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intrigues secretes », de se rendre « maftres de P empire a96. Tout au Iong de Phistoire de
Pexpansion chretienne en Chine, ii y aura toujours des Iettres et des mandarins pour accuser
les missionnaires. En 1616, par exemple, Shen Que, mandarin du ministere des Rites a
Nanjing (Nankin), adresse trois fois des requisitoires a Pempereur Shenzong (1573-1620) et
fait arreter plusieurs pretres et environ 23 conycrtis97. En 1664, Yang Guangxian, celebre
ennemi du christianisme, accuse les missionnaires de trois crimes principaux : conspirer 0 % contrę I’Etat, pervertir le peuple et propager une doctrine astronomiąue mensongere. A la
suitę de cette accusation, plusieurs Iettres convertis sont condamnes a mort et ąuatre jesuites
sont arretes. Un peu plus tard, a la fin de 1716, un mandarin98 de la province du Guangdong,
region cótiere du sud, adresse une autre reąuete a Pempereur Kangxi, dans laąuelle il
s'insurge de faęon vehemente contrę le christianisme. Selon lui, les missionnaires europeens a
Pinterieur de Pempire etudieraient les lois et les coutumes des Chinois, dresseraient des
cartes de leurs montagnes et de leurs fleuves et s^fforceraient de gagner le peuple dans
1'intention secrete de subjuguer le peuple chinois, tout comme celui de Manille l'avait ete aux
Philippines. En concluant, ce mandarin souligne le danger que represente le christianisme
pour Pempire et demande Pinterdiction de cette religion le plus tót possible : « Le peril est
grand ; les plus petits ruisseaux deviennent de grands fleuves ; si Pon n’arrache les branches
des arbres quand elles sont encore tendres, on ne peut les couper dans la suitę qu’avec la
cognee » Cette requete de ce mandarin manifeste parfaitement Pinquietude tres courante
des Chinois de Pepoque, en particulier de leurs dirigeants, face a la presence missionnaire.
L’annee suivante, en 1717, Kangxi decrete Pinterdiction du christianisme. La cause directe de ce decret est la querelle des rites et la proscription des ceremonies chinoises par le papę, mais Pinquietude des Chinois sur la securite nationale y aura joue aussi un role Capital. Le fils de Kangxi, Pempereur Yongzheng, sera encore plus preoccupe de la question que son
96 Lettre de FOUQUET du 26 novembre 1702, op. cit.y p. 242-243.
97 JIANG Wenhan. \fing Qing 1987, p. 31-32.
98 II $’agit tres probablement de CHEN Ang, un haut mandarin militaire ("zongbing") de la province du Guangdong, voir W ANG Xianqian, Donghualu, (A rwałeś vendiques de la porte Donghua), 1884, « La cinquante-cinquierae annće Kangxi » (1716]; ZHANG Weihua, Ming Qing [...], 1987, p. 152-153.
99 Lettre de MAILLA du 15 juin 1717, dans Choix des Iettres edifiantes /.../, 1835, vol. 2, p. 410-411.