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Chine des missionnaires determines a « se faire des hommes tout nouveaux, non seuJement par le changement de climat, d’habillement et de nourriture, mais plus encore par des manieres entierement opposees aux raoeurs et au caractere de la nation franęaise »1. Rapprochee des propos du pere Jeróme Lalemant, superieur de la mission huronne, en 1645 : « [...] il semble que pour estre chrestien, il faut se priver non seulement de passe-temps [...], mais des choses les plus necessaires, et en un mot mourir au monde, en mesme temps qu’on veut prendre la vie de Chrestiens »2, cette citation montre la difference de point de vue entre les deux pays : en Amerique du Nord, le chretien a convertir doit « mourir au monde », alors qu'en Chine, le missionnaire doit devenir « un homme tout nouveau ».
La premiere etape de cette sinisation est d’apprendre le chinois. En Nouvelle-France aussi, les missionnaires se consacrent a 1’apprentissage du montagnais, de l’algonquin et du huron : ces efforts s'inscrivent dans une methode evangelique courante destinee a faire entrer la foi « par 1’oreille »3 et participent du combat des missionnaires contrę les « demons »4. En Chine, si 1'apprentissage de la langue est indispensable pour faire comprendre le christianisme aux auditeurs chinois, il apparait davantage comme un outil de la sinisation des missionnaires, destinee a eviter que ces demiers ne soient consideres, par ceux qu'ils veulent convertir, comme des « b arb ar es ». Tout comme 1'apprentissage des langues amerindiennes, celui du chinois ne sera pas chose facile.
Le chinois est bien different de n’importe quelle langue europeenne par son caractere pictographique et par sa grammaire particuliere5. Tout d'abord, 1'ecriture chinoise n’a aucune parente avec 1'ecriture alphabetique et presente pour un Europeen d'enormes difficultes, ne serait-ce que pour l'execution des traits qui composent chaque caractere. Par ailleurs, le mot ecrit ne donnę pas toujours d*indication quant a sa prononciation. En outre, la prononciation est compIexe, basee sur des tons dififerents: la modification d*un ton peut
Lettre du pćrc de CHAVAGNAC du 30 dćcembre 1701, dans VISSIERE, op. c//, 1979, p. i 13.
Relations des jesuites, 1972, vol. 3, 1645, p. 41 {Re lat i on de J. LALEMANT).
THWAJTES, The Jesuit Relations [...], 1959, vol. 5, 1633, p. 190 {Relation de LE JEUNE).
POULIOT, Etude [...]. 1940, p. 164.
LIU Zhicheng, Hanzi yu Hucccia wenhua {Le caractire chinois et la culture chinoise), Chengdu, Bashu shuju, 1995, p. 34*35. 39-41. 50-64; Roland SANFACON, Dictionnaire kuaisu chinois-anglais-franęais, Sainte-Foy. Les Prcsses de rUniversite Laval, 1997, p. 4-19.