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qu’il juge trop longs pour rimportance qu’ils ont20. Les discours n’echappent pas a la regle21.
Par exemple, Michel Pintoin a eu entre les mains le texte de la replique de Fabbe de Cerisy a la
"Justification" du duc de Bourgogne par Jean Petit; bien que 1’orateur se soit exprime
"eleguanter", le chroniqueur invite neanmoins ses lecteurs a se contenter d’un resume,
d’ailleurs substantiel, de ce long plaidoyer (que tamen ore protulit et difiise, summatim
perstrimcisse lectori sufficiat) (IV, 92J22. Le chroniąueur precise parfois les raisons qui Pont
pousse a pas ser rapidement sur un discours. □ justifie ainsi sa decision de resumer en quelques
mots les propos tenus en 1410 par Farcheveque de Bourges (Guillaume Boisratier), chancelier
et porte-parole du duc de Berry, en presence des ambassadeurs du roi:
Cćtait un tres fameux docieur. renomme pour son etoquence entre tous les prćlats du royaume {facundissimus eciam repuiaretur inter ceteros prelatos). CependanL au dire des ambassadeurs. le long discours (proimori sermone) qu'il prononęa ne contenait que des paroles et des compliments de cour {yerba solum cunalia protulit)-. aussi me contenlerai-je de le resumer tres succinctemenl {ideo breviter referenda) (IV, 348-349)
Pendant la revdte cabochienne (1413), le theologien Eustachę de Pavilly, un orateur dont le Religieux souligne par ailleurs Feloquence persuasive. adresse au duc de Guyenne un long et savant discours rempli de citations scripturaires, nex ąuibus posset componi tractatus valde magrtus. lectori for sitem tediosus", commente Michel Pintoin avant de resumer la harangue en quelques lignes (V, 30). Le chroniqueur n’a pas Pintention de se transformer en professeur d’universite.
II ne faudrait pourtant pas croire que le Religieux considere la prolixite comme un defaut. Pour le chroniqueur comme pour la plupart de ses contemporains, "un long discours est presque toujours un beau discours. [...] En un temps plutót porte a admirer les discours-fleuves, la longueur de son discours est un nouve! exploit a porter au credit de Torateur”23.
20 B. Guenće. "Documems inseres et documems abreges". pp. 379-381. 385 et 389. Au moment d'entreprendre le redl des negocutśons qui ont eu lieu en 1395 entre les ambassadeurs du roi de France et le papę d'Avignon. le chroniąueur ćcrit: 9Ut lectori adiciam animo non ertitisse proposita vel deinceps proponenda ad longum scribere necesse est; nam officeret compendio ąuod studio se querom (11, 254). On se rappellera quc Michel Pintoin a eu entre les mains le rapport redige par le secrćtaire de Fambassade: voir supra, p. 49.
21 mCompendto, ąuod studiose ąuero, officeret sermonem ad locum recitare" (ID, 268); mipsa ad longum narrare compendio, ąuod studiose ąueror officeretm (ID. 346); "referre sin gul a ejus verba longum esset, et hystorie compendio. ąuod studiose ąuero, contrarium" (HI. 382-384); mnec omnia serietenus narrare mens michi sit, ąuia compendio ąuod ąuero studiose officeret0 (IV. 684); etc.
22 Ce discours, tout comme celui de Jean Petit, sera plus toin Fobjet d’une etude plus approfondie (voir infra, m. 86-91).
^ B. Guenće. *Lc Religieux et les docteurs". pp. 681-682.