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le territoire nouveau voudrait se faire remarąuer par son attachement a la patrie. La generation representee par Psichari tellement prćoccupće de la responsabilite et du souci de la France dans ces confins africains, se trouve dej& loin des idćes dćcadentes et relativistes si prononcees quel-ques annees plus tót.
Ce declenchement de 1'energie nationale va de pair avec 1'etablis-sement d'une doctrine concise et attrayante du colonialisme a l'epoque ou les sequelles de la guerre franco-prussienne sont toujours vives. Au fur et a mesure que les terres conquises par la France atteignent le statut d'un empire (rappelons qu'& son apogee en 1931, la superficie de 1'empire franęais etait de 12 356 000 km2 et il comptait 65 527 000 d'habitants),39 on observe que 1'importance du centre de disposition, c'est-a-dire de la mćtropole, bascule. Vers la fin du XIXC siecle et au debut du XXe siecle, la plus ancienne colonie de l'Affique du Nord (depuis 1830), 1'Algćrie, n'est plus en etat de guerre. Les Franęais d'Algerie dont la plupart sont nćs dans ce pays soulignent leur particularite par rapport a la mćtropole; cette recherche d'un statut special est aussi evidente dans la litterature colo-niale. Bień etablis en Afrique, ils demandent une litterature qui s'oppose a celle jusqu'ici exploitee a satiete : la litterature exotique a la Loti.
Aux ecrits des «touristes» et «esthetes», ils opposeront une litterature bien documentee, sensible aux problemes sociaux et politiques. Le roman colonial selon les Leblond, les grands propagand i stes de cette litterature, devrait egaler les ouvrages des plus grands ecrivains franęais : Balzac, Zola, Bourget.
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Le roman colonial n'est plus seulement une machinę a decors et une matiere a aventures, il aborde les revendications et les grands problemes sociaux ou spirituels [...]. Beaucoup d'entre nous, revoltes d'etre traites en cousins pauvres, demandent que le public franęais s'interesse aux heros jaunes ou noirs des romans coloniaux, aux aspirations et souffrances des sujets de nos territoires f...].40
Condamnant la subjectivite et 1'impressionnisme du regard qui irrevocablement rappellent Loti dont le vrai romancier colonial devrait absolument diffćrer, les Leblond apprecient l'objectivitć du romancier colonial qui «s'efface [...] devant pays et gens qu'il lui est donnę d'appro-
39 Les chifTres viennent de l'ouvrage de J. Martin, Lexique de la colonisation franęaise, Dalloz, 1988, p. VIII.
40 M.-A. Leblond, Apres l'exotisme de Loti, le roman colonial, Vald. Rasmussen, 1926, p. 8.