Coinęee entre le deshonneur et la dignite de la vocation d’intellec-tuel, la lutte pour les fondements de la liberte de l’individu et de la societe, et par la meme pour la liberte de la creation, n’est qu’un cóte de 1’engagement des intellectuels. S’ils ne s’efforcent pas de participer a 1’etablissement de fondements pour leur propre creation, individu-elle, ils se placeront dans la dependance des puissants, ils se retrouve-
* Sur les consćquences thćoriąues et d’expćrience de l’»abolition de la mćdia-tion« dans le stalinisme, voir G. Lukacs, Lettre sur le stalinisme, parue pour la premierc fois dans Nunvi argomenti, n. 57/58, 1962; le texte original en allemand dans »Forum« n. 115/116/117, 1968, et en Yougoslavie, dans la revue »Nale teme Zagreb, 1962, n. 12.
10 Voir: S. Łasić, Sukob na knjiźcvnoj levici (1928-1952), (Conflit a la gauchc litteraire, 1928-1952), Liber, Zagreb, 1970.
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