les oeuvres de l’eveque de Meaux pour prouver qu’il n’est pas moins quie-tiste que Fenelon lui-meme.
Si donc, apres les Yariałions, le protestantisme allait se retrancher pour une large part dans le bastion de la foi interieure, ce n’est pas tellement parce qu’il avait perdu la bataille sur le terrain de Torthodoxie, mais bien plutót parce que, ce faisant, il s’adaptait aux besoins de l’epoque. Ne soyons point trompes par la haine demesuree d'un Jurieu pour Bossuet, qui, apres l’avoir chasse un moment de l’orthodoxie calviniste, lui faisait faire un brusque retour, en lui montrant les horreurs du socinianisme ou il glissait par les voies du librę examen. II se debattait tragiquement contrę lui-meme, et nourissait une rancune profonde contrę celui qui, avec une clairvoyance trop froide, touchait aux points faibles de sa vie interieure, comme aux plaies de tout le protestantisme. En se laissant conduire par des sentiments de vengeance etrangers a Tobjet du debat, il incame 1’etat d’esprit generał que Bossuet avait a vaincre.
Ce qui vaut pour Jurieu, vaut encore a plus juste titre pour Prosper Marchand. Avec la difference que celui-ci ne lutte plus. II avait franchi le pas, et s’etait engage resolument dans la voie du deisme. S’il ne manque aucune occasion de deverser sa haine sur Bossuet, ce n’est pas en premier lieu par amour du protestantisme, mais bien plutót par horreur de 1’ortho-doxie, quelle qu,elle soit. Avec lui nous sommes plus pres de Voltaire que de Calvin.
LESPRIT DE GROTlUS.
Le nombre des proselytes de Bossuet a ete impressionnant. II a opere des conversions qui marquent dans Thistoire generale du siecle. Le danois Winslow fit le long voyage de Meaux pour abjurer le protestantisme entre ses mains431); en Angleterre ses convertis Jacques Drummond, duc de Perth, et le duc de Richmond, fils naturel de Charles II, firent eclat en entrant dans 1’Eglise de Romę 432). II joua un role important dans Todyssee religieuse de Thistorien Gibbon, qui, a l’age de seize ans, „tombe sous les coups de ce noble adversaire”, mais qui, presque comme J. J. Rousseau, rejeta dix-huit mois apres sa nouvelle croyance et rentra dans le protestantisme 433). Et la France peut se prevaloir de toute une serie de conversions eclatantes, entamees ou achevees par les oeuvres de son fils celebre 434).
Ce serait une belle prise pour Thistorien de son influence en Hollande, d’y pouvoir relever une conversion eclatante et de pouvoir inscrire quelques
431) Ch. Urbain, dans la Revue du Clerge franęais, t. XXXII (1902), p. 113 sq.
432) F. Cabrol, dans la Revue d’Histoire Ecclesiastiąue, t. XXVII (1931), p. 535 sq.
43S) Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. VII, p. 431 sq.
4a4) L,. Crousle, Bossuet et le protestantisme, p. 19-20, 28.
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